vendredi 17 juin 2011

La contre démocratie. Pierre Rosanvallon.

Sur 300 pages charpentées l’acteur majeur de « La république des idées » développe un sous titre plus alléchant que le titre : « la politique à l’âge de la défiance ».
Il sait de quoi il parle puisqu’il fut un des théoriciens de l’autogestion en revisitant les racines historiques et philosophiques de l’idéal démocratique alors que c’est plutôt la géographie qui vient à son secours en ce moment.
Le directeur de l’Ecole des hautes études reconnaît le déclin de la participation en politique et approfondit la notion de populisme en allant bien au-delà d’éditos paresseux. En étudiant les formes contre démocratiques tels les mécanismes de surveillance ; d’empêchement, de jugement qui conduisent à une judiciarisation, au rejet plutôt qu’au projet, son intention est pourtant de « formuler une théorie de la démocratie qui ne soit plus séparée de l’action pour la faire vivre ».
Il peut être lyrique :
« Du sein même des prudences les plus lucides sur les gouffres qui bordent la voie des impatiences et des utopies, le désir des hommes et des femmes de continuer à chercher la voie d’un autogouvernement plus effectif et d’un régime représentatif plus attentif à la société a toujours ressurgi. »
Il rappelle Louis XIV :
« quand je crée un emploi je fais cent mécontents et un ingrat »
ou le cardinal de Retz :
« on ne sort qu’à son détriment de l’ambigüité »
alors les proclamations de « parler vrai » paraissent hors d’atteinte.
Il y a bien longtemps que sur nos écrans d’information en continu s’inscrivent les cours de la bourse, mais ce que je prenais pour un élément - agaçant - dans le décor occupe toute la place : les notes en trois signes des agences de notation sont devenues l’expression ultime de la politique.
Les souhaits qui me viennent concernant une citoyenneté à reconquérir dès l’école ne sont que des invocations magiques pour aller à l’encontre d’une désaffiliation de trop d’individus devenus étrangers à la sphère publique.
J’ai épuisé un revival d’enthousiasme vis-à-vis de la « démocratie participative » pour tomber dans l’accablement de voir des politiques se placer dans le sillage des expressions les plus simplistes, les plus étriquées. Désenchanté par l’abstentionnisme.
Crise de foi : reste l’ironie pour bouée dans une mer désabusée.

« Charlie hebdo » fournit le dessin percutant de la semaine.

jeudi 16 juin 2011

Retable à Champagny.

Sur les chemins du baroque, l’église de Champagny en Savoie reconstruite en 1635, comporte un retable(derrière la table) d’autant plus remarquable que le guide de la fondation FACIM nous en a bien fait remarquer les richesses. Entre les colonnes torses symbolisant l’élévation vers le ciel, 160 angelots tous différents animent les panneaux. Les statues les plus remarquables sont taillées dans le pin cembro dont la résine a éloigné les insectes xylophages qui auraient pu être tentés par les volutes, les drapés, les pompons, les balustres et autres caractéristiques d’un art théâtral.
D’ailleurs la limite de mille mètres d’altitude qui restreignait l’apparition des termites est en train de reculer avec le réchauffement climatique.
Si un Dieu bonhomme est au plus haut, c’est la vierge qui est en majesté ainsi que les évêques et les saints qui réaffirment la doctrine catholique mise à mal par les succès du protestantisme. Le tabernacle renfermant le corps du christ sous forme d’hosties revient en bonne place. Sur un côté, une statue de Saint Michel au curieux regard, de l’autre un tableau représentant Saint Dominique (Domi canis) accompagné de son chien. Il était chargé des âmes du purgatoire, rappelant ainsi les paroissiens à leurs indulgences. Saint Sigismond qui donne son nom à cette église est saisi dans son extase expressive à l’apparition de Marie.
Le bâtiment à l’extérieur aussi sobre que l’intérieur est flamboyant est flanqué d’un clocher à l’air penché. C’est que le lieu de culte est construit sur une élévation en schiste qui ne reste pas imperturbable à l’eau, il n’avait pas d’emprise sur les champs alors cultivés et se situait en terrain neutre pour les habitants des différents hameaux qui ont du céder un alpage pour financer les réfections et les riches panneaux dorés terminés en 1710.
« Le culte s’est construit sur l’inculte »

mercredi 15 juin 2011

Touristes en chine 2007. # J 20. Forêt de pierres.

Sortie matinale entre hommes. Petit déj’dans une immense salle parmi les tables pas desservies, les serveuses sont houspillées par Yuizhou notre guide.
La forêt de pierres. Au bas de l’hôtel, les jardins sont soignés avec des belles pelouses entre les blocs de pierres. Nous sommes attirés par une musique : des Sani sont en répétition de danses pour « La fête des torches » prochaine. Les femmes en habits bleus dansent face à face, des hommes plutôt âgés jouent d’une sorte de guitare. Promenade aménagée entre les pitons karstiques : décor assez unique avec des petits lacs.« Forêt » assez serrée et fréquentée, mais passée la proximité d’un kiosque pris d’assaut par les touristes chinois, nous sommes seuls. Pyracanthas et lantanas, clairière, arbres et belle végétation. La pluie a attendu notre retour pour réapparaître.
Départ pour Yuanyang.
A Lunnan, la route est en construction. Déjeuner en cours de route : racines de lotus, tofu fermenté. Nous voyons un accident frontal sur la route. La campagne est très cultivée même loin des habitations avec des buffles au bord des routes, du riz, du maïs, des agaves sur la terre rouge.
Le trajet en voiture s’effectue avec comme fond sonore et discret des tubes classiques : Chopin Rossini, Greensleeves, Carmen… Nous visitons un village en cours de route. Sous un immense banian, les villageois lient des feuilles de tabac pour les faire sécher dans le four tout à côté. Les enfants jouent avec des fleurs de lotus, deux autres se baignent nus dans une « piscine » au milieu des champs de riz tandis qu’une femme lave le linge. Les maisons sont pauvres avec un emplacement pour les buffles et les cochons ; les travaux de reconstruction sont nombreux.La route descend parmi les bananeraies, la chaleur moite s’accentue, on arrive au fleuve rouge qui mérite bien son nom, sa couleur rappelle la cité interdite comme le fleuve jaune (Yantsé) était bien jaune au Saut du tigre. Deuxième arrêt pour le voir de plus près et le filmer. Yuanyang moderne est au bord du fleuve. A partir de là, la route monte nous menant de 209 m à 1800 m d’altitude. Pays de montagnes magnifiques sur 30 km avec des pentes abruptes cultivées : impressionnant. Quelques rizières en eau.
Yuanyang, bonne visibilité. Hôtel*** Yunti quoique plus modeste que les précédents possède le même confort. Le repas n’est pas inoubliable mais encore pas cher (9€) Promenade digestive, achat de mangues préparées par maître Danny. Pendant le repas la brume blanche est montée sur le gris foncé du ciel. Le temps est changeant. Nous faisons connaissance d’une nouvelle ethnie : les Hani (prononcer Rani) en costumes noirs. Les Yi portent eux des costumes colorés en tissus synthétiques et brodés à la machine.

mardi 14 juin 2011

Racaille le Rouge. Plantu.

Depuis que je me suis défait du « Monde », je n’avais pas beaucoup revu de dessins de Plantu que j’avais attendu à chaque livraison avec jubilation, pendant des années.
J’ai donc emprunté un recueil de ses dessins de 2007 pour me replonger dans cette riche année électorale espérant retrouver un regard familier.
Le travail du temps est terrible et bien des situations paraissent aussi lointaines que des querelles de la IV° république : ainsi en va-t-il de l’engouement pour Bayrou et Ségolène, aujourd’hui piétinés par ceux qui les portaient au pinacle. Il n’y a qu’une représentation de DSK publiée dans l’Express avec des dollars dans les yeux à l’idée d’entrer au FMI qui percute aujourd’hui. Ce dessin avait d’ailleurs valu à Plantu un courrier de Cambadelis et consorts protestant contre cette charge « digne des années 20 ». Pourtant avec le recul j’ai trouvé bien des stéréotypes fades, des allégories parfois lourdingues, des reprises un peu lancinantes, bien que des rappels de Djack en laquais, ou Jospin en type « qui part qui ne part jamais » soient salutaires, ainsi que les courbettes d’alors à Kadhafi qui en paraissent encore plus indécentes.

lundi 13 juin 2011

Gianni et les femmes. Gianni Di Gregorio

J’avais bien aimé « Le déjeuner du 15 août » au ton personnel qui traitait légèrement de la vieillesse; Gianni Di Gregorio, le réalisateur, le mot est peut être trop ambitieux, reste sur le même thème, mais c’est mollasson et l’originalité du ton est éventée. Le film n’est pas vraiment désagréable, les femmes sont des bombes, mais Gianni Di Gregorio, l’acteur principal, le mot est peut être trop présomptueux, est vraiment trop statique, à subir les évènements. Tout est sans importance, les poches sous les yeux, le copain de sa fille sans travail, un verre de trop… Il vit nonchalamment sous le même toit que sa femme et regarde la vie qui passe, impavide. Ce quartier de Rome est sympa. Derrière son sourire figé, il s’aperçoit qu’il est devenu transparent : il a tout fait pour. Ce film mélancolique où l’on peut sourire est lui aussi anodin.

dimanche 12 juin 2011

Les derviches tourneurs de Damas. Noureddine Khourchid.

Comment ne pas penser à la Syrie, leur pays qui saigne, quand les sept musiciens et les deux danseurs arrivent sur la scène de l’Hexagone ?
Et puis, nous nous laissons prendre dans les arabesques des chants, le vertige des tournoiements.
Au début, malgré la chaleur, les danseurs sont vêtus d’un manteau noir qui évoque une tombe et d’un haut bonnet conique en feutre. Après une série de saluts ils posent leur tunique et apparaissent en blanc, la couleur de la vie dit-on. Les mains sont tournées vers le ciel pour en recevoir la grâce, les deux danseurs se lient à la terre dans la vitesse envoûtante de leur tourbillon : de quoi perdre la tête. Ensemble ou à tour de rôle, ils ont bien tourné sur eux même comme des toupies pendant une heure d’un spectacle qui durait une heure et demie passée dans un souffle. La musique subtile, lancinante, gagne en intensité, en rythme, avec des respirations qui viennent des profondeurs, puis dans une apogée primale, les robes lourdes s’ouvrent comme des liserons, nous pouvons percevoir l’originalité Soufi qui compte sur la danse en symbiose avec le chœur des musiciens chanteurs pour communiquer leur ferveur envers Allah.

samedi 11 juin 2011

C’est la culture qu’on assassine. Pierre Jourde.

Sous une couverture où Judith, avec détermination, coupe la tête d'Holopherne d’Artemisia Gentileschi, l’auteur du remarquable « Pays perdu » rassemble des chroniques parues sur son blog.
Le critique courageux semble se fatiguer et c’est sûrement parce que je partage trop étroitement ses avis concernant l’école que je les trouve sans la verdeur attendue. Je regrette que la forme article pour blog induise une expression parfois moins travaillée, outre le fait que des redites apparaissent. Ses faiblesses le rendent proche, avec ses doutes. Dans les variations de la forme du puncheur, il y a des moments excellents en particulier quand il est au cœur de son métier, la littérature, dont il prend la défense:
« elle donne intimement accès à l’autre, élargit le champ de la connaissance et la profondeur de l’expérience ».
Il apporte des éléments tranchants dans les débats actuels :
« …un gouvernement qui suscite un débat sur l’identité, en ayant l’air de vouloir le dynamiser, tout en faisant par ailleurs, dans sa politique culturelle, tout ce qu’il faut pour l’anéantir »,
c’est qu’il pense qu’ « on construit son identité par la culture, et en même temps on s’en libère ». Mais il y a tant de dégâts.
Il déconstruit Djian chez qui j’ai trouvé de l’énergie et adresse des louanges à Jacques Bertin, un des maîtres d’amis exigeants dans leurs admirations. La défense de la culture populaire peut également leur convenir. Le réprouvé du « Monde des livres » est tout de même adoubé par Jérôme Garcin qui lui offre une préface en évoquant Jean Prévost.