mercredi 24 janvier 2018

Art Nouveau dans la ville de Nancy.

Même si nous n’avons pu visiter le Musée de l’école de Nancy, le« saint des saints », ni la villa Majorelle en réfection en ce moment, je remets mes pas derrière notre guide de l’agence « La Madeleine », complété par une déambulation à l’aide d’une bonne carte offerte par l’office du tourisme pour un petit retour vers une modernité de plus cent ans d’âge qui a transfiguré la ville.
Bien que l’intitulé « L’art nouveau au cœur des affaires » qui nous a mené de banques en chambre du commerce soit tout à fait justifié, nous commençons par l’ancienne Université populaire dont Emile Gallé, le maître verrier, ébéniste, céramiste, industriel, dreyfusard, fut l’un des piliers comme son complice Victor Prouvé, peintre et  sculpteur, père de Jean Prouvé a qui l’on doit Alpexpo et l’Hôtel de ville de Grenoble (1967).
Un « dreyfusartiste »  comme l’avait qualifié le journal L’Est républicain dont le siège est d’ailleurs le dernier immeuble construit par cette fameuse « Ecole de Nancy » en 1913.
L’art Nouveau, art noueux (moyen mnémotechnique pour le distinguer de l’art déco plutôt droit) puise son inspiration dans le végétal et ses volutes, les ocelles des plumes de paon…
L’industrie, les sciences et l’art se rencontrent ; des bourgeois souvent venus d’Alsace passent commande à ces anartistes.
Nancy n’est pas loin de la frontière de l’Allemagne qui a annexé l’Alsace et la Moselle après la guerre de 70 et non toute la Lorraine comme le dit la chanson.
Des devantures comme celle d’un ancien fourreur sont en matériaux nobles, ici un acajou blond. Des berces du Caucase étaient ciselées sur le verre.
Maintenant une banque y a ouvert une agence et un autocollant remplace la gravure.
La verrière du maître Grüber au siège du Crédit Lyonnais est impressionnante.
Décorée par Louis Majorelle d’une feuille de ginkgo biloba sur le sol en mosaïque, une pharmacie porte le nom de cette fameuse feuille trilobée tombée de l’« arbre aux 40 écus ».
Des grands magasins Vaxelaire & Cie transformés par l’architecte Emile André, il ne reste qu’une citation, mais elle illustre l’alliance du bois, de la céramique et du fer. Celui-ci va réaliser dans le parc Saurupt, une cité jardin, quelques villas remarquables dont la loge du gardien, la villa « les Glycines » et « Les Roches ».
La structure métallique de La graineterie Genin est spectaculaire, et comme toujours les motifs décoratifs rappellent la nature du commerce : des fleurs de pavot et des feuilles de chêne.
Même de l’extérieur, les vitraux de la chambre de commerce et d’industrie sont magnifiques.
Comment ne pas finir plus agréablement que sous les lustres de l’Excelsior, une brasserie, qui appelle le tartare ou le suprême de poulet, pleinement dans les arts majestueux appliqués au quotidien ? Daum et ses ateliers ont fourni trois cents becs lumineux pour le prestigieux établissement.
Cet ancien « Hôtel d’Angleterre » a été sauvé de la démolition dans les années 1970 lors du réaménagement du quartier de la gare. 
Celui-ci ne manque cependant pas de charme dans une ville où la modernité n’a pas esquinté les trésors de la belle époque échappant à la vitrification patrimoniale.
De l’autre côté de la voie de chemin de fer des maisons de docteurs ou d’avocats aux vitraux plus modestes mais charmants, entrouvrent leurs portes parfois pour nous laisser photographier.
Les constructions souvent proposées par César Pain respectent par exemple dans la rue Félix Faure des règles communes qui rendent la perspective harmonieuse tout en ménageant d’agréables notes originales. 
Autour du Parc Sainte Marie, la verdure environnante convient aux motifs végétaux colorés.
Les bâtiments de Nancy-Thermal construits pour l'Exposition internationale de l'Est de la France  en 1909 après des forages qui firent jaillir une eau à 36°, ont un charme rétro en voie d’être bientôt rafraîchi.
Il aurait fallu prévoir son maillot pour accéder à la piscine ronde sous sa belle coupole.
Il n’y a pas que le sous sol au Musée des beaux arts place Stanislas, un des plus anciens musées de France, qui vaille le détour : 300 œuvres de la famille Daum y sont magnifiquement présentées. 
Il possède son Le Caravage, Monet et Manet, Picasso, « La bataille de Nancy » par Delacroix et des gravures du régional de l’étape : Jacques Callot.
J’ai découvert Emile Friant et ses portraits d’amoureux, « La Toussaint » et ses femmes en grand deuil sur fond de neige a beaucoup de force.

mardi 23 janvier 2018

Topo n° 9. Janv Fev 2018

" L’actualité dessinée",  même si elle est réservée en priorité au moins de vingt ans m’intéresse, et  la perspective d’explications simples est tentante car abordant des sujets qui m’avaient semblé inaccessibles tel « le dark net », voire les gestes fétiches de rappeurs.
est très reliée aux cultures ados et fatalement aux écrans ce qui ne les oblige pas à se montrer quelque peu démagos quand il s’agit de défendre des jeux vidéos générateurs de violence.
Le reportage dans un camp de réfugiés somaliens au Kenya est intéressant, comme celui approfondi sur l’école derrière les barreaux à Fleury Mérogis, et toujours aussi délicieux de découvrir un épisode de plus de la vie de Aya de Yopougon à Abidjan
Comme dans la Revue Dessinée dont cette revue de 148 pages est issue, mais avec une pointe d’humour en plus, des rubriques reviennent régulièrement :
- présentent une personnalité telle que Malala la jeune pakistanaise qui milite pour le droit à l’éducation dont on n’entendait plus parler depuis son prix Nobel obtenu à 17 ans,
- évoquent le phénomène « fake news »,
- présentent « l’art brut »,
- décryptent une photographie : Dali par Irving Penn,
- mettent un visage aux « haters » (haineux) qui sévissent sur la toile,
- font passer un casting  à des robots de science fiction rappelant Métropolis, Blade Runner…
- et convoquent la menace représentée par des volcans qui pourraient se réveiller et refroidir notre planète en masquant le soleil : glagla !
Des sujets plus intimes, comme celui qui veut « choper » mais ne le peut point, donnent des arguments supplémentaires pour souhaiter que cette publication à la pédagogie efficace figure en bonne place dans tous les CDI, bien que je reste hermétique à la série «  Le meilleur des mondes possibles ». Question d’âge.  

lundi 22 janvier 2018

Cœurs purs. Roberto de Paolis.

Une jeune fille dont la mère abusive voudrait qu’elle fasse vœu de chasteté devient amoureuse d’un jeune gardien de parking situé à proximité d’un camp de roms. Si l’on peut apprécier l’éternelle romance entre deux êtres de milieux différents, l’empilement des problématiques : famille expulsée, rigueur de la foi catholique et esprit de charité, drogues, violences, racisme… amoindrit le propos. Certaines scènes sont cependant réussies avec un prêtre pédagogue, les délicatesses inattendues du jeune garçon et le charme de la belle.

dimanche 21 janvier 2018

Les bas-fonds. Maxime Gorki, Eric Lacascade.

« De quelle terre sommes-nous faits ?
Qu’est-ce que l’être humain veut dire ?
Comment vivre ? » 
Deux heures et demie de théâtre pourtant intenses ne peuvent répondre à de si vastes questions inscrites sur les documents accompagnant la représentation d’une sacrée troupe à la MC 2. 
On a beau savoir que les marges expriment souvent une vérité qui échappe parfois dans les grands motifs, et les comédiens peuvent bien avoir tous les talents, la mise en scène toute l’efficacité, le texte toute sa force : il y a des soirs où la fatigue prend le dessus. L’alcool des désespoirs moscovites ferait bien l’affaire, pour se réveiller ou s’assommer un peu plus, plutôt que d’être jeté sur le sol, avec classe et force.
Je me disais bien que j’avais vu ce genre de description du monde des exclus : c’était d’après le suédois Lars Noréns http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/03/la-salle-dattente-krystian-lupa.html très puissant.
Ici Lacascade n’est pas naturaliste dans une représentation de Moscou avant 1905, pas plus que dans l’anecdotique contemporain, sa pièce devient quasiment métaphorique, traversée d’une énergie qui tient le public réveillé.
« L'homme naît pour qu'un jour naisse un homme meilleur »
Un humaniste apporte à un moment un peu d’amabilité parmi tous ces déclassés qui crient,  expriment une vitalité imbibée mais restent seuls, meurent seuls dans un lieu communautaire où ils se croisent, se bousculent mais ne se rencontrent pas, n’ont pas d’histoire commune.
Le metteur en scène, familier des lieux, avait déjà présenté Gorki :
Tchekhov
Molière
Ces œuvres patrimoniales éclairaient le présent ; ce soir, le noir qui colorait le plateau m’a submergé.
« Il faut respecter l’homme ! Ne pas le plaindre…ne pas l’humilier par la pitié… c’est le respecter qu’il faut ! Buvons à l’homme, Baron ! C’est bien ça… de se sentir un homme !... »

samedi 20 janvier 2018

XXI n° 41. Hiver 2018.

Le dossier de ce trimestre s’intitule : « Seul contre tous »,  alors notre sympathie va vers le solitaire, mais cela  ne s’avère pas si simple puisque les reporters se donnent l’espace pour faire part de leur subjectivité et rencontrer tous les protagonistes. Nous sommes dans une publication de plus de 200 pages et non sur France Hinhinter ni Médiapartipris.
Une association de l’île de Sein veut en finir avec la production d’électricité au diesel : quoi de plus évident, sauf lorsque le soucis de fédérer tous les intéressés n’a pas été, semble-t-il, prioritaire.
Quant aux victimes de l’amiante, ça fait vingt ans qu’ils luttent face à un appareil d’état inerte et malveillant.
Un éleveur du Charolais qui en était arrivé à foncer sur les gendarmes avait perdu la raison, il perdra la vie.
Nous sommes en France avec un dessinateur de BD qui change de regard dans un centre où se réparent les policiers désemparés, et lors de l’entretien avec un chercheur américain qui a suivi une formation de boulanger pour mieux raconter l’histoire ignorée de notre pain.
Et nous allons faire un tour ailleurs :
- avec les jeunes cubains dansant sur du reggeaton,
- dans une école américaine à Kaboul,
- en Patagonie dont des habitants protestent contre la confiscation de l’eau par le propriétaire d’un domaine grand comme Paris,
- dans le désert du Tchad à la suite d’un paléontologue qui a découvert Toumaï le plus ancien de nos ancêtres hominidés, âgé de 7 millions d’années,
- en Espagne avec quelques nounous sud américaines parmi les 630 000 femmes ayant quitté leurs enfants pour s’occuper de ceux des autres,
- dans les rues de Cincinnati à la découverte d’un phénomène invraisemblable, quand avec tant de morts d’overdose (64 000) première cause de mortalité aux Etats-Unis, on parle d’épidémie.

vendredi 19 janvier 2018

Charge mentale.

Est-ce parce que j’en ai longtemps fait profession, l’arroseur n’aimant pas être arrosé, que j’ai le poil vite hérissé, quand prônent les donneurs de leçons ?
En général, les plus péremptoires ne sont pas profs et en remontrent à ceux à qui ils prêtent volontiers un côté « je sais tout ». Alors que dans l’éducation nationale, les recommandations des conseillers pédagogiques visaient dernièrement à bannir toute transmission, toute verticalité.
Difficile de ne pas retomber sur Trump : plus ses dingueries sont abyssales, plus les vagues d’indignation des réseaux sociaux nous submergent d’insignifiance: une miss a été accusée de racisme pour avoir parlé de la crinière de lionne d’une concurrente.
Quand les lexiques s’appauvrissent, que le passé simple passe à l’as, les dents les plus rageuses chopent tout ce qui passe et de la même façon que « trop » a supplanté «  très », les mots disponibles ne donnent vraiment pas dans la nuance.
Ainsi «  charge mentale » remis au goût du jour par Emma, une dessinatrice de BD, désigne le poids de la responsabilité qui revient aux femmes dans les taches ménagères au-delà des temps contraints déséquilibrés et des taches inégalement réparties. Mais le terme me semble disproportionné alors que « se soucier », « se préoccuper » me semblent plus appropriés pour équilibrer la prise en charge des territoires communs à un couple, en évitant toute connotation psychique.
Il en va d’un minimum de respect et de complicité, de bon sens, pour deux adultes sensés s’être choisis pour vivre ensemble. S’il faut tout lui dire, à l’autre, c’est que la complicité, n’est guère avancée. Quant à l’amour! Peut être s’attache-t-il, mon vieux Georges, aux queues des casseroles, ou au vidage du lave-vaisselle. Où en sommes nous rendus, si l’injonction « range ta chambre » ne se cantonne pas au temps de l’adolescence ? Que surviennent conseillers conjugaux, cellules psychologiques et d’ailleurs que fait le gouvernement ?
« Le bon sens, tout le monde en a besoin, peu l'ont, et chacun croit l'avoir. » Benjamin Franklin
Ainsi en reprenant la machine à paradoxes qui voit l’anodin se gonfler de grandiloquence, le dramatique s’épuiser dans des broutilles, nous agissons parfois à l’envers de nos intentions. L’exemple qui me vient ne décolle guère de nos écrans omniprésents, mais c’est bien vrai qu’en multipliant les photos, nous en diminuons le prix. Pour répondre aux trous de nos mémoires en murmurant à l’oreille de Google, nous creusons encore plus profond le tombeau de nos souvenirs.
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Notre Dame des Landes : ceux qui furent aux affaires, mais pas tellement aux responsabilités, pendant des décennies devraient s’abstenir de commenter la décision prise, actée et assumée, qui a évité de mépriser les contradicteurs dont la pertinence de certaines positions a pu être reconnue. La modération souvent appelée ne convient décidément pas aux atrabilaires toujours bile en tête.
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L’image ci-dessous est d’Alexey Kondarov : « Quand les peintures classiques rencontrent les temps modernes »

jeudi 18 janvier 2018

Dezeuze # 2. Sophie Bernard.

C’est la saison Dezeuze : après la visite,  
ci-dessous un compte-rendu de la conférence d’une des commissaires de l’exposition qui se tient jusqu’au 28 janvier 2018 devant les amis du musée de Grenoble, dont l’association avait acquis : La Vie amoureuse des plantes. Cette rétrospective, portant sur 50 ans de carrière, s’inscrit dans une réhabilitation du groupe Support/surface dont D.D. fut un des fondateurs.
« L'objet de la peinture, c'est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu'à eux-mêmes. »
Né en 1942 à Alès dans une famille d’artistes, il suit les cours de son père en auditeur libre, à Montpellier, où il enseignera à son tour. Il a fréquenté la scène artistique américaine, dans sa jeunesse lors d’un séjour à Toronto, après un voyage au Mexique dont les muralistes et les sites indiens l’ont également influencé. Retour de Mexico, est abstrait, « matiériste » sur toile de jute.
Sa liberté formelle, son refus des catégories, l’utilisation de techniques mixtes et de matériaux divers ont abouti à la déconstruction du tableau classique.  « La déconstruction ne veut pas dire un système définitivement clos, mais un questionnement. […] Elle ouvre un espace possible avec les autres disciplines : philosophie, politique, littérature, ethnologie… »
Dans les années 70, le groupe Support surface se distingue des nouveaux réalistes et des expressionnistes abstraits. La période est effervescente sur tous les plans, Marcelin Pleynet de la revue Tel Quel annonce: « la disparition du tableau de chevalet ».
Cette Echelle assouplissant la « grammaire du châssis » appartient aussi au musée de Grenoble. Dezeuze a fait rentrer dans les musées quelques châssis squelettiques, dont l’un d’eux a fait figure de manifeste, alors que tant d’autres, bien en chair, sont restés à la porte.
Des dessins géométriques épinglés en bois de placage passé au bitume de Judée avaient joué avec l’écriture et les maths, alors que des Echelles de gaze cherchent à alléger la peinture. Par leurs vides, des séries éclatées jouent avec le mur, légères, évanescentes, impalpables.
Les années 80  font redescendre des nuages, l’abstraction s’est perdue dans le formalisme, la matérialité revient, l’objet réintègre le centre : portes trouées et armes de poing.
Duchamp était son maître en insolence: l’Articulation gothique de l'exposition au pays des "Quetchua" est composée de skis.
Est ce que la tripartition moyenâgeuse entre ceux qui prient, bataillent, travaillent, permet de mieux lire ce siècle ? Il retourne  vers des pratiques artisanales voire archaïques.
Comme au temps où les sociétés ne s’étaient pas installées dans l’architecture, en anthropologue spontané portant les nostalgies de l’enfance, il installe entonnoirs, porte-savons, filets à papillons, au bout de graciles bâtons, objets de cueillette. La nature bouillonne en entrelacs sensuels.
La notion de format est dépassée lorsque la peinture à la Pollock s’applique sur des barrières amovibles, carrelets de coffrage et autres panneaux extensibles en vente dans les magasins de bricolage : le métier de peintre se  réaffirme. Le polyéthylène permet de la souplesse, les Pavillons ne « répètent pas une mesure du même mais mesurent l’écart ». 
Avec humour, il installe des Peintures  sur chevalet
comme il nomme Peinture d’histoire blasons et boucliers.
Des Nefs énigmatiques facilement démontables comme pour les peuples nomades, traversées de lumière
répondent aux icônes enduites de feuilles d’or aux niches pourtant vides qui aimeraient capter la lumière de l’esprit.
Le Tsimtsoum, contraction, survenant quand Dieu se retire avant la création du monde, d’après la cabale, témoigne d’une œuvre documentée dans sa quête de spiritualité.
 « L’artiste chemine mais ne sait pas où il va » Soulages.
Dezeuze a  voyagé, a suivi des labyrinthes, a zigzagué, s’est trouvé aux bifurcations :
« L’art n’est plus cette thérapeutique appliquée sous forme de sédatif opiacé à une humanité jugée fragile et maladive mais un ensemble de questions formulées AVEC le regardeur, enfin envisagé comme un être adulte, sain et actif »