vendredi 21 novembre 2008
Moscow Belgium
Film bon qui apporte un plaisir sans mélange ; la langue flamande est savoureuse, les acteurs subtils, transfigurés, passant de l’accablement de vies compliquées à la grâce de l’amour. Le réalisateur Christophe Van Rompaey aime ses personnages et nous aussi. Barbara Sarafian incarne magnifiquement l’héroïne parfois défaite, d’autres fois rayonnante. Familles recomposées, en HLM, sans misérabilisme, sans soleil artificiel, avec un beau courage au quotidien d’une femme qui a bien mérité son petit moment de bonheur, même si elle "s'obstine à tout tartiner de moutarde pour ne goûter à rien", comme lui dira son camionneur.
Soir de vote à la section P.S.
77% pour Ségolène dans notre ville. Au niveau local ce ne sont pas les consignes de Delanoë qui ont eu beaucoup de poids. La présence de Fabius au côté de Martine a fait l’effet de repoussoir parmi un groupe où les militants pour l’Europe sont influents. Nous au village aussi, l’on a eu nos tractations et le secrétaire de la section a changé ; le sortant avait débouché le beaujolais nouveau : une belle preuve de son fair-play. La nouveauté n’était pas seulement dans les gobelets : le beau score de Royal est un gage de dynamisme, de cohérence parmi nous, de volonté de renouvellement des pratiques à confirmer puisqu’il nous faut retourner aux urnes ce soir.
jeudi 20 novembre 2008
Art concret
A Mouans Sartoux, petite ville à proximité de Cannes, le château à trois faces accueille un musée dédié à l’art concret autre nom de l’abstraction géométrique. Il y a des toiles de Morellet que nous avons pu voir au musée de Grenoble. Et une exposition temporaire sur le rythme ne pouvait ignorer Sonia Delaunay. Ces productions conviennent bien aux architectures dépouillées où la lumière est éclatante. Cette esthétique qui se veut proche de l’art appliqué, de la musique s’oppose à tout sentimentalisme ; pourtant les plaques piquées d’allumettes de Bernard Aubertin qui ont laissé une trace de leur éphémère embrasement éveillent une émotion qui n’est pas qu’une construction purement intellectualisée. Il en va pour moi comme la mémoire d’une fulgurance. Le regard fait une pause après avoir balayé bien des surfaces trop lisses, des agencements tellement minimalistes qu’il n’en reste rien.
mercredi 19 novembre 2008
Corps.« Faire classe » #9
« Le meilleur que je sais sur la morale et sur les obligations de l’homme, c’est au football que je le dois » A. Camus. J’ai abusé de la citation envers ceux qui méprisaient le sport. Je ne les convaincs pas quand je compare mes plaisirs d’exégète des délires Ribéryens à leurs pointilleux échanges entre mélomanes. Affaire de classes sociales peut être, de filiation, de glèbe. Quand les souvenirs de rectangles tracés à la sciure au milieu des champs des dimanches après-midi, d’hier, m’émeuvent plus que les toutouyoutous périodiques qui vendent leur peau à la pub, aujourd’hui ; le sport a bien un lien avec la jeunesse. Bref !
J’ai eu des plaisirs jamais éventés et la chance d’exercer dans une commune dotée de gymnases nombreux, de stades soignés. Nous avons travaillé avec des moniteurs compétents, dans le confort, sans avoir le sentiment d’être l’enseignant spectateur / consommateur.
Un luxe qui nous dispensait d’installer les agrès, les plots, les haies, les poinçonneuses dans les buissons d’un parcours d’orientation, d’avoir à préparer des séquences toujours innovantes et efficaces. L’équilibre existait dans notre part prise pour animer un groupe, en arbitrer un autre, parer les débutants, apporter son éclairage, observer mes apprentis, moment rare, sans être obnubilé par mon propre discours.
Dans une programmation cohérente avec toutes les classes de la ville, sur une année, nous foulions les parquets, les sous-bois et le goudron, les tatamis, le tartan, la neige, le sable, la faïence, pour des cycles hand-ball, endurance, sports d’opposition, athlétisme, ski de piste, beach-volley, piscine. Certaines années en catamaran et kayak de mer, nous sommes sortis de l’estuaire pour aller vers l’océan.
- Dis Yacine, tu étais bien, alors, le roi du monde ?
Et Dounia du haut du télésiège redoutant la pente : « jamais je ne descendrai ça ! »
« Si, tu l’as fait : victoire ! » et pour nous le miel parce que ce n’est pas tous les jours que nous pouvons mesurer les acquis d’une façon aussi éclatante, en plein soleil, au-dessus des nuages.
Les rencontres de sports collectifs, des journées d’athlétisme, de course longue, permettaient des retrouvailles avec d’autres groupes scolaires.
Les horaires d’E.P.S. structuraient notre année. Quelques photographies, posters renouvelés au fil des cycles sur un panneau aux alentours de la classe pour faire joli, pour entourer emploi du temps et résultats, affirmer- il n’en était pas besoin - le lien entre tous les aspects de la formation. Les évaluations variées que nous avons essayé de mettre au point en concertation participaient aussi de cette légitimation du travail mené tous terrains.
Du soin était apporté pour anticiper les rendez-vous, être muni des équipements nécessaires : avoir survêt’ et des chaussures de sport pour le sport : s’appliquer. « Etre à ce que l’on fait », simplement, sans singer les égarements médiatiques concernant la concentration des athlètes gonflés à l’image, où l’impudeur les poursuit jusque sous les douches. La classe médiatique pipeautante s’est moqué longtemps de J.P. Papin de modeste origine, ce sont les mêmes qui auront des paroles bienveillantes pour les assignés faibles de l’heure : le même mépris.
Les clameurs du troisième pouvoir retentissent beaucoup dans ce champ, dictature consentie aux labels marchands. Vive les chasubles masquant les griffes des marques pour que l’équipe existe dans sa nouveauté, sa mobilité, sa diversité : les gaîtés de l’uniforme.
Les aristocrates ont des héritiers admirateurs de l’amateurisme et méprisant un peu les pue-la-sueur monnayant leurs inlassables cannes kenyanes. Cette distinction se décalque dans le monde intellectuel où les biens pourvus peuvent dédaigner l’argent, l’effort. Le vocabulaire agressif, dépréciateur, « chambreur », est celui des vestiaires, alors que dehors sur les panneaux lumineux s’affichent des idéaux. Double langue.
La métaphore sportive se vend bien, car pas mal d’évidences se révèlent en ces lieux. Il faut reprendre sans cesse les mots, les éponger, redonner du sens à « équipe », à « agressivité ». Vérité du corps, vocabulaire des postures : « adresser une passe ».
La fortune du mot « passeur » désignant le moindre sous - titreur signerait- elle l’épuisement prochain de sa réalité ?
mardi 18 novembre 2008
Le Bernin
Il faut bien du professionnalisme aux conférenciers qui officient pour les amis du Musée de Grenoble, car leurs diapositives désuètes ne sont pas à la hauteur des chefs d’œuvre qu’ils doivent nous faire découvrir. Pourtant les extravagances, les contorsions des statues du Bernin se prêteraient bien à un exposé expressif. Nous avons revu des Fiat 500 garées au bord de la Barcaccia sur la place d’Espagne à Rome… mais pas seulement. L’exposé clair mettait en lumière le passage de la sagesse aux incertitudes après le concile de Trente qui dura 18 ans : l’homme a quitté le centre de l’Univers et ses vérités intangibles. L’architecte adoptera l’ellipse et l’ovale. Les sculptures sont moins sages, moins statiques, les visages plus expressifs. La vérité de la représentation est dans le mouvement. C’est le baroque et sa théâtralité, ses volutes, sa sensualité. L’exemple développé de la statue de Saint Thérèse D’avilla visitée par un ange sardonique laisse place à des interprétations pas forcément mystiques. Son superbe David s’apprêtant à un coup décisif n’a plus la sérénité de la renaissance, mais son énergie est séduisante. Au service de sept papes, on doit à Bernini le baldaquin tortillé et le dessin de la colonnade de la place Saint-Pierre.
Père de onze enfants, il s’essaya au théâtre et fut un peintre aux autoportraits remarquables.
lundi 17 novembre 2008
Stella
Film autobiographique de Sylvie Verheyde. L’école finalement peut avoir du bon : je ne peux que souscrire à cette morale édifiante. La reconstitution des années 70 connaît quelques anachronismes particulièrement dans le langage. Le juke-box fonctionne beaucoup dans un café plein de vie, mais ce procédé qui abuse des musiques populaires est un peu facile. La voix off de l’enfant qui s’efface heureusement en cours de route, n’est pas authentique à mes oreilles. C’est toujours ce travers irritant de vouloir faire porter à l’enfant un regard distancié sur la société adulte avec une parole qui dirait la vérité alors que cette petite fille est fragile et bien peu extravertie. Le merchandising du RC Lens n’avait pas atteint les cours de récréation de l’époque, mais les épisodes en terre Chti sont émouvants, comme beaucoup de scènes entre enfants ; leur amitié, les premiers baisers maladroits sont finement saisis. Les adultes bien interprétés sont tous tragiques. Il est heureux que le législateur ait tenu éloigné les débits de boisson des lieux d’enseignement.
dimanche 16 novembre 2008
La terre des paysans
Pourquoi ces banalités recopiées dans le livre de photos accompagnées de textes de Depardon me touchent au plus profond ?
« - Vous vous êtes mariés à quel âge ?
Marcel Chalaye : - Oh ! M’en rappelle plus !!
Germaine Chalaye : - Il s’en rappelle plus !
Marcel Chalaye : - M’en rappelle pas…
Germaine Chalaye :- Il s’en rappelle plus… »
J’en ris, et je m’arrête, ce pauvre dialogue dans un livre de plus du bourlingueur bourguignon, résonne dans ma mémoire plus que de raison. Quand je lis ces autres mots précieux, car je sais aussi leur rareté : « rien me faisait un souci ; il fallait faire les foins, bon… pourvu qu’il pleuve pas, pourvu que si, pourvu que ça, et ça ronge », je sens que mes racines paysannes ne sont pas qu’une métaphore. Ces fibres me tiennent et vibrent. J’en ai eu honte comme Depardon et je suis tranquille aujourd’hui. Les photos des paysages des collines de hauts plateaux rendent tangibles la rudesse des conditions, cinq hommes s’abritent de la neige dans une bétaillère ; ces portraits toujours beaux et pas seulement graphiques, la chaleur du poêle, la folie du chien à sa chaîne, les biscuits sur la toile cirée, les solitudes et des solidités de rocs. Et comme dans son film « la vie moderne » le chant désespéré, sublime, de la fin d’un monde. Une vie se résume : « j’ai fait un peu de tout et un peu beaucoup de choses ».
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