jeudi 30 novembre 2017

Retables sculptés en Allemagne. Daniel Soulié.

Des milliers de constructions portant des décors en arrière de la table d'autel sont présents dans l’espace germanique depuis une époque gothique qui s’y était quelque peu attardée.
Le conférencier est déjà venu présenter la ville de Berlin aux amis du musée de Grenoble http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/12/berlin-naissance-dune-capitale-daniel.html, il nous a donné un aperçu d’une production de sculptures particulièrement riche autour du XV° siècle entre Baltique et Tyrol, vallée du Rhin et Cracovie. Les écoles étaient nombreuses de Souabe, Franconie, Saxe, Westphalie... Autel à Blaubeuren.
Dans ces pays luthériens, le patrimoine où figurent quelques saints et tant de sculptures de la Vierge a été particulièrement bien conservé. Les guerres de religion et la révolution en France ont détruit beaucoup d’œuvres médiévales et la réforme à l’anglaise, iconoclaste, a été radicale. Le terme « gothique » était devenu péjoratif, en Italie les productions au goût du jour au XVIII° ont remplacé celles du siècle précédent, ce fut « la baroquisation ». L’Allemagne après la guerre de 30 ans n’avait ni le goût ni les moyens de ces fantaisies et quand la prospérité revint, les romantiques remettaient les Goths à la mode. Le retable des Clarisses Cologne.
C’est là avec Sainte Ursule (les Ursulines) dont on voit Trois de ses douze compagnes que se développa un commerce des reliques autour de « onze mille vierges ». Après parait-il une erreur de lecture, ce nombre est resté dans la légende, et dans la géographie pour certaines îles lointaines. Ce fut un des éléments qui a précipité, le 31 octobre 1517, Martin Luther à clouer ses 95 thèses sur la porte de l'église de Wittenberg, marquant ainsi la naissance de la religion protestante.
Dans la ville de Brandebourg sur Havel, qui fut une capitale du Saint Empire Romain Germanique, la cathédrale  Saint-Pierre et Saint-Paul, en pleine terre de mission catholique entre Elbe et Oder, appartient maintenant à l'Église évangélique. Dans certains lieux de culte les deux religions cohabitaient après s’être entretuées. Les retables souvent refermés ont pu y conserver de vives couleurs.
Pour celui du St Sang à Rothenburg, le travail de Tilman Riemenschneider est tellement remarquable que l’absence de couleurs deviendra la norme.
A Bad Doberan, sur la « route du gothique de briques » ou « gothique baltique », l’abbaye cistercienne fut une nécropole princière ; le retable présente une face pour la communauté des fidèles, l’autre pour la congrégation.
L’ouvrage consacré à Saint Georges à Wismar mesure huit mètres de long,
et le maître-autel de l’église de Blaubeuren  par  la famille Erhart a une hauteur de près de douze mètres. Pas toujours conservés, des gâbles (pignons triangulaires) fragiles surmontent la huche(caisse) qui repose sur une prédelle (socle) sculptée elle aussi.
Le plus grand retable en bois d'Europe est revenu à Sainte Marie à Cracovie après avoir été démonté par les nazis. Y figure l’arbre de Jessé (la généalogie de la Vierge).
Vers Lunebourg, ville rattachée à la ligue hanséatique et prospère grâce au sel, les bateaux transportaient aussi des œuvres d’art, depuis Bruxelles qui exportait ses produits artistiques en série et adaptables aux clients. Détail du retable d'Anver (1518), présentation de Jésus au Temple, Marienkirche.
Je recopie le travail d’un élève d’un lycée Maurice Ravel pour conclure autour de Tilman Riemenschneider.  Son art annonce la renaissance et « il est aussi intéressant par sa prise de position pour la guerre des paysans (1525), ce qui lui valut la torture, la perte de ses charges (bourgmestre) et la confiscation de ses biens » Retable de la Vierge église de Notre-Seigneur à Creglingen.
Cavanna :
« Les maçons du Moyen-Age savaient parfaitement que Dieu n'existe pas, mais ils espéraient qu'à force de lui bâtir des cathédrales, il finirait par exister. »

mercredi 29 novembre 2017

Venise en une semaine # 11

A notre cantine habituelle : « Ai Cugnai » pour un antipasti aux fruits de la mer à côté de gondoliers, nous sommes tout près de la fondation Guggenheim dans laquelle nous nous engouffrons.  
C’est bien sûr un joli endroit avec un jardin de statues. Nous démarrons avec la découverte d’un peintre abstrait américain Mark Tobey temporairement présenté ici, et une toile isolée de Modigliani.
La collection permanente présente une grande variété de peintres incontournables du XX° des cubistes aux surréalistes.
Tous les grands noms de cette époque y figurent : Picasso, Braque, Dali, Mondrian, Delaunay, Max Ernst, Magritte, Miro, Bacon, Pollock et j’en passe.
Calder est l’auteur d’un tête de lit commandée par Peggy,
quant à la fille de la mécène, Pegeen Vail, elle a sa place avec ses tableaux naïfs et ses sculptures en verre bleu monochrome bien mises en valeur en transparence sur des étagères devant les fenêtres.
On peut pousser la porte de la loggia qui surplombe le canal, là y pavoise l’ange de la ville de Mariano Marini sur sa statue équestre dont le cavalier montre un membre viril démontable pour ne pas offenser les visiteurs religieux.
Il nous reste assez de temps pour aller à Santa Maria Gloriosa dei Frari même en nous perdant quelque peu.
C’est la première église payante dans laquelle nous pénétrons, mais nous avons droit à un petit dépliant en français. Elle contient le tombeau monumental du Titien qui « aurait mérité mieux comme monument » comme dit Le Routard, bien que ce soit assez remarquable, des artistes à une telle place d’honneur. 
Plus curieux est celui de Canova en forme de pyramide de marbre au centre de laquelle une porte entrebâillée s’ouvre vers un inconnu très sombre.
A côté trône le tombeau du doge Giovanni Pesaro dont la statue repose sur quatre porteurs noirs ployant sous le poids du cercueil mais protégés chacun par un petit coussin ; des squelettes les séparent les uns des autres.
Claudio Monteverdi dans la chapelle des milanais se contente d’une dalle gravée au sol sur laquelle les admirateurs d’aujourd’hui ont disposé des roses. Seul un pupitre en bois avec une partition ouverte indique sa qualité de musicien.
La réputation de l’église vient surtout d’un chef œuvre du Titien, mis à l’honneur au fond du chœur, que Canova qualifiait de « plus beau tableau du monde ».
Voici l’Assomption : les couleurs chantent, les lignes marquent les mouvements des gestes en direction de Dieu, la vierge irradie en robe rouge et manteau bleu, sur son nuage soutenu par des angelots, les bras accueillant tendus vers le spectateur.
Il nous reste à voir le Saint Jean Baptiste de Donatello, une vierge à l’enfant de Vivarini, une vierge en majesté de Bellini et un autel de reliques enchâssé d’or d’un baroque confirmé.
Fin des visites pour aujourd’hui ! Nous nous traînons jusqu’à chez nous pour ne plus ressortir même pour manger.


mardi 28 novembre 2017

Astérix et la transitalique. Jean Yves Ferri, Didier Conrad.

Un 37 ° album après http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/10/le-papyrus-de-cesar-jean-yves-ferri.html , un de plus après 36 comme on disait  pour signifier "beaucoup", ainsi compris dans « 36 chandelles » aperçues à la suite d'un étourdissement. Le troisième pour Conrad et Ferri.
Evitant de m’enfermer dans le village d’irréductibles intégristes de la BD où fleurissent les recherches graphiques, les dénonciations politiques et les récits autobiographiques, j’aime me plonger parfois dans le « main stream » ( tirage 5 millions d’exemplaires dont 2 pour la France).
Scénario élémentaire avec de Monza à Naples, une course de chars venus de chez les Bretons
( Ecotax), de Lusitanie (Pataquès), du sud de l’Egypte ( Niphéniafer), des contrées nordiques ( Zerogluten) ou de l’Est (Ogouguimov)… qui auront quelques difficultés à vaincre sur son terrain Coronivarius, l’aurige masqué. Les Cimbres viennent du Danemark, ils ne sont pas « affranchis », les pirates toujours là.
Nous croisons quelques visages connus : de Berlusconi à Pavarotti, savourons quelques bons mots : « C’est ma première impression à froid », reconnaissons quelques traits contemporains où ne manquent pas les conflits d’intérêts, ni les publicités envahissantes et nous nous rassurons aux indémodables baffes envers les soldats romains : «  je vous demande de vous arrêter ».
J’aime le jeu avec les stéréotypes mais aussi me rappeler que l’Italie n’était pas d’une couleur unique comme le montrent les cartes décrivant l’emprise de l’empire romain y compris dans la botte.

lundi 27 novembre 2017

En attendant les hirondelles. Karim Moussaoui.

Je n’ai pas compris le titre bien que des critiques y aient vu l’attente d’un printemps arabe… quand on sait comment il a tourné.  D’ailleurs bien peu d’indices sont proposés pendant les deux heures de film pour croire en l’avenir.
Trois histoires sont contées, trois « fatalités », alors que le mot « destin » aurait pu convenir, mais il aurait fallu quelques perspectives de liberté à horizon des montagnes arides, j’allais dire d’ « indépendance ». Les mots sont décidément chargés dans cette Algérie.
Reste une poésie des routes, avec des bouffées musicales où les interdits sont ignorés un bref instant, et l’offrande de deux grenades, le fruit.
Les personnages les plus âgés bien qu’exerçant des professions qui leur apportent le confort portent culpabilité et résignation, vont-ils les surmonter ?
L’un accablé par les évènements, va-t-il céder à la corruption ?
Une jeune femme après une parenthèse ensoleillée, suivra-t-elle une trajectoire fixée par les hommes de sa famille ?
Un médecin affrontera-t-il son passé ?
Les acteurs, les actrices sont belles et beaux, le rythme immersif, les dialogues où se mélangent français et arabes bien menés.
Si les ellipses avaient été moins nombreuses, notre confort de spectateur en aurait été mieux assuré et le propos nous serait parvenu plus clairement.
Mais il faudrait savoir, lorsqu’on n’apprécie guère les vérités assénées, il faut se laisser aller.
En arrière plan, gravats et détritus jonchent les trottoirs défoncés mais nous pouvons partager aussi les illusions, les contradictions, les impasses, les douleurs, des protagonistes et leur volonté de vivre malgré « mektoub », l’increvable.

dimanche 26 novembre 2017

My Ladies Rock. Jean-Claude Gallotta.

Depuis une heure et quart, qu’on était pris avec l’envie d’applaudir après chacune des quatorze séquences, la salle a éclaté d’applaudissements dès que les cinq danseurs et les cinq danseuses se sont liés les mains pour saluer.
Comme très souvent, j’ai aimé  notre Jean Cloclo
dans cet hommage aux rockeuses.
Musiques énergiques, voix déchirantes, rythmes d’enfer.
Les danseurs se prennent et se lâchent, arrivent et repartent, seuls, à deux, à trois, à tous, à tu tu et à toi, vivement.
Les gestes propres au chorégraphe se retrouvent parmi des bourrasques de nouveautés, parfaitement adaptés à cette cérémonie où reviennent dans la salle proprette de la MC2  les torrides échos des scènes d’une jeunesse d’un autre siècle.
J’allais, dans une posture élitiste, attribuer à des façons de MJC, un côté projection de diapos, explications bien articulées et parfois convenues, mais c’est accordé en fait, tout à fait, à mon inculture rock.
J’ai reconnu la déchirante Brinda Lee : « So Sorry », et savais que Marianne Faithfull eut à voir avec Jagger, que Patti Smith aimait Rimbaud mais j’essaierai de retrouver Wanda Jackson une pionnière et Lissy Mercier Descloux inconnue dans mes bataillons décidément claisemés.
Joan Baez oui ça va ; quand les danseurs sont apparus sur une chanson a cappella dans une lumière qui ne révélait que leurs habits blancs, ce fut un des sommets.
Il y eut d’autres évi-dances avec Tina Turner ou Nina Hagen, Aretha Franklin et Janis Joplin « qui connut la malédiction des rockeurs en mourant à 27 ans deux semaines après Jimi Hendrix et neuf mois avant Jim Morisson. »
La danse c’est l’allégresse, la chanson l’enchantement, quoique le blues. Il y eut tant de morts.
Nous aurions pu aller jusqu’au matin, bien assis a savourer les chansons amères, les grains âpres des voix éraillées. Baez la sage avait chanté Joplin l’indomptable : 
« Dans le calme matin
Il y avait beaucoup de désespoir
Et dans les heures qui suivirent
Personne ne pouvait réparer
Cette pauvre fille »

samedi 25 novembre 2017

6 mois. Automne/ hiver 2017.

Trois reportages photos regardent le Japon :
- femmes de Yakusas,
- après Fukushima,
- et « le péril gris » concernant les problèmes démographiques de l’île avec en complément, pour ce sujet, un article de J.C. Guillebaud, « Immortel non merci » :
« Pour les sages de l’antiquité, c’est « le perpétuel recommencement », c'est-à-dire le flot cascadant de générations qui fonde la condition humaine.»
Une place de choix est bien sûr tenue par les photographes, mais un des collaborateurs de la revue semestrielle est épinglé dans l’éditorial, prouvant un sérieux et une honnêteté dont on pouvait se douter tant les 300 pages sont  toujours soignées, pédagogiques, intéressantes.
Cette fois c’est un papy pionnier de la photographie au Ghana dont la carrière est racontée, pas aussi fameuse que la biophotographie d’Aretha Franklin, mais bien colorée aussi.
Toujours varié géographiquement :
de Kiev où les mitraillettes ornent les murs des restaurants branchés qui s’y ouvrent à Caracas dans un quartier favorable au successeur de Chavez.
Et socialement :
Un agriculteur heureux près de Clermont Ferrand , une pasteure homo et maman, en Suède, et une famille de 124 frères, sœurs, neveux, cousins germains, d’une lignée qui croise Bretagne et Versailles.
La chronique de la proximité d’une belle-mère et d’une adolescente est plus embarrassante, le reportage au Nord de la Norvège avec les chercheurs du climat un peu conventionnel, mais le photographe qui se glisse parmi les canadiens qu’il met en scène est original, et la série d’instantanés toujours réussie, l’idée de confier des appareils à des réfugiés divers est féconde. L’histoire de l’image du CRS brûlé par un cocktail Molotov ne situe pas les gentils et les méchants comme d’habitude. 

vendredi 24 novembre 2017

Expression.

Pour éviter de trop alimenter ce blog aux resucées d’informations tombées des containers médiatiques, j’essaye d’étayer mes propos avec quelques expériences personnelles.
Un esprit de l’escalier rencontrant les limites d’un format lisible me conduit à compléter les écrits de la semaine dernière concernant la sélection. 
Mon bac, celui de 68, constituait un démarrage en flèche de statistiques de réussites qui firent perdre tout sens au diplôme. Même au rabais, celui-ci m’a pourtant suffi, dès le mois de novembre de cette belle année, pour me retrouver à 18 ans devant une classe : instit’.
Un sentiment d’illégitimité qui a mis du temps à s’avouer m’a conduit, je pense, à me surpasser pour compenser une formation proche de zéro.
C’est aussi que la culpabilité que nous vilipendions en critiques radicaux d’une pensée « judéo-chrétienne » était un bon moteur. Nous avions alors en face de nos véhémentes oppositions, des modèles impressionnants, des valeurs qui nous obligeaient.
C’était quand même autre chose que ces hoquets contemporains :
« C’est nul ! Je rigole ! Arrête de me prendre la tête ».
Nous riions très forts, très Charlie. Toujours Charlie.
Cet humour mis à la portée de tous les biberons avait pourtant stérilisé la plaine comme traitement au Glyphosate. Le terme « valeur » en dehors de la Bourse devient délicat à manier, depuis que la laïcité elle même a eu besoin de s’affubler de prudents adjectifs quand de grossiers personnages ont ramassé le mot abandonné, et que d’autres n’ont rien vu venir.
Mais je ne vais pas me cantonner aux évocations de 50 ans d’âge que vont activer, en 18, les commémorations envers le rouge soldat inconnu, voici une anecdote de la semaine dernière.
Une élève vient voir une prof à la fin d’un contrôle :
«  Madame j’ai honte, je n’ai pas pu m’empêcher, j’ai copié. »
Et demande de rectifier les réponses à l’exercice litigieux.
C’est bien que des valeurs lui ont été transmises et qu’elle les met en œuvre courageusement. Cet acte d’honnêteté nous change tellement des déplorations, voire des consternations paralysantes, plus habituelles. Dans un autre collège, une élève de 4° interrogée sur un état de fatigue manifeste précise que ce sont ses propres jumeaux qui la tiennent éveillée toute la nuit.
Au moment d’écrire, la pudeur, la discrétion peuvent s’opposer à l’expression qui est à la base de toute vie en société. Le minimum du respect de l’autre réside dans notre franchise à dire ce qu’on à dire : plus facile à dire qu’à faire.
Ma perplexité ancienne concernant les difficultés à s’exprimer y compris chez les adeptes du texte libre à gogo pour les élèves, s’aggrave à la vue des bavards réseaux sociaux qui sont essentiellement des compilations bien peu personnelles. Les éructations le plus souvent sous pseudos ne comptent pas.
Alors je cause. 
« Écrire, c'est l'art des choix, comme on dit à Privas. » Frédéric Dard
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Dessin de Willis, Tunisie, pour Courrier international :