vendredi 15 décembre 2017

Distinction.

Quand Johnny s’en fut, il y en eut pour trouver l’hommage excessif et bien que nous pataugions dans la bienveillance, les tenants de la buzz attitude ont aimé rompre les consensus.
Pour avoir goûté l’esprit de contradiction jusqu’à satiété, j’ai préféré en la circonstance respecter la peine des nostalgiques de l’interprète de « Dadouronron ».
Le théâtral Insoumetteur en chef  drapé dans une rhétorique parfois universaliste peut-il comprendre que des émotions puissent porter au-delà des réunions entre cousins ?
Le président ayant ressenti l’émoi populaire est légitime pour participer à l’hommage comme il le fit pour la disparition de d’Ormesson dans un autre genre.
Je n’ai lu aucun roman de l’ancien éditorialiste du Figaro ni collectionné les vinyles du supporter de Sarko en dehors d’un « Gabrielle » dont les battements me « donnaient la patate ».
Mes coups de vieux rebaptisés échéances historiques sont survenus plutôt quand Rocard ou Maire sont morts, mais je ne dénie pas aux autres leur chagrin. Mon père aurait su pourquoi la disparition de Kopa me faisait quelque chose mais je n’aurai demandé à personne de sortir son mouchoir en papier.
C’est bien le rôle d’un chef de l’état de réconforter, honorer son peuple dans toute sa diversité quand l’occasion se présente: « Je vous ai compris ! »
Que le chef de l’état travaille à réunir le pays ne condamne pas à ingurgiter une tisane tiède mais pourrait amener plus de dialogues respectueux où les désaccords s’exprimeraient et les propositions s’élaboreraient. Que n’auraient dit les familiers de l’abstention s’il s’était abstenu ?
Le titre de cet article joue lui même à la distinction en reprenant un titre de Bourdieu mais aussi un mot de ma mère qui désignait toujours les gens « distingués » comme ceux d’une classe classieuse loin de la nôtre. Savoir les classes sociales et se tenir par les épaules, des fois.
Finkielkrault soulignant la réalité de la non unanimité de l’émotion nationale en inventant un « non souchien » malheureux n’a pas été à la hauteur ; il prétend aimer le temps long et pêche souvent par précipitation.
Par contre pendant ce temps, Régis Debray participait à l’hommage à Julien Gracq. Il est bien plus fécond en pointant l’institutionnalisation du show-biz avec notre Jojo en camélion qui fit tant de bien à tant de jeunes gens :
«  Si les corps doivent désormais être de la partie pour que l’esprit y soit, les conversations d’outre-tombe nous seront bientôt interdites. » Qui empêche de lire les auteurs morts ?
Il est vrai comme il le rappelle dans cet article du Monde au titre bien choisi : « Une journée particulière », parlant de notre ère : « celle qui voit plonger inexorablement les compétences de lecture des écoliers, brûler soixante-dix bibliothèques entre 1996 et 2013, les autres se reconvertir en vidéothèques par prudence. » Les chorales chanteront : «  Toute la musique que j’aime… »
C’est bien parce qu’il est de pacotille, à notre hauteur, que le rocker intelligible, le cow-boy camarguais fut si populaire. Dans les flots de paroles qui l’ont suivi en cortège, nous savions tous de qui nous parlions, ce que nous partagions : notre jeunesse.
« Est-ce la main de Dieu,
Est-ce la main de Diable
Qui a mis cette rose
Au jardin que voilà ?
Pour quel ardent amour,
Pour quelle noble dame
La rose de velours
Au jardin que voilà ?
Et ces prunes éclatées,
Et tous ces lilas blancs,
Et ces groseilles rouges,
Et ces rires d'enfants,
Et Christine si belle
Sous ses jupons blancs,
Avec, au beau milieu,
L'éclat de ses vingt ans ? »
Barbara
…………….
Dessins  de « L’express » de Neuchatel pour «  Courrier International » qui joue à « Charlie » et du « Canard ».

jeudi 14 décembre 2017

Les frères Le Nain. Jean Serroy.

Antoine, Louis et Matthieu appréciés dans leur siècle, le XVII°, avaient connu une éclipse au XVIII°, ils ont retrouvé une notoriété  au XIX°grâce à Champfleury, écrivain défenseur du réalisme. La charrette.
Et surtout les peintres ont appelé à ce qu’ils soient à nouveau exposés. Cézanne :
« C’est comme ça que je voudrais peindre », Van Gogh, Léger, et Dali les citent expressément comme Picasso: Le retour du baptême.  Le Grand Palais leur est consacré en 1978 après le Petit Palais en 1934.
Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble reprend le titre de l’exposition qui vient de fermer ses portes à Lens : « Le mystère Le Nain » pour compléter l’intitulé de son exposé « La poésie du réel ». Sous la signature « Lenain fecit  » qui ne précise pas de prénom, c’est leur atelier où furent produites 2000 œuvres qui additionnent les talents alors que seulement 75 toiles leur sont attribuées à ce jour.
Ce  Triple Portrait, les représenterait tous les trois.
Parmi cinq frères nés à Laon autour de 1600, ils sont trois à avoir suivi une formation de peintre : l’un est plus porté sur les paysages, l’autre sur les portraits, alors que Matthieu qui a survécu à ses deux frères morts à deux jours d’intervalle, est plus sensible aux éclairages caravagesques dans ses compositions. Famille de paysans dans un intérieur
Dans le genre prestigieux de la peinture d’histoire, avec tableaux pour un dieu unique voire rappelant d’antiques divinités multiples, où Ripa avait recensé les symboles et leurs significations : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/06/mythes-symboles-et-allegories-serge.html
Bacchus découvrant Ariane à Naxos, aux frais coloris, nous semble familier, loin du chaos habituel qui accompagne les apparitions célestes.
Un petit enfant au premier rang échappe à la mythologie dans Vénus dans la forge de Vulcain
et annonce la réalité brute de La forge.
«Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois.» Le Reniement de Saint Pierre entré récemment au Louvre, appartenait à la collection très importante qu’avait constituée Mazarin. 
Dans les séries de portraits de groupe, la réunion musicale, chaque personnage garde son individualité.
Il n’y a pas d’embellissement ni caricature dans les Portraits dans un intérieur avec une importance donnée à l’enfance remarquable quand il n’y avait pas si longtemps, Montaigne pouvait ignorer combien il avait d’enfants. Le soupirail et la cheminée se retrouveront représentés dans d’autres tableaux.
Dans les corps de garde, où se tape le carton règne La tabagie,
Les petits joueurs de cartes jouent aux grandes personnes.
Lors du Repas de paysans, le va-nu-pieds n’a pas accès au vin. La diversité des conditions d’une classe dont on ne se souciait guère apparaît.
Sainte Beuve dira de ses peintures qui identifient les trois frères  plus proches de la terre que du ciel :
« Rien ne dépasse d'une ligne la stricte réalité […] elle nous est livrée encore plus que rendue dans son jour habituel, dans son uniformité même et sa rusticité ».
La famille est heureuse au Retour de baptême, toutes les générations sont là.
Dans la famille de la laitière, l’âne tient une place centrale, cet animal pourtant au cœur de tant de civilisations a été peu traité en peinture, sauf lorsqu’il portait Silène, le père nourricier de Bacchus ou avec Jésus entrant à Jérusalem.
Le vieux joueur de flageolet s’est mis à la hauteur des enfants, 
et les Paysans dans un Creutte (une grotte) portent de plus vives couleurs. Leurs regards ont traversé le temps.
« Leur secret est bien plutôt dans cette juste intuition des êtres, qui refuse les airs dolents ou rêveurs et les sourires de convention, qui propose les visages tendus dans un instant d’attente ou de surprise, et choisit le moment où le regard vient se poser sur autrui : insistant, mais du même coup se livrant à découvert. On n’a pas suffisamment souligné que s’établit ainsi une nouvelle relation entre le tableau et le spectateur ». Jacques Thuillier

mercredi 13 décembre 2017

Venise en une semaine # 13

C’est en flânant que nous nous dirigeons vers la deuxième visite de notre programme la Ca Rezzonico
Au hasard nous pénétrons par un grand hall à pilier de pierre dans l’Ospedale San Giovanni e Paolo, mais c’est un hôpital, pas un musée. 
Nous tombons également sur le muséo della musica hébergé dans la Chiesa di San Maurizio : « Antonio Vivaldi e il suo tempo ». 
Violons, violoncelles ou viole de gambe, contrebasse et double basse, hautbois et toutes jeunes clarinettes, mandolines, guitares, luth, cithare, épinette et clavecin, vielle à roue,
tous les instruments sont répartis soit sous vitrines soit comme les deux contrebasses près de l’épinette exposées en majesté dans le chœur,
dans une ambiance musicale : «  la leçon de piano » de Michael Nyman.
Dans les ruelles étroites en direction du pont de l’Académie, nous faisons du lèche-vitrines et attirés par des galeries d’art contemporain nous franchissons le seuil de deux magasins presque face à face. Dans le premier des grands fauteuils de velours colorés prennent des formes inhabituelles et carnavalesques, très adaptées à l’imagerie, l’imaginaire, de Venise.
Dans le second, des bustes de baigneuses reposant leur tête sur des ballons répondent au style hyper réaliste : de légères gouttes d’eau perlent encore sur leur peau.
Des lumières judicieusement placées projettent l’ombre de silhouettes grillagées sur les murs. Moins intéressant nous trouvons le détournement de poupées Barbie.
Nous pressons le pas car l’heure tourne et la Ca Rezzonico ferme à 18h. Là encore nous passons de la fréquentation intense des spots touristiques au calme des musées.
La Ca est l’une des Ca les plus riches du Canale Grande. Des escaliers démesurés nous mènent à la grande salle de bal remarquable pour les deux lourds lustres aux motifs floraux et ses porte- plateaux en forme d’esclaves maures en ébène et autre bois.
Le guide du Routard ainsi que les plaquettes en français à disposition dans chaque salle nous permettent d’apprécier les détails et de mieux comprendre les peintures allégoriques des peintres comme Tiepolo. Nous traversons dans l’ordre : la salle de l’allégorie nuptiale, la salle des pastels, celle des tapisseries, le portego (corridor) la salles des lazzarini.
« Le portego était assez peu meublé mais il était décoré avec des armes, des trophées et les portraits de famille. On y organisait aussi souvent des réceptions à l'occasion des mariages ou lors des grandes fêtes ».
Pratiquement dans chaque salle du palais une couleur de tapisserie murale en tissu est assortie aux fauteuils et banquettes voire radassières. 
Certains objets, meubles ou plafonds proviennent d’autres palais correspondant au luxe de mise à la Ca Rezzonico.
Au deuxième étage, nous pouvons contempler deux toiles de Canaletto, peintre emblématique de la ville et peu présent semble-t-il dans les musées de Venise.
Est-ce sur l’un de ses tableaux où un vieil homme urine conte un mur et une femme secoue la poussière de son balai de paille ou sur ceux de Guardi ? 
En tous cas le parloir des nonnes qui décrit une réalité surprenante est bien de Guardi : seule une grille de séparation évoque l’isolement des religieuses, les personnages badinant devant un théâtre de marionnettes,  semblent éloignés des préoccupations transcendantales.
Plus loin les fresques de la villa Zianigo ont été exécutées par le fils de Tiepolo dans le tons clairs et pastels et dans « il mode nova », la prise de vue paraît tout à fait moderne pour l’époque, les personnages qui s’ébahissent devant la lanterne magique apparaissent de dos, cachant l’objet de leur curiosité.
On peut aussi se projeter dans la vie de nobles du XVIII° devant la chambre en alcôve et le berceau assorti, le « dressing » à l’arrière dont rêveraient bien des coquettes d’aujourd’hui pour ranger leurs atours.
La pinacothèque occupe le troisième étage nous le parcourons au pas de course.  Déjà rassasié de beautés et surtout parce que l’heure de fermeture approche. Nous avons eu juste le temps d’apercevoir la pharmacie reconstituée en bois avec ses cornues et ses pots en faïence mais difficile de voir derrière les vitrines en cul de bouteilles, sans éclairage.
Nous redescendons les trois étages qui en valent six d’aujourd’hui et nous nous arrêtons sur le Campo San Barnaba, décor d’ « Indiana Jones et la dernière croisade » où bienencontreusement siège une gelateria. 
Nous dégustons une glace assis face à l’église en regardant passer les touristes dans toute la variété des genres humains : ceux qui s’engueulent pour un problème d’orientation, ceux qui badalussent, ceux qui traversent d’un bon pas, les amoureux, les vieux, les jeunes.
Nous replongeons dans le bain de foule, la lumière est belle, le pas traînant.
Nous nous autorisons l’entrée de la Galerie d’Arte Contini près de la place San Marco, parmi les magasins aux marques prestigieuses. Nous sommes bien accueillis pour découvrir l’artiste Manolo Valdès à travers ses œuvres : Ménines de tailles et de matières différentes, chevaux de bois et cavaliers en bois de récupération déclinés en plusieurs dimensions et d’autres pièces avec têtes et cheveux en métal, la plus impressionnante est peinte en blanc. Combien de fois à Venise avons nous poussé une porte et été surpris, agréablement ?
Nous achetons du café sur le chemin du retour chez « Nino’s friend » puis passons le déposer rue des Miracles où nous logeons. Nous ne cherchons pas de nouveau restau pour ce dernier soir bien que ce soit un peu difficile de trouver une place en terrasse à la « Trattoria Antico Gatoleta ». Nous commandons bacala e polenta, ou spaghetti à la seiche noire, limoncello et relimoncello du patron qui facilitent la conversation avec nos voisins hollandais. 
Le lendemain partis à 11h 39 de la gare de Venise nous sommes  à Grenoble à 20h 27, après avoir été remis dans le bon chemin avant notre départ en train par une religieuse compatissante  et avoir franchi à pied sept ponts, réconfortés par un ultime café italien appelé « sublime ».

Pour la route, un rappel de vocabulaire spécifique à Venise :
Palina : poteau pour l’amarrage des gondoles.
Bricola : groupe de poteaux qui délimitent les canaux navigables.



mardi 12 décembre 2017

Blotch face à son destin. Blutch.

Blutch narre la vie de Blotch.
Le dessin est sombre, les années 30 pas gaies, le personnage principal est imbu de sa personne, sans cœur, sans humour. Pourtant il propose ses dessins navrants à « Fluide Glacial, le journal du véritable humour français», voire chez le concurrent «  Le rire populaire » où il ne persiste pas, allant sans conviction invoquer une ambition de peintre que sa compagne mal aimée n’encourage guère car cela risquerait d’occasionner des salissures.
Il faut s’habituer à cet univers où ne peut naître aucune empathie, alors un héros, négatif à ce point, en devient original.
Que ce soit avec ses confrères, avec une ancienne amie ou sa présente, au cinéma, ou en réception, il est odieux et lâche. Quelques chapitres sur les neuf qui scandent les 50 pages sont titrés : « Mariage sans amour » ou « Solitude ». 
Cet humour spécial  donne à réfléchir sur ce qui fait rire à une époque et nous accable plus tard, mais aussi sur les faux semblants, la férocité d’une société, où la médiocrité et l’amertume se portent sur les visages flapis.

lundi 11 décembre 2017

Makala. Emmanuel Gras.

Le réalisateur qui avait réussi son premier film « Bovines », autour de vaches en Normandie, nous a emballé avec cette dernière production se déroulant au Congo.
En Swahili, Makala signifie : charbonnier, celui qui fabrique du charbon de bois sous des meules recouvertes de terre. Nous suivons l’homme qui coupe des arbres, compose patiemment sa motte et achemine une quinzaine de sacs volumineux au moyen d’une bicyclette invraisemblable, très lourde à traîner, que les camions lancés à toute vitesse sur les pistes menacent sans cesse, jusqu’à renverser le chargement. Quelques villageois l’aident à reprendre son chemin de croix mais un autre individu lui prélève un sac après l’avoir intimidé. Les négociations pour écouler sa marchandise seront serrées. De magnifiques images et un tempo parfaitement maîtrisé nous font partager tant d’efforts insensés. Quand le film se clôt par un office religieux, on peut comprendre qu’il puisse y recharger ses batteries.
Esthétiquement pleinement réussi, sociologiquement juste, il est dépourvu de tout misérabilisme qui accompagne souvent les films du continent noir. Une paire de chaussures en plastique pour un cadeau à sa petite fille marque toute l’attention de cette belle figure humaine. Le courage, l’opiniâtreté de cet homme laissent croire à quelques moments de répit à l’avenir.
Les émotions sont violentes lorsque les camions déboulent en direction de la ville chaotique.
Et nous sommes ramenés aux éléments essentiels : le carbone qui se consume sous la terre, les arbres, les enfants, un poster de Drogba, un rat qui cuit sur le brasero. L’ambition de cet homme pour survivre appelle les mots qui s’appliquent aux récits mythologiques. Un grand film.

dimanche 10 décembre 2017

Elément perturbateur. Ivanov Alban.

La Vence Scène était pleine de jeunes adultes à la mèche négligemment entretenue portant presque tous une barbe naissante. Changement de bocal.
Mon voisin a beaucoup ri, moi j’ai souri, attendri par le one man show d’un bon gros, produit par Djamel Debouze qui pour être « un tueur » comme je l’ai entendu à la sortie, n’oublie pas le convenu : « mais non je rigole » après quelques horreurs téléphonées.
Le sketch concernant la conseillère d’orientation est semble-t-il culte chez ses nombreux fans, on peut les comprendre. Et la consommation d’un monstrueux tas de coke ou la séquence de mime poétique tournant au trash, les matchs de foot au niveau le plus bas, « en dessous c’est handball » sont bien amenés.
L’autodérision excuse toutes les outrances, quand un gitan est bien peu rassurant ou le médecin juif très occupé par ses multiples activités. Ses échanges avec le public sont risqués et son explication originale du cri du lanceur de javelot convaincante, comme une métaphore de sa propre prestation.
Je ne me suis pas ennuyé mais ma position en retrait est suscitée par des ficelles communes à bien des amuseurs : dans le genre chauffeur de salle « alors ça va Saint Egrève ? », suivi de clameurs d’emblée qui peuvent s’excuser pourtant lors d’un final bien ficelé. Mais la désignation dans le public d’un couple homo, d’une spectatrice hébétée me gêne toujours, entre violence « nique ta mère » et  excuses plates «c’est vraiment affreux ce que je viens de dire »

samedi 9 décembre 2017

La soif. Andreï Guelassimov.

Défiguré lors de la guerre en Tchétchénie, Kostia, un jeune tankiste n’est plus bon qu’à faire peur au fils de la voisine pour qu’il s’endorme enfin. Histoires d’explosés.
Il boit, sans atténuer sa soif, dessine pour son demi-frère et à sa demi-sœur qu’il va retrouver chez son père, un absent de la vie comme tant d’autres aperçus dans ces 129 pages.
Mais cette aptitude à dessiner n’apaise pas son mal de vivre qui se dévoile d’autant plus que les trémolos sont absents: il laisse les feuilles éparpillées. Ses frères d’armes qu’il suit dans un périple incertain apparaissent aussi comme des fantômes malades.
Le jeune homme semble le seul « voyant » dans ce pays farouche bien que ses paupières aient été brûlées.
Son apprentissage de sensations nouvelles se superpose à ses souvenirs d’une enfance ravagée et ceux d’une guerre absurde.
L’écriture est honnête, rude pour une réalité impitoyable :
« Il m’a dit de ne pas abandonner le dessin. Sinon, il reviendrait m’arracher la tête. Ou plus exactement- la caboche- c’est le mot qu’il a employé. » 
Je ne sais si la traduction est juste mais je retiendrais cette orthographe :
« auxrevoir »
Une seule lueur survient à la  toute dernière page :
L’enfant lui dit :
« - Je sais bien.
- Mais qu'est-ce que tu sais ?
- Que tu n'es pas méchant. C'est juste ta figure qui est comme ça. »