jeudi 16 janvier 2020

Luca Giordano. Fabrice Conan.

L’exposition consacrée au peintre napolitain Luca Giordano (1634 -1705)  jusqu’au 31 janvier 2020 au Petit Palais à Paris peut permettre de mieux connaître cet artiste prolifique (5000 œuvres) bien présent dans les musées français. Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous a présenté celui qui fut surnommé « Luca fa presto ». Son « Autoportrait » mélancolique sur fond dépouillé gagne en dynamisme avec quelques grandes langues de peinture blanche pour la cravate. Les Caravagesques ont eu de l’influence sur sa palette.
Un autre « Autoportrait » où il a chaussé des « pierres à lire » a un côté contemporain que les nombreuses commandes qu’il a honoré tout au long de sa carrière ne laissent pas deviner : ses œuvres de grands formats jouent le plus souvent avec le faste baroque.
« Notre-Dame du Rosaire », du musée de Capodimonte à Naples, célèbre le culte à Marie confié aux dominicains en présence d’une carmélite d’origine espagnole ; les espagnols étaient alors présents à Naples. La stature des personnages fait penser à Rubens, sous une lumière vénitienne.
Les architectures en fond des « Aumônes de Saint Thomas de Villanova »  évoquent Véronèse,
 alors que le mendiant peut figurer comme un hommage au personnage central du « Martyre de saint Laurent » du Titien.
Dans la « Sainte Famille et les symboles de la Passion » pour les sœurs carmélites déchaussées (leurs frères sont les carmes déchaux), l’éclairage est dit « romain » pour la partie basse qui se distingue du pailleté du haut.
« Saint Nicolas en gloire » vient de ressusciter trois enfants et a fourni trois pommes d’or à trois jeunes filles qui ne pouvaient être dotées. Les effets chromatiques sont modulés et la composition habile.
« Le bon Samaritain » fut longtemps attribué à Ribera, un de ses maîtres, Delacroix en parlait comme d’un tableau « miraculeux » où les touches moelleuses sculptent un corps souffrant rencontrant la pitié et la miséricorde. Goya et Daumier s’annoncent. 
Ses thèmes empruntent aussi à la mythologie: son « Apollon écorchant Marsyas » symbolise la victoire du Dieu à la lyre contre le satyre terre à terre qui avait récupéré la flute dédaignée par Athéna mais en jouait trop bien. Voilà la version de Ribera.
Six répliques du « Suicide de Caton » témoignent du succès d’un des modèles du stoïcisme qui ne voulut pas « survivre à la liberté ».
Parmi d’autres, ce « Portrait de philosophe » sans ostentation est naturaliste et fort. 
« L'Histoire écrivant ses récits sur le dos du Temps » est allégorique, le dieu Saturne ou Chronos tient la faux des moissons qui fauche aussi la vie, elle est « la maîtresse de la vie, la lumière de la mémoire, l'esprit des actions ».
Domenico Gargiulo témoigne « Largo Mercatello a Napoli durante la peste del 1656 » : 250 000 morts.
« Saint Janvier intercédant pour la cessation de la peste » : la lumière affronte les ténèbres.
« Lucrèce et Tarquin le magnifique » la jeune femme préférera la mort plutôt que celle de son esclave et d’être déshonorée par le fils de son mari.
 « Ariane abandonnée » est bien vivante
 et « Vénus dormant avec Cupidon et satyre » sensuelle.
Il avait travaillé à Naples, Florence, à de grandes fresques : « L’enfer des Grecs :  Nyx, Morphée, Charon et Cerbère » du palais Médici-Riccardi.
Charles II de Habsbourg l’a invité à décorer le palais du Buen Retiro « Allégorie de la toison d’or » et le monastère de l’Escurial. Il restera 10 ans en Espagne de 1692 à 1702. Il meurt à Naples en 1705, où il était né.
Avec vigueur, il a revisité les différents styles du seicento (XVII° siècle), de fresques en peinture d’autels, de portraits en vastes compositions, depuis les paradis antiques et les martyrs chrétiens jusqu’aux aux femmes langoureuses pas toujours bien cachées derrière des drapés veloutés.

mercredi 15 janvier 2020

Lacs italiens 2019. #6. Bergame : musées

Matinée tranquille : deux comparses partent au supermarché « Il gigante »,
J. s’empare du balai et de la serpillère, je lave chemises et cheveux.
Nos coursiers achètent aussi au bureau de tabac des tickets de train pour Milan
(11 € AR).
Et c’est vers 10 h30 que nous partons à pied à une première découverte de la ville basse entourée sur le plan par Marzio vers la piazza Pontida, évitant autant faire se peut les grosses artères ; nous traversons un quartier favorable aux commerces chinois et indiens.
Nous rejoignons inévitablement la viale Giovanni XXIII en direction du funiculaire.
A ses pieds, des cars déversent leur lot de touristes du 3ème âge.
Mais une fois en haut, après un coup de folie du GPS qui nous trimbale de gauche et de droite, n’ayant pas vu l’adresse sur le plan du Lonely planet car trop excentrée,  nous cheminons vers l’est en redescendant dans la ville basse par des chemins inédits de toutes façons, en contrebas du jardin du souvenir de la Rocca visité le 1er jour. La piazza Carrara sert d’écrin au musée du même nom, face au GAMeC. Le musée Carrara : 12€ l’entrée et pas de fermeture entre midi et deux heures. Nous sommes pratiquement les seuls  hormis les gardiens à investir les salles réparties sur 2 étages.
Au 1er étage : les peintures du XIV° et XV° siècles représentent  beaucoup de Madonna col bambino (Mantegna, Bellini), de scènes religieuses, de Saint Sébastien et Saint Roch. 
Sont exposées aussi des œuvres de Botticelli qui déçoivent D.,
une résurrection du Christ d’Andrea  Mantegna aux couleurs flashy surprenantes,
un Saint Sébastien de Raffaelo  aux traits féminins.
La fatigue et le froid glacial de la clim excessive imposent une pause méridienne.
Nous nous restaurons  à la bottega del gusyo, taverne ou cave à vin bobo pas donnée mais qui a le mérite d’être à proximité : au menu : lasagnes aux champignons ou végétarienne, accompagnées d’un verre de chianti, et café en dessert.
 
 
Nous retournons au musée poursuivre notre visite, admirer des Canaletto, Guardi Longhi et Hayez installés dans une aile du 2ème étage. 
 
 
 
De multiples peintures représentent  le compositeur Donizzetti, enfant du pays, comme ce tableau décrivant son agonie adoucie par une joueuse de piano.
 
La statue d’Andromède du Bernin au nez cassé n’a pas la puissance  et la sensualité habituelles mais on reconnait cependant la main de l’artiste.
Je suis impressionnée par un encadrement de porte monumental en bois montrant un ange armé d’un arc en lutte avec un aigle ou serait-ce un dieu antique ? 
S’intégrant  dans plusieurs des salles, une exposition temporaire des œuvres de la maison de mode Gucci, foulards et 2 robes en soie font se cotoyer les époques. Arte di Moda.
Par contre  nous faisons un petit détour derrière le musée, où les élèves d’une école d’art se sont fait la main sur des fresques dont la patine et l’effacement  pourraient  de loin faire croire à de l’ancienneté ; leur délabrement doit sans doute plus à de la mal façon ou un matériel modeste.
Le GAMeC (musée d’Arte Moderna e contemporanea) entrée 5 €
 
Là encore, nous nous retrouvons seuls dans cet ancien monastère  du XV° entièrement restauré, constitué de 2 étages organisés en courants artistiques.
Y figurent :
- des noms célèbres : Warhol , César , Christo , Vasarely, Kandisky ...
- des peintres italiens: Morandi et ses bouteilles, Balla, De Chirico, …
Nous rentrons à pied par la via Pignolo pavée et sans place de parking, longée de palais du XVI° parfois abandonnés, mais mystérieux derrière les lourdes portes et les persiennes closes.
L’affiche « Vendesi » est hélas fréquente sur ces bâtiments témoins d’une prospérité ancienne.  Place San Spirito, nous craquons pour une glace ou un granizada. Devant nous la façade d’une église jamais terminée nous intrigue,  aujourd’hui affublée d’une sculpture moderne en bronze indéfinissable et monumentale qui semble jaillir du mur. Guy y voit un aigle mais renseignement pris il s’agirait du Saint Esprit se répandant presque jusqu’au parvis.
 
Nous continuons vers l’axe important Giovanni XXIII, croisons quelques boutiques chics, Dior entre autres,  jetons un œil curieux dans l’église sombre de la porta Nuova dans laquelle un vieux prêtre officie mollement devant une maigre assemblée qui peine à chanter juste.
Après avoir photographié une maison style liberty dans notre quartier de la gare au bout de la rue Novelli, nous retrouvons notre appartement avec plaisir. Courbatures et crispations sous les pieds se font sentir.
J. nous fait cuire de délicieux petits artichauts  charnus et goûteux que nous mangeons avec de la charcuterie locale, dont une délicieuse mortadelle.
Pendant  l’apéro avec du vrai spritz cette fois, nous élaborons le plan de bataille pour demain à Milan. Espérons que la météo soit clémente!


mardi 14 janvier 2020

Une maternité rouge. Christian Lax.

Cette fois au dessin et au scénario, Lax, qui avait déjà traité de la guerre d’Algérie, fait le pont entre le pays Dogon et Paris.
Le grand Hogon, ancien instituteur, a chargé un jeune homme d’acheminer une statuette du XVI° siècle vers Le Louvre pour la protéger des islamistes qui estiment qu’il n’y a que Dieu qui puisse sculpter. Au moment où des restitutions promises aux pays d’origine se concrétisent, le sujet est d’actualité. La France qui avait pillé tant d’œuvres d’art au Mali va être un refuge pour cette « maternité rouge ».
Le parcours est dramatique à travers le Lybie, la Méditerranée juqu’aux tentes installées sous le musée de La Mode au bord de la Seine. D’autres questions évitant toute candeur sont  abordées : les moyens utilisés pour la préservation d’œuvres d’art ne seraient-ils pas mieux employés à s’occuper des vivants ? Les dessins sont magnifiques et participent à la célébration de la beauté du monde, ses paysages, ses œuvres, ses hommes.
  

lundi 13 janvier 2020

Le Lac aux oies sauvages. Diao Yinan.

« Libé » en matière culturelle aime toujours être de préférence où ne sont pas les autres, se montrant méprisant envers ce film loué par le reste de la presse, parfois même d’une façon outrée qui vaut à certains extraits de phrases d’apparaître dans une publicité dithyrambique.
Ni cet excès d’honneur ni d’indignité ne sont mérités.
J’ai beaucoup aimé l’esthétique de chaque plan au service d’une vision de la Chine me semble-t-il assez inhabituelle. Le polar bien mené a toutes les caractéristiques du genre avec cependant une patte originale, une musique et des sons qui ont leur importance.
L’étau se resserre  sur un beau gangster poursuivi par la police et un gang rival.
Tiens j’avais pensé à « A bout de souffle » avant que Télérama me le souffle, mais sans le côté chic du noir et blanc, nous sommes dans le noir, la pluie, les quartiers déglingués où la moindre pétrolette est menaçante, il y a bien un lac, mais point de sérénité : de la violence et des oies pas vraiment blanches.