jeudi 21 mars 2013

Fragonard à Grasse.



Jean Honoré Fragonard le peintre des scènes galantes a son musée dans sa ville natale  grâce à l’entreprise de parfumerie qui porte son nom, bien en vue dans la place parmi les Galimard  et autres Molinard.
Après avoir apprécié dans une boutique du vieux Grasse le parfum « Cambouis » d’un créateur pour les délices olfactifs, présenté dans sa burette aux fragrances presque trop discrètes, nous nous sommes rendus à l’hôtel de Villeneuve rénové pour recevoir les visiteurs en route vers le XVII°.
C’était le temps des robes soyeuses où une jeune fille blanchette et rondelette délivrant un oiseau de sa cage le retient par un ruban délicatement tenu entre deux doigts. 
Quand elles se retrouvent à plusieurs à s’ébattre au bord de la rivière, les eaux en bouillonnent.
J’aurais tendance à moins m’attarder sur les  peintures religieuses, paysages, ou d’autres charmants portraits plus conventionnels comme ceux de sa belle sœur Marguerite Gérard visible dans les murs.
Mallet (Jean Baptiste) est aussi présenté, il sera un témoin du directoire et de l’Empire, alors que son ainé est lié aux images qu’il a contribué à former d’une époque où régnait la du Barry, dernière maîtresse de Louis XV.
Une lettre faisait toute une histoire.

mercredi 20 mars 2013

Le Louvre # 3 : le Grand Dessein s’achève.



Voltaire en 1745 dénonçait le délabrement du Louvre.
« Louvre, palais pompeux dont la France s'honore,
Sois digne de Louis, ton maître et ton appui
Sors de l'état honteux où l'univers t'abhorre
Et dans tout ton éclat montre-toi : comme lui »
Sous Louis XV des édifices accolés au palais et à ses ailes sont démolis.
Louis XVI et Marie Antoinette reviennent  prendre place dans leur cage dorée en septembre 1789 ; au cœur de la ville pourront-ils mieux comprendre la vie de leurs sujets qu’à Versailles ? Le palais est remeublé et l’assemblée nationale investit la salle du manège.
En août  1792 l’assaut du Palais des Tuileries marque la fin du règne monarchique.  
La Convention s’y installe. Un hémicycle et des tribunes pouvant recevoir 1800 spectateurs sont installés dans l’ancienne « salle des machines ». La décoration est sobre.
Une première exposition de l’académie royale de peinture avait eu lieu dans les appartements  occupés par Anne d’Autriche et la galerie du bord de l’eau préfigurait un musée. Dans le salon carré sont présentés jusqu’au haut plafond des œuvres destinées à présent à  un public  plus large pour redonner vigueur à un « grand genre » qui n’est plus enseigné.
Dans l’encyclopédie parait un plaidoyer pour que le palais multiséculaire devienne un musée.
En attendant Rubens peut être vu au palais du Luxembourg.
En  1792, le musée est opérationnel, les collections sont élargies avec des biens saisis du clergé et des émigrés.
La voûte de la Grande galerie est percée pour un éclairage zénithal.
Le produit des conquêtes napoléoniennes  amènent de nombreuses œuvres installées par Vivant Denon. Le buste de l'Empereur sera en bonne place après un bonnet phrygien qui surmontait la coupole.
L'Arc de Triomphe du Carrousel est édifié avec à son sommet les chevaux de la basilique Saint-Marc de Venise, qui seront restitués en 1815.
Balzac dans La cousine Bette : « L’existence du pâté de maisons qui se trouvent le long du vieux Louvre est une de ces protestations que les Français aiment à faire contre le bon sens, pour que l’Europe se rassure sur la dose d’esprit qu’on leur accorde et ne les craigne plus… Voici bientôt quarante ans que le Louvre crie par toutes les gueules de ces murs éventrés, de ces fenêtres béantes : "Extirpez ces verrues de ma face !" On a sans doute reconnu l’utilité de ce coupe-gorge, et la nécessité de symboliser au cœur de Paris l’alliance intime de la misère et de la splendeur qui caractérise la reine des capitales. »
Après bien des aléas Napoléon III bouclera le « Grand Dessein », celui d’Henri IV, avec des guichets portes d’entrée d’un très vaste espace dévolu désormais à l’art.
En 1871, un incendie allumé par les communards consumera la Palais de Tuileries.
Edouard Balladur aura beau retarder l’échéance, les derniers occupants du ministère des finances déménagent à Bercy en 1989.
François Mitterrand a voulu le grand Louvre qui s’ouvre à 10 millions de visiteurs annuels sous la pyramide de Peï que le conférencier Fabrice Conan n’apprécie guère pas plus qu’il ne voit d’un bon œil les décentralisations du Louvre à Metz et Lens.
Je suis au contraire content que l’histoire ne se fige pas, que les œuvres voyagent. Nous irons à Paris, mais Delacroix chez les cht’is ça me convient, n’en déplaise aux enfants d’Edouard.

mardi 19 mars 2013

Quai d’Orsay. Lanzac & Blain



Grand succès pour  le tome 2 de cette BD qu’il a fallu commander à la FNAC qui court  pourtant au devant de ce qui est déjà consacré; il n’y en avait plus.
Oui c’est  de De Villepin dont il est question sous le nom d’Alexandre Taillard de Vorms au moment de la guerre au Royaume du Lousdem le pays qui menaçait le monde « libre » de Dubleyou avec ses armes de destruction massive.
Nous passons de New York à Moscou avec Arthur Vlaminck un des conseillers du ministre des Affaires Étrangères à la suite de l’énergique escogriffe au charisme entrainant.
« Et c'est un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'Histoire et devant les hommes. »
C’était en 2002, ça avait de la gueule.
Et les coulisses croquignolettes avec des allergies aux poils de chat, les joggings, un rythme fou, des improvisations,  mais aussi de la culture, sont drôles et instructives.
Alors que l’on s’afflige parfois du cynisme et de la perte de valeurs de beaucoup de cumulards,  à ce niveau,  à cet instant de l’Histoire, malgré les faiblesses des hommes ou à cause d’elles, nous  pouvons apprécier la politique qui va au delà de quelques petits tas de secrets amusants.

lundi 18 mars 2013

Syngué sabour. Atiq Rahimi.



Une femme afghane veille son mari dans le coma : la situation n’était pas forcément cinématographique.
L’actrice d’origine iranienne Golshifteh Farahani dont tout le monde a loué la beauté nous tient éveillés pendant une heure quarante, et sa misérable condition nous concernera au-delà du générique de fin.
Le réalisateur a adapté son propre livre et nous avons cheminé dans ses images comme dans un roman.
Syngué sabour signifie « la pierre de patience » à qui on confie ses secrets jusqu'à ce qu'elle éclate ; le divan n’est pas confortable mais la psychanalyse sera efficace.
Etouffée sous les voiles tissés par des siècles d’obscurantisme religieux auxquels s’ajoutent la misère et la guerre, cette femme se dévoile et révèle crûment l’histoire de son mari immobilisé par une balle dans la nuque.
Nous ne percevons des guerres que les explosions, et le temps que la poussière retombe, nous passons à autres choses. La vitalité des femmes prend encore plus de force dans cet univers asphyxiant : d’un placard, à une pièce vide, à une maison sans eau, à une ville dévastée, bien des existences sont condamnées à l’enfermement et pourtant la vérité peut advenir, l’espoir exister et des mots d’amour venir à un bègue.
Dans le magazine Marianne, Jean Claude Carrière qui a participé au scénario précisait :  
« L'hindouisme, c'est un poing fermé. Le bouddhisme indique du doigt une voie.»
Après qu’Atiq Rahimi ait dit qu’il avait tourné un film hindouiste.
Sûrement pas islamiste.

dimanche 17 mars 2013

Orage. Strindberg. Osinski.



Un homme qui aborde la vieillesse voit son ancienne femme s’installer dans l’appartement au dessus de chez lui,  anciennement chez eux.
L’essentiel se joue derrière la baie vitrée de ce rez-de-chaussée où leur petite fille a grandi,  jusqu’à une séparation énigmatique. Il avait repris une vie de célibataire après s’être séparé de sa femme et de sa  fille.
Cet épisode d’un mélancolique automne de la vie convient bien à la salle intime du petit théâtre de la MC2.
A la sortie du spectacle qui tient près de deux heures, nous nous sommes retrouvés à front renversé avec la dernière de notre groupe d’amis à avoir résisté aux mises en scènes d’Osinski qui cette fois « ne se la joue pas ».
Elle, femme affirmée, a compris ce vieil homme dans sa volonté d’arrêter le temps, et moi qui renifle trop volontiers les parfums émollients de l' automne  j'ai trouvé des circonstances atténuantes à la jeune femme renvoyée bien vite aux stéréotypes de tyran domestique. 
Le personnage qui se verrait bien en pauvre biquet a viré au bouc désodorisé avec soubrette discrète mais accorte, son ex qui vient de se faire larguer pour une plus jeune est tentée  semble-t-il par une saison 2.
Des éclairs scandent  les trois actes, mais le tonnerre n’éclate pas, l’été est étouffant en pays froid.
- C’est mauvais de rester trop longtemps dans les vieux souvenirs.
 - Pourquoi ? Quand le temps a passé, ils sont tous beaux…
- Mais Monsieur peut encore vivre vingt ans, c’est beaucoup pour s’installer déjà dans des souvenirs qui s’estomperont, et qui finiront même par changer de couleur.

samedi 16 mars 2013

France Culture papier. Printemps 2013.



La page de couverture du numéro 5 a privilégié, Proust,  Moscou, la prostitution, Depardieu …
J’ai retrouvé Philippe Meyer, toujours délicieux qui propose deux traductions à « I would not dignify this question » de Tommy Lee Jones en réponse à une question du grand Journal de Canal + :
«  A sotte question point de réponse »
« Je ne voudrais pas conférer à cette question l’ombre d’un intérêt en y répondant. »
Et c’est dans un des articles consacré à Moscou qui à priori ne me concernait pas au plus haut point que j’ai trouvé cette description du Net:
Runet, c’est l’internet russe.
« Il n’y a plus de Russie en ce monde mais un nouveau pays, Runet. L’alphabet cyrillique s’est éclipsé, les villes et les régions ont disparu, notre nouvelle capitale : www. Les sites sont autant de localités de tout poil, certaines plus peuplées où chaque kilo-octet est chargé, certaines bâties de gratte-ciel, portails ou vitraux chamarrés, d’autres compromettantes, montagnes où des rebelles se battent au couteau. Cités fantômes, sites inhabités, abandonnés où bronze tout un chacun comme un cornichon marinant dans son jus, forum où on se glisse pour clavarder à la recherche d’une continuité. Le pirate informatique envoie des bombes par courriel  suspendu à la toile dont les liens se multiplient, où il ne reste plus de trou. C’est ainsi qu’on vit en Runet, les souris cliquent des talons, dégustant gratis leur fromage, c’est la fin du règne géographique, nous sommes hébergés dans un bal historique où l’univers s’isole en ermite dans une boite avec un écran. Nous jonglons avec lui hors de la société où tous jouaient à la guerre et aux embouteillages. »
J’ai lu distraitement Depardieu que j’avais entendu délivrer ses certitudes grossièrement déjà sur France Culture ; je le préfère quand il dit le texte des autres.
Le dossier principal sur la prostitution remonte au moyen-âge, passe par Maupassant, il est question des garçons de joie, d’un distributeur de capotes dans sa camionnette, et de Kant qui identifie la mise à la disposition de son corps à autrui à une vente d’organe.
Des intellectuels venus d’un milieu populaire décrivent leur situation entre deux cultures et ces distances que j’ai éprouvées m’ont intéressé.
Une reprise d’un entretien de Duras en 1963 à propos de Proust est de haute volée.

vendredi 15 mars 2013

Existe-t-il un sentiment d’appartenance à l’Europe ?


Il fait  bon voir de nouvelles têtes pour rallumer la flamme bleue d’un continent  vieillissant dont les dépenses sociales prennent le pas sur les investissements éducatifs : dire qu’Erasmus était menacé !
Les mots de crise envahissent les têtes : crise financière, budgétaire, monétaire, sociale et institutionnelle. Les rosbifs  sont rétifs  et l’Angela des länder en leader revêche ne fournit pas vraiment des ailes aux rêves. Pourtant le besoin d’un capitaine est évident pour sortir de la paralysie.
Est-ce que nous vivons un déficit de confiance des jeunes envers l’Europe ou l’inverse ?
Mélanie Gros étudiante à Grenoble de retour de Lituanie où elle a effectué un stage d’éducatrice avait choisi ce pays car elle n’avait pas d’à priori, elle apporte sa vision fraîche de citoyenne européenne qui souhaiterait une équivalence des diplômes.
Guillaume Klossa d’Europa Nova, plus politique, ancien collaborateur de Jean-Pierre Jouyet,   ne se prononce pas à propos de plus ou moins de fédéralisme mais rappelle les valeurs partagées  sur notre continent, à ne pas confondre avec l’Union européenne:
le respect de la dignité humaine,
le développement durable
la séparation entre vie privée et professionnelle.
Peter Matjasic né dans  un pays qui n’existe plus, en Yougoslavie, est comptabilisé comme  slovène,  en parlant six langues mais pas celle de bois,  il était taillé pour devenir président du Forum européen de la jeunesse. « Les frontières de ta langue sont les frontières de ton monde »
Au-delà des paroles attendues : « manque de coordination, manque d’information »,  j’ai aimé l’énergie de ces intervenants au forum 2013 de Libération qui font croire que les intentions ne sont pas que des mots creux.  J’ai le sentiment d’avoir aperçu un échantillon d’une nouvelle élite qui ne tromperait pas son monde en se disant européen tout en ne l’étant pas dans les actes.
Des solutions existent sur le papier  mais le courage politique bien limité en ce moment  ne favorise pas  la mobilité  qui sortirait de la cosmétique et entrainerait vers des horizons  plus exaltants  l’ensemble d’une génération et non une pincée.
Les britanniques jeunes sont favorables à l’Europe.
...........