dimanche 17 octobre 2010

Le roi s’amuse.

"Quand on n'a plus d'honneur, on n'a plus de famille."
Une citation de la pièce de Hugo qui fut interdite très vite par la monarchie de juillet, pour dire que du temps a passé : le mot honneur qu’on vient de connaître en légion a perdu de sa grandeur. Rancillac le metteur en scène a pourtant bien souligné l’actualité d’une représentation du pouvoir au temps de François premier où le bouffon a le rôle premier. J’ai apprécié les boules à facettes, le décor en miroir, de cette cour bing bling, mais Denis Lavant du haut de ses talonnettes ne m’a pas atteint dans les séquences dramatiques. Il est convainquant en fou du roi mais ses relations avec sa fille qui est bien nunuche, m’ont parues factices, et sa douleur proche du grand guignol.
« Entre la morale nostalgique d’un Saint Vallier, l’absence totale de limites de la cour de François 1° et le tout sécuritaire paranoïaque de Triboulet, il doit pourtant exister une autre éthique » note le metteur en scène. On a bien envie de suivre son regard, mais je ne suis pas sûr que les lycéennes qui garnissaient l’Hexagone ce soir là, n’aient pas subi quelque brouillage spatio temporel quand dans ce décor de boîte de nuit, il est question du « guet », elles n’en aient pas compris un autre. Les vers d’Hugo n’avaient pas forcément besoin de photo au portable pour nous évoquer le présent. Ils en paraissent même parfois un peu longuets, quand Triboulet pérore devant un sac à viande. Pourtant quelle force dans le manifeste que le jeune Victor rédigea après l’interdiction de sa pièce :
« Le poète parlera lui-même pour l'indépendance de son art. Il plaidera son droit fermement, avec gravité et simplicité … Il réussira, il n'en doute pas. Quand cela sera fait, quand il aura rapporté chez lui intacte et inviolable sa liberté de poète et de citoyen, il se remettra à l'œuvre de sa vie. Il a sa besogne à faire, il le sait et rien ne l'en distraira … Le pouvoir qui s'attaque à nous n'aura pas gagné grand chose à ce que nous, hommes d'art, quittions notre tâche consciencieuse, tranquille, sincère, profonde, notre tâche du passé et de l'avenir, pour aller nous mêler offensés, indignés, sévères, à cet auditoire irrévérent et railleur qui, depuis quinze ans, regarde passer, avec des huées et des sifflets, quelques pauvres diables de gâcheurs politiques, lesquels s'imaginent qu'ils construisent un édifice social parce qu'ils vont tous les jours à grand peine, suant et soufflant, brouetter des tas de projets de loi des Tuileries au Palais Bourbon et du Palais Bourbon au Luxembourg ! »

samedi 16 octobre 2010

Les dix femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi

Quelle santé !
Depuis « Le lièvre de Vatanen », il y a plus de vingt ans, j’ai eu quelques rendez-vous avec Arto Paasilinna, le truculent auteur finnois, dont j’ai beaucoup aimé « Petits suicides entre amis » et « La douce empoisonneuse ». Cette fois la tournée d’un entrepreneur bon vivant chez ses maîtresses, qu’il honore vivement mais sans vulgarité aucune, a forcément un côté répétitif puisqu’elles sont neufs à la queue leu leu à recevoir des fleurs dont il vient d’être couvert pour son soixantième anniversaire. Il faut ajouter sa femme mais celle-ci est allergique au pollen.
Abandonnant sa queue de pie, le généreux bonhomme rejouera un deuxième tour, cette fois en père Noël. Sautillante galerie de portraits, coups de pattes à cette société finlandaise citée constamment en exemple, situations cocasses.
Une de ses partenaires, journaliste est tellement alcoolique qu’avec ce qu’elle a éclusé « elle aurait pu acheter un grand magasin, plus douze kilomètres de route ou, au choix, trois petits lacs. »
De l’humour revigorant.
« Pour se rafraichir en sortant de l’étuve, Rauno resta un moment nu sur le balcon du premier étage, à regarder d’un air songeur la mer glacée. Son corps encore fumant était propre, sa conscience un peu moins, mais un heureux sentiment emplissait malgré tout son âme. »
Conseillé à tous ceux qui entrent en sexagénaire attitude.

vendredi 15 octobre 2010

La démocratisation est-elle compatible avec une planète durable ?

Les interdictions, les incitations, peuvent-elles faire l’objet d’un consensus politique, bien que ce soient les sociétés civiles qui aient amené les politiques à se poser la question écologique ?
Au forum 2010 de Libé à Lyon, Minc que j’ai trouvé moins horripilant que dans ses interventions télévisées pense bien que " la démocratie c’est la possibilité d’interpellation" et regrette "la régression démocratique due à l’affaiblissement des syndicats qui fragilise le modèle contractuel". Critique par rapport à la démocratie américaine qui se rapproche du tiers monde par certains aspects, il remarque que "là où il y a démocratie, les gens mangent à leur faim".
Bien qu’un polar africain porte ce titre : « La bouche qui mange ne parle pas ».
Cependant les questions écologiques en particulier, apanage des sociétés riches, possèdent leurs réponses à l’international.
Montebourg, moins pontifiant que sur d’autres estrades, se montre convaincant sur ses souhaits d’une 6°république, mais la transparence demandée aux pouvoirs publics, l’émergence de contre-pouvoirs, le mandat unique sonnent comme de pieux vœux aux oreilles de l’adhérent de son parti qui constate que ces pratiques vertueuses ne sont pas vécues ainsi dans toutes les sections.
Alors si: « être plus Mars que Vénus au niveau de l’Europe » échappe à mon champ de compétence, ce devrait être à la portée de chaque citoyen de « participer à la délibération », « chercher à bâtir des compromis », voire « éviter que les élus capitulent face à la technostructure ».
Malheureusement ce qui est du B+A= BA demandé aux autres n’est pas toujours mis en œuvre chez nous.
« C’est un très grand classique socialiste que d’être élégiaque dans le discours et réaliste face à une question empirique » A. Minc. Ben Oui, après tout, il était à l’anniversaire de Martine et à celui de Rocard.
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Canard Enchaîné de cette semaine :
"Qu’a demandé Sarko au pape ? Des Stock-onctions !"

jeudi 14 octobre 2010

Femmes peintres au 16° et 17° siècle en Europe.

On ne nous avait pas tout dit: je viens d'apprendre à une conférence des amis du musée que quelques femmes eurent dans le temps une notoriété.
Judith Leyster, va être influencée par son maître Frantz Hals avec ses buveurs joyeux, ses musiciens expressifs, ses portraits d’enfants très vivants. Ses collègues caravagesques d’Utrecht apporteront une profondeur à ses lumières mais sa peinture « reste dans la dette », bien que la reconnaissance lui soit acquise puisqu’elle aura des élèves masculins. Elle demeure dans les réserves du Louvre.
Elisabeth Sirani de la féconde école de Bologne, installera, elle, une école pour les femmes peintres. Elle était réputée pour exécuter ses œuvres rapidement, sa vie intense fut brève, elle mourut à 27 ans. Ses productions ont souvent pour sujet les femmes.
Clara Peeters est une autodidacte reconnue pour ses natures mortes.
Louise Moillon, la protestante du temps de la révocation de l’Edit de Nantes, arrête sa carrière quand elle se marie, elle dont les fruits magnifiques sont savoureux.
Les compositions florales de Rachel Ruysch jettent les derniers feux d’un genre qui connut une grande faveur.
Au tournant du siècle suivant, Anne Vallayer Coster, fille d’un orfèvre du roi sera logée au Louvre. Admirée par Diderot, elle dirigera le cabinet de dessin de Marie Antoinette ; son tableau des panaches de mer dans l’esprit des cabinets de curiosité est étrange et reste dans la mémoire.
Ces pourtant réacs de frères Goncourt écriront pour le XVIII° qui vient :
« La femme est le principe de gouvernement, la raison qui dirige et la voix qui commande ».
Ce sera pour la prochaine séance de Serge Legat aux amis du musée, avec la plus célèbre Elisabeth Louise Vigée Lebrun.

mercredi 13 octobre 2010

J6. New York : histoire.

Le ciel arbore à nouveau ses couleurs des beaux jours, mais la température prouve qu’on n’est pas encore en été. Notre logeuse met à notre disposition son téléphone pour que nous communiquions avec nos familles et french friends.
Nous sommes contraints de quitter notre Métro bondé pour un problème de portes qui ne ferment pas normalement. Une charmante dame s’inquiète de notre sort et nous oriente pour poursuivre notre chemin, nous ne nous en sortons pas mal après avoir demandé à des employés municipaux rassemblés, vêtus de vert, jaune, orange fluo (sont-ils en grève ?)
Nous nous faufilons avec bonheur dans la queue des propriétaires du sésame Pass City, plus rapide que l’autre file sans billet. Il faut passer un contrôle de sécurité avec portique et vérification des sacs par des machines vidéos, enlever veste, montre, ceinture, vider ses poches, c’est à peine s’il ne faut pas découdre les fermetures éclair tant les engins sont sensibles. Les postes sont nombreux, les policiers diligents et organisés et la foule des touristes s’entasse dans les ferries assez rapidement. Nous nous installons sur le pont supérieur dont les bancs sont inutiles, nous sommes mieux debout pour découvrir la vue du quai et des gratte-ciel que nous laissons dans notre dos, et pour photographier Miss Liberty qui nous regarde approcher.
Le ferry se vide presque entièrement. Nous louons des audio-guides en français pour 7 $ et commençons par contourner la statue de Bartholdi, véritable mastodonte sur son piédestal. Nous devons confier obligatoirement nos sacs à dos à la consigne et devons subir un deuxième contrôle de sécurité qui fait râler ma femme d’ordinaire patiente. Pour la première fois nous testons le portique scanner qui nous propulse de l’air par le bas et nous fait dresser les cheveux sur la tête. Nous enchaînons avec le portique traditionnel avant de pouvoir nous rhabiller. Enfin nous sommes autorisés à pénétrer dans le musée, très bien fait où nous découvrons que Violet Leduc puis Eiffel ont contribué à fabriquer la structure métallique intérieure de la statue, avec une armature suffisamment souple, comme pour les ponts, nécessaire pour affronter la puissance des vents. La statue fait face à la France en signe de reproche envers le manque de libertés sous le règne du « dictateur Napoléon III ».
Nous faisons le tour du monument, et au moment de récupérer les sacs à la consigne, nous sommes refoulés d’urgence vers l’entrée du site, au-delà de l’esplanade au drapeau américain dont l’espace vidé est seulement occupé par une policière et un soldat lourdement armé. On attend la levée de l’alerte pour savoir qu’il s’agissait d’un sac trouvé abandonné : les américains sont chatouilleux sur les questions de sécurité, nous avait- on dit.Le ferry nous transporte à deux brasses de là, à Ellis Island, l’île qui vit passer la multitude des immigrants pauvres (12 millions) du vieux continent entre1892 et 1954. Toujours avec l’audio guide après une coupure repas sandwichs-frites dans une salle du musée, qui servait de réfectoire, nous suivons le périple de l’immigrant débarqué : la salle des bagages, la salle d'enregistrement. Des médecins, postés en haut des marches, faisaient un premier diagnostic en observant comment les immigrants montaient les marches. 2% étaient repoussés.
C’était la porte de la terre promise, au risque d’être écarté par un signe à la craie tracé sur le vêtement. La nourriture paraissait parfois exotique aux nouveaux arrivants ; comme cette polonaise qui engloutit une banane avec la peau, ou cet autre ayant donné son plat aux oiseaux. Etaient refoulés les gens présentant des maladies contagieuses, ainsi se servant de retourne boutons, les médecins vérifiaient-ils les yeux malades.
Tout était prévu pour lâcher ensuite les immigrants à l’aventure : banque, provisions, plan des chemins de fer… Les lieux sont gardés tels quels, avec leurs carrelages muraux blancs et des pans de murs avec graffitis sont conservés. Beaucoup de panneaux présentent des portraits, des bateaux « faisant leur beurre » grâce aux troisièmes classes peu exigeantes en service, mais entassées en grand nombre sans confort. L’exil s’explique par les pogroms, les persécutions en Europe… Nous n’avons pas le temps de finir complètement la visite, la fermeture est proche ainsi que le dernier ferry qui nous mène à Manhattan au Battery Park.
Nous longeons l’Hudson sur une promenade piétonne aménagée bien agréable pour les touristes, les joggers et les chiens tenus en laisse ; nous sommes attirés par un bâtiment en verre à l’intérieur duquel nous apercevons de palmiers. C’est le World Financial Building qui une fois traversé, nous place face à la fosse gigantesque laissée par les tours jumelles. Déjà neuf ans. Plaie qui tarde à cicatriser, vaste chantier qui ne s’élève pas vite. Nous ne voyons aucune marque, aucune indication, aucun commentaire qui retrace la tragédie.
Nous rejoignons à pied Wall Street, la Bourse et la statue de Washington. Nous cherchons le taureau emblème du quartier de la finance, symbole de l’optimisme, au contraire de l’ours, pessimiste, ainsi les investisseurs haussiers ou baissiers. Cette bête puissante et virile en bronze d’Arturo Di Modica inspire les touristes en quête de photos souvenirs.
La nuit tombe, l’obscurité s’installe vite entre les buildings qui rivalisent de richesse et de hauteur.
Nous prenons le chemin du retour par le Métro C.La photo 2 est de Dany et la 3 du musée.

mardi 12 octobre 2010

Broderies. Poulet aux prunes. Marjane Satrapi.

Parce que « parler derrière le dos des autres est le ventilateur du cœur », les bavardages des femmes iraniennes à la fin d’un repas de famille sont rafraichissants. Dans « Broderies », elles ne s’adonnent pas à d’inoffensifs travaux pour dames, mais on apprend que manier l’aiguille peut servir dans certaines circonstances. Les langues sont alertes et dévoilent bien des secrets épicés des couples, avec une liberté étonnante. Nous sommes dans les années 50.
Le dessin est toujours aussi évident, les noirs aussi agréables, le récit familial autour d’un joueur de tar original et dépressif nous intéresse par la grâce de la narration.
« Poulet aux prunes » autre livre doux amer publié par l’association garde ce ton original né de l’intime et nous livrant des images d’une société mal connue.
Nous comprenons que Marjane Satrapi soit devenue une auteure de B.D. majeure.

lundi 11 octobre 2010

Poetry

Mon échantillon n’est pas très étendu, mais je suis frappé par la proportion de films coréens traitant de la culpabilité avec un regard acéré porté sur les familles, c’est le cas d’ailleurs dans le cinéma asiatique en général.
La poésie mise à l’affiche n’est pas nunuche, elle s’inscrit dans un quotidien loin d’être rose.
La belle actrice principale (65 ans) aime les couleurs pastel et les chapeaux élégants, elle illumine ce film par sa douce intensité dans sa recherche des mots justes, malgré un début d’Alzheimer. Seront-ils ceux de la vérité ? Film violent sous des airs paisibles.
Nous prenons le temps de faire notre chemin, loin de nos repères familiers tout en fouillant du côté de nos craintes, de nos lâchetés, vers la vieillesse.