lundi 23 septembre 2013

Elle s’en va. Emmanuelle Bercot.



Catherine Deneuve. Bien que la scène du paysan qui roule sa cigarette ait été trop racontée, c’est un morceau de choix, comme les retrouvailles pudiques et maladroites de Deneuve avec sa fille jouée par la chanteuse Camille avec qui ce n’était pas gagné de se reconquérir.
Des personnages intéressants, mais leurs transformations sont parfois trop expéditives et la barque des péripéties biographiques est parfois chargée alors que cette virée commencée par hasard, par usure, nous laisse au début découvrir progressivement des petites routes, des fausses pistes. 
La conclusion bucolique est heureuse, tout le monde se retrouve au bout de l’autoroute : le petit fils inconnu devient  son complice en rien de temps, sa fille véhémente fond, Garouste est bien séduisant, l’arrière grand mère se remet à fumer.
L’addiction à la nicotine parait dans cette plaisante balade comme un vecteur de liberté.
Le road mamie va plaire et Catherine Deneuve est une grande actrice.

dimanche 22 septembre 2013

Stromae.



The storm of the rentrée.
Ses rythmes s’impriment facilement dans notre cervelet avec « Papaoutai », et  difficile d’éviter le trop facile :
« Tu étais formidable,
J' étais fort minable, »
Des musiques tapantes aux accents de sirènes sur des paroles déchirantes, comme  lorsqu’un drame prend plus d’intensité en se déroulant au milieu des flonflons d’une fête.
Il se place dans une filiation ; tout le monde reconnait évidemment des accents à la Brel,  des mots à la Nougaro, il rend hommage à Césaria Evora :
« Malgré toutes ces bouteilles de rhum, tous les chemins mènent à la dignité »
 Et pleinement dans le siècle avec le rappeur Oreslan dans  AVF ( Allez vous faire…)
« La nuit dans la bouteille, la journée dans les bouchons, »
Amateur de mots : des bons et des gros :
« T'es un homme ou bien tu péris
Cultrice ou patéticienne »
Il porte un regard acéré sur l’époque : ses cancers et ses tweets sur l’air de Carmen :
« Prends garde à toi
Et à tous ceux qui vous like
Les sourires en plastique sont souvent des coups d’hashtag »
Après ce deuxième album, passera-t-il à un stade où il en appellera moins à papa et maman sur trop de plages ?

samedi 21 septembre 2013

Modernes catacombes. Régis Debray.



Si j’ai consacré 15 articles sur ce blog à mon quimboiseur (sorcier) préféré qui sollicite d’emblée le dictionnaire, c’est que parmi sa production tellement abondante qu’elle suffirait à  me nourrir à plein temps, chaque lecture m’enchante.
Nous sommes conviés à un voyage au pays des lettres : il fait l’éloge de  Gary, Sartre, Semprun… égratigne élégamment Sollers et s’attaque avec finesse à quelque monstre sacré tel Foucault.
« Par un contre effet de bascule, replongèrent dans le noir - en même temps que la famille, l’atelier, l’usine, la ferme - les ci-devant « travailleurs des villes et des campagnes », assignés par le radical chic à la condition de beauf (pour ne rien dire des malheureux « inspecteurs du travail », deux mots, deux offenses).
Je n’ai pas la culture suffisante pour juger de la justesse de ses opinions concernant Gracq, Nourissier ou Fumaroli mais l’originalité de son propos est stimulante, l’élégance du style séduisante, la vigueur de ses oppositions nous réveille, ses formules claquent :
si nous sommes passés dans nos relations «du haïku à la main au cul», De gaulle fit effectuer à la France « Une traversée en première classe avec un billet de seconde.» 
Je goûte toujours son humour désenchanté quand par exemple il met en débat les formes littéraires les plus concises :
« La genèse ? Un homme. Une femme. Une pomme. Un drame. »
Et ses mots portent bien au-delà d’un dilemme pour qui  serait tenté par l’autobiographie :
 «…  vous n’avez pas le choix, me semble-t-il, qu’entre deux positions fausses : ou vous reniez votre passé, au nom d’une lucidité présente, et vous racontez l’histoire triste d’une abjuration. Ou vous continuez d’épouser ce passé, pour vous justifier, et c’est la rétrospection paranoïaque d’un idiot. »
300 pages où souffle «  le sentiment de l’Histoire dont Chateaubriand fut l’accoucheur et Malraux le croque mort. »

vendredi 20 septembre 2013

« Sectaire »



Enfumé passif  par le babil médiatique, me voilà à ronger l’os que les services com’ viennent de nous livrer, quand un ancien premier ministre affirme qu'en cas de duel PS/UMP aux municipales, il recommanderait de voter « pour le moins sectaire » ; il aurait pu dire :
« pour le moins démagogue,  le plus républicain, le plus honnête, le plus  juste, le plus soucieux de l’intérêt général …»
Parler pour ne rien proposer, avec au bout sempiternellement, le FN en arbitre des élégances, sur fond de mémoire courte, de pensée  moutonnière et de perte des repères.
Fillon qui n’a fait qu’obéir pendant son séjour à Matignon, dénigre son maître maintenant qu’il a le dos tourné et se replace en zig zag. Ah ! Il n’est pas sectaire vis-à-vis de l’extrême droite,  juste un peu traitre à l’égard de ceux qui le  précédaient et ceux qui le suivaient : il était contre le « ni ni » à Copé qui en arrive à donner aujourd’hui des leçons de cohérence, un comble !
Le mot « sectaire » repris par tous les médias est  le synonyme systématisé de passionné, de fidèle aussi.
Bien des désillusions ont terni nos enthousiasmes adolescents et ce n’est pas la mobilisation de nos adversaires pour le renflouement de l’UMP qui va me rassurer sur le civisme de mes concitoyens. Ces contributeurs se sont surtout élevés contre l’avis de l’état que servit Seguin, un des mentors de l’ancien maire de Sablé-sur-Sarthe, ils n’étaient pas invités à adhérer à un programme constructif, quand même le mot « gaulliste » est tombé en désuétude.
Mais c’est bien vrai que l’on vote surtout contre, et les leçons de morale exaspèrent de plus en plus, surtout que les émetteurs du parti de Guérini ne sont pas forcément des modèles de vertu.
Le FN n’a rien à faire, L’Europe, l’UMP, le parti de Cahuzac lui fournissent de l’eau pour sa résistible ascension. Qu’ils arrêtent de pleurnicher ou de dédaigner les citoyens ! De la hardiesse, de la franchise réhabiliteraient les politiques qui se réclamaient d’un arc républicain désormais bien endommagé.
Bien sûr, les palinodies à droite me réjouissent, mais la gauche se cache les problèmes et éloigne les solutions : réforme pénale et celle des collectivités locales, refonte de la fiscalité…
Et le non- cumul des mandats !
Pourtant leur stratégie du brouillard semble réussir concernant les retraites. Et je dois modifier mon appréciation concernant la transition écologique: les verts sont contents.
Les partis qui nous gouvernent ont peur de l’ombre de leurs électeurs pour avancer toute mesure qui demanderait un peu de courage pourtant sûrement plus porteur électoralement que la reprise des mots de l’adversaire : « ras le bol fiscal ».
Une certaine gauche minimise l’émotion autour du bijoutier de Nice, en suspectant les « like » de soutien sur Facebook d’être gonflés, et méprise ceux qui sont préoccupés de sécurité, se montrant aussi caricaturale dans l’angélisme, que ceux qui ont oublié que la justice, certes bien imparfaite, était un pilier de notre civilisation.
La doctrine « oeil pour œil » aveugle encore des foules au XXI° siècle : faut pas « Charia » !
………….
Un dessin du Canard de cette semaine :

jeudi 19 septembre 2013

Passage à l’art.



Le réseau Mémorha qui regroupe des responsables de lieux consacrés à la Seconde Guerre mondiale et des universitaires de la région Rhône Alpes avait organisé à Pont-en-Royans, une table ronde où étaient examinés les liens entre artistes et intellectuels. Lorsque l’art s’intéresse à l’histoire.
Le sous titre « l’impossible transmission du vide » a été, à mon avis, illustré  par  des participants au-delà de leurs intentions.
L’enseignement de la Shoa est  paraît-il empêché dans certains collèges, est ce encore vrai ? Ce problème n’était pas à l’ordre du jour.
La discussion venait après une « lecture- performance » de plus de 500 questions par Annie Zadek  adressées à ses fantômes, accompagnées des photographies  d’Arno Gisinger.
Cette introduction roborative aurait mérité une explication pour les non-initiés.
Malheureusement l’art contemporain souvent si bavard aime parfois les ellipses qui participent à un éloignement décourageant, alors que souvent les intentions sont pédagogiques.
Pourtant les deux historiennes Sylvie Lindeperg et Annette Wieviorka n’ont pas besoin de grands mots pour charpenter leurs discours lors de leurs interventions dans un débat un peu vague, sans contradicteur.
Le photographe fut clair lui aussi pour nous rappeler que la nature de son travail est justement de rendre présent le passé et que la notion de point de vue, si féconde, vient du vocabulaire des photographes.
La discussion  a été utile pour saisir l’apport de la poétesse qui regrette que les mots soient toujours entre parenthèses depuis la Shoa, mais les intervenants ne sont pas allés vers un point de vue plus général et n’ont guère apporté d’exemples variés pour approfondir le sujet.
Le noir installé furtivement entre deux diapos, claquait comme jadis  au patronage.
Nous avons pu après coup apprendre comment  se nouent les mots et les objets photographiés frontalement sur fond gris : ce sont les meubles en voie de restitution pris chez les juifs autrichiens partis on sait où.
Cette représentation de l’inventaire de biens spoliés est justement à la charnière d’un travail d’historien chargé ici de la « collation* » d’objets et de celui de l’artiste qui « met en présence » afin de rendre le passé intelligible. Ce passé qui s’infiltre dans le présent, se métamorphose.
L’émotion peut permettre d’accéder à une mémoire raisonnée et dépasser le pathos mais dans ces recherches la « babelisation » de la langue, évoquée au cours du débat, permettra-elle d’aller plus loin dans l’investigation du passé et sa transmission ?
Je crains que les mots traversant les frontières soient plus ceux des traders que des professeurs d’histoire.

*J’ai appris un  sens nouveau pour ce mot, j’en étais resté à « l’en cas » ou comme dit celui qui m’a permis d’assister à cet après midi studieuse « 2-3 tranches de poitrine roulée et une tomme poussées au Côtes »: « Confrontation de textes manuscrits ou imprimés pour s'assurer de leur conformité. » ou « Ensemble des caractéristiques physiques d'un ouvrage (nombre de volumes, format, etc.), permettant son classement. »

mercredi 18 septembre 2013

Ethiopie J 2. Addis Abeba



Au matin une petite pluie fine ne nous incite guère à partir visiter les environs que nous dominons depuis la terrasse de l’hôtel : gros travaux routiers, quelques constructions éparses, la boue…
Cependant lorsqu’on s’éloigne en voiture, la ville nous montre un autre visage, avec des immeubles, des ronds points mettant en valeur des statues, des monuments, des magasins, plus conformes à l’idée que l’on se faisait d’une capitale africaine. Des antennes paraboliques poussent dans les pelouses devant les habitations et des troupeaux de biquettes broutent sur les grandes avenues.
Un jeune chauffeur Yohanes qui parle bien l’anglais conduit notre mini bus où Girmay a pris place à l’avant accompagné par Achenafi, jeune diplômé en  sciences politiques en phase d’apprentissage dans le tourisme.
Nous finissons par quitter la métropole de 4 millions d’habitants et découvrons la campagne : c’est la saison verte. La route goudronnée en bon état traverse de beaux paysages cultivés.
La terre noire des champs est labourée par des araires tirés par des bœufs. Les paysans s’entraident souvent et s’attaquent en commun au même champ.
Tout au long de la route, les ânes bâtés et chargés de bidons jaunes, de foin, accompagnent les hommes et les femmes, les cabris sautent comme des cabris et les zébus traversent faisant fi de la circulation. Lors d’une petite halte près d’un pont qui traverse la rivière Awash, nous sommes rattrapés par des enfants et des hommes cherchant le contact. Très souriants ils acceptent facilement de poser pour des photos. La rivière, calme d’un côté du pont ressort bouillonnante en petits rapides de l’autre côté. Au loin se détache le blanc des serres sur le vert de la campagne.
« One birr »… « What's your name ? »...
Nous repartons pour la visite d’Abadi Mariam. Nous nous engageons sur une piste boueuse et traversons des villages proprets avec cases en pisé frais et toit de chaume, enclos en épineux et magnifiques acacias à la ramure ample. Arrivés presque à destination, le mini bus ne parvient pas à monter la petite côte, il patine comme dans la neige. Nous choisissons de parcourir les quelques mètres à pied dans la boue collante.
L’église enterrée est circulaire comme il se doit, elle nous est présentée par un diacre. Il nous montre la porte d’entrée des hommes, celle des femmes, nous promettant de nous retrouver à l’intérieur. Déchaussés, la cheville cerclée de bracelets antipuces pour certains, la visite commence. La présence de 10 portes  fait référence  aux 10 commandements. Nous circulons dans la promenade percée de 24 fenêtres (rapport aux 24 vieillards de l’apocalypse), puis le diacre nous ouvre une pièce, anti chambre du saint des saints inaccessible où aurait résidé l’arche d’alliance. Là il nous montre les grands bâtons sur lesquels s’appuient les vieux et les religieux pendant les longs offices. Il nous chante un alléluia, accompagné par un sistre, puis par un tambour. Les cérémonies se déroulent avec 5 serveurs: 3 prêtres, 2 diacres
A l’extérieur, des maisons sont construites au dessus de tombes actuelles ou à venir, elles sont proposées à des ermites en échange de prières.
Tout à coup une file d’enfants et de femmes débouche d’un chemin derrière l’église : photos, émerveillement des enfants devant les écrans.
Etape suivante : Tiya. Nous expérimentons la cuisine locale : « tartare cuit », viande grillée  ou foie pimenté accompagnés par des galettes de tef (céréale) à l’aspect curieux de tripes au goût légèrement acidulé. Café amer éthiopien. Nous partageons le plateau deux par deux, sans cuillère ni fourchette, à la main. Le serveur nous amène produit vaisselle et broc à eau plus cuvette pour nous rincer les doigts.
 Nous repartons à 15 h vers le site classé au patrimoine de l’Unesco. Il s’agit d’une trentaine de stèles funéraires du XIII° siècle plantées au milieu des marécages et des grenouilles.  Sur certaines sont gravées des épées. Les fouilles commencées en 1974 ont permis de découvrir des cadavres enterrés assis, d’autres à la mode chrétienne, couchés. Mais les investigations n’ont pu être  poursuivies. Nous nous émerveillons devant nos premiers oiseaux : une pie grièche et un ibis noir peu farouche.
 Nous reprenons le mini bus et nous nous dirigeons vers Zwaye. Peu à peu les paysages changent : moins de cultures,  la terre semble moins riche. La route descend vers la plaine.
 Zwaye est une grande ville avec sa rue principale goudronnée et des rues transversales en terre. Nous partons avec  nos appareils photos qui produisent toujours leur effet. Les gens acceptent en général de se laisser tirer le portrait, les enfants s’enhardissent jusqu’à devenir collants. Ils nous interpellent : « You ! » et demandent une photo. J’échappe à un coup de fouet d’un conducteur de charrette tirée par un cheval, sans doute gêné par la boue et l’attroupement que nous avons provoqué.
Les femmes rient comme des jeunes filles face à leur portrait, certaines demandent des birrs.
Le soir tombe d’un seul coup, vers 6h 45, nous regagnons l’hôtel. Nous dinons sous un arbre immense peuplé de centaines de tisserins venus trouver refuge dans le feuillage, rendus muets par la musique tonitruante qui parasite nos conversations. A la lumière de deux chandelles nous dégustons des pressions fraiches et des pâtes. Nous nous retirons dans nos chambres, finir nos journaux, prendre douche et faire lessive  avant de nous glisser sous les moustiquaires.

mardi 17 septembre 2013

Blackface banjo. Frantz Duchazeau.


Sur les routes autour de la Nouvelle Orléans nous suivons une troupe de comédiens autour d’un bonimenteur à l’élixir miraculeux.
L’indien est énigmatique, le noir, personnage principal aux allures de Charlot étonne les badauds par sa danse avec sa jambe de bois, il entrainera les foules aux sons de son banjo.
Les petites grandeurs et misères itinérantes sont ponctuées par des interventions d’un groupe « Le cooncoonclan » qui met le feu à des spectacles appelés «  minstrel show » où des acteurs blancs au visage noirci ridiculisaient les noirs.
Les dessins  aux traits sombres sont rythmés sur neuf cases par page. Ils sont dans le ton de l’époque de ces années 20 avec des dialogues où sont souvent figurés des dessins dans les bulles qui accentuent l’ambiance cinéma muet.  
Ces 130 pages se parcourent agréablement mais ne m’ont pas enthousiasmé, bien que ce soit un cadeau de prix.