vendredi 16 novembre 2012

J’accuse… ! et autres grands articles. Patrick Eveno.



En visitant la maison de Mauriac à Malagar, j’ai découvert des engagements de l’écrivain journaliste du Figaro et de l’Express que j’ignorais. J’ai acheté là bas ce recueil où l’article retenu de l’auteur des blocs-notes n’est pas le plus fort, bien que ciselé, abordant la distinction journalisme/littérature.
Le générique rassemble écrivains, reporters, politiques : Condorcet, Sand, Sue, Vallès, Hugo, Leroux, Londres, Kessel, Cendrars, Saint Exupéry, Giroud, Beuve Mery, Pleynel…
Zola et son « j’accuse », dont le titre a été trouvé par Clémenceau, sert d’accroche aux 330 pages réunissant  58 articles de Théophraste Renaudot à Annick Cojean. 
Dans  le célèbre plaidoyer très précis en faveur de Dreyfus, les détails concernant les protagonistes s’étirent un peu, alors que le portrait de l’Iran en jeune femme de Marc Kravetz est vraiment original  et puissant.
Des thèmes datant des origines sont toujours d’actualité : indépendance de la presse, censure, les people, le peuple, les faits divers, « le manifeste des 121 », l’engagement, la pudeur... Monsieur Bertin dont on voit l’œil acéré dans un portrait d’Ingres écrivit « Les nouveaux barbares » qui ressemblent aux nôtres.
Hébert parle de l’exécution de Marie Antoinette comme la plus grande de toutes les joies.
Clémenceau  dans le Paris  du petit matin « au ciel ardoisé, moutonnant, d’une transparence blême » raconte la guillotine pour l’anarchiste Emile Henry : l’horreur blanche.
« L’un des valets du bourreau est son fils. On a soupé en famille, et puis on est parti bravement pour le travail, jetant un coup d’œil plein de caresses aux petits qui dorment, embrassant un la mère, l’autre sa femme ou sa fille, qui lui font des recommandations affectueuses, en crainte du froid de la nuit. »
…………..

Dans Politis.

jeudi 15 novembre 2012

Sophie Calle. « Pour la première et pour la dernière fois. »



Comme je connaissais un peu l’artiste, je pensais que c’était « sa » dernière exposition tant elle nous a habitué à se mettre en scène bousculant toujours plus loin les frontières de l’intime, la délimitation entre l’art et la vie.
Dans la chapelle Saint Martin du Méjan (le milieu),  à Arles, à côté des éditions Actes Sud, la chercheuse inventive nous livre une exposition poignante à partir de deux idées élémentaires.
A Istanbul, elle a filmé d’abord de dos, puis se retournant, des habitants de la ville qui voient la mer pour la première fois.
Toujours dans la même ville, elle recueille les témoignages de personnes aveugles qui décrivent leur dernière vue.  
Au terme d’une journée consacrée à une orgie d’images lors  des rencontres photographiques, nous en prenons plein la face.
Le dispositif est sans chichi : une photographie de la personne, ses paroles brèves mais incandescentes, et la représentation de la chose vue : un arrière d’autobus flou, le médecin qui a opéré sans succès, l’ampoule d’une chambre, pour l’aveugle de naissance, son rêve : une voiture décapotable…noire.
Simple et puissant.

mercredi 14 novembre 2012

Narbonne.



La ville au pied des Corbières a beau avoir donné son nom à la partie romaine de la Gaule, ne subsiste de cette époque qu’un lambeau de la voie domitienne passant devant l’hôtel de ville.
Pas plus de trace de l’occupation arabe dont la ville fut  le «  point extrême conquis par les musulmans sur le pays des Francs ».
Des lieux de culte catholiques se sont succédés depuis le IV°siècle, mais des incendies, des épidémies, l' opposition entre les consuls et le chapitre ont compromis l'achèvement de la cathédrale Saint Just et Violet le Duc ne persistera pas dans la restauration.
L’ambition  de cette architecture venue du Nord se retrouve dans les dimensions impressionnantes sous des voûtes à 40 m, son caractère inaccompli en fait tout le charme. 
En 1907 la révolte des vignerons a des accents occitans et la répression commandée par Clémenceau va tuer 6 manifestants, malgré les foules immenses et l’appui de tous les élus de la région en particulier du maire « médecin des pauvres » Albert Ferroul.
« … les barons de l'industrie du Nord nous ont envahis et ruinés. Nous ne voulons pas les supporter davantage. En avant ! Debout pour les repousser, eux et leurs complices. Parlez plus fort, unissez vos voix, votre prière prendra le ton d'un commandement ».
La ville de tradition SFIO, avait  offert ses suffrages à la droite ses dernières années ; aux présidentielles Hollande est arrivé en tête.
Charles Trenet y est né et les mémoires ont retenu les maillots orange que revêtirent les frères Spanghero  l’homme de fer du rugby des années 60 et aussi Didier Codorniou, le petit Prince.


mardi 13 novembre 2012

Qui a mangé Zidane ? Sylvain Ricard. Didier Maheva.



Quelle idée d’appeler son lapin Zidane, du nom d'un publiciste, en 2012 ? Zlatan alors?
Je croyais revisiter la fin des années 90 avec une BD sociale, eh non ! 
Ce numéro 1 d’une trilogie de l’éditeur « 6 pieds sous terre » est sorti récemment, mais pour moi cet opuscule alignant les clichés sonne faux.
Le manager  du fast food où travaille Vincent s’appelle Jean Eude et  comme il ne veut pas se rappeler du prénom de celui qui s’occupe des poubelles, il le nomme Mouloud.
Le père est gras et  picole devant la télé, il ne veut pas de « pédé » à la maison,
la mère qui pourrait être belle, distribue des torgnoles à ses enfants.
Le lapin consolateur finira mal fatalement, tout était si mal parti.
Je n’apprécie guère l’eau de rose, mais on ne peut croire à tant de noir complaisamment répandu. 
Mince album inactuel où ne perce aucun enjeu qui taraude nos grands ensembles où l’on se retrouve d'ailleurs si peu ensemble.

lundi 12 novembre 2012

Amour. Haneke.



Comme j’ai écrit concernant le dernier James Bond, « ça, c’est du cinéma ! »
pour ce film, je vais éviter  de paraphraser les commentaires déjà fournis,
ou tartiner sur ce qui est soulevé fatalement dans nos destins perso :
« ça, c’est la vie ! » violente.
Le film est  juste, pudique et obscène.
L’amour en tant que soin palliatif est étouffant.

dimanche 11 novembre 2012

Camille à la MC 2. Ilo Veyou.



J’avais apprécié « Prendre ta douleur »
« Je vais prendre ta douleur
Mais c'est qui cette incrustée,
cet orage avant l'été,
sale chipie de petite sœur ?
Je vais tout lui confisquer:
Ses fléchettes et son sifflet,
je vais lui donner la fessée,
(prendre ta douleur,
je vais prendre ta douleur)
la virer de la récré.»
Mais je craignais de l’artificialité dans les échos d’une voix trop travaillée, trop sophistiquée.
Et en spectacle, avec l’humour, la variété, le tempérament de l’artiste, son univers original, j’ai été convaincu que son succès était mérité.
En entrée des accents d’Anne Sylvestre pour son enfant qui vient de naître, mais avant tout de l’inventivité qui  surprend à chaque séquence le spectateur, même celui qui aurait tendance à devenir blasé.
Une reprise du « Que je t’aime » de Johnny au rappel avec des arrangements subtils valait le détour, ainsi qu’un « Grre !...noble » dans une sarabande terminale pleine de légèreté qui clôturait une  excellente soirée.
Des chansons dynamiques,
« allez allez allons
à chaque coup de crosse
prends l'écorce du colosse
et du canasson »
des balades,
« Sale décembre
comme il est lourd le ciel
sais-tu que les statues de sel
ont cessé de t'attendre ? »
Bien sûr des inventions avec la voix : du murmure au cri, à cappella souvent
« J'ai tout dit
J'ai rompu le charme
J'ai tout dit
Maintenant je vous regarde »
et des pizzicati.

samedi 10 novembre 2012

Les lisières. Olivier Adam.



La quatrième de couverture « Roman qui embrasse dans un même souffle le destin d’un homme et le portrait d’une certaine France, à la périphérie d’elle-même ». J’achète.
Le « roman de la rentrée » a proclamé la critique. Je vais nager dans le « main stream ».
Et ses oiseaux « qui gueulaient comme s’ils craignaient que la nuit les emporte » m’avaient attrapé au début, mais arrivé au bout des 450 pages, je suis ressorti déçu.
L’écrivain de gauche au dessus de ses contemporains n’est qu’un fantôme. 
Ne suis-je pas sorti  encore des épreuves de la fracture sociale, culturelle ? 
Je l’ai trouvé surplombant, sans estime pour ses personnages. La divulgation d’un secret de famille fait flop.
Personne n’est sympathique dans ce pavé sans surprise, surtout pas le narrateur qui dresse un portrait  conventionnel de la banlieue et de ses habitants. Il ne trouve pas sa place à Paris non plus, ni en Finistère où le seul remède à son spleen est de se plonger dans l’eau froide.
Ses parents froids  et taiseux sont responsables de sa maladie, mais lui qui vient de se faire jeter par sa femme est bien insuffisant avec ses propres enfants qu’il étouffe d’étreintes et oublie évidemment de leur faire faire leurs devoirs.
Il ne cesse de geindre et de le regretter et de se vautrer dans l’échec.
« … petits fonctionnaires de l'écriture comme j’en étais un moi-même n'est-ce pas, me levant le matin pour me mettre sagement à mon bureau, vivant la même vie que les autres avec la maison le garage, les courses, des enfants, les factures, tous ces petits fonctionnaires le cul sur leur chaise dans leurs maisons, leurs appartements qui se prenaient pour Hemingway ou London mais ne sortaient jamais de chez eux que pour boire des cocktails entre gens de la même espèce. . .
Je l'ai laissé dérouler son fil. Je n'avais rien à lui opposer.
Il martelait que mes livres lui avaient fait du mal, beaucoup de mal. Non pas parce que j'en étais l'auteur mais du fait de leur contenu. Mes livres et ceux de mes confrères n’aidaient nullement les gens, au contraire, ils enfonçaient les plus fragiles, les plus inaptes, ils les confortaient dans leurs humeurs les plus noires, leur maintenaient la tête sous l'eau, dans l'étang poisseux de la dépression, la vase verdâtre de la mélancolie. lls glorifiaient la tristesse et les éclopés, la défaite la désillusion, la fuite et la désertion, comme s'il était plus noble d'être de ce côté-là que de celui de la vie et de la lumière. »
C’est cela, oui.
Et dire que pendant ce temps je ne suis  toujours pas venu à  bout de « L’homme sans qualité » de Musil.