mercredi 5 mai 2010

J 31. La rivière magique.

Les dieux sont avec nous, le ciel moins bleu et moins lumineux qu’hier, est tout à fait clément.
Aujourd’hui, nous roulons un peu plus longtemps, une trentaine de kilomètres au Nord Est de la ville où sont hébergés tous les touristes pour connaître Kbal Spean la rivière aux mille lingams. Cette rivière sacrée coule à Siem Reap, c’était donc une eau bénite. Le Petit Fûté n’encourage pas le déplacement, en mentionnant la détérioration et le vandalisme récents, mais nous faisons confiance à Sothy notre guide.
Dès la sortie de l’auto nous sommes sollicités par des petites filles qui zozotent de façon charmante, avec un ton dramatique: « achète pour moi, moi pas gagner, un dollar, c’est joli, c’est pas cher …»
Nous entamons la marche d’approche sur la première colline que nous rencontrons au Cambodge. Le chemin sablonneux est veiné par les innombrables racines apparentes des arbres monumentaux, des arbustes mêlés aux lianes torsadées. Là aussi, les racines des arbres au tronc large et solide retiennent les rochers et la terre. Rien que la balade dans la jungle mérite le voyage. L’enchevêtrement des troncs est inextricable, sur un arbre se développe un autre arbre, et la voute feuillue cache le ciel. Nous croisons des colonnes de fourmis et des vols de petits papillons fragiles. Nous sommes pratiquement seuls à jouer les explorateurs. Portant le sentier n’est pas vraiment sauvage : des escaliers de bois permettent de surmonter les passages les plus délicats, des refuges abrités attendent les promeneurs fatigués ou surpris par la pluie. Et au détour d’un arbre, un employé balaie le sentier pour en ôter les feuilles mortes et glissantes. Les 1700 m sont régulièrement décomptés sur des panneaux au fur et à mesure que l’on avance.
Nous percevons le bruit d’une cascade. Quelques touristes y pataugent et passent derrière le rideau d’eau pour la photo.
Nous prenons un escalier sans suivre l’exemple de nos semblables trempés. Et c’est alors que nous découvrons ce qui fait la curiosité du lieu : dans la roche sont sculptés, une grenouille, des petits bouddhas, un crocodile, un Vishnou allongé dans l’eau. Plus loin une armée de lingams affleure dans l’eau, dominée par un lingam géant érodé comme les autres. D’autres sculptures parent les rochers. C’est unique.
Nous ne pouvons remonter la rivière, pour mesurer toute l’ampleur de ce décor qui continue sur 4 à 5 h de marche. Un simple panneau « no acces » interdit l’accès d’un sentier encore semé de mines. Un coup de tonnerre nous pousse à prendre le chemin du retour, moins mystérieux qu’à l’aller à cause de l’arrivée d’autres visiteurs. Nous évitons un serpent, repéré par un jeune garçon blond et sa famille.
Nous mangeons tôt sur place et négocions avec les petites vendeuses de tout à l’heure.
Nous commençons l’après midi par la découverte de Banteay Srey : la citadelle des femmes. Les hommes auraient été écartés de ce temple par des travaux lointains. Elle se distingue par la couleur rose du grès et la très grande finesse de ses bas-reliefs. On y accède par une allée de colonnes magiques. Le taureau cassé qui attire notre attention atteste du culte shivaïte du temple. Si c’était Vishnou, on aurait un Garuda représenté. Dans ce temple l’accès au sanctuaire est protégé par une corde et on ne peut qu’en faire le tour. Des copies de singes, de Garuda veillent à la place des lions habituels. C’est ici qu’André Malraux séduit par la finesse des sculptures préleva un fronton et un linteau, ce qui lui valut quelques démêlés avec la justice dont il se tira grâce à Clara. Nous apprécions ce petit bijou que nous pouvons contempler et photographier tout à notre aise.Nous nous déplaçons ensuite vers Banteay Samré le temple des peuplades. La légende raconte comment un jardinier régala le roi avec ses succulents concombres doux. Le roi le félicita et lui donna une lance pour garder son potager. Le roi pris d’une fringale et voulant s’assurer de la vigilance du jardinier, pénétra dans le jardin ; il fut transpercé par la lance et le jardinier succéda au roi.
Nous nous abritons de la pluie sous une porte. Le Petit futé apprécie ce bel ensemble, en particulier pour les croupes des lions les plus « sexy » du complexe d’Angkor.
Le dernier temple pour aujourd’hui s’appelle le Pre Rup - retourner le corps. Il recevait, dans une sorte de sarcophage, l’urne funéraire du roi. Quarante ans plus tard, dans une « bassine » sacrée, on lavait les cendres avec de l’eau de coco sacrée que buvait le reste de la lignée. Nous escaladons les marches plutôt raides pour dominer l’environnement. Comme souvent dans ces temples montagnes, un sanctuaire termine la plus haute tour, celui-ci possède deux bas de statues debout rouge et le toit pyramidal est en parfait état.
Au retour, Sothy nous propose la visite d’une pagode avec son cimetière de stupas, sa bonzerie que nous ne visitons pas. De la musique sort d’un bâtiment qu’on écoute un moment avant de rentrer à l’hôtel juste à temps avant le déchaînement des éléments. Bel orage, tonnerre et trombes d’eau. Moment de repos. Je découvre un journal hebdomadaire en français Cambodgia, très intéressant, Dany se détend avec des mots croisés, et Michèle met son journal à jour. C’est celui-ci qui a servi à alimenter ce blog chaque mercredi. Un vol de chauve-souris en bataillon nous accompagne dans notre court déplacement vers le restau de ce soir.

mardi 4 mai 2010

Endurance

L’épopée en BD de Shackleton sur 135 pages en Antarctique, bien avant que Rocard en revienne congelé.
C’était pendant la guerre de 14, l’exploit de cette équipe passera inaperçu. L’anglais avait participé à la malheureuse expédition de Scott doublé par Amundsen pour être le premier au pôle sud. Il avait une revanche à prendre. « Pourquoi imagine-t-on l’enfer comme un endroit incandescent ? » interroge un des « conquérants de l’inutile ». L’expédition comptait un photographe; là le dessinateur avec ses couleurs bleu gris nous rend bien l’extrème dureté de cette aventure glaciale.

lundi 3 mai 2010

Soul kitchen

Salé sucré : image facile pour une comédie agréable, cool en ses lofts mais anodine. La musique pulse pour voir la vie d’aujourd’hui avec un bon goût des sixties sans se soucier du lendemain.
Une fois encore un film autour d’une cuisine où le réalisateur Akin force un peu sur les épices pour masquer une certaine désinvolture appliquée made in Germania sans laisser de saveur durable. Le héros a fini d’être ado, il faut qu’il se méfie de son dos.

dimanche 2 mai 2010

Alexis HK

Quand il chante « Les affranchis », il est plus crédible que le délicieux Ronan Luce dans « Repenti ». C’est qu'Alexis Djoshkounian a la voix profonde, bien accordée aux rythmes jazzy, et dans son clip où apparaissent Foulquier en parrain, avec Juliette, Aznavour… c’est un hommage au cinéma, plus qu’aux truands pour de vrai. Lors d’une première écoute, sa reprise du « Grand Pan » de Brassens m’avait fait négliger ses autres titres pourtant inventifs et drôles. Il fait bon y revenir à deux fois : dans « Chicken manager » Jack est l’entraîneur d’un certain coq nommé Nick, et ses « Ronchonchons » nous réjouissent. Il n’est pas du genre Renaud : « une gonzesse de perdue, c’est dix copains qui reviennent » quand il demande pardon à un vieux camarade. Tendresse, textes originaux et musiques chaleureuses, du neuf dans la continuité de la tradition chanson française.
« C'que t'es belle quand j'ai bu,
je regrette de n'avoir pas fait d'autres abus
tellement t'es belle quand j'bois.
Les gens qui s'occupaient de la santé publique
ont crié au scandale quand je leur ai dit ça.
Je les invitais donc à venir très vite
participer à cette expérience avec moi.
Une fois que nous eûmes effacé toute forme
de modération, nous fûmes en émoi
de constater qu'au lieu de ces vilaines formes
étaient nées les courbures les plus belles qui soient. »

samedi 1 mai 2010

La Gauche près de chez nous.

Nous essayons de rassembler nos concitoyens autour d'une nouvelle association, à l’objectif clairement affiché :
"Gauche Ensemble pour Saint Egrève". Autrement dit : "G.E.ST.E."
Réunion à venir à une date facilement mémorisable :
le 10 mai, lundi prochain salle polyvalente de Fiancey à côté de la bibliothèque à 20h 30.
Ce ne sera pas une mince affaire que de surmonter des divisions tenaces pour proposer aux citoyens de la commune un outil pour échanger, afin que la volonté d’une action juste et solidaire soit crédible et cohérente.
Expérience faite, l’indépendance nous semble une valeur maîtresse pour aller vers ces objectifs qui ne se révèleront point par miracle à quelques mois des élections.
Il faudra du travail et des acteurs nouveaux.

vendredi 30 avril 2010

Mouton.

Le livre de Richard Morgiève commençait bien : « la semaine dernière le Président a déjà supprimé la quatrième semaine de congé et la dictée. Le mois prochain ça sera peut être l’accent circonflexe et les cancers de confort, on verra. » Il y a bien ces petites pastilles sur l’actualité mais qui passent aussi vite que quelques jeux de mots sans saveur, alors comme le personnage central s’appelle Mouton, les occasions s’accumulent jusqu’à l’indigestion. Une fois traversée la rue Christine Angot qui fait l’angle de la rue Yannick Noah, je me suis très peu intéressé à une histoire qui voit un double méchant venir importuner celui qui fait profession de nettoyer les cadavres dans une entreprise de pompes funèbres. Le jeu avec les polices de caractères étire un texte qui finit par devenir pénible avec une violence, une grossièreté qui ne donnent même pas d’énergie, ni de couleurs à un destin déprimant.

jeudi 29 avril 2010

Botticelli.

Le parcours même de Sandro Di Filipepi dit « Botticelli » suit les progrès et les régressions de la renaissance. J’étais resté à la surface des ses grandes œuvres :« Le printemps », « La naissance de Vénus » tellement connus qu’on ne les voit plus, sans connaître les autres.
« La naissance de Vénus » reproduit tellement les formes du baptême du Christ que le scandale était prévisible, même s’il s’agit de la reproduction d’une statue toute en pudeur qui appartenait aux Médicis. Si le florentin est surtout un graphiste, les cheveux de Vénus représentent le feu parmi les quatre éléments du célèbre tableau et « Le printemps » est un calendrier à lui tout seul qui se lit de la droite vers la gauche et se veut une synthèse entre le christianisme et le platonicisme avec ses valeurs antiques qui feraient accéder au Bien par le Beau. Ces valeurs nouvelles allaient bien à la nouvelle classe émergente : les bourgeois. Mais Savonarole, qui finira dans les flammes, fit amener, auparavant, des colifichets, des tableaux au bûcher des vanités. Et ce sont des enfants en brigade qui font régner un moment l’ordre moral avec les foules promptes à se punir. Les manières nouvelles de Botticelli oublieront la joliesse des nus, il peindra une délaissée derrière une porte, une crucifixion très noire et repentante, de même que « la calomnie » représente une Vérité sans éclat, supplantée par une femme vêtue de bure noire. Le soleil s’éteint, les visages se cachent.