jeudi 28 avril 2022

Vert et jaune. Serge Legat.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble avait sous titré son exposé « Du hasard à l’infamie infamie  » pour évoquer l’ambivalence de la symbolique des couleurs. 
« Matinée à Beauvais », Corot, ambigu lui aussi, héritier de Poussin, a été considéré comme un des précurseurs de l’impressionnisme.
Alors que le monde se définit
par les quatre éléments, air, feu, eau, terre, le vert va être associé tardivement à la nature romantique. « Un chemin montant». 
Le vert est paisible, Goethe le recommande pour les papiers peints des chambres à coucher. Pour la liturgie catholique, les dimanches ordinaires, les prêtres portent cette couleur.
Mais chimiquement instable, avec le temps, il tourne au bleu dans « La ruelle » de Wermeer.
La
malachite est utilisée dès l’antiquité. Les éléments chimiques qui composent le vert égyptien, la terre verte, le vert russe, sont altérables. Son aspect changeant peut représenter l’instabilité, la transgression, allant de la verdeur d’un langage à celle persistante d’un vieillard.
Cennino Cennini
auteur du « Libro dell'arte », précieux pour sa description des ateliers d’artistes, a peint un « Saint Grégoire » au teint de peau différent des pécheurs ordinaires, juxtaposant couleur froide qui éloigne, et rouge qui avance. 
A rapprocher des précautions de maquillage prises par deux romaines décadentes lors d’une orgie dans « Astérix chez les Helvètes » : 
«  Passe moi le vert à lèvres, que je me refasse une laideur ».
Le « Portrait d’un jeune homme au toquet noir », tableau de cabinet, de petit format, est peint par le franco-hollandais Corneille de la Haye dit Corneille de Lyon.
Hans Baldung, dit « Grien »( green) tellement il a utilisé cette couleur privilégiée dans la palette des pays du Nord a réalisé le « Portrait de Ludwig Levenstein »
Il a été l’élève de Dürer qui avait rendu lui même hommage à son maître dans son « Portrait de Michael Wolgemut ».
« Maximilien 1° »
son mécène, tient dans sa main une grenade ouverte; ainsi réunit-il plusieurs peuples sous son universelle autorité.
Le vert colore le paradis des amours enfantines », il est fugace, comme la chance à la table des jeux de hasard dès le XVI° siècle à Venise et aussi excentrique et transgressif comme le « Joker 2019 » (Joaquin Phoenix). Les comédiens bannissent le vert depuis que Molière est mort sur scène ainsi vêtu.
Dans  « Saint Georges terrassant le dragon » d’Uccello la bête maléfique est de la couleur des serpents
et de « La tête de Méduse » du Caravage.
Moins connu que Courbet au «  Ruisseau du puits noir »,
«  La saulaie »
ne laisse pas deviner que son auteur Mondrian ira à l’essentiel avec
« Composition avec rouge, jaune et bleu » et fera passer la couleur complémentaire après les primaires.
De « Feu vert » en « mise au vert », nos contemporains de la Loire et au delà apprécient la couleur du maillot de Saint Etienne davantage que le rouge, mais moins que le bleu. 
La croix verte des pharmacies insiste sur l’idée d’hygiène, d’écologie, alors que les oasis ont inspiré la couleur du turban du prophète Mahomet et les couvertures du Coran, le drapeau de
l’Arabie Saoudite.
 Le jaune a connu des fortunes diverses, apprécié dès l’antiquité et en Asie.
En Chine, il porte la marque impériale,
« Huangdi »,
« Icône de l'Échelle sainte Monastère Sainte Catherine du Sinaï ». La concurrence reste déséquilibrée face au doré, soleil, énergie, puissance, sacré… valorisant toutes les représentations moyenâgeuses qui n’avaient souvent que des cierges pour briller.
«Trahison de Judas recevant les trente deniers »
, de l’église Saint-Ouen des Iffs. 
Le premier des traitres porte la couleur qui deviendra celle des maris trompés. 
Il cumule les défauts : roux et gaucher.
Avant l’étoile jaune bien visible, les juifs portaient la rouelle en forme de denier:  
« Juifs portant la rouelle condamnés au bûcher ».
Chimiquement stable, à partir du réséda des teinturiers, du safran, ou nuance parmi les ocres, le jaune éclaire depuis 20 000 ans les grottes de Lascaux.
Il orne les stamnos, vases grecs destinés à conserver le vin.
Géricault
auteur romantique du « Radeau de la Méduse », au cours de ses recherches fiévreuses, rencontre un de ses amis qui a la jaunisse et s’écrie : « Que tu es beau ! » Il a trouvé le ton pour les naufragés. Les héros de David peuvent laisser la place aux victimes.
Le jaune de Naples s’est révélé toxique, Van Gogh utilise le jaune de chrome :  
«  Maison jaune à Arles ».
Ses « Tournesols » cherchent le soleil comme il a cherché Dieu.
« L’Omnibus »
éclatant de Bonnard débouche 
alors que les premières ampoules électriques lancent leurs lumières jaunes.
Le « Chat aux poissons rouges » du fauve Matisse carrément blond, 
peut entrer dans la famille des chiens rouges de Gauguin.
La «  Peinture pure » de Van Doesburg  met la couleur aux lueurs proches du flavescent
en bonne place.
Le maillot de la couleur du journal l’Auto qui créa le Tour de France fut remis pour la première fois à Grenoble en 1919 à Eugène Christophe, dit « Le Gaulois ». 
Quand le rire prend la teinte des briseurs de grève, il n’est vraiment pas franc.
Il est menacé par l’orangé omniprésent dans les années 70 dont les vitamines sont visibles à  « l’Institut néerlandais de l'image et du son » au pays de la maison d’Orange qui connut en peinture son « âge d’or ». 
« Certains peintres transforment le soleil en un point jaune ; d'autres transforment un point jaune en soleil. » Picasso 
« Paysage catalan (Le Chasseur) » Joan Miró.

mercredi 27 avril 2022

Strasbourg # 5.

nous nous déplaçons vers le N.E en direction des Institutions Européennes.
Nous posons la voiture au P+R tout proche et  nous investiguons autour du Parlement.
A ses pieds, le club d’aviron s’entraine sur  l’Ill. 
Un planton nous informe que le bâtiment  ferme à midi et rouvre à 13h.
Nous cheminons alors à la recherche d’un restaurant, découvrant un quartier ouvrier attenant avec des maisons clonées mais plutôt cossues, des villas bénéficiant d’une ambiance reposante.
Malgré la proximité du Parlement, nous ne dégottons pas facilement un lieu de restauration :
un passant interrogé nous indique le parc de l’Orangerie, le plus grand de Strasbourg où effectivement  nous pouvons nous installer à une terrasse  pour « snacker » et plus si l’envie se faisait sentir.
Une salade de crudités et un plat végétarien remplacent le menu du jour épuisé à cette heure tardive.
A côté, une maison ancienne à colombages provenant de Molsheim  dispose d’un restaurant chic aujourd’hui apparemment fermé. Nous profitons du lieu verdoyant et paisible. Ce joli parc doit son nom  au beau bâtiment à grandes verrières destiné aux plantes.  Des cyclistes et des joggers sillonnent les allées sans gêner les promeneurs qui  peuvent apprécier les aménagements, les grandes surfaces de  gazon bien tondu et un plan d’eau avec des jets et des cygnes.
Nous retournons au parlement Européen,  mais avant d’en franchir les portes, il nous faut  récupérer à la voiture des masques chirurgicaux, seuls acceptés en ces lieux,  nos masques en tissu ne convenant pas. 
Nous montrons patte blanche avec notre carte d’identité (impasse sur le Pass sanitaire), passons ainsi que nos sacs sous des portiques obligatoires comme dans un aéroport et pénétrons dans une cour circulaire immense.
Du personnel nous explique comment parcourir les différents endroits accessibles au public  en suivant les balisages.
L’architecture intérieure est vraiment belle, grandiose.
Nous évoluons dans une sorte de jardin d’hiver
avec des plantes lianes accrochées à des tubes sur plusieurs étages 
dans une dominance de verre, bois et métal.
Des escalators et des ascenseurs  desservent les niveaux où les bureaux clos reçoivent les députés ou les réunions.
Lorsqu’aucune séance ne se déroule, l’hémicycle se visite à l’aide d’audio guides prêtés  gratuitement.
Comme dans un écrin, il est enfermé dans une structure en bois en forme de boule. 
A l’intérieur, nous accédons par le haut dans la salle en gradins sur lesquels nous nous asseyons pour écouter l’exposé enregistré d’une vingtaine de minutes, très instructif. 
Ici, quelques 700 voire 751 députés des pays de l’Europe siègent  regroupés par tendances politiques et reliés par casques à de nombreux traducteurs. Seule la teinte  bleue du drapeau  s’impose sur le mobilier ou toutes les surfaces colorées de l’hémicycle, abandonnant  aux  étendards nationaux  réunis la lumière, la diversité et l’éclat. Hors de la salle en suivant le balisage, des informations interactives très pédagogiques complètent la visite. Elles concernent les députés de chaque pays, leur nom, leur CV, leur fonctions.
Elles citent  aussi quels sont les lieux spécifiques, par exemple, Francfort pour les finances,  Luxembourg pour la justice. Tous ces renseignements s’obtiennent au moyen  d’écrans manipulés avec des stylets en forme de stylo/lampe made in China offert en souvenir. 
En souvenir aussi, l’Europe nous propose de poser avec en fond d’image soit la façade du parlement, soit l’hémicycle et de nous expédier la photo obtenue par mail. 
Enfin, une série de clichés célèbrent les moments forts et les personnes marquantes de la CE
Le circuit balisé étant fini, nous sortons du parlement.
Nous  nous acheminons vers le Palais des droits de l’homme, bien qu’il ne se visite pas. Nous tombons sur une manifestation  modeste de jeunes Turcs interdite d’entrée et stationnée devant la grille. Un jeune homme au français difficile malgré ses efforts  est heureux de notre intérêt. Il nous renseigne sur leur  intervention qu’il souhaiterait  plus médiatisée bien qu’une caméra filme les porteurs de pancartes et enregistre l’interview d’un des leurs. Les revendications portent sur l’arrestation de 355 cadets de l’armée arrêtés sans jugement la nuit dernière et de la mort de 2 d’entre eux. 
Nous rentrons nous reposer et diner à la maison  (gaspacho taboulé mousse au chocolat  et bière). Nous espérons bien ce soir assister au son et lumière de la cathédrale. Nous attrapons la navette pour les Halles Sébastopol sans oubli et sans erreur et même en avance.
Nous disposons de tout notre temps pour rejoindre le lieu du spectacle, plutôt lumière que son. Les thèmes de la projection n’abordent pas l’histoire du monument ou de la ville, comme à Amiens, Reims ou Chartres mais ils s’avèrent plaisants à regarder.
Nous disons adieu à Strasbourg avec une dernière promenade vers le pont du corbeau au milieu du monde flânant dans les rues.