vendredi 24 avril 2015

Ça brûle !

Ce matin là, j’étais parti, grognant à propos de papiers jetés à côté des poubelles, mais dans la période comme les moments calmes deviennent une exception, je sens le besoin d’aligner trois mots pour évoquer quelques pas le long de la voie du tram qui déroule son tapis de verdure à travers une ville qui s’embellit. Je suis passé par un parc avec ses oiseaux, ses coureurs, ses amoureux, ses boomeurs et ses babies.
J’arpente mon territoire en paix où s’affirme le printemps, et je me réfugie face aux dérèglements du monde.
En fin de semaine dernière, des abrutis ont mis le feu à des locaux sportifs à la Villeneuve et au théâtre Prémol du village olympique.
Pourtant dans les parages les citoyens n’ont pas été dispensés dans leur jeune âge d’activités transversales concernant « le vivre ensemble ».
Dans les incertitudes de l’écriture, j’avais formulé d’abord « nos élèves ont mis le feu » pour assumer mon créneau comme d’autres dans les réseaux sociaux qui ne parlent que de Palestine ou de Grèce : moi c’est l’école et j’en décolle pas.
Non que je tienne à me fustiger particulièrement en une pose inoffensive, mais pour réagir  par rapport à d’autres qui à l’occasion ont ressorti le coût du stade des Alpes et patati c’est la faute au foot professionnel et patata, je ne suis pas la justice ... malheureux incendiaires !
Ceux qui ont été élevés par notre société, s’en prennent au bien public détruisant des années d’investissement bénévole, atteignant  la solidarité, le loisir, le plaisir et la réflexion.
Ne reste-t-il qu’à être consterné ?
Tout participe à la confusion. Des morts en Méditerranée, on passe à des propos des plus débiles évoquant la pédophilie des moniteurs de colonie de vacances en plein dans un reportage visant à illustrer l’intérêt des colos. Dans des commentaires sur Facebook, le pédophile, terme décidément très en vogue, est instituteur.
Dans Politis, Philippe Val par dessin interposé est grossièrement attaqué ; il s’est élevé contre la sociologie de bistrot qui vise à tout excuser. Le débat est clôt avant d’avoir commencé. Chaque jour, on peut relever la fuite face aux problèmes posés.
Statues détruites : parlez plutôt violences policières,
chasse à l’étranger en Afrique du Sud : voyez les scandales financiers …
« Dans certains cas l’automatisation consiste à repousser les limites de la déqualification, sauf que ce sont des capacités cognitives, intellectuelles, et bientôt peut-être émotionnelles, que nous acceptons de perdre. »
Cette réflexion dans Libé concerne les objets connectés et ce court extrait participe peut être à l’embrouillement des idées, mais cette deshumanisation n’est pas générée que par les machines, les religions  y contribuent …  et il faut croire aussi, l’école ! 
...... 
L'image de la semaine est prise dans "La Vie"

jeudi 23 avril 2015

François Boucher, le bonheur de peindre. Fabrice Conan.

Le conférencier, familier des amis du musée  de Grenoble, s’est appliqué à illustrer un portrait complet du représentant de la quintessence de l’esprit français en peinture qui n’a pas brossé que des angelots aux fesses roses. Le catalogue du parisien né en 1703 traite de mythologie, de religion, de campagne, des femmes …  « Le peintre des grâces »  dans son « portrait par Gustav Lundberg », ci-dessus, nous regarde.
Lui a été observé par son temps, attentivement, et ses œuvres ignorées pendant la révolution car très liées à l’époque de Louis XV,  pas focément le « Bien-Aimé » pour tous, seront particulièrement prisées sous le second empire.
En son temps, au XVIII° siècle, les écrits sur la peinture se multiplient, tant chez les critiques qu’en histoire de l’art. Diderot est partagé :
« Cet homme a tout, excepté la vérité. » 
« On y revient. C’est un vice si agréable. »
Et il est bien vrai que  ses couleurs, effets et matières engendrent du plaisir en regardant ses toiles, gravures, décorations, cartons à tapisserie, dessus de porte, et autres porcelaines.
Fils de peintre décorateur, il est marqué par son maître Lemoyne, peintre du roi ; il sera à son tour le maître de David. Il travaille comme illustrateur. Son apprentissage en gravures, comprenant des copies de Watteau, permettra plus tard la diffusion de son œuvre ; sa dextérité en dessin lui vaut de répondre à de nombreuses commandes.
- Le religieux : « Saint Barthélémy » occupe la totalité de l’espace, sur fond de château Saint Ange à Rome où il étudia, et « Joseph présentant son père et ses frères à Pharaon » porte des influences italiennes, comme « Salomon et la reine de Saba » tiennent de Tiepolo, et le «Sacrifice de Gédéon » comporte des lumières vénitiennes. Dans le tableau « Bethuel accueillant le serviteur d'Abraham », un chameau pointe son nez, pendant que les académies s’interrogent s’il convient de représenter une telle bête dans des scènes bibliques.
« La lumière du monde »  est commandée par la marquise de Pompadour pour sa chapelle privée qui tient dans un placard : la paix autour du petit Jésus rayonne et une poule bien rustique s’est glissée au premier plan.
- Dans les scènes mythologiques, les nus s’épanouissent en toute légalité, particulièrement avec « Diane sortant du bain », resplendissante.
Europe peut se faire enlever par ce taureau de Zeus, Vénus demander à Vulcain des armes pour Enée, Apollon se préparer pour son lever, tel le soleil, « La naissance de Vénus » dans le genre est un sommet, la déesse de l’amour toute timide est la reine au milieu d’une douce « exubérance » où les putti font la cabriole.
Si au XIX° siècle, les critiques d’art cherchent  volontiers qui est représenté dans les portraits, actuellement, bien des attributions sont contestées : est-ce madame Boucher qui aurait servi de modèle et Marie-Louise O'Murphy est-elle cette jeune femme couchée ? En tous cas « L’Odalisque blonde » est charmante et attirante. Et madame de Pompadour qui fut si importante pour sa carrière n’eut pas à se plaindre de l’image que donna d’elle « le favori de la favorite ».
- La campagne est recomposée dans les scènes pastorales, les paysannes aux pieds nus ont des vêtements soyeux, les colombes marchent sur le toit du charmant moulin. En « Automne pastoral », le berger est d’opérette, en « hiver » douce est la neige et la  petite fourrure autour du cou, seyante. Un détail charmant de ce tableau conservé à New York illustrait le catalogue annonçant la conférence.
- Les intérieurs sont plus réalistes mais pas moins attrayants : dans « La toilette », une jeune femme attache sa jarretière au milieu d’un désordre de bon aloi, 
et le baiser d’ « Hercule et Omphale » est chaud.
- Ses chinoiseries m’ont parues plus anecdotiques, mais témoignent avec ses décors de théâtre de la diversité de ses talents. Les angelots sont passés des plafonds devenus blancs à des formats plus intimes, leurs nuages rebondis invitent à nous asseoir et d’autres coussins en pile à nous affaler. Le plaisir est assumé, aucune morale n’attaquera notre moral, voile que vaille !  

mercredi 22 avril 2015

Taxi Téhéran. Jafar Panahi.

Le film est tellement  surprenant, vif, cocasse que nous resterions encore longtemps, dans la voiture conduite par le réalisateur à travers Téhéran, dont on ne voit pas grand-chose, la caméra étant tourné vers l’habitacle.
Le réalisateur empêché de travailler par le pouvoir traite ses  personnages avec efficacité, malice et empathie :  ainsi deux femmes croquignolettes obnubilées par des poissons qu’elles doivent relâcher, une petite nièce qui n’a pas la langue dans sa poche, un vendeur de DVD pittoresque et un ancien voisin tourmenté. Les protagonistes d’un accident nous font rire alors que la situation aurait pu être tragique. Une belle dame à la belle énergie, chargée de fleurs est une avocate qui cherche  à défendre une jeune fille emprisonnée car celle-ci envisageait de suivre un match de volley masculin.  Pourtant de là bas nous parviennent des raisons de croire encore au combat pour la dignité, la liberté, sans blabla, avec une énergie communicative.
Nous  assistons à plusieurs dialogues autour de l’insécurité qui ne nous dépaysent pas vraiment, avec un vif débat sur la peine de mort entre une institutrice et un voleur à la tire.
Peu importe que ce soit scénarisé, ce film vraiment sympathique, contribue l’air de rien à une réflexion sur le cinéma. Il dénonce dans un sourire une société si contraignante que les cris de quelques uns concernant les libertés qui seraient menacées en France paraissent bien anodins.
« L'art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté. » La citation de Gide pourrait s’appliquer à cette œuvre, mais  exprimée dans le confort d’un pays en paix, elle me semble trop absolue et presque inconvenante. En tous cas, au cœur d’une prison nous arrive un beau moment de liberté, de tendresse, d’humour, d’engagement. 

mardi 21 avril 2015

La revue dessinée. N° 7.Printemps 2015.

Dans la continuité du trimestre précédent : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/01/la-revue-dessinee-hiver-2015-n-6.html , la justice est très présente dans les 230 pages de ce recueil  de reportages en bande dessinée.
Justice aux yeux bandés, dans « Les barbouzes de la République », il est question du SAC.On revoit Foccart, Debizet, Pasqua dans ces années où les coups tordus ne manquaient pas, jusqu’à l’assassinat des gêneurs; alors on se dispensera de nostalgie.
Justice du quotidien, pour une journée avec un juge au tribunal d’instance confronté aux surendettements, aux curatelles. Sa fonction sociale est évidente.
Le travail patient des associations apparait pour une remise en cause des chefs d’état africains du Gabon, du Congo Brazzaville, de la Guinée équatoriale, les plus corrompus.
Les enquêtes sont documentées, complètes, vivantes.
Un autre sujet développé concerne les migrations, en suivant Frontex qui protège les frontières de l’Europe. En 2014, 3 419 migrants sont morts en Méditerranée.
Les rubriques habituelles épluchent un plan de « Play time » de Tati, et l’image du soldat soviétique qui plante le drapeau rouge sur le Reichstag.
Nous rencontrons la centenaire Montmartroise Gisèle Casadesus, révisons les années 93-98 dans l’histoire de l’informatique, faisons la connaissance du groupe musical masqué « The Residents » formé dans les années 60, et on revient sur le mot cannibale dans un chapitre consacré à la culture générale et  sur le mot antisémitisme.
 Celui qui en  explique l’étymologie est situé entre un juif et un arabe :
 « Votre bouffe est la même ! Tous ces mezze à base de pois chiches, d’aubergine, de boulgour, d’agneau… Quand on mange et qu’on chie les mêmes choses c’est qu’on est pareil, non ? »
Quant au futur, 6 pages sont consacrées au contenu de nos assiettes, à vous faire regretter par anticipation, les hamburgers de chez Mac Do et les mezze.

lundi 20 avril 2015

L’homme idéal. Yann Gozlan

Qu’il est bon parfois de voir un film déplaisant, il nous rattrape de molles appréciations positives et supportera toute mon amertume qui peut s’employer en ce moment dans bien des domaines.
Histoire d’un écrivain sans inspiration : le cinéaste qui cite lourdement des réalisateurs plus prestigieux en manque cruellement, d’inspiration.
Les affres d’un romancier débutant : même pas, l’acteur principal dont on fait tant de cas, Pierre Niney, semble absent de sa vie.
Il a trouvé dans un déménagement un manuscrit qu’il s’approprie et devient d’une façon fulgurante un auteur à succès ; j’espère que c’est un peu plus compliqué du côté de la rue des Saints Pères. Il lui suffit de quelques mots de Romain Gary, un précepte de  Stephen King  «2 500 signes par jour !», pour avoir belle voiture. Laissez Jack London en dehors de cette farce !
Le biquet s’était rendu d’emblée antipathique en faisant la leçon à l’éditeur qui l’avait refusé. Il devient criminel à répétition avec une facilité aussi déconcertante que son ascension sociale est aisée.
« L’homme idéal », pourquoi ce titre ? Même pas le gendre idéal, il est défaillant sur toute la ligne, devant l’écran vide de son ordinateur, avec la riche héritière qui lui tombe dans les bras. Son imagination, il la mobilise pour faire disparaitre ceux qui sont au courant de l’imposture, mais la godiche compagne n’a rien vu, pourtant il en fait des bêtises, l’empêtré du traitement de texte.
Il n’y a rien à sauver : la musique est lourdingue et je n’ai même pas pris de plaisir aux images mignonnes au moment où il met à l’eau un cadavre trop bien ficelé : ce n’était pas le moment !

dimanche 19 avril 2015

Aringa rossa. Ambra Senatore.

« Ah non ! je me suis dit au début, le coup de la danse sans musique, on nous l’a déjà fait ! »
Et puis les bruits arrivent, comme un sifflement de bouilloire, un avertisseur de recul, et des musiques.
Les propositions arty se succèdent vivement, n’aboutissent pas, mais surprennent parfois ou citent d’autres gestes de danse vus sur les plateaux ces temps ci.
La chorégraphe italienne qui fait mimer la jovialité méditerranéenne ou US en joue et rejoue, est une universitaire qui a travaillé avec Gallotta. Ses danseurs tombent parfois du plateau  ou continuent à chercher à danser dans la salle, la troupe s’excite autour d’une théière ou d’une clef, se fige au moment où une musique aux accents fox-trot pousserait à gambader, alors qu’ils se déchainent dans les silences. Les identités sont brouillées, les pistes déroutent.
« Aringa rossa » signifie hareng rouge qui en anglais est employé pour désigner une fausse piste, elles ne manquent pas. J’avais trouvé récemment un éplucheur dans une boutique bien achalandée, rue Lafayette, à l’enseigne du « concombre rouge ».
Une heure plaisante où nous pouvons rire, et c’est rare dans la danse, apprécier l’inventivité, la vigueur des neufs beaux acteurs-danseurs et danseuses-actrices.
Des amis qui avaient vu la veille un musicien muet et un danseur couché en guise de spectacle,  sous l’intitulé «  A corps et à qui », ont trouvé celui ci tout à fait plaisant, bien que déstructuré à loisir.

samedi 18 avril 2015

100 photos National Géographic. Reporters sans frontières.

Les nounours, je les aime quand je suis dans l’univers de ma petite toute petite, mais ils me laissent froids en général quand dans le même moment à l’autre bout du monde une petite fille se retrouve avec une ceinture d’explosifs sur le ventre.
Pourtant le recueil qui apporte son obole à la liberté de la presse, consacré aux animaux me semble bienvenu quand les hommes se déchirent.
Le sourire prêté à un perroquet feuille morte ou un poisson clown veillant sur ses œufs, des éléphants de mer ne se quittant pas de la nageoire, une jeune femelle bonobo aux lèvres barbouillées d’argile jaune nous ravissent.
Qu’ils soient flous, saisis dans l’urgence, ou au bout d’un longue attente avec des appareils automatiques sophistiqués, nous avons le détail des prises de vues par divers photographes impliqués dans leur combat pour la défense des espèces menacées qui font partager leur point de vue sur la beauté du monde.