mercredi 2 mai 2018

Madrid 1.


En cette semaine bien plus sainte dans la capitale espagnole que dans celle des Alpes (françaises) nous avons coché pas mal de lieux « incontournables » signalés par les guides touristiques et nous nous sommes régalés dans bien des bars à tapas et restaurants retenus par notre guide.e qui termine ses huit ans d’études là bas.
Nous avons regretté de ne pas avoir pu nous promener dans le parc del Buen Retiro fermé pour cause de vent. 
Nous n’avons pas choisi la « Corrida de la Résurrection » qui a enchanté les Landais de notre groupe familial découvrant un des temples de la tauromachie, c'est que nous sommes Dauphinois. L'arène peut contenir quelques 20 000 spectateurs dans son enceinte à l’architecture mauresque.
En bon PSGphobe, je m’étais polarisé sur le Réal, qui ne jouait pas à domicile, oubliant qu’il y un Athlético; alors footeux piteux, je n’ai pu me distinguer autrement qu’en honorant la coutume locale d’un vermouth avec des anchois disposés sur une gelée sucrée, à partager avec les autres convives, comme la tortilla baveuse à souhait.
Nous commençons logiquement par le point zéro à la Puerta del Sol, lieu de manifs et  de fêtes pour passer d’une statue équestre à l’autre en direction de la grandiose Plaza Mayor sur laquelle donnent 237 balcons en fer forgé. Les châtiments de l’Inquisition s’y déroulaient : bûcher, garrot ou pendaisons. Au XXI° siècle s’y produisent seulement des processions.
Les étals du coquet marché San Miguel nous avaient mis en appétit pour d’excellents chipirons sur riz grillé à l’Impartial avec déco beau de chez bobo dans le quartier La Latina que nous allons beaucoup fréquenter.
Nous n’avons pas pris le train, mais sommes allés faire un tour à la gare d’Atocha remarquable pour son architecture en fer qui lui donne plutôt une allure de serre où poussent 7000 plantes.
La gare moderne attenante se partage le trafic ferroviaire avec la gare de Charmartin pour les 3 millions et demi d’habitants de la deuxième ville de l’Union Européenne après Berlin.
Personne n’a oublié les 200 victimes du terrorisme islamiste de 2004.
Nous avons préféré les oeuvres classiques du musée du Prado plutôt que les jeux avec les images de Warhol au Caixa Forum ou les délices du jardin botanique pas encore en pleine floraison.
De Goya nous connaissons d’avantage son terrible « Saturne dévorant son enfant » que ses magnifiques portraits de cour et le « Tres de mayo » que le « Dos de mayo » pourtant puissant.
Ses angoissantes « peintures noires » sont impressionnantes et ses travaux préparatoires éclairent les portraits de groupe aux regards inquiétants.
 
Comme nous ne pouvons tout voir nous allons vers les régionaux de l’étape: Vélasquez, Murillo, Le Gréco, Ribera, Zurbaran... Exception faite pour « Le jardin des Délices » du Flamand Bosch qui n’a pas livré tous ses secrets et nous étonnera toujours.
A minuit les cloches se déchaînent, elles sont revenues de Rome que ma prof de femme vient de visiter avec ses élèves.

mardi 1 mai 2018

Arrière-pays. Nouvelles du pays. Ferrandez.


Ah qu’ils sont jolis les petits villages de Provence, des Basses Alpes disait-on, de l’arrière pays niçois à Avignon, en été. Bien que dans les bals où apparaissaient quelques belles de la ville en villégiature, la solitude des jeunes hommes maladroits ne se dissolvait pas si facilement dans l’alcool.
Chronique de plusieurs vies dans les années soixante en toutes saisons, quand la transhumance avait déjà des airs de conservatoire des coutumes, quand le dernier des réfractaires mourait seul sans eau ni électricité pas loin des chantiers de l’autoroute du soleil, quand le train des pignes ramenait la mamée de l’hôpital où elle retournerait pour toujours.
Reprise utile, relativement récente (2003) d’albums anciens (1982) qui étaient épuisés.
Les couleurs et les traits du dessinateur de la Méditerranée pour illustrer des scénarios efficaces étaient déjà séduisants et forts http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/01/lhote-jacques-ferrandez.html. Ce n’est pas d’aujourd’hui que date la dévitalisation de « la France périphérique » ni que les vieux saoulent les jeunes de leurs souvenirs. Il y aussi de belles passions avec celui qui monte un musée de la moto ancienne, ou des scènes cruelles chez un écrivain en immersion. Les portraits sans concession côtoient la  tendresse, la liberté, et les conformismes sociaux.

lundi 30 avril 2018

La mort de Staline. Armando Iannucci.


L’humour est un remède des plus efficace contre l’oppression, mais une fois le dictateur disparu  dans les années 50 peut-on rire autour de ses crimes ? La gageure est difficile à tenir.
Les personnages qui complotent pour la succession de Staline sont pleutres, ridicules, pathétiques, tellement bêtes et méchants que je me suis dit tout au long d’une heure trois quarts : ce n’est pas possible !
Bien que les acteurs anglais jouant dans leur langue éloignent de tout réalisme, vérification faite, les péripéties, certes concentrées dans le temps, ne sont pas si loin de faits historiques qui comportent encore beaucoup de zones d’ombre. Dans un climat dément, de complots, de paranoïa, beaucoup de documents ont disparu.
Cette comédie condamne plus efficacement ce régime que bien d’autres films tragiques, mais j’ai eu mal pour mes camarades pourtant combattus politiquement, qui ont gardé, malgré les millions de morts, quelque indulgence pour le communisme.
Ebahi de tant de cynisme de la part de politiques, qui de tout temps figurent au centre de la cible brandie par d’autres politiciens sans imagination, j’ai trouvé le jeu des acteurs caricatural, les dialogues souvent grossiers, et j’ai eu bien des difficultés à rire quand dans les couloirs de la Loubianka on entend, gag récurrent, les torturés contraints de crier « vive Staline » avant d’être exécutés.

dimanche 29 avril 2018

Deadtown. Les frères Forman.


Retour vers les souvenirs d’un chapiteau slave où se mêlaient théâtre et cirque en images nostalgiques, il y a 10 ans déjà : http://blog-de-guy.blogspot.fr/2008/12/obludarium.html.
Nous poussons les portes du saloon de notre enfance, laissant les herbes qui tourbillonnent (Tumbleweed) à la porte, et reprenons nos cow-boys extatiques et indiens de plastique.
L’intimité de la première piste circulaire a laissé place à une scène plus frontale, aux allures familiales et artisanales d’un professionnalisme toujours aussi sûr.
Je repérais il y a peu des procédés de mise en scène à la mode en ce moment http://blog-de-guy.blogspot.fr/2008/12/obludarium.html qui ne se justifient pas forcément, mais ici la fine toile qui s’interpose entre le plateau et les gradins est toute indiquée pour ajouter le grain des films anciens ou apporter un voile quand les morts se multiplient et ressuscitent. Trampolines ou escaliers à roulettes participent aux escamotages permanents d’une réalité qui se dispute avec les souvenirs et les rêves.
Chants, danses, acrobaties, illusionnisme, alternent  au rythme  des coups de pistolets factices et d’un orchestre en vrai. Les chevaux sont  montés sur roue et l’acrobate à vélo genre chercheur d’or est brillant, les piliers de cabarets patinent et les planches tremblent quand les femmes en bottines cabotinent, les cactus s’éclatent, les paysages de jeu vidéo s’élargissent et entrent dans la baraque. Si la cadence ralentit  dans la deuxième partie nous nous laissons volontiers bercer par les images poétiques en rafales.

samedi 28 avril 2018

Et vous avez eu beau temps ? Philippe Delerm.


Quand le sous titre annonce «  la perfidie ordinaire des petites phrases » je me suis dit : le gentil écrivain ignoré des critiques patentés car ses écrits ne concernent pas les nazis dans années 30, aurait-il abandonné la description des moments ensoleillés de nos vies pour s’adonner à moraliser ?
Et puis à examiner sous le microscope ce « Et » initial recèle effectivement quelque feinte, comme tant d’autres expressions dont il fait rendre tout le jus :
« J'dis ça, j'dis rien » « C'est pas pour dire mais... » « Nous allons vous laisser » « En même temps, je peux comprendre » «  Tu n’as rien vu venir »
et le terrible : « Pour être tout à fait honnête avec toi » : «  C’est juste insupportable » ...
Il va chercher chez Proust : «  Celui qui vous l‘a fait ne nous l’a pas vendu », 
chez Hergé :«  Oui mon brave Milou » 
ou dans des expressions régionales : «  C’est y votre temps ? », 
chez les commerçants : « Je me suis permis » « Je reviens vers vous », 
chez Ferré : « Ne rentre pas trop tard, ne prends pas froid ». 
Les excès de l’honnêteté peuvent effectivement être pesants:
« Vous étiez avant moi » «  Moi, je ne sais pas faire » 
et la recherche de la distinction  appuyée : 
« Et vous êtes allés à la Pointe ? » « Tu n’as pas lu Au dessous du volcan ? ».
Plaisir de la langue, subtilités, sous texte, hypocrisies et  tendresses en 160 pages délicieuses.
Par exemple, ce moment conviendrait tout à fait pour picorer un de ses courts chapitres :
«  C’est le milieu de l’après midi, une heure sans heure, alentie par la chaleur, supportable sous la terrasse couverte, le ballet comme on dit ici.  Après la sieste- depuis ses premières crises d’angine de poitrine, elle accepte de s’allonger un peu, le déjeuner fini, la vieille dame vient s’asseoir dans son fauteuil d’osier, tourné vers le jardin. »… « Moi, je vous regarde »
J’aime regarder, écouter le monde à la suite d’un des chouchous de ce blog.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/02/journal-dun-homme-heureux-philippe.html

vendredi 27 avril 2018

Le Postillon. N° 45. Printemps 2018.


Dans cette livraison, le journal satirique du quartier Saint Bruno à Grenoble crapote, toussote, crachote, quelque peu.
La première page est plutôt convenue: « Avec Piolle je positive » annonçant un article qui reprend les plaintes d’employés municipaux qui n’ont pas perçu dans leur quotidien les effets d’un « buen vivir » slogan très com’ mais pas forcément communicatif.
Cet abus généralisé des grands mots trompeurs doit être débusqué car il participe à la perte de saveur du politique, banalisant jusqu’à sa critique. L’ironie elle-même s’affadit lorsque le maire de Grenoble  est devancé  par Ferrari pour le poste de remplaçant de Salengro dans le casting de Groland.
Les scoops de la saison nouvelle portent sur des anecdotes : une personne armée aurait été vue à la Villeneuve, les badges de la nouvelle école Simone Lagrange ont des problèmes de paramétrage, et le directeur du journal qu’ils persistent à appeler Daubé aurait battu sa femme. Après ça les rédacteurs anonymes qui font témoigner des employés sous de faux noms vont regretter de ne pas être pris au sérieux comme journalistes ! Pseudos sur le net, témoignages aux visages floutés dans une époque où la transparence est une vertu proclamée : allez éduquer vos mômes à la franchise !
Par contre la présentation des revendications de travailleurs sociaux dépendant du département sous forme d’un entretien tels que ceux-ci en mènent avec des personnes en difficulté est percutante, dense et originale.
Le refus des compteurs Linky est répétitif, et je persiste dans mon incompréhension quand je vois des écologistes acharnés parler d’enlaidissement des paysages avec les éoliennes ou de « désastre environnemental » quand une micro centrale hydraulique est envisagée. De même que le problème de l’extraction des métaux rares composants nos téléphones et autres batteries me semble un prix à payer pour de progrès indéniables, bien que l’interrogation «  A quand des mines de cobalt en Belledonne ? » soit pertinente face à nos égoïsmes bien pensants. Cela étant accolé judicieusement à un compte rendu d’exploration dans les mines qui ont alimenté, dans les années 1880, 32 cimenteries (1/3 de la production nationale) qui employaient alors 1250 personnes à Grenoble et alentours.
L’actualité a amené les difficultés de l’hôpital sur le devant de la scène et si les postillonneurs restent vigilants quant aux stratégies de communication, ils ne se donnent pas les moyens d’une réelle enquête, se contentant de rapporter les réactions à un film concernant le CHU : « La fin de l’omerta » qu’ils ne contribuent guère à briser faute de manque de pratique de la contradiction ou d’approche équilibrée d’une institution complexe. Ils sont plus dans leur périmètre de confort en rendant compte d’un livre «  La sécu, les vautours et moi-les enjeux de la protection sociale » sous le chapeau approprié : «  De qui l’avenue Ambroise Croizat tient-elle son nom ? »
Un article concernant les MNA éclaire les débats actuel : 1200 exilés Mineurs Non Accompagnés ont été reçus dans l’Isère en 2017 dans des conditions qui deviennent de plus en plus difficiles.
Si une partie de pêche à la confluence du Drac et de l’Isère est distrayante, le rappel de l’histoire des pompes funèbres à Grenoble est intéressant d’autant plus qu’il est suggéré d’accéder au paradis sans enrichir les vautours.
Faute d’avoir trouvé un dessin spirituel, je reprends une de leurs photographies de tag qui avait repris un de leur titre ancien, quand ils étaient drôles et inattendus.
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Voisin de présentoir, un hors série de Charlie hebdo qui a recueilli les témoignages d’une soixantaine d’enseignants : « profs les sacrifiés de la laïcité ».
«  J’avoue avoir de plus en plus l’impression d’aller enseigner dans un territoire qui serait comme un laboratoire du pire, qui couvre peut être les atrocités de demain, avec lequel on entretient un déni devenu aussi ridicule que violent, de la part d’ami-e-s et collègues de gauche comme de la part des élites du même bord. » 
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En supplément un dessin du  magazine Le Point :

jeudi 26 avril 2018

Yves Klein. Christian Loubet.


Le conférencier traitant du « blues d’Icare » devant les amis du musée de Grenoble va nous emmener au-delà du bleu immuable qui est associé au peintre né à Nice en 1928.
Il a manifesté très tôt une soif d’absolu passant par le judo, le bouddhisme, l’art Gutai, la cosmogonie Rose Croix et la philosophie de Gaston Bachelard. Yves Klein à l’institut Kodokan.
« Alors que j'étais encore un adolescent, en 1946, j'allais signer mon nom de l'autre côté du ciel durant un fantastique voyage "réalistico-imaginaire". Ce jour-là, alors que j'étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci, de-là, dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu'ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres. »
Puisqu’il a pris le ciel, il partage le monde avec son ami Arman à qui revient la terre, l’air sera pour le poète Claude Pascal.  
Yves Klein et Claude Pascal dans les rues de Nice en 1948.
Devenu ceinture noire, quatrième dan, il accroche plusieurs monochromes aux couleurs  des différentes ceintures de judo dans l’école qu’il vient d’ouvrir.  Peintures, 1954
Au salon des Réalités Nouvelles, son monochrome orange, Expression de l’Univers de la couleur mine orange est refusé par le jury.
« Une seule couleur unie, non, non, vraiment ce n’est pas assez, c’est impossible ! »
Et pourtant, Malevitch, Carré blanc sur fond blanc en1918 est à la limite du perceptible.
Rothko White Band no. 27  « buvarde » et donne à méditer.
Qui a-t-il derrière les entailles de Fontana, Concetto spaziale/Attese ?
Et que dit Icare de Matisse en papier bleu découpé ?
Le souvenir de De Staël pourra-t-il se dissocier de son suicide comme s’il était condamné à un ordre local ? Tempête.
Il fait la connaissance du critique Pierre Restany qui oblige le spectateur « à saisir l’universel sans le secours du geste ou de la trace écrite. » Si Milan reconnaît « chaque couleur comme une présence » Londres ne comprend pas. 
A Paris il présente dans une galerie une salle entièrement vide : Immatériel,
et lâche 1001 ballons : Sculpture aéro-statique.
Avant de travailler avec Jean Tinguely
où il est question aussi de « saut dans le vide », il réalise des monogolds et monopinks:
« la monochromie est la seule manière de peindre permettant d’atteindre à l’absolu spirituel. »
Après sa rencontre avec Rotraud Ueker du groupe allemand Zéro, il développe la technique des pinceaux vivants, « célébration d’une nouvelle ère anthropométrique ».
Pendant l’exécution de « La symphonie monoton » des femmes nues apposent les empreintes de leur corps sur des papiers blancs, ou laissent la trace de leur silhouette en négatif après vaporisation, composant une série de 180 œuvres. Est alors suggéré, « le passage du visible à l’invisible, du matériel au spirituel » et inversement.
Il participe aux expositions des « Nouveaux Réalistes » avec Arman, Tinguely, Raysse, les niçois, qui ont fréquenté les mêmes lieux, sans constituer véritablement une « école niçoise ».
Il retrouve aussi César, Villéglé, Spoerri …dans la présentation de «  A quarante degré au dessus de dada » avant de désapprouver un nouveau texte de Restany.
Ses premières « cosmogonies » sont réalisées à Cagnes-sur-mer.
« Je plaçai une toile, fraîchement enduite de peinture, sur le toit de ma blanche Citroën. Et tandis que j’avalais la nationale 7 à cent kilomètres à l’heure, la chaleur, le froid, la lumière, le vent et la pluie firent en sorte que ma toile se trouva prématurément vieillie. Trente ou quarante ans au moins se trouvaient réduits à une seule journée. »
Dans ses sculptures de feu, les couleurs flambent.
Il porte l’uniforme de l’ordre des chevaliers de St Sébastien lorsqu’il se marie avec Rotraud. Tableau de mariage (1962), Yves Klein, Christo
Au musée des arts décoratifs, est présentée une maquette du « Rocket pneumatique » engin sans retour « pour les consommateurs d’immatériel décidés à disparaître un jour dans le vide ».
Il meurt à 34 ans. Il venait d’assister à la projection de « Mondo cane » un film provocateur qui présentait une de ses performances d’une telle façon qu’il s’était senti humilié.
Ayant désigné «  tout espace comme espace plastique possible », « son refus de recourir à l’objet » et la notion « de sensibilité immatérielle » vont laisser des traces dans bien des courants: le body art, le minimalisme, l’art conceptuel. Pour le conférencier niçois, il a rejoint Matisse, Bonnard et Ernest Pignon Ernest, sous le blason « soleil d’or sur fond d’azur ».