mardi 29 septembre 2015

A boire et à manger. Guillaume Long.

Sous titré « du pain sur la planche » ; l’auteur qui tient un blog (en lien ci contre) en est sous cet intitulé engageant, à son troisième album sur le thème porteur de la cuisine qui garnit abondamment les tables des libraires.
Dans le genre, la lecture d’une américaine http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/03/delices-lucy-knisley.html , était régalante, cette fois c’est un natif de Genève ayant vécu longtemps à Lyon qui nous réjouit.
Un livre de recettes qui se lit de la première à la dernière des 160 pages et qui  a intrigué ma compagne quand elle m’a entendu rire tout seul : c’est pas tous les jours !
Décidément la cuisine est le lieu de la rencontre, de l’affirmation de soi, le reflet d’une époque qui avec des jeunes comme cet auteur ne donne pas que des motifs pour désespérer. L’humour, l’auto dérision sont les ingrédients, à consommer sans modération, pour le partage d’un panorama très varié qui nous déculpabilise de nos gourmandises incorrectes. Il évite des dessins trop compliqués et se rit de tous ceux qui le prennent pour un expert gastronomique.
Il nous promène d’un Burger King aux tagliatelles à la truffe et au foie gras( à réserver pour un soir de fin du monde), passant par un rappel du gratin dauphinois ou un épique gratin de cardons.   
Notre estomac et notre foie doivent être entrainés pour le suivre à Madrid et en Normandie sans oublier de trinquer, voire de se torcher grave au Calvados (ne pas dire Calva). 
Les chapitres sont organisés par saisons, mais la fantaisie, la diversité des présentations transgressent tout classement et tout parait facile, tant est efficace la présentation d’un os à moelle au four ou le poulet au vin jaune. Jean Kévin et son taboulé affronté à une Libanaise  vaut son pesant de Boulgour.
Je crois bien que je vais oser une raie au beurre noir suite à ses conseils mais je crois que je ne suis pas mûr pour une salade de mangue à l’ail, bien qu’il nous encourage à la créativité : son Parmentier de chou-fleur et son agrume semble possible.
En tous cas la lecture hilarante de cette bande dessinée est aussi nourrissante qu’un apéro au poireau ou un Crumb, pardon : crumble aux pommes présentés dans ce volume chez Gallimard (l’éditeur de J.P. Sartre) s’il vous plait.

lundi 28 septembre 2015

Youth. Paolo Sorrentino.

L’affiche est trompeuse, car la miss univers ne tient  qu’un rôle secondaire dans le film, par ailleurs bien pourvu en personnalités typées. Il s’avère qu’elle n’est pas seulement agréablement carrossée.
Les deux vieux dont la libido n’est plus un problème ont pour l’un renoncé à se produire en concert, alors que son comparse essaye de réaliser son testament filmique.
J’aurais préféré le titre en italien « La giovinezza » mais Michael Caine en compositeur de musique est « so british », son comparse Harvey Keitel et son égérie Jane Fonda tellement américains, alors va pour « Youth » qui nous prend à contrepied comme un Maradona en cure dans l’hôtel suisse où tout un beau monde en fin de course passe le temps.
Leur indolence a gagné le film qui recèle pourtant quelques scènes bien troussées, imaginatives, drôles sans lourdeur et de beaux paysages correctement peignés qui ne peuvent cependant guérir de la mort.
Le sujet est périlleux, le réalisateur de « This must be the place » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/09/this-must-be-place-paolo-sorrentino.html
évite tout drame plombant avec des acteurs qui amorcent dans le confort et les belles images, une réflexion concernant la mémoire, la création, l’amitié, la vérité…
« Si la légèreté est une tentation irrésistible, elle est aussi une perversion »

dimanche 27 septembre 2015

Les particules élémentaires. Houellebecq. Gosselin.

Il faut bien quatre heures de théâtre pour apprécier ce maelström où nous sommes invités à réfléchir, nous émouvoir, sourire, depuis l’infime spirale génétique aux espaces infinis, de la taille de notre bite aux fœtus en sandwichs (secte satanique), de la multiplication des discothèques corrélée à la consommation d’anxiolytiques.
Shakespeare, Nietzche, Baudelaire :
« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci. »
La poésie est là, tout du long, amère, avec les remords d’une humanité de douceur rêvée qui fait reproche. D’une radio sort : « tout au long de la vie qui pique, On prend des beignes » de Souchon  et « Night in white satin » nous en rappelle de belles.
La transposition sur scène de notre écrivain le plus contemporain  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/04/la-carte-et-le-territoire-michel.html est vraiment réussie.
Nous rions pendant cette tragédie, avec en particulier une séquence de yoga du genre « Les Bronzés ».
Michel, chercheur en biologie moléculaire se noie, son demi-frère, Bruno, professeur  obsédé par le sexe, deviendra fou. Annabelle après deux avortements ne pourra avoir d’enfant de celui qu’elle aime, à cause d’un cancer, et Christiane finira mal après une vie de recherche désespérée du plaisir.
« Cette pièce est avant tout l’histoire d’un homme, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Europe occidentale, durant la seconde moitié du XXe siècle. Généralement seul, il fut cependant, de loin en loin, en relation avec d’autres hommes. Il vécut en des temps malheureux et troublés. […] Les sentiments d’amour, de tendresse et de fraternité humaines avaient dans une large mesure disparu ; dans leurs rapports mutuels ses contemporains faisaient le plus souvent preuve d’indifférence voire de cruauté. »
Le spectacle est musical, physique, les acteurs aux talents multiples, excellents, les procédés vidéo ne font pas procédés et leur diversité s’accorde au foisonnement qui balaie trente ans de nos vies.
 « Ils se sentiraient de plus en plus vieux et ils en auraient honte. Leur époque allait bientôt réussir cette transformation inédite : noyer le sentiment tragique de la mort dans la sensation plus générale et plus flasque du vieillissement. »
Est-ce que la liberté des années soixante a fait de nous des cannibales ?
Nos années soixante dix utopiques, se disait-on à l’entracte, se sont dissoutes dans l’acide des années 80. Années où Kerouac passait sous le Tapie, Mite’rrand tenait la balayette et nous n’avions rien vu.
«Pourtant, nous ne méprisons pas ces hommes
 Nous savons ce que nous devons à leurs rêves
 Nous savons que nous ne serions rien sans l’entrelacement de douleur et de joie qui a constitué leur histoire.»
Ce spectacle  a beau  être « dédié à l’homme », on peut en ressortir glacé, tout en étant  ravi d’avoir assisté à un grand moment de théâtre.
La compagnie s’intitule « Si vous pouviez lécher mon cœur » car le professeur du prometteur metteur en scène «  répétait souvent cette phrase extraite de Shoah, le film de Claude Lanzmann : « Si vous pouviez lécher mon cœur, vous mourriez empoisonné ».

samedi 26 septembre 2015

Un été au bord du lac. Alberto Vigevani.

En dehors de la photo de la page de garde, sépia comme il se doit, ce  récit cotonneux d’une villégiature au bord du lac de Côme m’a mis en rogne, car une fois de plus j’ai été abusé par des promesses de douceurs italiennes. Alors que je venais de m’enthousiasmer pour « Réparer les vivants » de Maylis de Kérangal, ces états d’âmes futiles d’adolescents niais, vacant, rassemblant tous les poncifs m’ont paru encore plus factices.
« Mort à Venise » sans Venise, sans fièvre, sans parfum, sans âme, sans émoi, sans style.
Bateau en maquette et Andrew petit souffreteux dont la mère est sans mari.
Giacomo est-il troublé par la belle maman ? Il gagnera une raquette.
Prenez garde à la raquette en bord de lac si vous n’êtes pas encore majeur ! 
«  - Andrew voulait vous dire au revoir, mais il n’en a pas eu le temps. Il m‘a demandé de vous donner ceci.
Elle lui tendit une Dunlop de compétition ; un jour, Giacomo l’avait prise en main et en avait admiré la légèreté. C’était un cadeau de son père qu’Andrew n’avait jamais pu utiliser. »
Et radin avec ça !

vendredi 25 septembre 2015

« Eparpillé par petits bouts façon puzzle. »

Ecrire comme un pansement quand la vue s’affole devant un monde qui se défait, alors au coin d’un blog je joue pesamment avec le mot : pensement sur jambe de bois.
Pendant que la ronde de tant d’éditorialistes me semble tourner à vide, je remonte sur mon canasson à la mine en papier mâché et mime un Franz-Olivier Giesbert, des terres froides entrelardant de citations (en gras) tirées des « Tontons flingueurs » .
« La bave du crapaud n'empêche pas la caravane de passer ! »
Désormais il est nécessaire de livrer un mode d’emploi avec le moindre dessin provenant par exemple de Riss de Charlie hebdo sous protection policière, mais c’est le rédacteur Laurent Joffrin écrivant maintenant la moitié de son journal du moment, Libération, qui tombe dans la caricature en donnant la leçon au philosophe Michel Onfray. Il récidive, puisqu‘il  ne voyait que des « ras du front » chez ceux qui critiquent Najat Bécassine.
Et dire que j’avais abandonné « Le Monde » quand ils avaient traité ainsi Ségolène qui s’applique chaque semaine à leur donner raison !
« - Qu'est ce qui a été en panne?
- La dépanneuse. »
Les débats concernant l’école s’embrouillent sous les stratégies communicationnelles :  évoquer une « dictée quotidienne »  a fait écran à la mise ne place d’« enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI)  au collège. Cependant l’évaluation pour les lycéens « Chatel » de tels dispositifs concernant aussi les heures d’accompagnement « personnalisé » tardent à paraitre.
La maternelle enfin revient à des objectifs plus adaptés aux petits mais à entendre les mots « exigence » et « ambition » appliqués au reste des textes, lorsque c’est vraiment le contraire qui est mis en route : c’est fusiller le vocabulaire. L’école sera ludique, soumise aux modes, aux pressions parentales et au pouvoir de petits chefs. L’autonomie amène avant tout à la concurrence.
La rhétorique de l’émancipation comme musique de fond dissimule la soumission au marché.
Les consciences professionnelles partent en miettes sous les plans de carrière.
Nous baignons dans le même discours servi depuis des décennies, pourtant le fossé social s’est élargi. Et les prescripteurs sont plutôt les petits machos des couloirs que les éditeurs de programmes.
Le niveau monte ne cessait-on de nous dire avant de crier à la catastrophe.
La démocratisation invoquée serait une arnaque si encore une personne y croyait.
C’est bien la même équipe qui entre deux Macroneries, porte les éléments de langage des boites à com’ !
Se détachant des habituelles révérences des politiques entre deux élections, les mots du ministre de l’économie concernant les fonctionnaires seraient plutôt ceux d’un chroniqueur s’exprimant face à l’éclatement du salariat. Ils ne sont pas la marque d’un courage ou d’une lucidité, ils participent de la confusion des genres et accentuent le discrédit des gouvernants.  Et depuis les tribunes médiatiques combien de leçons  sont assénées … pour mépriser les paroles professorales où  assumer quelque leçon « frontale » serait quasiment « frontiste ».
« Pour qu'il abandonne ses cactus et qu'il revienne à Paris, il faut qu'il en arrive une sévère au vieux Louis. Ou qu'il ait besoin de pognon ou qu'il soit tombé dans une béchamel infernale ! »
Si je joue à peser les mots qui bourdonnent autour de lieux que j’ai bien connus, je m’oblige à la prudence quand s’éloigne le coin de ma rue pour éviter les rabâchages et les vaines affirmations.  Je ne comprends pas la contradiction des souverainistes qui en appellent à l’Europe, qu’ils ne cessent de critiquer, pour régler les problèmes migratoires. Leurs acrobaties autour de la Grèce donnent le tournis.
A hauteur d’échantillon, certes  très restreint, je suis étonné du nombre de jeunes français partis gagner leur vie à l’étranger. Croisent-ils les migrants arrivant sur nos berges ?
Le football est décidément un miroir grossissant : les joueurs français se louent en Angleterre,  quand les africains constituent l’ossature de nombreuses équipes du championnat de France.
Rio Mavuba, capitaine de l’équipe de Lille, est né sur un bateau de réfugiés angolais.
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Le dessin en tête est de Micaël Queiroz et celui là est paru dans "Le Canard Enchaîné":


jeudi 24 septembre 2015

Beauté Congo. Fondation Cartier.

L’art africain contemporain donne des couleurs à l’art contemporain et laisse pour un instant les sombres masques traditionnels dans les cases à fétiches.
Au son des yéyés congolais, qui animent les rues de Kinshasa
« Kin la belle, kin la poubelle »
 nous faisons provision d’énergie et de sourire avec cette exposition à Paris qui dure jusqu’au 15 novembre.
Poétiques, politiques, les découvertes sont nombreuses avec des éléments familiers :
la société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes (SAPE), une esthétique des enseignes de rue aux peintures figuratives et flashy, volubile et minutieuse.
D’amples maquettes futuristes, d’anciennes photographies documentaires ou des plus récentes aux points de vue, depuis les flaques, bien vus, varient les supports.
Nous avons reconnu « L’enfant-soldat » de Chéri Samba  qui fut présenté à Grenoble:
«Je suis pour la paix, voilà pourquoi j’aime les armes ».
L’humour n’est pas toujours noir, mais sa force qui vient fouetter nos dépressions occidentales
permet de supporter les plaies d’un pays ravagé par les maladies, une nature hostile, des politiques prédateurs, une histoire plombante.
Comme nous avions dans l’œil, les représentations de l’immuable combat de boxe Ali/Foreman de 74, nos préférences sont allées aux découvertes de travaux plus anciens, moins éclatants : des aquarelles depuis les années 20 qui multiplient les motifs décoratifs, développent des façons de voir originales, un lien entre tradition et modernité.
La lumineuse fondation Cartier qui a déjà célébré des artistes africains se situe à côté de Denfert Rochereau où des foules se pressent pour visiter les catacombes.

mercredi 23 septembre 2015

Piacenza.

Les jeux avec les mots autour de « Piacere a Piacenza » sont réservés aux dépliants touristiques qui négligent  le français, alors que les habitants rencontrés de ce côté des Alpes parlent plus facilement notre langue que nous la leur.
La ville est située dans la plaine du Pô ponctuée de grandes fermes qui évoquent le film de 1976 : « 1900 » de Bertolucci.
La nostalgie peut par ailleurs alourdir sa pelote avec d’autres réminiscences d’un communisme à l’italienne, qui fut plus engageant du temps d'Enrico depuis la Rue des Boutiques obscures à Rome siège du PCI, développant quelques bases solides dans cette région d’Emilie Romagne.
Un moment française, la ville fut  la première (Primogenita) à demander son annexion au royaume d'Italie.
Aujourd’hui peuplée de 100 000 habitants, c’est le souvenir des Farnèse qui  est mis en évidence dans cette ville étape aux airs médiévaux.
Cette famille donna un pape, des cardinaux, des religieuses, tant de militaires, de sénateurs, de gouverneurs, de ducs et seigneurs, et un vice roi d’Espagne.
Une promenade vers la Piazza Cavalli  du XIIIe siècle et ses équestres statues devant le Palazzo Gotico s’impose, ainsi qu’une visite au premier Duomo de la saison abritant de belles fresques.