mercredi 30 novembre 2016

Equateur J 5. Pas de train train d’Otavalo à Salinas (suite).

Les paysages deviennent plus sauvages avec des cactus et des plantes grasses, des canyons et des ravines. Le petit train s’engouffre à petite vitesse dans 1, 2 puis 3 tunnels. Et alors que nous admirions une cascade, debout dans la travée pour mieux voir ou photographier, nous sommes projetés et tous sens et bien secoués.
Non ! La loco a déraillé ! Heureusement qu’elle ne s’est pas couchée, juste délogée de ses rails et personne n’a été blessé.
Le personnel nous demande de sortir et marcher le long de la voie jusqu’à la gare de Hoja Blanca (1840m) qui en fait n’est pas si loin que ça. Nous attendons dans cette petite gare nouvelle et moderne, harcelés par de tout petits insectes (moustiques ?) en très grand nombre, que trois bus de la compagnie ferroviaire nous secourent. Ils arrivent au bout d’1/2 h , ¾ d’heure et dans une organisation calme et méthodique nous embarquons suivant la composition des wagons.
Il est tard quand nous descendons à la dernière étape : Salinas où nous attendent Edgar notre guide et notre chauffeur à la porte du restaurant, soulagés de nous récupérer. Nous mangeons une soupe aux haricots et maïs, une côtelette de porc garnie de légumes al dente : carottes brocolis et une pomme de terre mauve.
Les activités post méridiennes ne sont pas à la hauteur des précédentes.
Le musée  consacré au sel de terre sur les lieux d’une exploitation depuis longtemps abandonnée n’est pas palpitant. Ce sel sans l’iode des sels marins était celui des pauvres, et de surcroît vendu plus cher.
Pourtant  comme nous avons pu le lire sur le site http://www.vueetbox.com/files/media_file_137.pdf 
« Ce sel brun, cultivé par de nombreuses générations d’afro équatoriens, servait de monnaie d’échange avec les villages voisins: un kilo de sel équivalait à un kilo d’or »
Puis nous assistons à un petit spectacle de danse de la communauté noire descendante des esclaves travaillant dans les haciendas, majoritaire dans cette région (environ 70%). Des jeunes filles habillées de la même façon et portant un petit panier sur la tête proposent trois danses en plein air. C’est plutôt amateur, sans prétention, répétitif mais bref.
Nous sautons dans notre minibus pour rejoindre nos foyers au milieu de la circulation parfois dense en profitant des lumières de fin d’après midi.
Retour par Otavalo, Cotacahi, Santa Barbara.
Ce soir nous mangeons ave Maria et Ernesto qui repart travailler demain à Quito à 3h avec le bus de la communauté, Karen et sa sœur Huaïta et un ami des filles, Daniel. La fille aînée passe en tenue de footballeuse avec ses deux petits mais ne partage pas le repas avec nous et reste un moment dans la pièce privée.
C’est encore une bonne soirée d’échanges autour d’un bon repas : soupe à la courgette, poulet avec des galettes de purée à la plancha, radis macérés dans du citron et persil, petits légumes finement hachés et tout au long du repas pop corn et maïs grillé à volonté. Pour boire jus d’anone avec ou sans sucre. A la fin du repas Karen apporte à chacun, à la demande de sa mère, un des chocolats qu’elle a reçus pour son anniversaire pour nous remercier du petit cadeau qu’on lui a fait. Avant d’aller se coucher on se fait tous la bise. Demain nous ne verrons pas Ernesto ni Huaïta qui retourne à l’Université.

mardi 29 novembre 2016

Black dog. Loustal Götting.

Les falaises de la côte ouest des Etats Unis sont dangereuses et les piscines pas toujours sûres, les climatiseurs tombent en panne et les grosses voitures ont besoin de se  refaire la culasse.
La blonde est fatale, le loser vraiment perdant, le chien noir.
Un polar noir efficace, si limpide que la lecture de cette BD aux images agréables est bouclée en peu de temps.
80 pages d’un  dessinateur dont j’apprécie les encres qui appellent en fond quelques morceaux de jazz.

lundi 28 novembre 2016

Louise en hiver. Jean-François Laguionie.

Le cinéma d’animation décidément nous procure de belles émotions avec une diversité de moyens qui peut étonner les cinéphiles les plus endurcis.
Nous avions vu « Le tableau » du réalisateur
Cette fois les pastels et le grain du papier apparent rendent magnifiquement les lumières de l’océan, une musique discrète accompagne délicatement la solitude d’une vieille dame qui se retrouve hors saison dans une station balnéaire vidée de ses vacanciers.
Il est question de solitude, du vieillissement, quand l’enfance revient, sans tabou ni trompette, avec une économie de mots  naturelle, comme sont comptés les pas d’une force tranquille, avec  lucidité, douceur, lenteur.
Une spectatrice à la sortie du  cinéma Le Méliès disait : « mélancolique, pas nostalgique », mais aussi tendre, beau, poétique, contemplatif, limpide.

dimanche 27 novembre 2016

La volupté de l’honneur. Luigi Pirandello. Marie-José Malis.

J’avais été averti par des amis qui n’étaient pas allés jusqu’au bout de la pièce de 3h 30 : alors quand après une heure de route pour accéder à la MC2, j’ai vérifié ce qui m’avait été annoncé: « les acteurs mettent deux plombes à prononcer leurs phrases »,
je me suis dit que je n’étais pas près de sortir de la zone limitée à 10 km/h.
Et puis après ce départ calamiteux où je fulminais contre les metteurs en scène qui cherchent à compliquer plutôt qu’à rendre accessible les auteurs qu’ils ont choisis de « monter », j’ai pris le temps d’envisager les ambiguïtés, les paradoxes des proclamations vertueuses et apprécié la montée en puissance de la création. Effet bénéfique de la sortie  pour un moment des compulsions et compilations par téléphone.
Après être passé par-dessus le déshonneur daté d’un marquis ou les lâchetés d’un prêtre dans les années 20 en Italie, j’ai apprécié la recherche d’une vérité qui peut se révéler sous les masques.
Un homme prend le pouvoir en jouant de l’honnêteté, dans une famille où il endosse le rôle de père d’un enfant qui n’est pas le sien. 
Le rôle est subtil, se risquant à l’authenticité : théâtre dans le théâtre, et recherche d’une dignité, d’une humanité qui élève.
Si le  mot « honneur » du titre parait démodé, c’est que dans les sphères médiatiques qui nous aveuglent, nous sommes bien loin de ces valeurs, alors que tant d’anonymes « sauvent l’honneur », et pas seulement dans une partie de rugby, comme le répète le FCG chaque fin de semaine.
Les lumières sont très importantes dans les spectacles d’aujourd’hui, pourtant cette fois la salle reste allumée sans que le plateau soit mis en valeur. Mais à la fin, les acteurs jouent habilement avec les interrupteurs pour illuminer les différents plans de l’action, et tout s’éclaire.
La salle est plongée dans le noir le temps d’un éclair qui donne le signal des applaudissements.
« Il est plus facile d'être héros qu'honnête homme. Héros nous pouvons l'être une fois par hasard; honnête homme il faut l'être toujours. »

samedi 26 novembre 2016

Grand-père. Gilles Perrault.

A plus d’un titre, ces 200 pages revenant en des terres familières ne pouvaient que me plaire, tout en me permettant de prendre des nouvelles de l’auteur du « Pull-over rouge »  et du « Dictionnaire amoureux de la Résistance ».
Un grand père exemplaire :
- excellent enseignant au moment où les hussards étaient noirs,
« Son antimilitarisme viscéral se conjuguait avec un patriotisme intransigeant. »
- anticlérical, dreyfusard,
« Te battre pour faire rendre justice à quelqu'un que tu aimes bien, c'est facile, c'est même plaisant ; pour quelqu'un qui t'est antipathique, c'est plus difficile. Et pourtant, il faut le faire. Sinon, tu ne crois plus en la justice. »
- franc-maçon dans une famille dont l’un fut un forçat qui aurait inspiré Hugo pour son personnage de Jean Valjean.
L’époque est épique entre la commune de Paris et la seconde guerre. 
Dans un livre scolaire qui fit scandale dans le Jura figurait :
«  Jeanne d’Arc croit entendre des voix »
Indigné le curé exige des excuses et un rectificatif :
« Jeanne entendit des voix ».
Maintenant que les prêtres se raréfient, les gardiens des temples et mosquées se multiplient. 
Le style est soigné, ainsi pour évoquer les duels qui perduraient :
« Si ce n’est pas l’épée ou le sabre, c’est le pistolet. Or, avec une arme si aléatoire, on a tôt fait de coller dans la tête de l’adversaire une balle qui met assurément fin à ses soucis, mais en fait lever une triste moisson pour le vainqueur embarrassé : poursuites judiciaires, procès, amende, lourds dommages et intérêts à verser à la famille du défunt »
Malgré tout, l’hommage trop lisse ne comporte pas d’enjeu et si les anecdotes rendent la lecture plaisante, sa trace sera fugace.

vendredi 25 novembre 2016

Nous nous sommes tant trumpés.

Que ne viennent pas de dire les sondeurs des sondeurs et les éditorialistes des éditorialistes, au son des trompettes !
Collés à eux, nous sommes dans le même seau où nous faisons trempette.
Mais peu importe : quand on chérit la démocratie, les voix qui se sont exprimées ici ou là par millions sont prépondérantes par rapport à tous les avis, même les plus éclairés à qui il arrive de ne rien voir venir.
Et puisque le libre arbitre est reconnu aux nourrissons, je m’autorise à ajouter quelques mots prétendument personnels, sur ce blog qui vient de dépasser les 500 000 visiteurs.
Parmi les noires nouvelles qui nous assaillent, ne boudons pas l’éclaircie, aussi rare qu’une victoire de l’O.M., survenue avec l’éloignement de la scène de Sarko et Copé, après celui de Duflot. Nous gagnerons en finesse.
On peut déplorer l’impuissance de nos politiques, mais que dire de la portée, de l’utilité, d’un avis de plus concernant Trump, Fillon ou Erdogan ?
Les comiques éditorialisant sont devenus prépondérants. Nous voilà décidément enfermés dans le cercle de sciure avec Beppe Grillo ou Trump en clown inquiétant ; Coluche fut notre coqueluche.
Charline Vanhoenacker donne le tempo rigolard sur France Inter, elle tient l’antenne matin et soir, bien que comme tant de ses collègues omniprésents sur divers supports, elle se montre sûrement prompte à critiquer le cumul des mandats des politiques.
Lundi, elle mimait des pleurs, suite à la défaite de l’autre histrion de Neuilly.
L’audition du sketch au premier degré est autorisée, tant celui-ci était « un bon client » pour tous les caricaturistes qui du coup m’ont semblé bien mièvres pour saluer son départ, tant le modèle ne rechignait guère à dépasser sa caricature.
Fillon prend son tour dans la machine à bâcher, en particulier pour sa complicité avec la « Manif pour tous » alors qu’en économique et social, il n’est pas très catholique.
Les caravanes d’un « Mariage pour tous » promu par ceux qui avaient des rapports distendus avec les rites en général et celui là en particulier, sont passées. Celles de leurs  contempteurs qui s’y redorèrent un moment l’hostie, me semblent en fin de cycle.
Le « Tous » commun à toutes leurs banderoles, tentait d’exorciser le fait de ne concerner finalement qu’une fraction de la société.
La charité chrétienne aurait encore à se dépenser pour les réfugiés et les élus auraient à travailler plus pour réduire les distances entre riches et pauvres.
Comme si le mariage était un problème central !
Cette polarisation me semble significative d’une difficulté de plus à hiérarchiser les problèmes, d’une confusion des valeurs.
La gauche ayant hâté et acté sa défaite, va se retrouver avec délectation sur son estrade préférée, celle de l’opposant dispensé de toute proposition.
La timidité, en particulier sur le plan économique, des partis au socialisme parti, les honore, car les reniements se savent encore, que des cadeaux électoraux ne masqueront pas.
En ce moment apparaissent les mots de « post-vérité » comme il y eut la « post modernité » alors que la « post politique » s’annonce aussi, en constatant que tous les fastes checking, tous les décodeurs ne peuvent  pas grand-chose contre les énormités qui circulent sur les réseaux sociaux, jusqu’à nier il y a peu le réchauffement de la planète pour un des maîtres du monde.
Frédéric Lordon dans Le Monde diplomatique cite Gilles Deleuze en se payant « Le Monde », « Libé » et « l’Obs » :
« On connaît des pensées imbéciles, des discours imbéciles qui sont faits tout entiers de vérités ».
 Alors en bonne compagnie et en imbécile assumé: trier, ne pas recopier, ni parodier dans des dégagements trop joueurs et définitifs.
Est-ce que des expressions tendant à distinguer l’usure liée à mon âge, du sentiment d’assister à une fin de civilisation seraient plus crédibles, en me contentant de m’exprimer seulement  à partir ce je connais de près? L’école, génératrice et victime de ces délitements.
Avec quelques détours qui consisteraient à parler de ses difficultés pour ne pas oser voir l’effondrement de la transmission ? Je reviendrai sur nos aveuglements, nos fautes, nos naïvetés…
A 4h de l’aéroport de Notre Dame des Landes, à Istanbul, des actes générateurs de fortes inquiétudes se multiplient. 
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Le dessin au dessus de l'article est de Bertrams paru dans De Groene Amsterdammer repris par " Courrier International" et ci-dessous le dessin du "Canard enchainé " de la semaine.

jeudi 24 novembre 2016

Kandinsky. Les années parisiennes 1933 /1944

Le professeur Brunet quand il guide ses pairs au musée de Grenoble ménage toujours la diversité des approches pédagogiques possibles qui pourront ainsi s’enrichir de ces vives heures de mise en train.
En lien avec le centre Pompidou, l’exposition du musée de la place Lavalette, jusqu’à fin janvier 17, connaît un succès étonnant : plus de 6000 visiteurs le premier dimanche de novembre.
La belle affiche annonçant l’évènement où s’ébattent quelques énigmatiques bactéries, sur fond « Bleu de ciel », peut exciter les imaginations, si l’âme des spectateurs veut bien rencontrer celle du peintre. « L'artiste est la main qui par l'usage convenable de telle ou telle touche met l'âme humaine en vibration »
La décennie parisienne vécue par l’artiste né à Moscou peut se voir comme une synthèse de toute une vie de recherche et permet à travers 70 oeuvres d’envisager d’aller au-delà de l’étiquette attribuée à Vassilly K. : « Père de l’art abstrait ».
Alors qu’il avait des responsabilités culturelles au début de la révolution russe, ses tableaux n’ont rapidement plus convenu à la propagande. Après avoir été formé à Munich, il enseigna au Bauhaus à Weimar, Dessau puis à Berlin, au fil des déménagements, mais à la suite de la fermeture des ateliers où se réinventaient l’architecture et le design, il  doit s’installer en France pour se consacrer à son œuvre.Victime toujours résiliente de la folle histoire de l’Europe, il a perdu ses productions à deux reprises. Il eut l’honneur par ailleurs de figurer plus tard dans l’exposition de « l’art dégénéré » organisée par les nazis où cinq de ses œuvres furent présentées.
Est-ce que le géométrique «  Développement en brun » évoque la couleur des chemises à la mode dans le pays qu’il venait de quitter ? Au centre de la sombre toile, des panneaux semblent s’entrouvrir, ouverture ou fermeture ? Comme avec les murs élastiques quand le blanc fait gagner de l’espace et le rouge rapproche, apparaît sa grammaire: les couleurs exaltées cernées dans des formes géométriques ; le cercle est stable, le triangle non. Les techniques populaires et savantes sont métissées.   
Une barre en bas assoit les formes dans « Ligne » où des taches en train de se former sont dynamisées par des traits comme autant de « coups de fouet ».

Les molles « Formes noires sur blanc » s’animent sous l’œil d’un microscope,  et rendent compte d’une réalité qui existe au-delà du visible.
« Explorant l’infini petit et l’infiniment grand, le microcosme et la macrocosme, l’univers microscopique des cellules et la voie lactée, ses oeuvres conduisent à une plongée dans un monde en soi » A. Kojève
 « Mouvement I » aux couleurs élémentaires nous emmène dans un espace étoilé, infini entrevu depuis sextants et télescopes. Le rapprochement avec la géométrie abstraite de Mondrian semble évident, bien que le peintre  soit rétif à tout classement : « Je suis russe ».
Il a illustré aussi des poèmes des surréalistes Char, Tzara, Eluard mais ne s’enferme pas dans  une école plus qu’une autre.
Matisse déboule devant les formes florales du rideau de «  Brun supplémenté » imprégné aussi de motifs appartenant à des tissus de son pays natal.
Il attire notre attention sur « Deux Points verts » avec des apports de sable dans la filiation de Braque ou Picasso, alors que les formes deviennent molles, biomorphiques. Dali n’est pas loin, en compagnie de Klee, Miro, Arp.
Le cadre prend de l’importance avec la « Figure verte », méduse, algue ou bactérie, forme inscrite dans une autre forme.
« La Ligne blanche » sur fond noir peut se voir comme post impressionniste avec ses touches minutieuses. Sa démarche qui part d’impressions passant par l’improvisation pour aller vers des compositions s’apparente à la musique comme en témoignent ses correspondances avec Schonberg qui cultiva aussi la dissonance. Le tuba joue le rouge insolent, le violoncelle un bleu, le violon le vert immobile.
« Compositions IX (L’un et l’autre) » rassemble tous les tons : pastels ou acidulés noir ou blanc, toutes les formes.
 « Groupement »  « Ne me mange pas, laisse-moi t'apprendre »
Le damier de « Trente » cases peut évoquer un inventaire à placer dans un tableau de classification genre exhaustif « à la Mendeleïev ». Les motifs picturaux s’alignent identiques à des notes sur une portée avec  alternance de noir et blanc. De la même façon ont souvent joué les oppositions, les contradictions dans ses titres.
 « Entassement réglé » assume le côté décoratif parfois attribué au cérébral artiste, qui a offert cette toile  à son épouse à l’occasion de la Pâque orthodoxe.
« Complexité simple », appartient au musée de Grenoble et rassemble les formes de toutes ses recherches en lévitation sur un fond vibrant.
Extrait du remarquable dossier pédagogique sous la responsabilité de Dany Philippe-Devaux visible sur le site du musée à propos d’un «  Sans titre » :
«  Kandinsky se nourrit d’un optimisme sans faille qui lui permet, en dépit du poids des ans et de l’isolement, de jeter à la face d’un monde sombrant dans la nuit une poignée de confettis multicolores, comme une ultime pirouette. »
« Actions variées » né de l’observation des vitrines de Noël ne dément pas le choc initial de son émerveillement  face à des couleurs à l’intérieur d’une isba ou lorsqu’il découvre « la meule de foin » de Monet
« Et je remarquais avec étonnement et trouble que le tableau non seulement vous empoignait, mais encore imprimait à la conscience une marque indélébile, et qu'aux moments les plus inattendus, on le voyait, avec ses moindres détails, flotter devant ses yeux […] Mais ce qui m'était parfaitement clair, c'était la puissance insoupçonnée de la palette qui m'avait jusque-là été cachée et qui allait au-delà de tous mes rêves. »
« Accord réciproque »  à voir de très près, met les formes en tension, en résonance. Il figure dans l’atelier où son corps est présenté sur son lit de mort.
Lui qui avait revendiqué d’être un enfant jusqu’à la fin de sa vie, aurait apprécié sûrement le dispositif mis en place pour les petits qui peuvent accéder avec plaisir et spontanéité, à un univers qui réalise « la synthèse de la tête et du coeur, de la règle et de l’intuition ».

mercredi 23 novembre 2016

Equateur J 5. Pas de train train d’Otavalo à Salinas.

Les aboiements de la nuit précédente ont été remplacés par de la musique au loin, jusqu’à 2 h et plus du matin. Les coqs ont pris la relève à 4 h. La sonnerie du smartphone nous réveille à 6 h 30.
Au petit déjeuner : tisane à la citronnelle et jus de papaye, riz au lait, galettes de maïs tartinées de confiture et fruits : taxo (fruit vert de forme allongée avec une chair translucide surchargée de pépins) ananas, bananes.
Comme je complimente Maria pour ses chemises brodées, elle me montre son ouvrage sur tambour et effectue quelques points avec une grande sûreté de geste.
A Otavalo, nous  passons de notre bus à un petit train touristique rutilant. Nous nous installons dans le premier wagon derrière la locomotive  L’hôtesse nous précise l’interdiction de se positionner sur les plates-formes pour prendre des photos. Nous nous ébranlons à petite vitesse entre les maisons puis dans la campagne. Deux motards aux couleurs de la compagnie nous devancent et nous surveillent, ils sécurisent les passages à niveau, ici sans barrière, en faisant stopper les voitures à notre passage.
A peine 10 minutes après notre départ nous atteignons la première étape : San Roque (2498 m) où l’on nous offre une boisson chaude. Quelques étalages d’artisanat local discrets contrastent avec la modernité des lieux.
A la deuxième étape Andrade Marin nous sommes invités à visiter la « Fábrica Imbabura » une ancienne usine qui après son abandon en 1997 a été réhabilitée en musée par l’état.
Tout est reconstitué avec les machines d’époque pour le lavage du coton, le cardage, le filage, le tissage, et la coloration nécessitant de grosse chaudières à bois pour chauffer les bains de teinture durant 4h.
Mais plus de bruit, de poussière et plus de risque de doigts coupés.
Construite en 1924, les machines provenant d’Europe avaient été acheminées à dos de mules et remontées à l’usine. 1200 personnes y travaillaient en 3X8. Pour 8h de travail, une seule pause était acceptée, des enfants de 8 à 12 ans étaient embauchés. Les balles de coton dures comme du béton, pesaient, à la sortie des chaines, plus de 800 kg.
A l’extérieur, une immense statue moderne symbolisant l’esclavagisme industriel, réutilise des pièces des machines. 
Avant la fermeture, due à la concurrence et aux nouvelles technologies, les ouvriers ont tué le patron les salaires n’étaient plus payés.
A la troisième étape : San Antonio di Ibarra (2379m) nous visitons un atelier de sculptures religieuses, artisanat spécifique de ce village où un homme est en train de dégrossir une statue dans un bois de cèdre entouré de statues plus avancées mais pas toutes poncées.
Le guide nous montre comment donner leurs formes aux yeux en verre en les chauffant dans des casiers incurvés de tailles différentes. Pour les fixer ensuite, le sculpteur doit couper la tête qui sera ressoudée plus tard, le verre ayant été peint auparavant. Une sculpture est rarement taillée dans une seule pièce, les différentes parties notamment mains et pieds méritent plus de minutie, parfois un travail à la loupe.

Certaine parties des statues sont recouvertes de feuilles d’or, elles vont être peintes ou grattées pour laisser apparaître la couleur posée auparavant.
Nous passons dans la salle d’exposition avec les statues réputées expédiées dans le monde entier, atteignant des prix élevés, mais justifiés. Nous regarderons d’un autre œil ce genre artistique que nous avions peut être dédaigné et mal estimé.
A la troisième étape Ibarra (2209m) le chemin de fer passe dans une ville très animée comme si c’était un simple tram.
La halte de 10 minutes nous permet à peine de nous mouvoir dans la foule qui déambule devant les devantures des magasins ouverts bien que ce soit dimanche en pays catholique.