Voilà qu’à République, quand la nuit se tient debout, des
énergumènes déboutent le philosophe
Certes les biquets qui « ainsi font font font »
dans les assemblées fraternelles, n’ont repoussé personne, ni détérioré quoi
que ce soit, mais leur indulgence va d’abord vers les casseurs en marge des manifs ou à l’égard de ceux qui
se montrent intolérants sur ce coup. Et pourtant ils se voient, si bienveillants
vis-à-vis de l’humanité en général, mais pas forcément à l’égard de tous leurs contemporains.
Ce n’est pas de leur faute, pensent-ils - on dit alors irresponsables - mais
celle de la société, de leurs parents, de Vals, de la mondialisation, du
capitalisme… Ils sont pourtant si cools,
mais guère stratèges : cet épisode a même été regretté par des
journalistes qui ont réchauffé leur tirage auprès de quelques cracheurs de feu aux
nez rouges et leurs vieux os aux paroles adolescentes.
Un de mes amis, libertaire conséquent, fin connaisseur de
littérature populiste, radical en humanisme, n’aimait guère les cortèges où on
« faisait les conscrits », alors que moi j’appréciais les slogans
marrants et les dispositifs inventifs qui nous faisaient courir après une
médiatisation où nous nous perdîmes, parmi d’autres lieux de perdition.
Les moyens pour parvenir à nos fins dans mon métier et dans mes
engagements me semblaient liés. C’était avant que la police permette aux
dessinateurs de dessiner, et à la presse d’exercer sa liberté. Aujourd’hui dans
ces assemblées qui aiment se savoir tellement horizontales, j’aurais tendance à
voir plutôt une priorité donnée à la forme pour la forme qui prendrait le pas
sur le fond.
Dans la classe, des moments étaient institués pour que chaque
élève puisse s’exprimer, nous avions alors le temps. Biberonné aux débats
soixante diseurs, je veillais à ce que les grandes gueules ne soient pas
hégémoniques, sous la férule du doigt levé, et par ailleurs se menait un
travail au long cours concernant l’expression écrite. Des témoignages me sont
revenus, auxquels j’ai peine à croire, de l’absence de toute rédaction tout au
long de certaines scolarités ; pourtant l’indigence de certains articles
dans quelques journaux survivants laisserait supposer que de tels manques
n’aient pas été si rares.
Chaque jour commençait par un moment de poésie, alors qu’en
2016, les bannières qui font rimer grève avec rêve, me semblent faciles.
Rime riche mais nouveauté à revoir.
En participant aux discussions au sein de la CFDT entre
rocardiens, démocrates chrétiens, cathos de gauche, écolos, trotsks, ex Maos,
pédagos, voire syndicalistes et quelques socialos qui nous poussèrent vers la
sortie… et auprès desquels je revins en d’autres lieux, je n’ai pas résolu tous mes démêlés
persos mais j’ai cultivé un goût de la contradiction qui me poursuit. Ce furent
des moments de plaisir que de s’accorder, parmi tant de diversité d’opinions,
de caractères, de conditions, tout au long d’années de travail, de convictions
et d’espoir.
Depuis les facs en faillite et les Pôles Emploi à poil, dans
un pays où devenir enseignant, conducteur de train ou bien médecin généraliste
n’est plus désirable, la jeunesse qui ne croit plus aux flatteries d’une classe
politique aveugle et sourde, a raison d’être inquiète : elle se bouge. Mais
c’est la respecter que de ne pas tout approuver de leurs comportements et
paroles.
Pour avoir fait un tour furtif sur le parvis de la MC2, j’ai
deviné au bout de deux phrases de quel parti était la laborieuse oratrice du
moment. Si elle pouvait en ce printemps convaincre quelques débutants en
politique, moi, le vieux singe, après trop de grimaces, je suis allé m’asseoir
dans la salle subventionnée attenante pour assister à du théâtre moins prévisible.
Pour ce que je sais : que le film de Ruffin
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/03/merci-patron-francois-ruffin.html fasse converger tant de regards et
cristallise les oppositions les plus radicales, les visions les plus
ambitieuses, me laisse dubitatif sur les perspectives que peuvent proposer des
spectateurs qui prendraient la comédie documentaire facétieuse mais parfois
ambigüe pour « L’an 01 ». Ces images pointent la faillite de l’action
collective et par là sont parfaitement dans l’air du temps
individualiste : ironie et auto satisfaction.
« Nuit debout » est plutôt réservée aux étudiants
peu harassés par les rythmes scolaires mais guère dans le tempo pour ceux qui
se lèvent tôt, à moins d’être en grève générale comme il se devrait depuis un demi-siècle
au moins. Dans quelque maigrichonne vidéo de propagande, un commentateur
s’extasie que lors de ces assemblées un cadre discute avec un SDF. Quand tant
de candeur rejoint tant d’ignorance de la vie, je mesure nos faillites
syndicales et pédagogiques. Pour les politiques se reporter à la chronique
quotidienne qui voit ici Piolle et Martin s'éblouir devant une facette de la jeunesse ou là
haut, El Khomri portant un chapeau bien
trop vaste pour elle, alors que Vals affublé d’un Panama depuis air Barça et
autre Cahuzac en papier doré, a beau tourner dans tous les sens, il s’enfonce.
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Le dessin d’en-tête et celui ci-dessous viennent du site de la
newsletter de Télérama.