mercredi 13 décembre 2023

Aquarella do Brasil. Sao Paulo Companhia de Dança.

Quatre séquences variées pour deux heures de spectacle donnent une belle image de la création chorégraphique brésilienne.
La troupe exprime aussi bien les airs suaves des chansons de là bas que les rythmes entêtants avec un professionnalisme qui n’étouffe pas le plaisir des surprises de chaque instant. 
Costumes, lumières, beauté des corps, précision, harmonie des groupes : tout est impeccable.  Bossa Nova, Samba traditionnelles vont bien avec des trouvailles contemporaines, enrichissant avec fluidité liberté et superbe technique. 
Je n’ai pas  forcément perçu les références à « La ronde » d’Arthur Schnitzer ni compris 
«  cela ne devrait être que vous » mentionnés sur la feuille de salle, mais dans des langues de lumière pouvaient se saisir ici la langueur des danses de salon et là l’énergie du désir. 

mardi 12 décembre 2023

Loup. Renaud Dillies.

Un loup amnésique se retrouve en jouant de la guitare.  
Les 60 pages aux couleurs sucrées s’avalent comme un donuts aux couleurs chimiques, alléchant mais sans saveur. 
L’animal va porter un masque appelé loup et au bout de son errance une audition lui procure un emploi de musicien qu’il mène sans  grande conviction. 
Graphiquement un poisson qui traverse les cases fait figure de trouvaille dans un morne ensemble qualifié de poétique par certains alors qu’un arc-en ciel ne suffit pas à mon goût pour conclure une histoire d’amour sans orage et sans soleil : vide.

lundi 11 décembre 2023

Le testament. Denys Arcand.

La satire aurait mérité plus de rythme mais l’indolence du film de 1h 50 est à l’image du personnage principal pensionnaire dans « une maison des ainés ».
Il adoucit par sa rondeur l’ironie de l’auteur du « Déclin de l'empire américain » (1986).
Vieux mâle blanc, je comprends tellement ce vieux dans son incompréhension du monde actuel,  trop excusée par son âge.
J’ai eu envie de voir cette comédie tant la critique du « Monde » était méprisante, forcément l’intersectionalité des luttes y est ridiculisée, le wokisme moqué, et l’octogénaire ne fait pas de courbette à cancel culture installée sur la place laissée vide par notre culture défaillante dans la transmission.
Si le fil sentimental m’a paru artificiel, les coups de pattes envers les médias dramatisants, les politiques opportunistes m’ont réjoui. 
Les vieux qui s’appliquent à faire du sport ou des jeux électroniques ont droit aussi à de gentilles caricatures qui m’ont parues plus contestables quant à la dénonciation de la perte des libertés par les téléphones portables ou les incertitudes lors de la crise du COVID.
Mais que diable, quand il s’agit de voir son camp moqué, on ne va pas ajouter le manque d’humour, aux dérives inquiétantes de ce monde!

samedi 9 décembre 2023

Les fruits du myrobolan. Marco Martella.

J’avais offert ce livre à un jardinier qui aime les livres, il me l’a prêté à son tour : 
j’avais bien choisi. 
« Le goût du fruit du myrobolan était celui qu’ont les choses libres et sauvages, 
un goût austère mais doux, réconfortant même et étrangement familier. » 
180 pages sensibles partagées en 10 chapitres délicats offrent des mots « simples » comme on dit de certaines plantes, « les simples », depuis un titre qui évoque un prunier prometteur d’une magnificence réservée aux poètes, aux patients, à ceux qui connaissent aussi « les fruits de la consolation. » 
« Où, dans quels bienheureux jardins constamment arrosés,
Sur quels arbres, aux calices de quelles fleurs tendrement défleuries,
Mûrissent-ils, les fruits étranges de la consolation ? »
Rainer Maria Rilke.
Rien de tapageur, mais une attention à la nature briarde : 
«Un monde qu’on ne fait que traverser en étranger et dans lequel cependant la splendeur, à l’état de restes ou de fragments clairsemés, surgit de temps à autre».
Souvent proches des livres, ses personnages sont vus avec amabilité : 
un professeur qui aurait connu ­Samuel Beckett, un autre Pasolini, une vieille dame qui a toujours rêvé d’être écrivaine, des doux originaux mystérieux et discrets, le cantonnier ou le facteur… 
« Les volets étaient fermés mais la glycine grimpant sur les murs et les rosiers, 
par delà les barreaux du portail, commençaient à fleurir. 
« On dirait que Suzanne est toujours là » dit mon voisin. »

vendredi 8 décembre 2023

La clef des champs et autres impromptus. André Comte-Sponville.

La sagesse, la clarté, propres à l’accessible philosophe nous apaisent dans ces 275 pages aérées en  douze chapitres traitant pourtant de sujets graves :
euthanasie, mort des enfants, handicap, suicide… 
« C'est la joie qui est bonne, 
mais d'autant plus méritoire et belle qu'elle est souvent difficile. » 
Le retour sur la période de la pandémie et le confinement relativise mes agacements quand les chœurs médiatiques pleurnichaient sur la jeunesse sacrifiée : 
« Le panmédicalisme est la maladie sénile de l’humanisme ». 
Dans les hommages rendus à des  auteurs : Marcel Conche, Anne-Lyse Chabert et à son ami Jean Salem, « le rouge », la force acquise dans une enfance douloureuse vécue auprès d’une mère suicidaire permet d’aller de l’avant : 
« Puissent nos désespoirs, comme il est dit dans Shakespeare, 
contribuer à enfanter une vie meilleure ». 
L’humanisme des lettres du capitaine Dreyfus depuis l’Île du Diable où il était emprisonné dans des conditions effroyables n’en prend que plus de force : 
« Etre heureux si l’on peut, c’est la sagesse ; 
rendre les autres heureux, c’est la vertu ».  
Lorsqu’il est question des « Trois mousquetaires » la santé de D’Artagnan est enviable: 
«  sans remords dans le passé, confiant dans le présent, plein d’espérance dans l’avenir. »
Il admire Spinoza, Montaigne, Pascal, et en bon pédagogue, livre quelques extraits légers et naturels de ses compagnons de réconfort qui en arriveraient à devenir familiers. 
« Le présent que nature nous ait fait le plus favorable, et qui nous ôte tout moyen de nous plaindre de notre condition, c’est de nous avoir laissé la clé des champs » Montaigne
Il cite Brassens dans le chapitre intitulé «  Mourir sans Dieu »: 
« J’ai quitté la vie sans rancune,
J’aurais plus jamais mal aux dents :
Me v’là dans la fosse commune,
La fosse commune du temps »

jeudi 7 décembre 2023

Bruxelles art nouveau.

Sur la carte où figurent les places fortes où l’Art nouveau s’est épanoui, la jeune capitale du royaume de Belgique a des arguments à faire valoir entre 1890 et 1910, « Maison Saint Cyr », comme nous le fait savoir le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble.
La ville libérale veut prospérer et les zones résidentielles s’étendent au-delà des boulevards qui ont recouvert les anciennes fortifications. Le deuxième foyer de croissance économique après Londres comptait 280 000 habitants en 1870, 800 000 en 1910.
500 maisons Art nouveau représentent 5% des constructions sous le règne de Léopold II , surtout entiché d’art classique français et soucieux de sa fortune personnelle, mais dont les collections ethnographiques pour l’exposition universelle de 1897 apparaissent dans des décors conçus par les novateurs, en « style Congo »
« La section coloniale Tervueren ».
Gustave Serurrier- Bovy
était de ceux là : «  Paravent à trois feuilles » comme Henri Van de Velde considéré comme l'un des acteurs majeurs du mouvement moderniste à la rencontre du mouvement viennois de la « Secession » précédant « le Bauhaus ».
Les lignes en coup de fouet de son « Chandelier à six branches » prétendent faire valoir la beauté pour tous.
Paul Hankar
est des leurs, 
sa « Maison Ciamberlani » du nom du peintre qui l’a commandée est décorée de sgraffites (griffures).
« L’hôtel Tassel » porte le nom du propriétaire, professeur franc-maçon, il est organisé autour de l’escalier, résume les options du
baron Victor Horta le plus célèbre des architectes belges. : lignes courbes, organiques, fusion entre ornement et structure, verre et métal. 
Les innovations techniques s’intègrent parfaitement dans un espace lumineux aux couleurs harmonieuses. Un radiateur à ailettes est installé dans le seuil. 
« Sachez rejeter la feuille pour mieux saisir la tige ».
L’ « Hôtel van Eetvelde », bâti en trois phases, a la façade audacieuse, mais la femme du propriétaire, administrateur du Congo, trouvait que le métal faisait trop « peuple »
comme dans la « Maison du peuple » aujourd’hui disparue 
bien que restituée numériquement. 
« Construire un palais, qui ne serait pas un palais mais une « maison », où l’air et la lumière seraient le luxe si longtemps exclu des taudis ouvriers ».
L’ « Hôtel Solvay »  de Horta comporte 23 variétés de marbre.
Et la « Maison Van Rysselberghe » à Ixelles a utilisé 12 variétés de bois exotiques.
« L’hôtel Otlet »
d’ Octave Rysselnerghe frère du peintre impressionniste Théo est comme modelé avant que les lignes orthogonales de l’art déco deviennent à la mode.
Des décors floraux de l’art nancéen ont été importés 
pour « La Maison Hannon » construite par Jules Brunfaut 
Paul Baudouin a réalisé les fresques des pièces occupées par des meubles de Gallé.
Dans le quartier saint Boniface, Ernest Blerot a construit 17 maisons sur le même modèle mais toutes différentes, aux balcons aux dessins originaux, aux bow-windows à des niveaux variés.
On ne peut éviter de jouer sur les mots en remarquant les demi et pleines lunes de 
l' «  Atelier du maître-verrier Clas Grüner Sterner »  par Ernest Delune.
Pour illustrer l’étendue de l’empreinte de art nouveau, on retiendra le décrottoir de la maison d’ Albert Roosenboom qui adoptera des manières plus géométriques comme Paul Cauchie.
« Le Palais Stoclet »
aux motifs dessinés par Klimt conçu par Josef Hoffman, recueille le chant du cygne des
lignes souples del’Art nouveau et annonce l'Art déco. 
« La vie est courte, l’art est long ». Hippocrate

mercredi 6 décembre 2023

La cantatrice chauve. Ionesco.

Crée en 1950 la première pièce de l’auteur du Rhinocéros est jouée sans interruption au Théâtre de la Huchette depuis 1957.
Au-delà d’une réponse à notre curiosité, nous avons pris du plaisir à cette réjouissante mise en scène de l’absurde qui vaut bien mieux que tant de productions présomptueuses.
Les familles Smith et Martin sont interchangeables, comme sont vides les phrases prononcées, les situations insensées. 
« Ma femme est l'intelligence même. Elle est même plus intelligente que moi. En tout cas, elle est beaucoup plus féminine. » 
Devant un décor peint comme on n’en fait plus mais convenant parfaitement à cette « anti-pièce », une « bonne » et un pompier intervenant au milieu de dialogues bizarres entre deux couples d’un conformisme des plus désuets, font naître rires et sourires parmi un public qui remplit toujours la salle, il est vrai bien petite. 
 « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ».