samedi 24 décembre 2011

Le Noël d’Hercule Poirot. Agatha Christie.

Quitte à essayer d’apprécier un roman policier autant revenir à la reine mère du genre, que j’ai délaissée depuis la nuit des temps. Parfaite sous sa couverture jaune et noire des éditions du masque avec tous les ingrédients pour réussir une fête tellement familiale.
Dans un manoir avec majordome, un vieux père manipulateur réunit ses enfants légitimes et d’autres.
Un assassinat a lieu et chacun a de bonnes raisons d’être le coupable : depuis le fils soumis et sa femme jusqu’au  fils prodigue, car il est question de surcroit de modification de testament : alors les humiliés se découvrent ainsi que les pièces rapportées pas vraiment franches.
Typiquely british comme on les adore avec humour allant jusqu’au burlesque.
« Les meules du seigneur broient avec lenteur, 
mais elles réduisent en fine poussière ».
Nous sommes menés par le bout du nez pour surtout ne pas trouver le coupable, avec des haines recuites, des mensonges qui s’empilent, et beaucoup de sang sur les murs. La ficelle est fine fine.
Les promesses d’un Noël dans les traditions se réaliseront, peut être l’an prochain, mais on peut en douter ; cette fois le rendez-vous de l’innocence a été quelque peu perturbé.

vendredi 23 décembre 2011

De quoi avons-nous peur ?

Il serait bon de n’avoir pas peur d’avoir peur quand les ressources naturelles s’épuisent et que le climat dégénère.
Enfin nous comprendrions les dégâts du progrès !  
« Le concept de progrès doit être fondé sur la catastrophe » Walter Benjamin
Les émissions de CO2 continuent à croître bien plus vite que l’économie qui ralentit pourtant.
Prudence mère de sûreté a donné naissance à l’omniprésent « principe de précaution » émergeant dans un monde où la décision politique est de plus en plus à courte vue. L’appréhension peut être un instrument de mobilisation.
C’était cocasse de percevoir le trac qui s’était emparé d’intervenants à ce débat de la République des idées, où les échanges ont manqué de vivacité bien que les apports, entre autres, d’une anthropologue qui faisait part de son expérience dans les prisons soient intéressants.
La peur est construite en ce lieu pour distinguer surveillants et détenus qui tiennent à se présenter eux-mêmes comme dangereux. Là s’exacerbent les distances, les différences qui sont désormais un trait marquant de notre société toute entière où l’inquiétude anticipe le déclassement.  
« L’homme d’aujourd’hui peut perdre son travail, sa femme, la santé, son appartenance à une communauté qui elle-même peut perdre son influence, son pouvoir, son attrait, son identité supposée ou réelle. » Laurent Mauvignier
J’ai peur de moi, j’ai peur des autres. Le voisin devient un concurrent. Les classes moyennes sont plus angoissées car elles ont plus à perdre ; le risque de la perte de l’emploi n’est pas forcément corrélé au statut de celui qui émet cette opinion pessimiste. Le chômage a une empreinte forte sur la dynamique sociale.
Mais si l’artificialisation du monde rend les peurs collectives moins évidentes, les frayeurs individuelles se multiplient. Il convient d’arrêter d’euphémiser les dangers et de parler d’incertitudes, il est trop tard par exemple pour les ressources halieuthiques: « Les mauvaises performances de la pêche sont dues fondamentalement à un très important déséquilibre entre les capacités de production mobilisées pour l'exploitation et le potentiel biologique des ressources. Elles imposent le constat que les politiques publiques mises en œuvre à l'échelle européenne, nationale, ou régionale n'ont pas réussi à atteindre les objectifs de conservation des ressources et de maîtrise des surcapacités »Ifremer.
Depuis les fauteuils confortables de la MC2, on aurait tendance à repérer une instrumentalisation des peurs sociales, alors que l’on devrait regretter que l’on ne s’angoisse pas assez des catastrophes environnementales qui s’opèrent sous nos yeux.

Dans le Canard de cette semaine :
Et dans « Marianne », un article de Julliard concernant l’école:  
« L’école est le couteau suisse de nos impuissances », 
« la France va au bordel et elle envoie ses enfants au catéchisme »,
il cite Péguy :  
« La crise de l’enseignement n’est pas une crise de l’enseignement ; il n’y a jamais eu de crise de l’enseignement ; les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; elles sont des crises de vie (...) une société qui n’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas ; qui ne s’estime pas ; et tel est le cas de la société moderne. »
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Dessin du Nouvel Obs

jeudi 22 décembre 2011

« Le peuple veut ». La révolution Tunisienne.

Aux moulins de Villancourt à la limite entre Echirolles et Pont de Claix sur le cours Jean Jaurès jusqu’au 23 décembre 2011 sont exposées des affiches, des dessins de presse d’Europe et de certains pays arabes, sur les jours qui ébranlèrent la Tunisie.
Avec un drapeau rouge, un croissant de lune, une étoile, les graphistes peuvent s’en donner à cœur joie en rappelant des airs de liberté qui soufflèrent jadis rue Soufflot ou à Gdansk. Travaux efficaces des artistes. Mais la convocation de l’image de « La liberté guidant le peuple » drapée dans un foulard bien couvrant, œuvre d’un lycéen, m’a semblée discutable dans un ensemble remarquable de travaux d’élèves. 
A trop adresser de clins d’œil, on y voit trouble. 
Enfin, il n’y a pas que les symboles qui se brouillent en ce moment dans les pays qui assument leur libération. Par contre le chat dénommé Willis de Tunis est sans ambigüité, c’est un personnage percutant. 
Nadia Khiari qui le dessine ne manque pas de verve.

mercredi 21 décembre 2011

Après Lisbonne : Saragosse

Nous sommes en avance d’une heure et demie sur l'horaire prévu et confions notre sort à madame Tom Tom qui nous sort de Lisboa sans encombre. Notre longue étape dépassant les 800 km passe par Badajoz (la frontière) Caceres, Madrid et Saragosse. Peu de circulation. La voiture roule bien, trop bien même car un véhicule à moteur banalisé à peine balisé nous contraint à nous arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence ; un bras agité par la fenêtre impérativement est le signe le plus apparent de la Guarda civil, ainsi qu’une bande passante lumineuse sur la plage arrière de l’automobile qui nous dépasse. Un «sergent Garcia » peu amène, se dispensant d’un bonjour élémentaire, verbalise l’excès de vitesse de 137 km/h au lieu des 120 autorisés, photographié depuis le véhicule administratif équipé d’ordinateurs et radars.
C’est à la vitesse réglementaire nettement plus poussive que nous atteignons à Saragosse l’hôtel Avenida, Avenida César Augusto n°55, excellemment situé en plein centre où la circulation se révèle compliquée à cause des sens interdits et de rues vraiment étroites. L’accueil en français est efficace et agréable. Nous profitons sous une chaleur d’été (30°) de la ville en fin d’après midi. Grande place devant la cathédrale Virgin del Pilar pas loin de l’Ebre, églises, loggia, fontaine en forme de mur d’eau au bruit rafraîchissant. Lors de ce passage éclair, la capitale de l’ Aragon comme San Sébastien à l’aller nous semble prospère.
On croise des mariés à tous les coins de rues souvent dans des voitures de collection, décapotables, américaines, Rolls Royce, sortant de l’église ou attendant d’y entrer, prenant des poses étudiées pour les photographes professionnels. Les rues piétonnes sont arpentées par des familles ou des couples « habillés en dimanche », s’attardant devant les saltimbanques et amuseurs. Le couchant fait chanter les couleurs des pierres. Nos pas nous conduisent au hasard et nous choisissons le restaurant de tapas « La Republicana » calle Mendez Nunez 38 où nous mangeons plus que copieusement dans un décor de brocante et d’évocation des années 30.

mardi 20 décembre 2011

Renée. Ludovic Debeurme.

La suite en 500 pages de « Lucille », dans la même veine déprimante.
Arthur est en prison, où il n’est pas à l’abri d’une explosion de violence qui arrive inéluctablement.
La tension se retrouve aussi au-delà des murs avec celle qui l’attend et se ronge.
Par ailleurs, les aléas de la rencontre adultérine de Renée et d’un homme n’apportent même pas une once de tendresse, l’ennui reprend le dessus.
Les solitudes de chacun sont peuplées de fantômes dessinés d’une plume acérée avec des corps déformés pour matérialiser leur douleur. A la pointe sèche.
Les traumatismes de l’enfance mènent tellement à l’autodestruction, que nous n’arrivons plus à croire à une heureuse issue quand de nouvelles rencontres surviennent.
La poésie n’est pas toujours consolatrice :
« Le temps n’a pas de cœur. Mais il bat… Il bat comme un démon. Il enfonce son rythme des enfers dans les plis de notre peau… Il débobine notre fragile pelote et nous tend, un jour venu, le bout du fil pendouillant. »

lundi 19 décembre 2011

Cinéma : rattrapage.

Certains films reviennent souvent comme des références, alors nous nous sommes prescrits une session de remédiation avec quelques DVD.
« Tant qu’il y aura des hommes »et sa séquence du baiser de Burt Lancaster et Déborah Kerr a été tellement vue, qu’elle a épuisé sa hotte, et si Burt est mieux en « Léopard » qu’en maillot de bain remonté très haut, Montgomery Clift lui peut faire tomber filles et garçons sans avoir à remettre les gants. Le film n’est plus très crédible aujourd’hui tant la patte de celui qui réalisa pourtant « le train sifflera trois fois » nous a semblé lourde dans un milieu militaire qui ne prête pas à la nuance.
« Sur les quais » de Kazan brille aussi par la personnalité de Brando mais le sujet des syndicats maffieux traverse les époques depuis 1954 et l’idylle est émouvante.
« Nos plus belles années » met à l’affiche le beau – décidément - Robert Redford et Barbara Streisand que j’ai bien aimée dans cette fresque qui reflète une époque sans avoir pris trop de rides.
La cruauté dans « Le chat » avec Gabin et Signoret est tout à fait contemporaine, il est vrai qu’inspiré de Simenon l’affaire était déjà bien engagée.
« L’homme de la rue » de Capra, c’est Garry Cooper devenu John Doe, un phénomène politique créé par Barbara Stanwyck en journaliste. Si le film de 1941 est manichéen à souhait, replacé dans le contexte historique, il illustre bien une façon très américaine d’envisager la politique avec des politiciens manipulateurs, une presse toute puissante, un peuple naïf, un dénouement heureux après un destin miraculeux.

dimanche 18 décembre 2011

Les clowns. François Cervantes.

« C’est un malheur du temps que les fous guident les aveugles. » Shakespeare
Cela faisait belle lurette que je n’avais vu de clowns et avant que je retourne sous chapiteau à l’Esplanade il faudra que ma petite fille grandisse un peu.
Dans la salle de création de la MC2, les nez rouges s’appellent Boudu, Arletti et Zig.
Une fois passés les rires de convenance, j’ai retrouvé la force dérangeante de ces personnages théâtraux qui m’avaient fait aduler le film de Fellini. Celui-ci leur rendait hommage en 1970.
Entre comique régressif et tragique à la Beckett, les gestes mécaniques des paillasses sont ceux des nourrissons, gestes premiers aux analogies animales. La chute est proche de l’envol, la barbarie de la tendresse, la naïveté de la roublardise, la finesse, des effets les plus gros. La poésie, le jeu, la couardise sont des ingrédients que l’on peut repérer dans la pièce du roi Lear redécouvert par les trois excellents acteurs sur fond de château en carton, où le pouvoir est mis à nu.
Problèmes de succession et vieillissement : de quoi remplir les salles.