dimanche 23 octobre 2016

A tour de rôle. Pierre David Cavaz.

Ne passez pas votre tour, si les deux excellents comédiens Müh et Zimmermann passent près de chez vous : ils sont excellents au service d’une pièce d’une heure dix, drôle, astucieuse qui les met en valeur.
Dans le petit théâtre de la MC 2, nous sommes à proximité des acteurs et de leurs jeux subtils, drolatiques qui expriment bien les solitudes d’autant plus crûment que les tentatives de s’inventer une autre vie tournent au fiasco tragi comique dans « La légion ».
L’auteur récemment disparu disait :
« Cette pièce, je l’ai écrite… pour le plaisir. Aucune livraison de message, aucune volonté d’analyser, d’éclairer ou d’interroger. Seulement le plaisir. Et plaisir rime avec rire » et délire.
Ce n’est pas tous les soirs qu’une note d’intention se réalise avec une telle évidence.
Dans  la première partie, « Le Pyjama en satin », nous ne savons plus où s’arrêtent les rôles des acteurs lors des répétitions virtuoses d’une pièce où l’absurde dit bien le théâtre du monde.
« C’est l’histoire de deux œufs dans une poêle.
L’un dit : «  oh ça commence à chauffer ! »
L’autre s’étonne : « c’est drôle un œuf qui parle »

samedi 22 octobre 2016

XXI. Automne 2016.

Un dossier consacré aux « ficelles du pouvoir » , même loin des spots habituels, est plutôt inattendu dans le trimestriel de référence:
- dans une des îles vierges appartenant à Richard Branson ( Virgin) recevant ses influents amis,
- à l’opposé comment  la ville de Grande Synthe s’embellit avec un maire écolo pas bobo,
- au Burundi où la peur règne.
Dans un pays voisin, le Rwanda, Marie Darrieussecq rencontre deux « justes » Hutus qui ont sauvé des Tutsis, toujours menacés plus de 20 ans après les massacres.
La misère n’est pas seulement à Manille où des familles vivent dans un cimetière,
mais aussi aux Etats-Unis, à Flint, où il est si difficile de résoudre le problème de l’eau empoisonnée par le plomb.
A Nancy, en France la cité judiciaire surnommée le Titanic prend l’eau et les dossiers s’entassent.
En Guinée forestière, retour dans l’épicentre de l’épidémie d’Ebola avec rappel dans un des compléments documentaires toujours utiles, de la difficulté de trouver un vaccin qui risque de ne pas être rentable.
Les dessins qui illustrent chaque article sont efficaces. Un film concernant les orthodoxes juifs craignant Dieu est présenté en dix planches, et le récit graphique de Sacco traite de la civilisation des indiens Dene au Nord du Canada dont les chiens de traîneaux ne sont presque plus utilisés, les motos-neige sont bien plus efficaces.
Il faut un entretien approfondi avec Serge Gruzinski pour entrevoir la richesse de son travail d’historien envisagé à l’échelle du monde.
Il s'est retrouvé à la gare de sa ville natale de Roubaix dans une situation plus périlleuse qu’au Brésil ou au Mexique face à des jeunes qui ont voulu l’éloigner : 
«  tu n’as rien à faire ici ! »
Lui qui plaide :
«  Chaque recoin de la planète peut accueillir aujourd’hui des religions, des mémoires, des modes de vie venues de différentes parties du monde. »
210 pages nourrissantes et bien écrites comme à chaque livraison,
avec quelques rubriques habituelles brèves et significatives :
cette fois un recueil de citations du nouveau maire de Londres Sadiq Khan.

vendredi 21 octobre 2016

Contre la bienveillance. Yves Michaud.

Je m’attendais à un pamphlet, comme je les aime, vachard et anti-conformiste.
Il s’agit d’un livre de réflexions philosophiques qui m’ont parfois dépassé, pas toujours aussi  percutantes que cette formule d’Hegel qui pourrait s’appliquer aux « marches blanches » :
« La confluence silencieuse des entités apathiques de la vie volatilisée ».
L’introduction est appétissante qui distingue la mansuétude comme vertu individuelle du « care » en politique et différencie : penser et sentir, concevoir et vivre.
«  Si nous voulons que le mot citoyen garde le sens qu’il a pris depuis les théories du contrat social, il nous en faut finir avec la bienveillance, la compassion et le moralisme, et revenir aux conditions strictes de contrat politique »
La naïveté et la gentillesse ne combattent efficacement ni les fondamentalisme religieux ni  le populisme. Ne les serviraient-elles pas ?
Pour m’être beaucoup réchauffé au club des « Bisounours », dont mon tour de taille porte trace et comme chez tout repenti,  je développe en ce moment un agacement certain à l’égard de cette fratrie.
Le mot « bienveillance » a envahi le domaine pédagogique avec tout ce que l’excès de son usage entraîne de mépris à l’égard de ceux qui sont en difficulté, en renonçant donc à les considérer comme acteurs de leurs progrès.
« L’égalité est un principe de constitution démocratique, pas un droit démagogique à la consommation de services pendant que se reproduisent en réalité les castes oligarchiques. »
La fraternité :
« Elle doit se voir substituer la solidarité, celle-ci impliquant que les citoyens soient solidaires non seulement pour partager les bénéfices mais aussi les sacrifices et tout ce qui  requiert la protection de la communauté. Ce qui signifie une fiscalité simple, allégée, unifiée, juste, strictement et constamment progressive, en lieu et place d’un système fiscal comme l’actuel où taxes, contributions spéciales et temporaires, exemptions, détaxations en tous genres brouillent toute lisibilité et incitent les fraudeurs fortunés à bénéficier au mieux de la complexité du système à l’aide de montages d’ingénierie financière. »
Bien des désillusions, des apathies présentes ne se résoudraient-elles pas avec une telle réforme ?
Ces 180 pages se situent au dessus des bavardages à propos du « revenu universel » et des vains cadeaux électoraux. Un tel ouvrage qui parle haut, contient dans son constat qui échappe au politiquement édulcoré, des éléments exigeants permettant de remettre sur l’établi, les mots qui nous éloignent des pleurnicheries : liberté, égalité, fraternité, laïcité.

jeudi 20 octobre 2016

L’aquarelle, une passion anglaise.

Avec le conférencier Gilbert Croué, les amis du musée de Grenoble ont pu passer du format  d’aquarelles originales de la taille d’une carte à jouer au grand écran, en ayant le privilège de découvrir des œuvres peu montrées en raison de leur fragilité. 
J’ai choisi en tête de ce compte rendu une « Vue de la campagne anglaise avec la Tamise, et le collège de Greenwich » par Delacroix choisie en dehors des tableaux présentés cette après-midi là que je n’ai pas forcément retrouvés dans les entrailles d’Internet.
On entrevoit le carnet de croquis qui recueillait les impressions vives d’un instant.
Les anglais ont excellé dans cette « petite forme » qui va à l’essentiel comme une sonate en solitaire alors que l’huile serait pareille à une symphonie. Une histoire d’eau ?
La  palette constituée de pigments liés à la gomme arabique ou au miel et ces pinceaux petit gris va bien dans les paysages privilégiés par certains maîtres. Ceux- ci ont fait leur « grand tour » descendant jusqu’à l’extrémité du monde, située à Naples, entre les années 1750 et 1880, avant de revenir dans le Sussex ou sur les bords de la Manche.
Dürer, Van Dick, Rubens, inspirèrent les anglais comme Canaletto dont « La Tamise de Somerset House Terrace vers la ville » a forcément un air de sa ville natale, Venise.
Ce fut le cas aussi de Le Lorrain connu outre Manche sous le nom de « Claude »  qui exprime toute sa sensibilité et sa sûreté de main, dans un « Paysage pastoral avec des grands arbres » au lavis.
Le très anglais, Paul Sandby, en topographe militaire, relève objectivement les données ; l’échelle et la profondeur sont données par quelques références humaines, ici une vue du château de « Windsor ».
« Le chemin du lac »  de Francis Towne est dessiné à la plume après une mise en place au crayon légère afin de disparaître sous les jus.
La lumière sculpte les plans du paysage : une partie de papier blanc réservée évite de perdre de la limpidité. Commencer par le plus clair pour aller vers le foncé : ainsi se « monte une aquarelle ». Alors, les vagues dynamiques sous les « falaises de l’île de Wight » d’ Edward Dayes nous éclaboussent.
« Si Girtin avait survécu, je serais mort de faim » avait déclaré Turner après la disparition de son ami à 27 ans. Pourtant le « Scarlet sunset » du « peintre de la lumière » était impressionnant, 43 ans avant  « Impression, soleil levant » de Monet.
Et son « Lac de Lucerne » !
Girtin, s’autorise plus de liberté, de lyrisme après un séjour en  Ecosse,  comme en témoigne sa « Cathédrale de Peterborough ».
et cette "Distant View of Whitby"

Sur «La plage de Brighton» de Constable, les nuages sont bien là. Il avait décidé de «travailler sans relâche d’après nature pour tendre vers une représentation simple et authentique».
Louis Francia était né en France, il a peint de nombreuses marines qui ont surtout séduit le public de Londres où il s’était exilé : «  La plage à Calais ».
David Roberts embarquant en Egypte avec ses carnets de voyage a pu allier l’exactitude face aux architectures anciennes  à  l’improvisation. Ses reproductions sont toujours vendues aux abords du « Temple de Karnak » ou à Pétra.
Dans la nuée de sable blond des orientalistes :
« Vue de la Casbah d'Alger » de William Wyld comporte quelques rehauts de gouache blanche, 
un « Intérieur au caire »  par John Frederick Lewis parait avenant.
Il avait incité Delacroix à se mettre à l’aquarelle.
John  Ruskin ne fut pas seulement un critique d’art redouté, mais aussi  poète, écrivain, peintre et aquarelliste brillant comme on peut le constater avec cette « Étude de gneiss ». 
Les « études d’insectes » du hollandais Herman Henstenburgh  illustrent la diversité des possibilités d’un art où il faut beaucoup de talent pour être simple : ainsi travaux scientifiques, architecture, projets de décors, portraits, au-delà des paysages et des voyages…
Entre 1750 et 1850, des associations rassemblant artistes et amateurs se multiplièrent.
Varley, "Pass of Llanberis",
Cotman,  "River landscape with cattle herd"
Cox, "L’escaut en Hollande"... eux aussi connurent alors plus qu’un quart d’heure de célébrité.

mercredi 19 octobre 2016

Equateur J 4. (suite) Cotacachi.

Cotacachi la ville du cuir, au caractère sud américain est coquette et bien entretenue, elle semble prospère.
Pour l’après-midi nous avons au programme la lagune Cuicocha (3246m) : « le lac des cochons d’Inde ».
Nous marchons sur le chemin « Los ancestros » », nommé aussi « chemin des orchidées » dont malheureusement beaucoup sont en fin de floraison.
Mais nous voyons d’autres plantes inconnues.
Le sentier surplombe le lac de cratère du Cotacachi, volcan « endormi » mais pas « éteint ».
Quelques moustiques nous attaquent lors de la petite randonnée et la pluie s’invite sans trop d’ardeur.
Nous ne poursuivons pas le sentier jusqu’au bout et rebroussons chemin pour prendre un petit bateau à moteur.
Vêtus de gilet de sauvetage pour une simple promenade autour des îles jumelles interdites d’accès Teodoro Wolf et Yerovi, nous approchons les foulques et les aigrettes.


Au retour nous avons droit à un vin chaud que nous apprécions, profitant du soleil revenu avant que les gouttes de pluie nous poussent à regagner le mini bus direction Santa Barbara dans nos familles.
Nous rentrons à pied et arrivons en pleine fête, Ernesto nous accueille chaleureusement avec de la bière et nous présente une partie des invités. Des enfants jouent dans la cour et Karen téléphone. Je m’éclipse pour écrire mon journal. Guy se mêle à l’assemblée, invité à danser la lambada puis à aller chercher les bêtes.
A la nuit tombée, une bonne partie des invités s’est retirée et nous prenons place autour de la table : Digna Maria, Ernesto, Huaïta la deuxième fille de la famille qui parle bien l’anglais et dont on comprend bien l’espagnol, un jeune cousin timide sans natte, et nous deux. Le menu se compose d’une soupe aux pinces de langoustine dans laquelle on trempe des beignets de bananes, du pop corn accompagné de jus de citron vert, d’un plat de riz agrémenté de haricots verts et d’une variété de petites  pommes de terre à la saveur particulière et de l’avocat. Nous avons droit à une part du gâteau d’anniversaire offert aux invités dans la journée. Ernesto s’endort, ce qui nous offre l’occasion de prendre congé. Guy estourbit une araignée replète dans la salle de bains.

mardi 18 octobre 2016

L’homme qui tua Lucky Luke. Matthieu Bonhomme.

Les héros de BD ne meurent jamais.
L’auteur ne manque pas de finesse pour rendre hommage, sans ironie, à l’original cow-boy qui arrive à ses 70 ans. Une atmosphère plus sombre s’installe qui conserve cependant la désinvolture et l’humour du juste justicier.
« Ouaip ! »
La nuit est là et les rues sont boueuses, LL doit changer de flingue mais ni de fringues, ni de cible : les ignobles sont pourtant excusés de leur méchanceté par des enfances difficiles.
On apprend pourquoi désormais il porte une herbe à la bouche, et que sa main a pu trembler, un peu, une fois, et son cœur, peut être.
Le trait est vigoureux, les cadrages efficaces, le scénario original est fidèle aux fondamentaux avec des clins d’œil qui vont ravir les nombreux adeptes du flegmatique solitaire.

lundi 17 octobre 2016

Voyage à travers le cinéma français. Bertrand Tavernier.

Trois heures de plaisir ne pourront remplacer tous les films que nous n’avons pas vus, ni épuiser la liste de ceux que nous aurions à revoir.
Le pédagogue chaleureux met en valeur ses confrères : du chef opérateur au compositeur de musique. 
Il finit de me guérir de mes conformismes de jeunesse qui excluaient tant de plaisirs.
Il réconcilie Godard et Gabin, Sautet et Eddie Constantine.
Il reprend les mots de Gabin :
« Renoir, comme metteur en scène : un génie. Comme homme : une pute ». 
Il nous livre quelques informations intéressantes.
Quel aurait été le sort de « Pierrot le fou » si Aragon qui avait été hébergé par le père de Tavernier n’avait vu le film invité par le futur réalisateur de l’Horloger de Saint Paul, alors attaché de presse, et n’en avait livré quatre pages très favorables dans Les lettres françaises ?
Trois heures trop courtes.