jeudi 25 janvier 2018

Le voyage des artistes en Italie. Claire Grebille.

Sous l’Autoportrait au Colisée du « romaniste » Martin Van Heemskerk, ce fut une bonne révision pour les amis du musée de Grenoble, car le « Grand tour » passant par les divers états transalpins a concerné un grand nombre d’artistes présentés depuis des années lors des conférences du lundi ou du mercredi.
A Rome, les moutons paissaient dans le Forum, le choix du Colisée fait référence aux grandeurs antiques mais aussi aux martyrs. Les flamands avaient initié le mouvement, venant en bateau plutôt que par les routes fréquentées par des troupes armées en particulier au XVI° siècle, bien que tous les chemins menassent à Rome, le premier de tous les pèlerinages.
Antiquité et  modernité se rejoignaient là bas : « la maniera moderna » et la redécouverte des œuvres premières. L’Apollon du Belvédère, copie romaine d’une œuvre grecque avait échappé au sort qui fut fait à tellement de statues transformées en chaux.
La beauté est convulsive dans ce Groupe du Laocoon conservé lui aussi au Vatican.
Les richesses de la Renaissance sont innombrables.
La Cène de Léonard de Vinci où perspective, passions et émotions s’exposent, fut abondamment copiée.
La fresque peinte par Michel-Ange, Le jugement dernier, frappe les imaginations.
Dürer est passé par Venise, le pays de la couleur, et alors que les peintres étaient moins considérés que les orfèvres, il est entré dans le débat vis-à-vis de Florence où primait le dessin. C’est le même mot en italien qui désigne « dessin » et un « dessein », donnant ainsi une valeur intellectuelle à l’art. Le natif de Nuremberg s’est glissé dans sa composition de La vierge du rosaire.
Le Gréco, élève du Titien, qui trouvera sa clientèle à Tolède, était un des rares à venir du Sud, de Crête, son Jésus chassant les marchands du temple est influencé par Le Tintoret.
La madone, vierge d’humilité et de tendresse de Jan Gossaert s’inscrit dans un trompe l’œil en perspective très « italien ». 
C’est un label de qualité qui amène parfois des surenchères dans le contrapposto où s’entrelacent les jambes des corps marmoréens d’Hercule et Déjanire.  
L'enlèvement des Sabines de Jean de Bologne qui venait de Boulogne, au dynamisme époustouflant, est taillé dans un marbre plein.
Praxitèle sculpta la première femme nue, cette Vénus dite des Médicis est aussi qualifiée de pudique.
Rubens, « prince des peintres et peintre des princes », qui savait tenir une conversation pendant les séances de pose, acheta des Caravage dont La mise au tombeau inspira deux de ses variations en 1612 et 1617. Nicomède tient le linceul entre ses dents : c’est la transsubstantiation.
Au XVIII° siècle, après la guerre de sept ans, guerre mondiale, Boucher et Fragonard  furent accusés de participer à la décadence des mœurs.
La marchande d’amours  de J. B. Vien reprend le thème d’une fresque découverte à Herculanum. Le classique revient, avec ses thèmes glorieux, ses horizontales et verticales ; l’humour et la friponnerie se dissimulent. 
Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils. David
Il y avait eu Montaigne et Stendhal avant lui, Goethe dans la campagne romaine de J. H. W. Tischbein médite sur la fragilité des civilisations après le succès de son roman « Les Souffrances du jeune Werther » qui suscita une épidémie de suicides en Allemagne.
Hubert Robert est dans l’uchronie avec Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines.
Overbeck et sa communauté de protestants revenu au catholicisme ne se référaient ni à l’antiquité païenne ni à la Renaissance frivole mais à Raphaël première époque, il rassemble Germanie et Italie.
Velasquez n’avait pas le droit de peindre des nus en Espagne depuis l’Inquisition ; il  nous offre La Vénus au miroir (vénitien) allongée telle l’odalisque d’Ingres.
Corot simplifie les formes et dépouille sa palette : Marietta.
Carpeaux pensait à Apollon et Daphné du Bernin dans une Danse qui fit scandale
« J'ai une femme et des filles passionnées de musique et qui vont souvent à l'Opéra. Cela leur sera impossible désormais, car jamais je ne consentirai à les mener dans un monument dont l'enseigne est celle d'un mauvais lieu »
La puissance de la course des chevaux libres de Géricault, leur tension et leur force reviennent une fois encore à Michel Ange.
Pour les paysages splendides, les lumières :Turner, sur les pas de Claude Le Lorrain Port de mer au soleil couchant et ses soleils de face, fusionne les éléments à Venise : Le Campanile de San Marco et le palais des doges.
Comme Monet venu tardivement visiter la  fragile « Sérénissime », où il saisit les miroitements du palais des doges.
Le voilier de Marquet, un fauve moins hurlant que d’autres, devant le Vésuve, porte un peu de la mélancolie qui accompagnera désormais les voyages vers le Sud.
Paris a pris la relève de l’avant garde artistique.
« Ce qu’il y a d’agréable en voyage, c’est que, par la nouveauté et la surprise, l’habituel prend l’air d’une aventure. »  Goethe

mercredi 24 janvier 2018

Art Nouveau dans la ville de Nancy.

Même si nous n’avons pu visiter le Musée de l’école de Nancy, le« saint des saints », ni la villa Majorelle en réfection en ce moment, je remets mes pas derrière notre guide de l’agence « La Madeleine », complété par une déambulation à l’aide d’une bonne carte offerte par l’office du tourisme pour un petit retour vers une modernité de plus cent ans d’âge qui a transfiguré la ville.
Bien que l’intitulé « L’art nouveau au cœur des affaires » qui nous a mené de banques en chambre du commerce soit tout à fait justifié, nous commençons par l’ancienne Université populaire dont Emile Gallé, le maître verrier, ébéniste, céramiste, industriel, dreyfusard, fut l’un des piliers comme son complice Victor Prouvé, peintre et  sculpteur, père de Jean Prouvé a qui l’on doit Alpexpo et l’Hôtel de ville de Grenoble (1967).
Un « dreyfusartiste »  comme l’avait qualifié le journal L’Est républicain dont le siège est d’ailleurs le dernier immeuble construit par cette fameuse « Ecole de Nancy » en 1913.
L’art Nouveau, art noueux (moyen mnémotechnique pour le distinguer de l’art déco plutôt droit) puise son inspiration dans le végétal et ses volutes, les ocelles des plumes de paon…
L’industrie, les sciences et l’art se rencontrent ; des bourgeois souvent venus d’Alsace passent commande à ces anartistes.
Nancy n’est pas loin de la frontière de l’Allemagne qui a annexé l’Alsace et la Moselle après la guerre de 70 et non toute la Lorraine comme le dit la chanson.
Des devantures comme celle d’un ancien fourreur sont en matériaux nobles, ici un acajou blond. Des berces du Caucase étaient ciselées sur le verre.
Maintenant une banque y a ouvert une agence et un autocollant remplace la gravure.
La verrière du maître Grüber au siège du Crédit Lyonnais est impressionnante.
Décorée par Louis Majorelle d’une feuille de ginkgo biloba sur le sol en mosaïque, une pharmacie porte le nom de cette fameuse feuille trilobée tombée de l’« arbre aux 40 écus ».
Des grands magasins Vaxelaire & Cie transformés par l’architecte Emile André, il ne reste qu’une citation, mais elle illustre l’alliance du bois, de la céramique et du fer. Celui-ci va réaliser dans le parc Saurupt, une cité jardin, quelques villas remarquables dont la loge du gardien, la villa « les Glycines » et « Les Roches ».
La structure métallique de La graineterie Genin est spectaculaire, et comme toujours les motifs décoratifs rappellent la nature du commerce : des fleurs de pavot et des feuilles de chêne.
Même de l’extérieur, les vitraux de la chambre de commerce et d’industrie sont magnifiques.
Comment ne pas finir plus agréablement que sous les lustres de l’Excelsior, une brasserie, qui appelle le tartare ou le suprême de poulet, pleinement dans les arts majestueux appliqués au quotidien ? Daum et ses ateliers ont fourni trois cents becs lumineux pour le prestigieux établissement.
Cet ancien « Hôtel d’Angleterre » a été sauvé de la démolition dans les années 1970 lors du réaménagement du quartier de la gare. 
Celui-ci ne manque cependant pas de charme dans une ville où la modernité n’a pas esquinté les trésors de la belle époque échappant à la vitrification patrimoniale.
De l’autre côté de la voie de chemin de fer des maisons de docteurs ou d’avocats aux vitraux plus modestes mais charmants, entrouvrent leurs portes parfois pour nous laisser photographier.
Les constructions souvent proposées par César Pain respectent par exemple dans la rue Félix Faure des règles communes qui rendent la perspective harmonieuse tout en ménageant d’agréables notes originales. 
Autour du Parc Sainte Marie, la verdure environnante convient aux motifs végétaux colorés.
Les bâtiments de Nancy-Thermal construits pour l'Exposition internationale de l'Est de la France  en 1909 après des forages qui firent jaillir une eau à 36°, ont un charme rétro en voie d’être bientôt rafraîchi.
Il aurait fallu prévoir son maillot pour accéder à la piscine ronde sous sa belle coupole.
Il n’y a pas que le sous sol au Musée des beaux arts place Stanislas, un des plus anciens musées de France, qui vaille le détour : 300 œuvres de la famille Daum y sont magnifiquement présentées. 
Il possède son Le Caravage, Monet et Manet, Picasso, « La bataille de Nancy » par Delacroix et des gravures du régional de l’étape : Jacques Callot.
J’ai découvert Emile Friant et ses portraits d’amoureux, « La Toussaint » et ses femmes en grand deuil sur fond de neige a beaucoup de force.

mardi 23 janvier 2018

Topo n° 9. Janv Fev 2018

" L’actualité dessinée",  même si elle est réservée en priorité au moins de vingt ans m’intéresse, et  la perspective d’explications simples est tentante car abordant des sujets qui m’avaient semblé inaccessibles tel « le dark net », voire les gestes fétiches de rappeurs.
est très reliée aux cultures ados et fatalement aux écrans ce qui ne les oblige pas à se montrer quelque peu démagos quand il s’agit de défendre des jeux vidéos générateurs de violence.
Le reportage dans un camp de réfugiés somaliens au Kenya est intéressant, comme celui approfondi sur l’école derrière les barreaux à Fleury Mérogis, et toujours aussi délicieux de découvrir un épisode de plus de la vie de Aya de Yopougon à Abidjan
Comme dans la Revue Dessinée dont cette revue de 148 pages est issue, mais avec une pointe d’humour en plus, des rubriques reviennent régulièrement :
- présentent une personnalité telle que Malala la jeune pakistanaise qui milite pour le droit à l’éducation dont on n’entendait plus parler depuis son prix Nobel obtenu à 17 ans,
- évoquent le phénomène « fake news »,
- présentent « l’art brut »,
- décryptent une photographie : Dali par Irving Penn,
- mettent un visage aux « haters » (haineux) qui sévissent sur la toile,
- font passer un casting  à des robots de science fiction rappelant Métropolis, Blade Runner…
- et convoquent la menace représentée par des volcans qui pourraient se réveiller et refroidir notre planète en masquant le soleil : glagla !
Des sujets plus intimes, comme celui qui veut « choper » mais ne le peut point, donnent des arguments supplémentaires pour souhaiter que cette publication à la pédagogie efficace figure en bonne place dans tous les CDI, bien que je reste hermétique à la série «  Le meilleur des mondes possibles ». Question d’âge.  

lundi 22 janvier 2018

Cœurs purs. Roberto de Paolis.

Une jeune fille dont la mère abusive voudrait qu’elle fasse vœu de chasteté devient amoureuse d’un jeune gardien de parking situé à proximité d’un camp de roms. Si l’on peut apprécier l’éternelle romance entre deux êtres de milieux différents, l’empilement des problématiques : famille expulsée, rigueur de la foi catholique et esprit de charité, drogues, violences, racisme… amoindrit le propos. Certaines scènes sont cependant réussies avec un prêtre pédagogue, les délicatesses inattendues du jeune garçon et le charme de la belle.

dimanche 21 janvier 2018

Les bas-fonds. Maxime Gorki, Eric Lacascade.

« De quelle terre sommes-nous faits ?
Qu’est-ce que l’être humain veut dire ?
Comment vivre ? » 
Deux heures et demie de théâtre pourtant intenses ne peuvent répondre à de si vastes questions inscrites sur les documents accompagnant la représentation d’une sacrée troupe à la MC 2. 
On a beau savoir que les marges expriment souvent une vérité qui échappe parfois dans les grands motifs, et les comédiens peuvent bien avoir tous les talents, la mise en scène toute l’efficacité, le texte toute sa force : il y a des soirs où la fatigue prend le dessus. L’alcool des désespoirs moscovites ferait bien l’affaire, pour se réveiller ou s’assommer un peu plus, plutôt que d’être jeté sur le sol, avec classe et force.
Je me disais bien que j’avais vu ce genre de description du monde des exclus : c’était d’après le suédois Lars Noréns http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/03/la-salle-dattente-krystian-lupa.html très puissant.
Ici Lacascade n’est pas naturaliste dans une représentation de Moscou avant 1905, pas plus que dans l’anecdotique contemporain, sa pièce devient quasiment métaphorique, traversée d’une énergie qui tient le public réveillé.
« L'homme naît pour qu'un jour naisse un homme meilleur »
Un humaniste apporte à un moment un peu d’amabilité parmi tous ces déclassés qui crient,  expriment une vitalité imbibée mais restent seuls, meurent seuls dans un lieu communautaire où ils se croisent, se bousculent mais ne se rencontrent pas, n’ont pas d’histoire commune.
Le metteur en scène, familier des lieux, avait déjà présenté Gorki :
Tchekhov
Molière
Ces œuvres patrimoniales éclairaient le présent ; ce soir, le noir qui colorait le plateau m’a submergé.
« Il faut respecter l’homme ! Ne pas le plaindre…ne pas l’humilier par la pitié… c’est le respecter qu’il faut ! Buvons à l’homme, Baron ! C’est bien ça… de se sentir un homme !... »

samedi 20 janvier 2018

XXI n° 41. Hiver 2018.

Le dossier de ce trimestre s’intitule : « Seul contre tous »,  alors notre sympathie va vers le solitaire, mais cela  ne s’avère pas si simple puisque les reporters se donnent l’espace pour faire part de leur subjectivité et rencontrer tous les protagonistes. Nous sommes dans une publication de plus de 200 pages et non sur France Hinhinter ni Médiapartipris.
Une association de l’île de Sein veut en finir avec la production d’électricité au diesel : quoi de plus évident, sauf lorsque le soucis de fédérer tous les intéressés n’a pas été, semble-t-il, prioritaire.
Quant aux victimes de l’amiante, ça fait vingt ans qu’ils luttent face à un appareil d’état inerte et malveillant.
Un éleveur du Charolais qui en était arrivé à foncer sur les gendarmes avait perdu la raison, il perdra la vie.
Nous sommes en France avec un dessinateur de BD qui change de regard dans un centre où se réparent les policiers désemparés, et lors de l’entretien avec un chercheur américain qui a suivi une formation de boulanger pour mieux raconter l’histoire ignorée de notre pain.
Et nous allons faire un tour ailleurs :
- avec les jeunes cubains dansant sur du reggeaton,
- dans une école américaine à Kaboul,
- en Patagonie dont des habitants protestent contre la confiscation de l’eau par le propriétaire d’un domaine grand comme Paris,
- dans le désert du Tchad à la suite d’un paléontologue qui a découvert Toumaï le plus ancien de nos ancêtres hominidés, âgé de 7 millions d’années,
- en Espagne avec quelques nounous sud américaines parmi les 630 000 femmes ayant quitté leurs enfants pour s’occuper de ceux des autres,
- dans les rues de Cincinnati à la découverte d’un phénomène invraisemblable, quand avec tant de morts d’overdose (64 000) première cause de mortalité aux Etats-Unis, on parle d’épidémie.