mercredi 22 avril 2015

Taxi Téhéran. Jafar Panahi.

Le film est tellement  surprenant, vif, cocasse que nous resterions encore longtemps, dans la voiture conduite par le réalisateur à travers Téhéran, dont on ne voit pas grand-chose, la caméra étant tourné vers l’habitacle.
Le réalisateur empêché de travailler par le pouvoir traite ses  personnages avec efficacité, malice et empathie :  ainsi deux femmes croquignolettes obnubilées par des poissons qu’elles doivent relâcher, une petite nièce qui n’a pas la langue dans sa poche, un vendeur de DVD pittoresque et un ancien voisin tourmenté. Les protagonistes d’un accident nous font rire alors que la situation aurait pu être tragique. Une belle dame à la belle énergie, chargée de fleurs est une avocate qui cherche  à défendre une jeune fille emprisonnée car celle-ci envisageait de suivre un match de volley masculin.  Pourtant de là bas nous parviennent des raisons de croire encore au combat pour la dignité, la liberté, sans blabla, avec une énergie communicative.
Nous  assistons à plusieurs dialogues autour de l’insécurité qui ne nous dépaysent pas vraiment, avec un vif débat sur la peine de mort entre une institutrice et un voleur à la tire.
Peu importe que ce soit scénarisé, ce film vraiment sympathique, contribue l’air de rien à une réflexion sur le cinéma. Il dénonce dans un sourire une société si contraignante que les cris de quelques uns concernant les libertés qui seraient menacées en France paraissent bien anodins.
« L'art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté. » La citation de Gide pourrait s’appliquer à cette œuvre, mais  exprimée dans le confort d’un pays en paix, elle me semble trop absolue et presque inconvenante. En tous cas, au cœur d’une prison nous arrive un beau moment de liberté, de tendresse, d’humour, d’engagement. 

mardi 21 avril 2015

La revue dessinée. N° 7.Printemps 2015.

Dans la continuité du trimestre précédent : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/01/la-revue-dessinee-hiver-2015-n-6.html , la justice est très présente dans les 230 pages de ce recueil  de reportages en bande dessinée.
Justice aux yeux bandés, dans « Les barbouzes de la République », il est question du SAC.On revoit Foccart, Debizet, Pasqua dans ces années où les coups tordus ne manquaient pas, jusqu’à l’assassinat des gêneurs; alors on se dispensera de nostalgie.
Justice du quotidien, pour une journée avec un juge au tribunal d’instance confronté aux surendettements, aux curatelles. Sa fonction sociale est évidente.
Le travail patient des associations apparait pour une remise en cause des chefs d’état africains du Gabon, du Congo Brazzaville, de la Guinée équatoriale, les plus corrompus.
Les enquêtes sont documentées, complètes, vivantes.
Un autre sujet développé concerne les migrations, en suivant Frontex qui protège les frontières de l’Europe. En 2014, 3 419 migrants sont morts en Méditerranée.
Les rubriques habituelles épluchent un plan de « Play time » de Tati, et l’image du soldat soviétique qui plante le drapeau rouge sur le Reichstag.
Nous rencontrons la centenaire Montmartroise Gisèle Casadesus, révisons les années 93-98 dans l’histoire de l’informatique, faisons la connaissance du groupe musical masqué « The Residents » formé dans les années 60, et on revient sur le mot cannibale dans un chapitre consacré à la culture générale et  sur le mot antisémitisme.
 Celui qui en  explique l’étymologie est situé entre un juif et un arabe :
 « Votre bouffe est la même ! Tous ces mezze à base de pois chiches, d’aubergine, de boulgour, d’agneau… Quand on mange et qu’on chie les mêmes choses c’est qu’on est pareil, non ? »
Quant au futur, 6 pages sont consacrées au contenu de nos assiettes, à vous faire regretter par anticipation, les hamburgers de chez Mac Do et les mezze.

lundi 20 avril 2015

L’homme idéal. Yann Gozlan

Qu’il est bon parfois de voir un film déplaisant, il nous rattrape de molles appréciations positives et supportera toute mon amertume qui peut s’employer en ce moment dans bien des domaines.
Histoire d’un écrivain sans inspiration : le cinéaste qui cite lourdement des réalisateurs plus prestigieux en manque cruellement, d’inspiration.
Les affres d’un romancier débutant : même pas, l’acteur principal dont on fait tant de cas, Pierre Niney, semble absent de sa vie.
Il a trouvé dans un déménagement un manuscrit qu’il s’approprie et devient d’une façon fulgurante un auteur à succès ; j’espère que c’est un peu plus compliqué du côté de la rue des Saints Pères. Il lui suffit de quelques mots de Romain Gary, un précepte de  Stephen King  «2 500 signes par jour !», pour avoir belle voiture. Laissez Jack London en dehors de cette farce !
Le biquet s’était rendu d’emblée antipathique en faisant la leçon à l’éditeur qui l’avait refusé. Il devient criminel à répétition avec une facilité aussi déconcertante que son ascension sociale est aisée.
« L’homme idéal », pourquoi ce titre ? Même pas le gendre idéal, il est défaillant sur toute la ligne, devant l’écran vide de son ordinateur, avec la riche héritière qui lui tombe dans les bras. Son imagination, il la mobilise pour faire disparaitre ceux qui sont au courant de l’imposture, mais la godiche compagne n’a rien vu, pourtant il en fait des bêtises, l’empêtré du traitement de texte.
Il n’y a rien à sauver : la musique est lourdingue et je n’ai même pas pris de plaisir aux images mignonnes au moment où il met à l’eau un cadavre trop bien ficelé : ce n’était pas le moment !

dimanche 19 avril 2015

Aringa rossa. Ambra Senatore.

« Ah non ! je me suis dit au début, le coup de la danse sans musique, on nous l’a déjà fait ! »
Et puis les bruits arrivent, comme un sifflement de bouilloire, un avertisseur de recul, et des musiques.
Les propositions arty se succèdent vivement, n’aboutissent pas, mais surprennent parfois ou citent d’autres gestes de danse vus sur les plateaux ces temps ci.
La chorégraphe italienne qui fait mimer la jovialité méditerranéenne ou US en joue et rejoue, est une universitaire qui a travaillé avec Gallotta. Ses danseurs tombent parfois du plateau  ou continuent à chercher à danser dans la salle, la troupe s’excite autour d’une théière ou d’une clef, se fige au moment où une musique aux accents fox-trot pousserait à gambader, alors qu’ils se déchainent dans les silences. Les identités sont brouillées, les pistes déroutent.
« Aringa rossa » signifie hareng rouge qui en anglais est employé pour désigner une fausse piste, elles ne manquent pas. J’avais trouvé récemment un éplucheur dans une boutique bien achalandée, rue Lafayette, à l’enseigne du « concombre rouge ».
Une heure plaisante où nous pouvons rire, et c’est rare dans la danse, apprécier l’inventivité, la vigueur des neufs beaux acteurs-danseurs et danseuses-actrices.
Des amis qui avaient vu la veille un musicien muet et un danseur couché en guise de spectacle,  sous l’intitulé «  A corps et à qui », ont trouvé celui ci tout à fait plaisant, bien que déstructuré à loisir.

samedi 18 avril 2015

100 photos National Géographic. Reporters sans frontières.

Les nounours, je les aime quand je suis dans l’univers de ma petite toute petite, mais ils me laissent froids en général quand dans le même moment à l’autre bout du monde une petite fille se retrouve avec une ceinture d’explosifs sur le ventre.
Pourtant le recueil qui apporte son obole à la liberté de la presse, consacré aux animaux me semble bienvenu quand les hommes se déchirent.
Le sourire prêté à un perroquet feuille morte ou un poisson clown veillant sur ses œufs, des éléphants de mer ne se quittant pas de la nageoire, une jeune femelle bonobo aux lèvres barbouillées d’argile jaune nous ravissent.
Qu’ils soient flous, saisis dans l’urgence, ou au bout d’un longue attente avec des appareils automatiques sophistiqués, nous avons le détail des prises de vues par divers photographes impliqués dans leur combat pour la défense des espèces menacées qui font partager leur point de vue sur la beauté du monde.

vendredi 17 avril 2015

France culture papiers N°13 printemps 2015.

En  page une, Debray et Wolinski : je prends.
« Mon occupation préférée : dire des conneries avec des gens intelligents. »
La thématique principale était inévitable :
« Crise ou sursaut : que peuvent les politiques? »
avec Rosanvallon, Stora, Meddeb dont Bidar reprend l’émission, pour les plus attendus :
il le faut bien.
Après la marche républicaine du 11 janvier, « trop nombreux pour être récupérés » : ce tous ensemble exceptionnel interroge notre individualisme.
La reprise d’une chronique de Nicolas Martin est éclairante : dans les pays de culture du riz la coopération entre agriculteurs est nécessaire, beaucoup moins dans les pays de … blé.
S’interrogeant sur la crise de la représentation minée par nos impatiences, Claude Lefort est cité :
« Je vois la démocratie  comme un régime inachevé, cet inachèvement est même constitutif de la vie démocratique dans la mesure où il montre sa capacité à accueillir le conflit en faisant droit à l’indétermination du pouvoir »
Et il n’est pas inutile de faire le point sur les métamorphoses de la social démocratie dont Jaurès pensa l’articulation entre liberté individuelle et égalité sociale, Jacques Delors  parle de « la commission de la dernière chance » en matière Européenne.
Parmi ces rappels écrits d’émissions, il y a  bien sûr un portrait maison : Sonia Kronlund, productrice de la quotidienne « Les Pieds sur terre » mais ce n’est pas que pour exposer sa binette.
Ce numéro de près de 200 pages est  riche et varié :
Les arméniens en France, une enfance au goulag, la classe moyenne en  Turquie, des sons dans Paris au XVIII° siècle à  ce qui s’invente chez les transhumanistes de la Silicon Valley, Napoléon journaliste… Le Corbusier dont les sympathies nazies sont révélées alors que celles d’Heidegger se confirment, par contre Geneviève de Gaulle-Anthonioz apparait dans toute sa force et sa modestie.
Nous arrêtons notre regard sur la Célestine de  Picasso et comprenons l’importance d’Apollinaire dans la carrière de Pablo. Cannes, est bien la ville « des marches et du marché », et si je ne connais pas Richard Ford, pour 15 € j’aurai eu l’impression d’être un peu moins désemparé, le temps de  quelques lignes sur lesquelles se poser.
En évitant de tomber matin ou soir dans tous les Trapenard ni se faire flasher à chaque heure par les brèves info contigües.
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Les dessins qui accompagnent cet article sont copiés dans Courrier international, Mix et Remix les ont signés dans  le journal "Le matin Dimanche" de Lausanne

jeudi 16 avril 2015

Les bâtisseurs du nouveau réalisme.

Le conférencier Thierry Dufrêne pouvait reprendre son expression « singularité collective » pour qualifier le groupe du « Nouveau réalisme » lors de son deuxième exposé aux amis du musée, après  avoir, dans une séance antérieure, évoqué Klein et Tinguely dont il sera encore question dans la description des travaux de Restany, César et Raynaud, sujets du jour.
Pierre Restany est critique d’art, fédérateur du groupe.
Pour illustrer une de ses réflexions  considérant que le milieu urbain, industriel est une nouvelle nature, le rapprochement entre des tableaux patrimoniaux, en hommage à une nature rêvée et des productions plus récentes de tôle et de béton, est éclairant.
Jadis, les bergers du Guerchin et de Poussin dans les jardins des délices d’Arcadie découvraient la mort : « in Arcadia ego »  écrit sur un tombeau « Moi, la Mort, je suis aussi ici ».
Aujourd’hui, les voitures compressées de César sont, elles, des totems incontournables et un  pot de Raynaud  peint de la couleur rouge des habillages industriels et des interdits, rempli de ciment tel un sarcophage, ne porte plus de fleurs.
D’ailleurs, le cycle immuable des saisons peut s’oublier quand le dimanche devient un jour comme les autres.
César Baldaccini, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/11/cesar-au-musee-cantini.html est un bâtisseur, roi de la compression, de l’expansion et de l’empreinte.
Le méridional influencé par Germaine Richier est flatté de la reconnaissance de Giacometti.
Il rend hommage à Picasso avec un « Centaure » place de la Croix Rouge à Paris.
Son bestiaire de fer, riche de scorpions, chauve souris et autres gallinacés témoigne d’une variété des œuvres  impressionnante.  Quant à la « Vénus de Villetaneuse » ou « Ginette », elles sont marquées par les personnages figés dans les cendres vus lors d’un voyage à Pompéi.  Lorsqu’il évoque Valentin, un parachutiste mort en représentation, dans une série d’ hommes-oiseaux, réalisme et abstraction s’hybrident formidablement.
Jean-Pierre Raynaud, est connu pour ses pots de fleurs, il a eu une formation de jardinier, et les carreaux de céramique blanche sont sa signature. Il en avait recouvert l’intérieur de sa maison de la Celle Saint Cloud qu’il a détruite par la suite puis en a exposé les morceaux au musée d’art contemporain de Bordeaux.
Les nouveaux réalistes du vieux continent  ont recyclé les rebuts, héritiers de Duchamp et de ses ready made d’avant 1914. Ils sont contemporains, dans le nouveau monde, du pop art qui a mis des couleurs à la société de consommation, avec Andy Warhol  qui disait que Pierre Restany était un mythe :
«     … le nouveau réalisme : une façon plutôt directe de remettre les pieds sur terre, mais à 40° au-dessus du zéro de dada, et à ce niveau précis où l’homme, s’il parvient à se réintégrer au réel, l’identifie à sa propre transcendance, qui est émotion, sentiment et finalement poésie, encore. » Pierre Restany