dimanche 14 février 2010

Lettres à un ami allemand

Madey et Patrick avaient disposé trente chaises pour leurs invités venus assister à la représentation des « Lettres à un ami allemand » d’après Albert Camus dans leur salle de séjour. Ce n’était pas un spectacle au rabais, avec des éclairages, une pianiste qui a soutenu efficacement un chanteur et un comédien prometteur. C’est réconfortant de voir un jeune réalisateur Fabien Escalona (par ailleurs blogueur en lien dans la colonne ici à droite « un ordi, un citoyen ») se saisir de la vieille histoire, en portant à notre connaissance trois lettres des quatre publiées en 1943 et 44 par le prix Nobel, insérées entre deux évocations solaires de la Méditerranée.
Si le thème de la paix semble aller de soi en 2010, celui de l’engagement, des moyens employés pour atteindre un idéal, les thèmes de l’absurde et de la révolte, sont d’aujourd’hui. L’entreprise n’était pas facile de rendre une pensée dans la vibration de ses incertitudes, mais tout à fait réussie quand naît l’émotion dans le récit de l’évasion avortée d’un jeune de seize ans emporté vers la mort. La passion, la hauteur de vue arrivent depuis le cœur de la résistance. L’amour de son pays ne se dissocie pas de la recherche de la justice : cette actualité au pays d’Eric Besson a concerné le public invité à discuter après la représentation.
Ce théâtre en appartement est un dispositif sympathique, vous pouvez joindre la troupe « les aériens du spectacle » http://lesaeriens.free.fr/index.html

samedi 13 février 2010

Conformes

Dans un froissement argenté, le banc de poisson change brusquement de direction.
Avec une unanimité confondante, les émetteurs médiatiques se tournent, se retournent du même côté. De plus en plus souvent c’est l’agenda présidentiel qui formate les informations, jusqu’à l’usure qui point. Arlette Chabot, du servile public, regrettait l’autre soir que les électeurs ne connaissent pas les noms des présidents de région, et que le débat porte sur le foulard du NPA ou la dernière de Frêche, comme si elle n’était pour rien dans cette approche unique, polarisée sur la présidentielle.
Les journalistes souvent cumulards en signatures savent bien sûr qu’il n’est pas possible de parler de tout, tout le temps, mais chaque jour nous offre l’occasion d’être fasciné par le synchronisme des infos. Pourtant Le Tibet est là toute l’année et les SDF, mais ils n’en parleront qu’ensemble.
France 2 ne parlera de la banlieue que si « Le Monde » en cause, et le reportage sur la banquise sera à l’antenne quand Borloo dira; il paraît que c’est « Le Parisien » qui donne désormais le « la ».
Comme sur Internet, que les médias papier regardent quand même de haut tout en y piochant, il est difficile de ne pas être submergé par la multitude des articles copiés/collés.
Les phénomènes panurgiques récents se sont multipliés autour de la promotion de BHL, pour le moquer, de concert, par la suite. Quant à son livre ?
Fotorino et Joffrin demandaient à la gauche de s’emparer de la discussion sur l’identité française, mais le vent a tourné. Peillon fut léché, maintenant lâché ; Frèche n’a pas attendu Fabius pour être lynché, alors Julien Dray est venu faire la morale.
Que c’est long d’attendre « XXI », trois mois, et c’est pour ça aussi que c’est bon

vendredi 12 février 2010

"XXI" de cet hiver

Le livre de l’information grand format est arrivé dans vos librairies. Thème principal : les pouvoirs. Celui du chef de l’Etat géorgien, un acteur ; celui de Bolloré avec ses ports en Afrique et ses journaux ici ; le procureur de Macon adepte de la « présomption de culpabilité » et Zuma le président danseur de l’Afrique du Sud. Mais la manifestation du pouvoir qui m’a le plus impressionné lors d’un bel interview consacré à l’écrivain Svetlana Alexievitch, sont les mères russes et les soldats qui lui avaient confié leurs témoignages qui se rétractent et portent plainte contre elle. Elle a écrit « les cercueil de zinc » sur la guerre en Tchétchénie et « la supplication de Tchernobyl ». Quelle misère ! Quel courage ! Comme ces insoumis au pouvoir d’un cheik au Yémen. Des hommes et des femmes d’exception, et puis une bande dessinée sur les cueilleurs d’abricots dans les Baronnies ou ce facteur dans le massif central redonnent des couleurs au quotidien. Un enfant moine au Ladakh nous devient familier. La perception par des japonais du journal d’Anne Franck constitue un angle original. Et toujours quelques portraits allègres de personnes qui font avancer le monde, un contre-champ sur la guerre en Afghanistan, et histoire de ne pas être avalé par l'info à la queue leu leu, la remise au jour de livres anciens qui éclairent l’actualité.
Arriver encore à étonner au numéro 9, c’est bon.

jeudi 11 février 2010

Sculptures de l'ACDA

A la mairie de Saint Egrève, près de soixante sculptures de l’association ACDA (Ateliers de Création et de développement Artistique) sont exposées jusqu’au 19 février.
Je me suis fait reprendre par une des fidèles adhérentes de l’association, où je dessine aussi par ailleurs, quand j’ai dit « modelage ». C’est que j’ai dans la tête les schémas qui associent la sculpture à la massette et au burin mais aussi la perception d’un dynamisme qui émane de beaucoup de réalisations. Le travail de la main apparaît dans toute sa noblesse. Il s’agit bien de volumes d’une certaine ampleur, essentiellement de terres cuites de différentes façons, couvertes et travaillées par des enduits variés bien mis en lumière. Mais surtout c’est la diversité des talents, des inspirations, boostées par maître Blanc Brudes qui est remarquable : du buste classique, aux poupées engrillagées, en passant par des formes épurées ou des matières brutes. La hiérarchie entre amateur et professionnel est bousculée avec certaines productions.

mercredi 10 février 2010

J 22. Saigon.

Départ à 7h car il faut 2h de route pour atteindre les tunnels de Cu Chi à 76 km. Nous avons droit aux embouteillages, moins importants cependant qu’hier le long d’une route à voies multiples ; la ville n’en finit pas. Nous arrivons dans les environs de notre destination, passant par des villages où « des riches » se sont installés car le terrain coûte cher. Sous le toit du moindre petit bar, nous apercevons à nouveau des hamacs accrochés aux piliers à disposition des clients. Nous voyons notre premier tracteur. Nous laissons le chauffeur étendre son hamac dans le parking, cela nous rassure, car ses yeux se fermaient tout à l’heure pendant qu’il conduisait !
Et nous nous enfonçons dans la forêt sur un petit chemin de terre. Dans une grande maison, sans murs, couverte de feuilles de palmiers nous visionnons un film en noir et blanc sur la guerre, forcément teinté de propagande. Un jeune guide en uniforme nous fait découvrir ensuite le monde souterrain des maquisards qui avaient creusé plus de 200 km de tunnels. Nous empruntons le premier courbés en deux. Dans les galeries souterraines : hôpital, cuisine, salle de réunion, puits, salles de convalescence, salles de confection d’armes et de pièges avec ou sans mannequins pour reconstituer l’ambiance. Au deuxième niveau sous terre, j’adopte la position à quatre pattes et avance la lanière de l’appareil photo entre les dents, devancé par une chauve souris. Nous n’essayerons pas le troisième niveau. Les boyaux d’accès ont été agrandis pour les touristes. Il vaut mieux ne pas s’égarer car on risque de tomber dans un piège de bambous effilés autrefois pratiqués pour les bêtes féroces. Les marines avaient renoncé à y faire pénétrer leurs chiens déjà déroutés par l’odeur d’uniformes US dérobés dans les campements ou par le poivre disposé dans ces labyrinthes. Le garde nous fait la démonstration de l’efficacité des camouflages des trappes d’accès, pénètre dans l’étroit passage, dispose les feuilles et disparaît pour réapparaître 30 m plus loin.
Dans les cuisines, un ingénieux système permet l’évacuation discrète de la fumée, invisible depuis les avions américains. Nous nous rafraîchissons à un tuyau de bambou percé, nous nous attablons, trempons le manioc dans du sel mêlé à des cacahuètes et buvons le thé.
Nous ressortons en retraversant la forêt, reconstituée depuis les ravages dus aux défoliants, admiratifs de l’ingéniosité, du travail et de la résistance de ces paysans de la région de Cu Chin.
Nous retrouvons notre chauffeur reposé qui nous conduit jusqu’à Tay Ninh au temple Kao Daï. Le caodaïsme est un culte syncrétique (confucianisme, taoïsme, bouddhisme, christianisme, islam, culte des Ancêtres). Victor Hugo est l’un des saints de cette religion qui a pu compter deux millions d’adeptes. Décor kitsch, coloré, dont nous faisons le tour tandis que les fidèles habillés de blanc attendent l’heure de l’office. Un service d’ordre accueille et dirige les touristes, presque plus nombreux que les fidèles. Nous avons l’impression de nous trouver dans un théâtre où l’on joue un spectacle, sans spiritualité, ni ferveur : les fidèles d’un âge canonique paraissent méditer pendant qu’à l’étage des jeunes femmes chantent accompagnées de jeunes enfants. Les touristes, certains vite lassés, circulent dans les galeries au même étage.
Nous déjeunons sur la route d’un « riz et quelque chose » pour le prix dérisoire de 34 000 D (moins de 2€ pour trois), notre record au niveau prix. Puis nous regagnons Saigon avec sieste dans la voiture... sauf pour le chauffeur. Nous consacrons notre temps à visiter le musée des "Vestiges de la guerre" fréquenté par des visiteurs essentiellement français et américains. La cour est occupée par un avion de chasse, un hélicoptère, des tanks de l'US Army. L’intérieur propose des photos, photos de guerre, de massacre, de tortures, de malformations suite à l’agent orange, du temps des français et du temps des américains ; hommage aussi aux photographes de guerre.Il y a aussi quelques armes, fusils, et des sculptures en métal provenant des bombes. Nous n’avons pas le temps de parcourir toutes les salles, les gardiens nous poussent vers la sortie à 17h.
La guerre d’Indochine a fait plus de morts Français (60 000 dont un tiers de métropolitains, le Routard parle de 92 000) que la guerre du Viet Nam chez les américains (57 000), quatre millions de vietnamiens ont été tués ou blessés.
Nous allons vers le centre ville où nous assistons à un accident entre deux motos ; l’un tombe et se relève aussitôt pour éviter le flot qui déferle derrière lui, la femme de la deuxième moto perd le contrôle du véhicule monte sur le trottoir, tombe, tandis que l’engin aboutit dans le mur. Aucun blessé !
Nous poursuivons prudemment notre chemin jusqu’à la poste centrale conçue par Eiffel ; très bien restaurée, proprette, elle a conservé beaucoup de charme tout en étant fonctionnelle, les cabines en bois sont conservées, des boutiques de souvenirs occupent le centre et les côtés de l’entrée sans dénaturer l’ensemble.
Le ciel bleu recule devant les nuages ardoise et noirs, menaçants. Nous cherchons rapidement abri chez le glacier Fanny. Nous sommes moins enthousiastes que la première fois.
Nous rentrons lentement à l’hôtel et croisons à nouveau un couple de mariés en pleine séance de photos artistiques devant la poste.
Au restau tout près de chez nous, à l’étage servi par une serveuse en mini minijupe, nous nous calons avec des rouleaux en grande quantité et des noodles sautés mixed conséquents. Dans l’hôtel nous montons jusqu’au septième juste pour jeter un coup d’œil car il y a un mariage, annoncé avec photos à l’entrée de l’établissement. Sono à fond et beaucoup de monde.

mardi 9 février 2010

La foire aux cochons


Petit Luc, le dessinateur de BD, connu pour ses rats facétieux nous amuse en trois albums avec des vaches et des cochons. L’idée de faire se réincarner en porcs, les plus grandes fripouilles de l’histoire est excellente, surtout quand notre héros national, Victor Hugo se demande pourquoi il a comme compagnons de porcherie Napoléon, Landru et autre Hitler.
Les dialogues sont savoureux quand chacun tout en essayant de modifier sa nature retombe dans ses travers ou les assume. Riche idée, mais cependant un peu étirée. Les dialogues deviennent envahissants quand débouchent trop de personnages, des Nicolas II et Staline après Lénine, Bonnot et Isadora Duncan… Trop de lard pour l’art.

lundi 8 février 2010

La tisseuse

Il n’est pas besoin de convoquer Kant, Lacan, Lao Tseu … comme le fit le philosophe chargé de présenter le film qui ouvrait la biennale de Cinéduc consacrée au bonheur. Le film beau et fort de Wang Quan An, réalisateur du "Mariage de Tuya", se défend très bien tout seul. Pourtant le brillant présentateur, du genre à être dans l’incapacité de laisser la parole aux autres tant il déborde de notes, de citations, de références avec la formule « Tchékhov : vous connaissez bien sûr » qui a le don de m’horripiler, nous a permis de décrypter derrière de belles images quelques métaphores, des intentions qui ajoutent à la profondeur du film. Ainsi ce tissu rouge qui envahit l’image : c’est le destin, et nous pouvons apprendre également à remarquer que la mer, où le personnage principal revient, est gelée. L'histoire d'une ouvrière, d'une jeune femme, d'une belle chinoise. S’affranchir des autres pour infléchir son destin individuel est une tâche difficile sous tous les climats. Dans ce film même les artifices narratifs sont magnifiques, cette œuvre rend compte d’une réalité sociale qui évolue à grands bonds et raconte tout en finesse une tragédie personnelle.
« ll n'y a point de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin » Lao Tseu