lundi 14 décembre 2015

Mia Madre. Nanni Moretti.

Difficile d’échapper en regard de la critique unanime qui encense le film, à une voix originale qui trouve le titre inapproprié dans la mesure où ce n’est pas la mère en vedette mais la fille : oui mais on a quand même échappé à « my mother ».
N’empêche que parler sans pathos de la mort qui approche n’est pas évident, et là Moretti conduit bien son affaire. Il traite avec finesse et humour, de la création artistique, du rôle du cinéma dans le débat social, des impatiences, des malentendus, de la transmission, de la fin de vie.  Les acteurs sont excellents : John Turturro sa mémoire défaillante et la belle Margherita Buy, femme forte et fragile, Nanni Moretti léger et juste. Les thèmes foisonnent : cette demande de la metteuse en scène à ses acteurs de jouer à côté de leur personnage, n’est pas forcément comprise, alors que cela peut caractériser sa vie. Tous ces dilemmes, et les rêves, les fantasmes, les colères, les douleurs, les pertes, se croisent et débouchent sur une émotion qui nous rappelle d’autres bouleversements que ceux qui s’allument sur un écran.

dimanche 13 décembre 2015

Tact et tempo. Marc Minkowski Manu Bigarnet.

Qui dit «  spectacle équestre » pense Bartabas
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/06/on-acheve-bien-les-anges-zingaro.html , la référence absolue, alors quand on se rend pour une heure sous le chapiteau à côté de la MC2, on appréhende la comparaison.
Dans sa simplicité, ce spectacle de qualité est sympathique ; musique vivante et représentation vigoureuse. Et Bartabas reste au-delà.
Les belles bêtes ne prennent pas le pas sur la musique et le chef qui va aller à Bordeaux ne vampirise pas les évolutions des cavaliers.
Grieg, Britten, Hendrix, oui celui de la guitare avec les dents, joués par le Quatuor à cordes Arod et 12 musiciens du Louvre s’accordent très bien avec les chevaux de traits de la compagnie Of K’horse, montés par trois écuyers de caractère et une jeune fille délicate.
Les petites indocilités des animaux participent à la légèreté de ces instants où la musique nous dompte aussi bien que le furent en règle générale Johnnie Walker et Jack Daniel’s, pour citer deux noms de chevaux facilement mémorisables.

samedi 12 décembre 2015

Un cheval entre dans un bar. David Grossman.

J’avais tant aimé son livre précédent http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/12/une-femme-fuyant-lannonce-david-grossman.html et comme  le thème affiché autour de l’usage de l’humour, m’avait paru opportun à l’heure des ricanements généralisés, j’ai sauté sur l’occasion.
J’aurais dû tenir compte des conseils de lecteurs qui recommandaient de le lire d’un trait, si bien que ma lecture fractionnée m’a amené à souhaiter arriver au plus vite au bout des 230 pages. Est-ce une tension habilement entretenue qui monte ou une fatigue face à un malaise irréductible ?
Le narrateur, un juge, est convié par un ami d’enfance lointain à venir assister à son one man show.
« Quelle impression a-t-on quand on me voit ? Qu’est-ce que les gens perçoivent en me regardant ? Qu’est-ce qui émane de moi ? »
A travers le récit du spectacle de stand up, les réactions d’un public malmené par le comique,  et des retours vers le passé des protagonistes, peut se lire le portrait d’une société  israélienne violente.
« Devant moi, des marches en  bois donnent accès au bureau du commandant ; au dessus de moi, un soleil écrasant et des vautours ; autour de moi, sept états arabes assoiffés de sang »
Quelques blagues ponctuent la performance où un flot de paroles se déverse sur le public tour à tour indulgent, ému ou quittant la salle au gré des évocations très personnelles du nommé Dovalé et ses humeurs changeantes, aux répliques acides et drôles, toujours teintées de noir.
« Un escargot entre dans un commissariat de police.
« J’ai été attaqué par deux tortues » dit-il.
L’agent de service ouvre un dossier et lui dit :
«Décrivez- moi comment ça s’est passé. »
«Je ne m’en souviens pas bien, répond l’escargot, tout est arrivé si vite. »
Mais impossible de savoir ce qu’a fait le cheval dans le bar après avoir commandé une bière.

vendredi 11 décembre 2015

Combien d’exemplaires ?

Non on ne va pas se refaire le coup de la sidération chaque semaine.
Le FN en tête dans l’Isère par exemple, ce n’est pas vraiment une surprise, par contre l’absence d’auto critique de la classe politique et médiatique est un élément de ce succès.
Mais je vais éviter de faire le malin, même si je me sens volontiers aussi habilité à commenter que certains sociologues.  
Quand dans le quotidien « Libération », auquel je suis encore fidèle par défaut, donne la parole à Maffesoli au lendemain du scrutin pour affirmer que c’est « l’intégrisme laïque … qui est le fourrier des positions et des actes extrémistes » : j’en renverse mon café !
Quand Le Foll, ose «  la gauche premier parti de France », on peut jouer aussi :
«  partie oui, la gauche où ? »
Ils sont si médiocres et si vieux, comme moi. Ceux qui veulent les remplacer encore pires, cumulards ou aspirant à le devenir, prometteurs sachant qu’ils ne pourront tenir…
La réprobation morale à l’égard des électeurs FN a été contre productive et si je trouve peu efficaces les dessins qui vomissent leur haine du Fhaine, difficile de ne pas user de son mépris.
Pourtant depuis la défaite de Dubedout, je sais qu'il ne faut jamais prendre l'adversaire pour un con.
Je superpose aux paroles de jeunes électeurs d’extrême droite, des images de ceux que j’ai connus  et qui malgré ou à cause de nos bannières citoyennes ont pu verser du côté obscur. Est-ce que ceux qui se disent tellement fiers de leur pays continuent à le rendre désirable ? Je sais aussi une jeunesse sans peur qui voyage et travaille aux quatre coins du monde.
De la même façon que les prêches contre la musique de l’imam de Brest auraient tendance à faire sourire par leur bêtise, certaines interventions de candidats FN me plaisent car en les désapprouvant c’est tellement bon de se sentir du bon côté, celui de la raison, de l’humanité.
Sauf que l’humiliation, qui peut prospérer face à de bonnes paroles bienveillantes mais surplombantes, est la principale pourvoyeuse de toutes les colères butées.
Après les morts de novembre, l’électeur requis pour les régionales est indifférent aux propositions concernant les transports en commun ou autres. Le seul dilemme saillant a concerné le planning familial en région PACA ; ce n’est quand même pas central.
Par contre les empoignades ont été passionnées en réaction à la « femme voilée du métro: recension des craintes réelles et fantasmées comme des répulsions laïques déclenchées par une passagère en abaya, dans une rame d’après-attentats » par Luc Le Vaillant. Mon Dieu !
Politiquement des mesures ont été prises qui auraient pu calmer ceux qui ont le plus à souffrir de l’insécurité : état d’urgence et déchéance de nationalité. Pas un brin de reconnaissance. C’est que les actes sont tellement souvent loin des paroles : plus aucune crédibilité, pour personne. Qui croit que le chômage républicain va baisser, les inégalités républicaines reculer, la fiscalité républicaine se réformer, les services publics ou de santé revenir dans les campagnes ? Pouvoir d’achat, retraites, climat … école! Cahuzac…
Pourquoi ne pas interroger le vote exotique PS que je vais renouveler, alors qu’après chaque élection, les micros se tendent pour comprendre le vote FN ?
Dans la guimauve qui déferle sur Facebook,
« les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques »
 l’abbé Pierre vient à mon secours.
Il permet de comprendre les gens dans la détresse qui ne peuvent admettre les preuves que le pays s’enrichit de la venue des migrants.
La grille appliquée à la lecture de la radicalisation religieuse pourrait valoir pour les extrémistes mugissants de nos campagnes, border line de la démocratie.
«La toxicomanie est le résultat de la rencontre entre une personnalité et un produit dans un moment socioculturel donné » Claude Olivenstein
Les considérations tactiques des appareils donnent le ton à toute décision ou non décision, alors ce sont les footeux qui devraient être exemplaires. Vite un avion  pour aller les voir !
La présidentielle y a que ça de vrai, et pour en faire quoi ?
......
Le dessin sous le titre est de Pessin sur le site de Slate.
Pour le Canard enchainé, ce sera une phrase de Chirac  de 1990 rappelée dans un article traitant de la décolonisation dans Libé:  
"Il faut bien que les dictateurs gagnent les élections, sinon ils n'en feraient plus;"
Et dessous, un dessin de courrier International et du Soir (Bruxelles)  


jeudi 10 décembre 2015

Les arts décoratifs au XIX° siècle. Gilles Genty.

L’insistance du conférencier à montrer les continuités dans l’art nouveau va de pair avec un autre cycle devant les amis du musée de Grenoble où la notion de rupture, voire de scandale est mise en évidence en ce qui concerne l’émergence de la modernité.
La virtuosité technique, les sources d’inspiration orientales, moyen-orientales ou venant de notre histoire, les matériaux rares, les techniques radicales sont mises en évidence pour nous faire découvrir ou redécouvrir des savoir-faire de plus de cent ans d’âge.
Les lignes enroulées des fauteuils à bascule de Thonet semblent dessinées d’un seul trait. En bois cintré à la vapeur, à monter sur place, ils ont accompagné un développement commercial amplifié par les exportations.
En Allemagne, se développe un style dit « Biedermeier » du nom d’un monsieur prudent, dont la devise était « ni froid, ni chaud. » Il convient bien à la bourgeoisie naissante, juive en particulier, pour laquelle le confort domestique devient une valeur forte.
Parmi écritoires aux formes simples, table à couture en marqueteries, cette chaise au musée de Prague date de 1820.
Après la radicalité des formes, le vocabulaire ornemental avec reproduction de figures géométriques comme dans ce service à thé résillé, précède un engouement pour le style japonais. Les expositions universelles des produits agricoles et industriels qui se succédaient alors à Paris, en particulier celle de 1878, participèrent à ces influences. 
La Jardinière « Flora marina, flora exotica » d’Emile Gallé, est une œuvre où référence est faite à  l’archéologie locale, la place Stanislas, au style rococo et à la flore du terroir.
« Nos racines sont au fond des bois »
Le chardon symbole de la ville de Nancy se retrouve dans sa table du Rhin qui  
« de la Gaule sépare toute la Germanie ». Gallé n’hésite pas sur les phylactères :
«  Je tiens au cœur de France », « Plus me poignent, plus j’y tiens ».
Ses engagements se retrouvent dans des vases multicouches « De par le Roy du ciel » gravés à l’acide où figure Jeanne, la bonne Lorraine.
Par ailleurs, revient le style renaissance qui lui-même s’inspirait de l’antique, ainsi le vase réalisé à la manufacture de Sèvres d'après Aimé Chenavard, où est évoqué Léonard de Vinci  et Jean Goujon, dans le style de Bernard Palissy.
Déjà sous Louis XV, Dubois, ébéniste, travaillait les laques d'Extrême-Orient, quand Boucher collectionnait et popularisait « chinoiseries » et autres «  japonaiseries ».
Pour la maison Christofle, Emile Reiber n’hésite pas dans la profusion avec sa pendule  à candélabres, « kitchounette ».
Le maître verrier, ébéniste, céramiste, industriel, Emile  Gallé est le plus célèbre.
Mais Joseph Théodore Deck, céramiste alsacien a donné son nom à un bleu : voilà un de ses chats. Il  s’était inspiré du pays des arabesques.
Quand j’ai recherché autour d’une coiffeuse de Jacob, tout en verre et cristal ayant appartenu à la Duchesse de Berry, j’ai bien aimé l’évocation d’un passionné du Louvre http://louvre-passion.over-blog.com :
« Essayons un peu d’imaginer Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry, devant sa table de toilette vers 1820. C’est une jeune femme de 22 ans, comme toutes les femmes de son époque, elle évite le soleil pour préserver la blancheur de son teint, pour se farder elle utilise de la poudre de riz et une petite touche de rouge. Le XIXe siècle est la période où les femmes utilisent le moins de maquillage, celui-ci est réservé aux actrices sur scène ou aux prostituées. Marie-Caroline lave rarement sa chevelure par crainte des rhumes mais la brosse longtemps, elle sait que l'odeur de ses cheveux est censée troubler les hommes. Pour se parfumer la jeune femme utilise un nouveau produit qui fait fureur, c'est l’eau de Cologne qui connaîtra un succès constant tout au long du XIXe siècle. Pour ses vêtements la jeune femme achète chez Leroy l’ancien fournisseur de l’ancienne cour impériale qui habille les élégantes dans les salons aristocratiques. Les robes blanches raccourcies ont le bas orné d’une guirlande de lys et les manches ouvragées. Les tissus à la mode sont le drap mérinos, le velours et la levantine l’hiver, la percale, la mousseline, la soie et le crépon l’été. La tendance est aux couleurs tendres et sentimentales : lilas, héliotrope, réséda… »
 Les objets peuvent parlent, ils ne font pas que « bling bling ».

mercredi 9 décembre 2015

Sienne.

A 70 km de Florence la ville de la renaissance, Sienne la médiévale, sur ses trois collines, a plus de charme avec ses briques rousses que Florence et ses bossages.
Façon anodine de poursuivre la rivalité qui opposa les deux villes : 
Sienne des Gibelins partisans de l’empire contre les Guelfes de Florence du côté du pape.
Cependant au bout de quelques recherches, il semble que ce fut bien plus compliqué et que les grilles qui superposent des notions de droite et de gauche, de protestantisme et de catholicisme soient quelque peu anachroniques, d’autant plus qu’il y eut guelfes noirs( élite) et blancs (peuple).
En tous cas, de ces temps agités, subsistent ici des traces bien entretenues de 17 « contrade »  quartiers symbolisés par une tortue, un escargot, une panthère, un dauphin, un rhinocéros, un éléphant …
Ces clans s’affrontent lors des Palios du 2 juillet et du 16 août, avec parades hautes en couleur et course de chevaux sur la Piazza del Campo.
Les jockeys (fantino) sont souvent des sardes, étrangers à la ville, et les chevaux sont tirés au sort. Les banquets qui fêtent le vainqueur (après 1mn 13 s pour la course la plus brève) peuvent réunir plusieurs milliers de personnes.
La ville de 50 000 habitants fut une étape prospère sur la via francigena qui conduisait les pèlerins français vers Rome. 
Le passé très présent est photogénique et le souvenir de la victoire militaire contre Florence lors de la bataille de Montaperti en 1260 est parait-il encore vif. A partir de la peste de 1348, le déclin est enclenché, Florence prospère, elle,  avec ses Florins et les Médicis soumettent la ville qui n’a pas de cours d’eau. 
La piazza del Campo incurvée pour capter les eaux de ruissellement est divisée par 9 bandes claires en souvenir des seigneurs qui gouvernèrent la ville.
Construit dans le haut de la ville, le Duomo déjà imposant n’est qu’une partie de l’ouvrage initialement prévu mais abandonné.
Recouvert de marbre en bandes  noires et blanches à la façon mauresque, une partie gothique dorée, riche en sculptures surmonte des portails de style roman.
A l’intérieur des marqueteries de marbre sont remarquables et la vue depuis une arche du museo dell’ opera magnifique.
Visiter une banque, quand il s’agit de la plus ancienne au monde, n’a rien d’incongru : il s’agit du Crédit des Paschi (pâturages) fondé en 1472. D’abord Mont-de-piété, Monte dei Paschi di Siena vient de connaitre de sérieuses difficultés, mais ses anciennes archives dans un cadre grandiose sont parfaitement mises en « valeur ».

mardi 8 décembre 2015

Olympe De gouges. Catel & Bocquet.

« La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. » 
La citation lui appartient, elle qui  a fini à 45 ans sur la guillotine, avait eu la plume acerbe contre Robespierre et des positions affirmées contre un état centralisateur.
Les 500 pages de ce roman graphique permettent de se faire une idée plus précise, plus sensible, du destin d’une pionnière du féminisme.
Elle a lutté aussi contre l’esclavage ; sa vie, tel un manifeste, témoignant de sa soif de liberté. 
 Qui n’a joui de rien n’a rien à regretter, ne peut inspirer que le respect, n’est-ce pas ?
 Vivent les regrets !
Venant de sa province, Montauban, elle va se faire une place de femme de lettres avant des engagements politiques courageux. Cette existence palpitante se garde d’être présentée d’une façon exemplaire en tous points : elle use de son entregent pour placer son fils dont on excuserait presque l’ingratitude en ces temps où pour sauver sa peau qui sait ce qu’on aurait fait ?
Elle est entretenue par Jacques Biétrix de Rozières qui fut bien bon.
Des biographies bien troussées en fin de volume sont utiles qui rassemblent un casting prestigieux : de Voltaire en Rousseau, de la princesse de Lamballe au général Dumouriez, de Danton à Talma… jusqu’à Julie Candeille comédienne qui joua une jeune esclave noire dans la pièce d’Olympe : Zamor et Mirza.