samedi 29 mai 2010

Traquettes

Une bloggeuse d’origine américaine nous invitait l’autre soir à venir à la manif de jeudi :
« L’Amérique nous regarde et ce gouvernement a peur ».
La famille des Brice Boutefeux qui rejoue quotidiennement avec l’insécurité tout en l’entretenant, serait-elle atteinte par la pétoche ?
Les inégalités qui s’accroissent sautent aux yeux: quand Nicolas va à l’usine, la télé a beau le cadrer au mieux et le public peut bien être trié, ce sont bien les ouvriers qui ramassent en premier avec la réforme des retraites. « Relever l'âge légal défavorise ceux qui ont commencé à travailler tôt, donc n'ont pas étudié longtemps, c'est à dire plutôt les ouvriers, dont nombre se trouveront avoir cotisé trop longtemps, avant d'avoir le droit de liquider leur retraite. »
Dans les discussions, j’en arrivais à trouver trop facile d’opposer « la bande du Fouquet’s » à ceux qui sont persuadés que ce sont les profs, les cheminots, les électriciens qui sont les privilégiés. Je suis contraint de revenir à des fondamentaux de la lutte des classes dans ce qu’elle a de plus élémentaire, quand certains en sont à revendre leurs médailles de baptême pour boucler une fin de mois et que passe en catimini une libéralisation des jeux en ligne au profit de Courbit et autres Bouygues… Tout ne se résoudra pas en faisant « payer les riches » pour combler tous les déficits, établir plus de justice dans la fiscalité, rendre la planète plus respirable, payer toutes les retraites, mais un peu de décence, arrêtez de vous goberger encore plus ! Et comment proposer de travailler plus longtemps aux séniors quand le travail manque pour tous?
Les éléments de langage soufflés par l’Elysée se désintègrent, et lorsqu’un reporter de France télévision se réjouit : « Bonne nouvelle ! La grève ne sera pas bien suivie dans les transports » les masques tombent. C’est vrai que les cheminots n’étaient pas là jeudi, la colère était moins visible - les régimes spéciaux ne sont pas concernés, pour le moment.
Le mot « objectivité » est devenu obsolète.
Comme le mot « travail » a été trahi. Le retournement des mots, où le jeu avec les citations de Jaurès par Guaino révélait un vrai culot mais le sens a été épuisé. Allez désormais employer le mot « courage » ou « travail » sans être guetté par l’ambigüité. Le conformisme, la lâcheté, le cynisme gagnent du terrain.
Le courage se portait bien jadis chez ceux qui revêtaient l’uniforme, aujourd’hui quand des gendarmes refusent de prendre des dépositions qui perturberaient les statistiques non souhaitées comme on s’arrange dans les jurys du bac à faire coller les résultats aux fourchettes ministérielles où que les pandores se font insulter par une famille qui perturbe depuis un certain temps la vie d’un immeuble : il y a quelque chose qui cloche !
Des voitures ont encore cramé dans notre banlieue paisible.

vendredi 28 mai 2010

XXI printemps 2010

Quand je viens d’acheter mon XXI trimestriel, j’ai la même tentation qui s’emparait de mes élèves au moment du pique-nique : commencer par les biscuits au chocolat avant d’attaquer la salade de riz. Commencer par la bande dessinée avant les reportages. Mais des fois, je suis raisonnable et c’est dans l’ordre des 200 pages que j’ai dégusté la production toujours aussi variée et riche de ce phénomène éditorial qui s’inscrit en tête des ventes des libraires au moment de sa parution. En revenant au Rwanda par les coulisses où s’activait un certain capitaine Barril, où le rôle des réseaux de madame Habyarimana est dévoilé, le dossier de ce numéro 10 est éclairant. Mais cette fois c’est le récit de la vie d’un vieux cow-boy, qui à priori n’avait rien pour me séduire, qui m’a touché. C’est tout le talent du journaliste de rendre sympathique, ce pathétique macho solitaire. De la même façon qu’entrer dans la passion d’un collectionneur de livres consacrés à la photographie peut révéler la richesse humaine, l’histoire d’une rue à proximité d’Orléans porte les marques de la grande histoire derrière la banalité des façades. Le récit graphique d’Olivier Balez qui raconte le combat de son frère contre la maladie de Crohn est édifiant, utile à tous ceux qui seraient tentés de baisser les bras. Et l’entretien avec le créateur des « folles journées » de Nantes est également requinquant. Un beau personnage, ce René Martin qui a su faire partager sa passion de la musique classique au plus grand nombre. Lire XXI, ça fait du bien, tout simplement.

jeudi 27 mai 2010

Napoléon en peinture.

Pour que le « Napoléon qui déjà perçait sous Bonaparte » advienne, la peinture a joué son rôle dans la communication de L’ajaccien. Les codes symboliques venus des profondeurs mérovingiennes sont revisités ainsi que cette tri partition moyenâgeuse entre ceux qui prient, qui travaillent, et ceux qui combattent. Le sacre de David avec la mère présente sur le tableau alors qu’elle était absente de la cérémonie, est une œuvre de propagande, mais les lignes de force de la toile immense concourent à la légende plus habilement. La démarche moderne d’une construction d’image se retrouve avec Bonaparte qui passe le col du Saint Bernard avec la cocarde républicaine sur son cheval cabré au dessus de la roche où est gravé le nom d’Hannibal et celui de Charlemagne. La légende se met en place depuis la visite aux lépreux en Egypte, le déterminé de brumaire, jusqu’à l’avatar de Jupiter dans son manteau d’hermine par Ingres. L’hermine : la pureté, mais elle punit aussi sans faire de bruit.
Prendre connaissance des dessins, des travaux préparatoires de Girodet, David, Gérard était intéressant dans cette conférence de Gilles Genty qui a annoncé que la restauration reprendra bien des thèmes de l’empire. L’arc de triomphe voulu par Napoléon sera achevé par Louis Philippe.

mercredi 26 mai 2010

J 33. Dernier jour au Cambodge

Le réveil est tardif, nous n’avons rendez-vous qu’à 15h 30. La première activité consiste à plier, ranger le plus astucieusement possible les bagages qui n’ont cessé de grossir. Nous partons tous les trois pour la ville, après avoir changé de l’argent, nous nous séparons. Je me rends à mon officine internet préférée, et laisse les dames à la recherche du magasin d’optique indiqué par l’hôtel pour réparer des lunettes qui ont perdu une vis tellement petite au petit déjeuner. Le magasin moderne, aseptisé est désert. Avec un soin infini, l’employé visse, resserre, nettoie, rééquilibre les lunettes pour 1$. Tout vaut 1$ au Cambodge. Un dernier tour au grand marché central, sans l’ombre d’un client : échange de cadeaux : pachemina et foulards en soie. T-shirts « Same same », côté recto « but différent » côté verso, avec des tailles un peu fantaisistes. Et ultime crochet par l’old market pour des petites boîtes à épices en faïence déjà repérées ; marchandage en un temps record et emballage dans un joli panier pour la modique somme de 10 $. Nous rentrons en tuk tuk car il nous faut libérer les chambres à 12h. Le patron français de l’hôtel se montre accommodant en nous laissant une chambre.Nous allons prendre notre dernier repas à « Arun ». Face au restaurant, sur un banc, cinq jeunes garçons sniffent de la colle et s’épouillent. Un handicapé poussé par un copain quête discrètement et reçoit un peu de monnaie de la part du personnel. Nous donnons les petits billets qui nous restent. Nous rentrons à l’hôtel par des chemins détournés. Encore une fois la pluie se déchaîne après notre arrivée à l’abri. Il pleut encore quand Sothy et son chauffeur viennent nous chercher ; les employés nous aident avec les grands parapluies toujours disponibles. Sothy nous gâte encore avec des bouquets de lotus blancs et roses et du jasmin odorant. Nous nous séparons devant l’aéroport tout neuf de Siem Reap. Premiers à enregistrer nos bagages, nous nous acquittons de l’onéreuse taxe de 25$ par personne et passons la frontière où une douanière facétieuse fait semblant de refuser nos bouquets. L’avion décolle avec pratiquement ¼ d’heure d’avance. Les hôtesses se cachent derrière des masques, et des fumées insecticides suintent des porte-bagages. Nous mangeons une nourriture insipide qui meuble bien les 1h 30 de vol. Il ne nous reste plus qu’à attendre 23h 25 à l’aéroport d’Hanoï.

mardi 25 mai 2010

La rebouteuse

Celle dont tout le monde parle, autrement dit « la désencraudeuse » n’apparaîtra qu’à la fin des cette BD de Lambour et Springer. Cette absence est un procédé efficace pour entretenir le mystère : les plantes peuvent guérir ou faire mourir. Le temps de décrire un village et ses rancunes, ses secrets, vigoureusement mis en image où il est question aussi du retour d’un enfant du pays. Les traditions se perdent mais les superstitions ont la peau dure. Vite lu.

lundi 24 mai 2010

Festival de Cannes 2010 : mes palmarès

Oui, il y a la sélection officielle et vous connaissez le vainqueur à cette heure, mais nous ne nous sommes pas agglutinés avec mes amis cinéphages dans les files d’attentes pour des films que nous verrons probablement en salles. D’autres compétitions nous ont offert des occasions de nous émouvoir ou de nous décevoir.
Parmi les films de la liste « Un certain regard », j’attribuerais volontiers un trophée au réalisateur de « Mardi après Noël », très juste et fin sur un sujet rebattu pourtant : la séparation d’un homme et d’une femme.
Pour « La quinzaine de réalisateurs », « Benda Bilili » est le film le plus revigorant des 27 que j’ai vus cette année.
Pour la semaine de la critique, « The winner is : Armadillo » documentaire sur la guerre de jeunes soldats Danois en Afghanistan.
Dans la sélection ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) : se distingue pour moi, « Fix me » où le réalisateur palestinien nous intéresse à ses douleurs intimes pour mieux évoquer les problèmes de son pays.
Et dans « Le cinéma des antipodes », c’est « Blessed », et ses enfants désespérés, le plus fort.
Je m’amuse chaque année à relever des points communs aux films proposés que j’ai pu voir.
Comme il y eut « l’année des pipes », la cuvée 2010 commença par des pannes de voitures dans « Chaque jour est une fête » et « Robert Mitchum est mort ».
« Benda Bilili », « Un poison violent » « Frères » « Le secret de Chanda » comportent des scènes de chorale.
Et si les enfants sont souvent voués à sauver les familles : « Boy », « Illégal », « Bi, Dong so », « Chanda », voire « Abel » ou « Sand castel », « Blessed », ce serait abuser de ramener ces films à cette seule dimension et en faire un système.
Des fosses sont creusées dans la terre pour enterrer les morts : « Armadillo », « Accidents happen », « Poison violent », « Secrets », « Nostalgie de la lumière », « Le secret de Chanda », « Boy », « Bi » et je ne compte pas « Home by Christmas » qui traite de la seconde guerre. Dans « Boy » un champ est défoncé pour retrouver un trésor.

dimanche 23 mai 2010

La Passion selon Jean

L’ambigüité du titre de cette pièce de théâtre peut laisser croire au récit d’une glorieuse dramaturgie : il n'est question que de l’attente d’un patient d’un hôpital psychiatrique et de son infirmier, au guichet d’une Caisse des pensions et des retraites, pour une validation médicale.
« Regardez docteur / je suis en vie je suis en vie / j’ai le certificat / j’ai le certificat / existence en vie / c’est écrit là / que l’Jean c’en l’est l’témoin / et il a signé pour moi / que lui me garantit / que je suis en vie / hein l’Jean que je suis en vie ? Hein ? »
Le sous titre de la pièce montée par Jean Yves Ruf est plus explicite : « mystère pour deux voix ». C’est bien de langue dont il s’agit : quand la poésie va du rêve énigmatique à la révélation de l’absurdité du monde. Les hommes souffrent et rejouent la montée au Golgotha. Des jeux dérisoires autour de l’interdiction de fumer et l’usage compulsif de la cigarette ont pu faire naître quelques rires dans la salle de la MC2 que je n’ai pas compris, tant la douleur, la solitude ne peuvent se dire mieux que dans ces répétitions, ces fuites, ces cascades. Un son ténu, lancinant, mécanique vient soutenir la tension née d’un texte subtil d’Antonio Tarentino bien servi par deux acteurs très crédibles. Nous entrons en empathie avec ces dérèglements, qui ne sont pas éloigné de nos murailles.