samedi 6 octobre 2012

Jeunesse du sacré. Régis Debray.



Si mon écrivain préféré a choisi un tel titre c’est que le sacré connaît un coup de vieux, il remet « l’ouvrage sur le métier ».
Ne pas confondre sacré et divin : les foules en tongs dans les cathédrales sont moins recueillies que dans un tribunal bien que les escaliers qui mettaient à distance les palais de justice de jadis tendent à disparaître.
« Deux choses menacent les groupes humains : le sacré et le profane.
 Si le sacré est partout, ils s’ankylosent. S’il n’est nulle part, ils se décomposent. »
Je n’ai ni la culture suffisante, ni l’impudence nécessaire pour prétendre apporter une critique distanciée  à cet ouvrage qui nous fait voyager dans le temps et l’espace et se conclut sur le sacre du printemps.
«  …. notre modernité hypertechnique redonne à cet immémorial une nouvelle jeunesse – quitte à faire glisser de l’histoire à la nature. »
 « Terre matrie ».
Par ailleurs mon plaisir de goûter son ironie, ses hésitations, ses nuances, mais aussi ses coups de trompette me rend tellement admiratif : c’est que le vieux fait partie de mes icones sacrées.
On ne dit plus Panthéon personnel, car le bâtiment au bout de la rue Soufflot n’est pas loin d’être désaffecté lui aussi. Disons : parmi « mes favoris » en contrée ordinatrice ; en image à poser sur une étagère, le prisonnier de Camiri irait bien, lui qui nous propose Corto Maltese, Julien Gracq,  De Gaulle, Joan Baez… parmi « mes illustres mon ego reconnaissant ».
Le plaisir de lecture de ces 200 pages est augmenté par une iconographie présentée d’une façon efficace, sans tapage qui complique encore plus le classement dans une bibliothèque  de ce sacré bouquin: littérature, essai, ou art ?

vendredi 5 octobre 2012

Le racisme anti blanc ‘ xiste pas.



Copé, coureur derrière FN, venant de débuter, semble-t-il, une conversion anti raciste, nous pourrions lui suggérer d’élargir sa palette de couleurs.
Du même ordre, mais avec d’autres nuances, le conseil pourrait valoir pour certains camarades de gauche parce que lorsqu’il est question de racisme, les jaunes et les blancs sont  bien souvent hors champ de la fraternité.
Fustiger la bien pensance chez les autres est devenu d’une telle banalité que l’on se retrouve
jouant à domicile systématiquement avec ceux qui sont d’accord avec nous, où pourtant l’expression : « je ne dirai pas ça ailleurs » est devenue courante.
Le mépris des « petits blancs », au cœur de la fracture culturelle, avec à la clef les défections électorales et militantes des ouvriers, est plus nourri d’images venues d’Afrique du sud  du temps de l’apartheid que de conversations autour d’un Picon bière avec un supporter du Racing club de Lens.
Quand  le petit Lucien  doit quitter son équipe de football sous les moqueries de ses coéquipiers parce qu’il est un des rares à pouvoir être sponsorisé par Justin Bridou, c’est  bien dommage. Il n’avait qu'à aller au ski comme ceux de sa classe !
Mémère qui a la pétoche quand elle pénètre dans le hall de son immeuble n’est pas vraiment du côté des dominants.
La mère d’une des victimes de Mohamed Merah a été effarée des réactions de jeunes d’un quartier  de Toulouse qu’elle est allée rencontrer, et il y a de quoi partager sa peur  quand le tueur est l’idole de jeunes!
Ah oui, prononcer le mot  peur ce n’est pas bien; depuis les bureaux des pros de la politique on va dire  encore que ce n’est pas le moment, de parler, comme pour le non cumul des mandats !
C’est jamais le moment.
« Quoi qu'a dit ?
 - A dit rin.
Quoi qu'a fait ?
- A fait rin.
A quoi qu'a pense ?
- A pense à rin.
Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?
- A' xiste pas. »
Jean Tardieu
Pauvre fuite, des pétochards permanents.
Ce n’est pas parce que l’instrumentalisation des peurs est devenue une pratique automatique de l’asservissement des masses que l’on va s’interdire de penser, même si Copé attend avec gourmandise nos réactions niant le réel.
Breivick était un barbare, ceux qui ont tué Kevin et Sofiane sont sortis du même tonneau.
Et mon incompréhension s’accroit quand je lis une des réactions à cet article posté il y a deux jours chez Médiapart, qui considère les assassins comme des victimes. Les victimes ce sont ceux qui sont muets pour toujours.
La mère de Kévin est apparue sur nos télés : quel courage, quelle dignité ! Quelle couleur ?
…….
Dans Charlie de la semaine dernière :

jeudi 4 octobre 2012

Robert Combas au MAC de Lyon.



600 œuvres étaient présentées au musée d’art contemporain qui borde le parc de La Tête d’or à Lyon : foisonnantes, monumentales,  rythmées, variées et en même temps fidèles à la modestie du rockeur sétois, à son humour.
Il n’est pas le genre à laisser la mention « sans titre » à côté de ses tableaux, ses cartels  doivent plutôt s’écarteler pour suivre les dingueries de l’auteur prolifique :
Extrait : « Yellow sunshine, l’arbre à trip, c’est la vision d’une chaleur sans sueurs, sèche et remplie de petits trucs,  bidules et modules. Dans le ciel des personnages déformés rigolent aux éclats, apparaissent et disparaissent. »
Comme d’habitude quand un musée se consacre à un seul artiste, celui-ci prend une stature supérieure. Les productions sont  déjà nombreuses, amples, et la dimension musicale qui court tout au long de la déambulation donne sa plénitude au troisième étage quand  éclatent les couleurs dans une diversité des genres roborative.
Si les postures rock étincellent, Brassens lui va très bien et une des rares chansons que ma mémoire a conservé,  Hécatombe, vue par Combas vaut son pesant d’oignons. Un des papes de la figuration libre aime raconter.
J’ai retrouvé ses crucifix vus à Arles et découvert des paysages de Sète où comme ailleurs il reprend des stéréotypes et nous les redonne embellis. 
Il est allé revisiter des batailles parmi les tableaux patrimoniaux, et apporte sa patte vigoureuse à des travaux d’autres artistes. Bien des toiles témoignent d’une vigueur juvénile et s’il a recherché du côté de la spiritualité, il a conservé de joyeuses manières qui nous font du bien.  
Il était promis aux vitraux avec sa marque de fabrique faite d’un trait  noir qui cerne ses personnages tout en révélant au deuxième plan un foisonnement ludique, souvent lubrique.  
Au bout du parcours chronologique et thématique, j’ai perçu dans sa série de chutes, comme un coup de mou dans l’énergie qui a conduit toute sa vie et qui continue à nous éclabousser.

mercredi 3 octobre 2012

Blade runner. Ridley Scott.



Nous arrivons bientôt en 2019, au moment où se déroule l’histoire  imaginée par Philip K Dick  dans son roman « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? ».
Le film dont le titre se traduit par « Celui qui court sur le fil du rasoir »a trente ans d’âge et il a bien vieilli
L’extrapolation à partir de découvertes en génétique sur fond de planète dévastée est convaincante jusqu’à la durée de vie limitée des « réplicants » avec aussi les hypocrisies sémantiques bien contemporaines : quand il s’agit de tuer, on dit « retirer ».
Les  images noires et  humides sont belles, avec policier à la retraite en imperméable contraint à reprendre du service, femmes fatales, voitures volantes se posant dans les bas fonds de zones urbaines hostiles. Le whisky est toujours en usage et les immeubles gothiques désertés sont des décors sublimes pour l’inévitable duel décisif où sont convoqués à la pelle les symboles religieux.

mardi 2 octobre 2012

Le retour de l’éléphant. Paul Hornschemeier.



Dans ce recueil d’histoires originales en B.D. paru chez Actes Sud différents styles de narration et de dessin s’expérimentent. L’art contemporain version ligne claire est dans la case.
Des situations du quotidien, de science fiction,  surréalistes, des nounours,  de l’humour froid, des déserts. Mais les scènes les plus angoissantes ne sont pas forcément celles où des pistolets sont sortis.
Seule la lumière de la télévision éclaire les solitudes encore plus criantes dans un monde près de la fin où l’existence est vaine.
Ce pessimisme radical suit des récits efficaces, il ne nous accable pas, il nous divertit.
Le sable s’insinue dans les genoux d’un robot marchant dans un désert « au rythme de seize à trente deux grains par minute selon la vitesse du vent. Huit à dix grains sont expulsés par ce qui fonctionne encore de ses défenses internes. »

lundi 1 octobre 2012

Drive. Nicolas Winfing Refn



En sortant de ce film de voitures, j’ai bien respecté les limitations de vitesse, c’est que l’argument vendeur pourtant travaillé m’a laissé aussi indifférent que l’acteur principal qui tient le volant mais subit sa vie.  Alors, il fait le malin et va sombrer dans une violence qu’il ignorait auparavant.
Nous sommes à Los Angeles. Certes la musique est électrique. Mais à relire les commentaires majoritairement élogieux je n’arrive pas à voir ce qu’il y a de vraiment nouveau dans cette histoire en milieu urbain, où les mots sont en voie de disparition, où  la gazoline ne s’économise pas.
Pas plus que les westerns ne se sont démodés  parce que désormais les chevaux ne tournent plus que dans les manèges, la présence forte des véhicules à moteur ne présage de l’avenir de certains films, celui-ci deviendra peut être culte quand les engins électriques ne feront plus crisser les pneus.

dimanche 30 septembre 2012

Tout est bien. Robert Charlebois.



A la première écoute du dernier CD du québécois qui nous fit passer de Félix Leclerc au rock, je n’avais pas été accroché.
Puis j’ai lu les paroles du fidèle  David Mc Neil :
« Les poètes ont souvent raison »,
 l’inusable Dabadie :
«  je chante donc je suis »,
 avec Mozart aux paroles :
«  Le garnement brûle encore plus
 Il ne se console plus
 Et ne souhaite rien d’autre
 Que posséder ton très joli cul »
Il y a  du Saint Augustin aussi dont quelques mots donnent le titre à l’album qui sonne comme une conclusion, avec aussi « Satisfaction » résumé d’une vie.
La musique est de Charlebois dont je préfère les percussions aux violons ; il agence aussi quelques paroles :
« Autour du monde, on refaisait l’amour
Elle l’a défait, sans espoir de retour
Son dernier tour m’a laissé un grand trou
Juste à côté du cœur »
Il regarde toujours les Jumbo jet, tricote avec  des « moi », voyage de Winipeg à Calgary, rappelle l’amour, croise un joli nez, toujours « drette dans ses bottes » surtout quand la country s’invite, ou quand il va s’asseoir devant l’ivoire d’un piano.