lundi 16 avril 2012

El chino. Sebastián Borensztein.

Le surréalisme a beau être consubstantiel à la littérature sud américaine, il faut savoir que la vache qui tombe du ciel en ouverture du film, c’est du vrai.
Par la suite, la rencontre d’un chinois et d’un quincailler maniaque sera plus paisible, même si le caractère de l’Argentin ne le conduit pas d’emblée aux effusions fraternelles.
Le titre « le quincailler argentin » aurait mieux convenu tant le chinois se fait le plus discret possible.
Parmi les difficultés de vivre peuvent naître des rires, l’absurde va aussi avec le joyeux hasard, la solitude cloutée avec l’amour le plus confiant. Le plus buté des hommes peut se montrer compatissant à l’égard de son frère.
Depuis notre pays dit des droits de l’homme où un Guéant faisait la loi, la démonstration qui emprunte les voies de l’humour est encore plus efficace avec ce film sympathique venu d’ailleurs.

dimanche 15 avril 2012

Les Fatals Picards. Coming out Tour.

La bande des quatre a la pêche, mais heureusement que je connaissais les paroles de certaines chansons, car sous le fracas de la batterie, à l’"Hexagone", il m’était difficile d’avoir accès aux jeux des mots qui font pour moi le charme du groupe.
Je n’ai plus l’âge d’aller danser devant la scène comme l’on fait bien des jeunes attirés par l’énergie de la musique, dérogeant gentiment aux usages du théâtre. Cependant je ne suis pas sûr que les meylanais bien nés sachent tous ce qu’étaient les comités de soldats, ni la classe ouvrière dont les lascars drôles parlent toujours avec tendresse et humour.
 Rock, reggae, punk sous des lumières punchies, la soirée fut électrique et je suis retourné sur l’ordi pour goûter les paroles. Avec leur humour tout passe, et je trouve qu’ils font œuvre de salut civique et de stimulant d’une gauche qui n’oublierait pas ses racines populaires, ni ses profs.
Ils passent joyeusement à la moulinette les bonnes consciences qui s’étalent aux « Enfoirés », chez les bobos de retour à la campagne, et gentiment avec l’homme le plus populaire de France : Yannick Noah…
Après un coming out :
« Ta mère a su, mine de rien 
Ne faire qu'une demi-crise cardiaque » 
Pour ceux qui oublient toute responsabilité en découvrant qu’on aurait mis quelque chose dans leur verre :
« 40 ans chez les scouts 
Pour en arriver là 
Et finir sur facebook » 
Souvent rudes :
« Moi je vis chez Amélie Poulain 
Le pays où tout va bien 
Chez Amélie Poulain 
Le pays où on ne meurt qu’après le générique de fin »
 Ils sont justes et même si leur son est fort, ils sont forts.

samedi 14 avril 2012

Qui peut battre Sarkozy ?

J’ai découpé quelques phrases dans les journaux qui s’étaient accumulés pendant la parenthèse enchantée où j’ai accompagné une classe de mer en Bretagne.
- « Mon prochain statut sera ancien président, et celui-là durera très longtemps. Alors je ferai comme Bill(Clinton) ou comme Tony (Blair) : je ferai des conférences et là, je me bourrerai ! » 
 Le futur ancien président se confiait à un ancien directeur du « Monde ».
- Elisabeth II :  
« Comment se fait-il que vous autres économistes n’ayez ni prévu ni anticipé cette grave crise économique ? » 
- A propos de Raymond Aubrac, Demorand :  
« Alors qu’ils vieillissent et disparaissent, ces hommes et ces femmes nous enseignent, comme le disait le philosophe Jacques Derrida, qu’il est possible d’hériter sans jamais devenir conservateur. » 
-Manifestation d’athées à Washington :  
«Seuls les moutons ont besoin de bergers » 
« Tant de chrétiens, si peu de lions » 
Pour avoir éprouvé la vanité des ambitions à persuader mon monde de l’évidence de la gauche pour vivre dans une société harmonieuse, je ne vais pas prétendre délivrer des consignes.
Simplement à l’encontre de ceux qui cultivent comme jadis dans les taiseuses campagnes, les silences hypocrites de leurs intentions en politique, je claironne face au bastringue qui nous a assourdis cinq ans :
 « qu’ils s’en aillent ! » 
J’ai beau aimer Victor Hugo dont je lis avec bonheur « L’art d’être grand père », je ne marche pas derrière les incantations lyriques qui invitent à reprendre des Bastilles, sempiternellement.
Qui peut battre le sortant ?

vendredi 13 avril 2012

L’individualisme a-t-il tué la solidarité ?

Emmaüs participait à ce débat de Libé à Grenoble début 2012 avec le Secours Catholique.
Ces associations qui servent d’amortisseur à la crise suivant les mots d’Etienne Pinte, député UMP, également à la tribune, n’étaient pas forcément les mieux placées pour évaluer une perte d’énergie solidaire. En effet ces groupes bien connus reposent sur les bénévoles dont le nombre augmente.
La réflexion générale a été mise en retrait au bénéfice de questions plus urgentes.
Au pays du luxe, le nombre de pauvres progresse et dépasse les 7 millions, la nécessité de l’aide s’accroit avec la crise.
 Le bénévole n’est pas un travailleur social et si avec lui les rapports humains peuvent être dépourvus d’enjeux administratifs, son rôle est à redéfinir sans cesse pour que la médiation se fasse avec efficacité. L’écoute permettra d’amorcer une réconciliation avec elle-même de celle qui s’estime « une mauvaise mère », mais elle ne saura résoudre un phénomène massif qui voit un tiers des familles monoparentales en dessous du seuil de pauvreté.
 La pauvreté engendre la solitude.
 L’information sera-t-elle suffisante pour que le tiers des éligibles au RSA qui n’en bénéficient pas, puissent accéder à leur droit ?
C’était avant la proposition d’un référendum déjà oublié du "Protecteur des Grandes Fortunes".

La chanson du dimanche et les blablas halal par Europe1fr
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 12 avril 2012

Sarah Caron à Mougins.

Le village où les galeries de tableaux se touchent est déjà un musée à lui tout seul où derrière la charmante fontaine rouillée sont exposées les toiles du garde champêtre Maurice Gottlob.
Au musée de la photographie du village perché, Sarah Caron rappelle les tumultes du monde quand on se serait volontiers laissé aller à la flânerie avec décorative vue panoramique.
Ses veuves indiennes aux visages réparés après avoir été aspergés d’acide m’ont fait crier.
Ses vues d’Afghanistan, du Pakistan prises au cœur des conflits les plus rudes, pour nous être familières, n’en sont pas moins fortes.
Un film nous présente l’artiste dans tous ses voyages et ajoute à l’intensité des images fixes proposées où alternent les flous, les bien éclairées, les arrachées et les composées.
Des bars au Chili avec femmes découvertes, des visages à terre à Cuba, au Cameroun, des visages voilés, une tête coupée en Thaïlande…
La quadra court de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis à Gaza, d’Haïti à New York, en Indonésie, en Birmanie…
Les plus grands la publient : Libé, Le Monde, Newsweek, The New York Times, Géo …
Elle reste là où il n’y a pas grand monde mais où bout l’actualité.
« Je pense en général d’abord à faire mes photos avant de bavasser. Quand je commence à avoir l’impression d’avoir déjà fait 15 000 fois la même image, alors seulement je commence à discuter. »

mercredi 11 avril 2012

« On refait le voyage » : Saint Petersburg 2004 # 6

Un minibus collectif nous transporte ensuite à Pavlovsk, palais de Paul 1er, fils unique et mal aimé de Catherine II (la grande) et son royal époux. La forme du bâtiment est en arc de cercle jaune et blanc. Il est l’œuvre de Cameron, commandé par Catherine pour son fils à la naissance de son petit-fils Alexandre 1er. Ce palais est tout à fait différent de celui de Tsarkoïe, plus petit, plus intime, usant plus du trompe l’œil. Cameron joue sur un décor en plâtre finement amélioré peu coûteux mais raffiné. Irina nous commente en 1er lieu le vestibule égyptien.
Nous visitons d’abord les salles d’apparat du 1er étage. Elles contrastent avec le palais de Catherine par leurs dimensions plus réduites et dévoilent beaucoup des goûts du couple, de leurs découvertes et des objets amassés lors de leur voyages de noces en Italie et en France (Gobelins, vaisselle offerte par XVI et Marie-Antoinette, statues antiques romaines) A noter encore le trompe l’œil et l’acoustique dans la salle d’apparat à l’origine salle du trône mais où on a dressé une table garnie d’une fastueuse vaisselle ; l’originalité de meuble en acier, spécialité de Tula ; la chambre d’apparat qui n’a jamais servi, le salon de guerre et le salon de paix, les colonnes d’un péristyle en faux marbre ou fausse malachite… Le rez-de-chaussée propose des pièces à vivre plus intimes, avec des portraits de famille ; il constitue la partie occupée par Maria Feodorovna, même après l’assassinat de son mari. N’oublions pas la chapelle, rénovée par l’état et utilisée par l’église orthodoxe. Elle n’affiche aucune icône mais des tableaux religieux pour la simple raison que Paul était chevalier de malte, d’obédience catholique. D’ailleurs ce choix religieux est certainement l’un des prétextes à son assassinat. La croix de Malte apparaît peinte sur le plafond de la galerie des tableaux précédant la chapelle. Une fois encore, dans ce palais, nos n’éprouvons ni déception ni lassitude à errer dans ces lieux d’histoire. Irina se montre cultivée, en meubles notamment, vive, efficace. Dehors, les troïkas proposent des promenades dans le parc féerique mi domestiqué mi sauvage. Vous pouvez si vous le souhaitez prendre une photo en compagnie d’un couple en costume d’époque. La neige continue à tomber, ajoutant une touche supplémentaire correspondant à nos représentations sur la Russie. Nous hélons un minibus presque immédiatement et regagnons le centre ville puis le métro jusqu’à Nevski où nous quittons Irina, très satisfaits de ses services et de son sourire. Nous savons grâce à elle que la rue aux dimensions classiques et symétriques s ‘appelle rue Rossi et se cache derrière le théâtre Alexandra. Bof. C’est un peu raide malgré ses édifices symétriques jaunes de 220 m espacés d’une rue de 22 m. S’ensuit un moment d ‘hésitations pour organiser la suite du programme. Que faire de notre temps ? Les avis sont partagés et sans cesse modifiés. Finalement, nous dirigeons nos pas vers la place des beaux-arts, jetant un œil et un pied enneigé dans le hall de l’hôtel Europa. Quel étonnement de voir des vendeurs de glaces dans les parcs ! Bien sûr, les boîtes n’attendent pas dans la voiturette réfrigérée mais sur le plateau extérieur. Nous nous engageons, en entrant par la sortie, dans le Musée russe. L’un d’entre nous doit abandonner son laguiole au contrôle électronique. Ce musée russe montre la volonté de s’opposer aux collections royales de l’art occidental et propose d’exposer peintures et artisanat russes tout aussi dignes d’être exhibés. Nous choisissons les salles d’art moderne bien que la pièce consacrée au 20e le plus récent soit…closed ! Mais c’est intéressant, nous apprécions particulièrement l’artisanat (bois, ivoire, tissus, broderies, poteries, jouets, décors extérieurs de maisons en bois sans doute peints à l’origine).
Certains tableaux attirent notre attention : images des soldats napoléoniens, réalisme socialiste, peintures proches de Braque ou de Picasso mais aussi Malevitch, peintures naïves… Nous ne disposons pas assez de temps, mais tant pis,
la curiosité s‘émoustille quand même devant des choses inattendues. A 5h45, les gardiennes nous indiquent gentiment mais impérativement la direction du cloak room, c’est l’exode vers la sortie, sans espoir de récupérer le laguiole. Nous partons en quête d’un restaurant dans le quartier, comme conseillé par Irina. Nous atterrissons dans un self de Nevski Prospekt où nous optons pour des plats russes toujours tièdes bien que réchauffés au micro-ondes. Nous ne sommes pas loin de l’hôtel, nous échangeons de l’argent au fond d’un magasin de musique (CD et K7) et rentrons piétinant dans une mélasse débordante surtout en bordure de trottoir. Soirée vodka au 429 pour faire les comptes et échanger quelques propos. Fin des chocolats

mardi 10 avril 2012

Le tour de valse. Pellejero Lapière.

J’ai choisi une des rares images de bonheur dans une histoire tragique dont le dessin élégant permet de traiter le sujet de la tyrannie soviétique en laissant deviner les ambitions du communisme alors triomphant tout en montrant sa monstruosité. Le scénario est habile et limpide : une femme Kalia part à la recherche de son mari qui a cessé de lui écrire depuis la Sibérie où il est prisonnier car dénoncé comme « Zek », un ennemi du peuple, au retour d’une guerre où les hommes avaient perdu toute humanité. Elle a eu deux enfants, qu’elle laisse, pour découvrir sur place les conditions effroyables de détention au goulag et aussi ce qu’était ce « tour de valse », elle leur écrit.
Extrait d'un dialogue:
 « - En revenant, j’ai vu l’âne du vieux Pizkariev écrasé par un train. 
- En voilà un qui a de la chance ! 
- De perdre son âne ? A son âge, qui va porter son bois ? 
- Une bête aussi têtue…n’avait qu ’des soucis avec… maintenant, l’a de la viande pour quelques mois, s’il s’y prend bien. 
- Je ne sais pas ce qu’il pourra récupérer le train ne s’est même pas arrêté ... 
- Ah c’était ce genre de train… » 
Une belle locomotive noire avec l’étoile rouge.