mardi 25 avril 2017

La nueve. Pablo Roca.

300 pages pour retracer l’histoire des républicains espagnols qui ont libéré Paris, avec leurs chars sur lesquels étaient inscrits « Teruel » ou « Santander », du nom de batailles qu’ils avaient engagées contre les fascistes dans le pays que beaucoup ne retrouveront jamais.
Leur compagnie composée de 146 Espagnols sur 160 hommes appartenant à la 2ème DB du général Leclerc est arrivée la première à l’hôtel de ville de Paris le 24 août 1944.
Ils venaient de loin, ayant quitté Alicante, pour celui qui nous révèle son histoire, sur des bateaux surchargés dans des conditions insupportables qui vont se poursuivre dans les camps de travail d'Afrique du nord gérés par La France où ils ont participé à la construction de la voie ferrée transsaharienne avant de débarquer pour libérer notre pays.
Le récit alterne les images d’aujourd’hui avec au début un vieillard réticent à se livrer puis se révélant en racontant un épisode palpitant de notre histoire.
Cette habile mise en scène crée du recul par rapport à une trajectoire remarquable et lui donne de la force. Le rôle joué par l’empire colonial en tant que base arrière avec le rapport de force décisif entre le pouvoir de Vichy et les gaullistes, la détermination des anars et communistes espagnols et leurs convictions prémonitoires et jamais éteintes, apparaissent dans un récit bien documenté portant un regard chaleureux et tendre sur un témoin de cette période qui n’avait pas les prétentions d’un héros mais en avait l’étoffe.
La préface est rédigée par Anne Hidalgo.  
 

lundi 24 avril 2017

Une semaine et un jour. Asaph Polonsky

Dans le genre périlleux qui chercherait à traiter le malheur avec légèreté, ce film israélien rend plutôt anodin, à mes yeux, le désarroi d’un père et d’une mère au bout du Shiv’ah, une semaine de deuil dans la tradition juive.
L’un se met à fumer des joints alors que l’autre a repris ses cours et le cours de sa vie.
Nous n’apprenons pas grand-chose des rapports des uns aux autres, ni ce qui occasionne la brouille avec les voisins. Il faut  que le père assiste par hasard à une cérémonie d’enterrement d’une personne qu’il ne connait pas pour qu’il se confronte à une vérité qu’il fuit lâchement sans faire montre de quelque émotion.
Les effets comiques en arrivent à être embarrassants comme lorsque les voisins sont bruyants dans leurs ébats amoureux ou que leur fils ment à son employeur.
On peut se dispenser de ce film.

dimanche 16 avril 2017

Les chaises. Eugène Ionesco. Bernard Levy.

Le metteur en scène est un familier de la MC 2 :
Ionesco un monument du théâtre de l’absurde :
« Un vieux couple accueille des invités imaginaires pour leur faire une grande annonce. »
L’intention de rapprocher la poésie, du quotidien est accomplie dans le respect et la sobriété sans dispositif tonitruant. En ne rendant pas compte à chaud du spectacle je vois mieux sa trace.
Les exemples irrationnels pris dans le champ politique actuel ne manquent pas, ajoutés à des échos intimes, les mots du théâtre paraissent bien familiers : soliloques et "faire comme si", quand le réel s'échappe.
L’excellent  couple d’acteurs, vrai couple à la ville, ajoute à la véracité de l’ultime spectacle qu’ils se donnent, en invitant des fantômes à s’installer sur des chaises qui vont encombrer leur triste séjour séparé des spectateurs par une vitre.
Les deux vieux s’aiment, elle le félicite sans cesse de sa simple vie passée, et attend un avènement, leur mémoire défaillante du moment présent ne porte pas à conséquence, celle d’autrefois est convoquée, réinventée dans un pathétique défilé de personnages qui ne sont pas là.
L’orateur qui arrive en fin ne dira pas un mot.
……………………..
Heureusement qu’il y a des petits enfants pour décoller leur Papou de ses écrans pendant une semaine. Reprise des articles lundi 24 avril.

samedi 15 avril 2017

6 mois. Printemps /été 2017.

En tapant «  6 mois » dans le petit moteur de recherche qui va farfouiller dans les archives de ce blog, colonne de droite, vous pourrez partager le plaisir de replonger dans une belle bibliothèque de photographies fréquentée depuis un moment.
« Si vous vous contentez de voir ce qui est évident, vous ne verrez rien. » Ruth Bernhard.
Le dossier principal de cette livraison est consacré aux animaux dans leur rapport aux hommes :
du business de la fourrure, caïmans en Colombie et visons en Pologne,
à une pouponnière de pandas en Chine,
en passant par les gorilles en péril au Congo à cause des trafics de charbon de bois et les guérillas.
Nous allons dans les tribus éthiopiennes à côté d’un barrage qui va modifier leurs conditions de vie,
en Cisjordanie avec des femmes palestiniennes fécondées in-vitro par leurs maris prisonniers,
en Tanzanie avec des albinos qui se mettent à l’abri du soleil et des préjugés.  
Ce sont aussi les migrants érythréens qui s’invitent chez nous sous l’objectif d’un des leurs.
En Russie le long de la Volga de jeunes urbains retournent à la campagne.
De beaux portraits de ceux qui travaillent les produits de la pêche, à terre, au Guilvinec et d’amusants témoignages de la vie d’un papa quand il reçoit à son tour ses enfants, éclairent l’atmosphère plus sombre des photographies retrouvées de Berlin en avril 1945.
La photobiographie de Recep Tayyip Erdogan est intéressante à parcourir pour mieux connaître cet acteur majeur qui avait été condamné à 4 mois de prison pour avoir récité un poème :
«  les mosquées sont nos casernes,
les minarets nos baïonnettes,
les dômes nos casques
et les croyants nos soldats »  

vendredi 14 avril 2017

Vote utile.

Qu’avons-nous manqué pour risquer au second tour le choix entre une escroque cynique  et un escroc sardonique pour se disputer la représentation de la France ? De la France « Terre des Lumières » !
Que peut dire le monde qui avait souvent des étoiles dans le regard quand il se  tournait vers chez nous ?
C’était donc une fable, ces lampions : les chandelles sont mouchées, les batteries à plat, et au bout de quelques voltes, serions-nous retournés au désert culturel propice aux mirages théologiques ?
Faudrait-il revenir au langage colonisateur concernant l’universalisme de nos valeurs finalement plus tellement éclairantes pour justifier la reprise de l’alphabétisation de nos pairs et fils qui n’ont plus le goût des livres ?  Quant à écrire !
En envisageant l’échelle mondiale, les responsabilités se diluent, le regard se brouille. Et face aux renvois systématiques vers les autres fauteurs de nos difficultés, une culpabilité assumée ne peut être que factice et stérile.
Alors poursuivre la pêche aux paradoxes.
De Gaulle est invoqué à la mesure de son éloignement : « La France libérée par elle-même ». La formule eut la puissance d’un mythe. Dans le prolongement des mensonges du roman national, la configuration électorale annoncée en mai 2017, ne serait  que la confirmation d’une farce.
Je lisais récemment que l’ENA a remplacé l’ENS (école normale supérieure). Au delà de ces hauts lieux, peut se regretter l’effacement de la littérature.
Je m’autorise à faire reluire le vernis de quelques heures de philo quand la disparition du terme « humanités » était encore récente, pour me sentir concerné par cet effacement des belles lettres.  
Descartes fit la distinction entre croyance et raison, alors que nous sommes encore bien confus sur ce coup. Ados persistants ayant fait des petits, nous en sommes encore à discuter à propos du vote « utile ».
Il faut revenir à la racine des mots dévoyés de plus en plus par les émois du moi :
il s’agit d’un vote pour désigner le président de la République, pas d’une reprise de maquillage d’un coup de rose aux joues face au miroir ravi de se voir si « belle et rebelle ».
Ceux qui sont tentés par la blanche voix ou l’abstention aux blanches mains perpétuent une position aristocratique, en ne se mêlant pas à la foule.
La distinction entre vote de conviction et vote de raison n’est pas de mise :
les jardins où coulent le miel et le lait sont d’un autre monde, Valhalla et autre pays de Cocagne,
si notre terre là ne saigne pas trop, n’étouffe pas trop, ce sera déjà bien.
Prince des abscons, j’aime la formule du pas très à gauche non plus, Winston Churchill :  
« D'une grande complexité, une grande simplicité émerge »
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Le dessin est du « Canard enchaîné » de cette semaine.

jeudi 13 avril 2017

Fantin Latour. Etienne Brunet.

A la suite de notre guide habituel nous faisant partager ses passions
aussi bien pour les artistes contemporains que pour les peintres patrimoniaux,
nous pouvons compléter notre approche récente d’un illustre grenoblois
resté fidèle à sa ville natale, bien qu’il n’y ait passé que les quatre premières années de sa vie commencée en 1836. 
Son père l’a inscrit à l’école des Beaux arts de Paris, la Petite Ecole, comme Rodin.
Il est renvoyé au bout de trois mois et fréquente beaucoup Le Louvre où il recopie par exemple cinq fois les noces de Cana.http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/03/deux-miracles-dans-la-bible-pierre.html
Ses natures mortes plaisent aux anglais, il va en produire autour de 400.
« Je n’ai jamais eu plus d’idée sur l’art dans la tête, et je suis obligé de faire des fleurs. En le faisant, je pense à Michel-Ange, devant des pivoines et des roses. Cela ne peut durer. »
Membre de sociétés, de cénacles, il se montre critique à l’égard des impressionnistes qui ne constituaient d’ailleurs pas vraiment un groupe, et poursuit un destin singulier, se montrant plus tard, proche des symbolistes. Après la disparition de ses parents et de ses sœurs qui furent ses premiers modèles, il trouve une nouvelle famille auprès de sa femme, elle aussi peintre, Victoria Dubourg« Nature morte ».
Parmi ses autoportraits, loin d’être fixés pour l’éternité, sont perceptibles les influences de Rembrandt, incontournable pour ce genre, et celle de Courbet qu’il a fréquenté.
S’il a pu se détacher des portraits de commande, il reprend des œuvres de jeunesse, revisite ses souvenirs, travaille avec peu de moyens et si Baudelaire ou Proust s’intéressent à lui, c’est qu’ils sont allés au-delà d’un premier coup d’œil qui aurait classé ses productions du côté de l’académisme, l’esthétiquement correct d’une époque, alors que Napoléon III fut à l’initiative du « Salon des refusés ».
Pois de senteurs et pieds d’alouettes ne sont pas des fleurs sophistiquées mais sous leur lumière hollandaise, aux fonds japonisants, ces fleurs correspondent au goût anglais.
« L'étude, portrait de Sarah Elisabeth Budgett », en attente avant l’expression, est remarquable et peut enrichir une citation qu’il avait fait sienne :
« On peint les gens comme des pots de fleurs» qu’il est utile de compléter par :
« ... heureux encore si on dessine l’extérieur tel qu’il est, mais l’intérieur, l’intérieur ? L’âme est une musique qui se joue derrière le rideau de chair, on ne peut pas la peindre, mais on peut la faire entendre. »
L’incommunicabilité qui apparaît dans ses fameux portraits de groupe, est-elle volontairement révélée ? Un pot de fleurs a remplacé un invité jugé indésirable par les autres poètes aux égos à vif.  
 Il est réjouissant d’apprendre que le lecteur au centre du« Coin de table » est Ernest d'Hervilly auteur d’un « Manuel du gêneur, ou l'Art d'être désagréable en société »
« Léon Maître » peut sortir de la toile et nous accompagner pour mesurer le travail nécessaire à la préparation d’un tableau avec des étapes consacrées à la couleur, à la composition, à la lumière.
Les lithographies vibrantes d’Ignace Henri Jean Théodore Fantin-Latour, témoignant d’un travail toujours appliqué, sont moins connues que ses natures mortes ou ses portraits tels « La lecture » où Victoria, alors sa fiancée, semble plus réservée que la vigoureuse Charlotte au ruban bleu « pétant ».
L’exposition garde des traces d’un tableau « Le toast » qu’il avait détruit
et présente notamment dans la tour des photographies de femmes nues qui lui servirent de modèle pour « La Nuit » par exemple.
 « La danse » tourne sous toutes ses faces.
153 œuvres parmi 2500 répertoriées sont présentées, provenant d’autres musées français mais aussi des Etats-Unis, du Danemark, du Portugal, de Belgique, d’Irlande…
« Nature morte au coupe papier » 
C’est Eugène Carrière dont le tableau « La tendresse » appartient au musée de la place La Valette qui prononça l’éloge funèbre en 1904 du plus classique des modernes.
« Nature morte de fiançailles » « Chaque tableau apporte avec lui un carré de silence et une raison à notre ramage intérieur de s'interrompre. » Paul Claudel

mercredi 12 avril 2017

Equateur J 18 : Agua Blanca Salango.

Pas besoin de se lever aux aurores ce matin, nous prenons le petit déj’ à huit heures face à la mer derrière les vitres du premier étage de l’hôtel. Le temps n’est plus au beau comme hier et ne se lèvera pas.
Aujourd’hui, nous visitons dans le parc de Mechalilla la commune autogérée de Agua Blanca.
Nous avons droit à un guide local, Paul, descendant du peuple manteña (VII° au XVI° siècle) que traduit José.
On commence par un musée modeste et émouvant, car les Manteñas promeuvent et tentent d’exploiter leur culture sans financement de l’état, qui ne peut pour l’instant les soutenir.
D’où une urne funéraire réparée au chatterton. Sans aucune recherche scientifique officielle, les descendants protègent comme ils peuvent les vestiges mis à jour.
Note guide nous engage à le suivre sur un sentier aménagé dans la forêt, et déjà échaudés nous nous bombardons de 5/5 au cas où.
Un pont de singe nous conduit vers un secteur archéologique où trois reproductions d’urnes funéraires sont exposées in situ sous des boites en verre.
Puis nous nous promenons dans la forêt sèche, traversons un petit ruisseau en marchant sur des sacs de sable, parmi les cochons qui farfouillent.
Ce petit ruisseau n’est que la reste d’une grande rivière navigable utilisée par les Manteñas sur de bateaux en balsa afin de commercer. Autrefois, il montait jusqu’à 4 ou 5 m, comme en témoignent les parois creusées par l’eau. De l’autre côté du gué le sentier longe la rivière dans la forêt.
Nous pouvons apercevoir un oiseau spécifique du coin, un geai bleu,

des papillons,qui adoptent la couleur de l’arbre pour échapper à leur prédateur, des écureuils plutôt gris qui sautent habilement de branche en branche et un petit cardinal rouge qu’aucun appareil photo n’a pu capturer.
Nous franchissons des barbelés grâce à de petites échelles en bois, poussons différents portillons de bois, pour voir les cultures maraîchères, et des  bananiers, protégés des chèvres et des cochons.
Sur un espace en hauteur et dégagé il y a un site manta. Des vestiges d’un temple du soleil sont balisés par des piquets au sol pas encore déblayés et exploités mais repérés.
Plus loin nous voyons des kapokiers entourés de flocons cotonneux, volatils et sur le chemin du retour, nous surprenons cachées par les arbres, des femmes qui font leur toilette et leur lessive.
Nous retraversons le gué et nous nous dirigeons vers la piscine d’eau sulfureuse bien arrangée de forme circulaire derrière une petite barrière de branches qui sert plus de décoration que de protection.
Paul nous abandonne là et José s’occupe de trouver deux employées en uniforme d’aide soignante pour enduire de boue argileuse notre petite équipe qui s’est mise en mailllot de bain sous une bruine vaporisante.
Je ne tente pas l’expérience mais prends des photos de mes compagnons barbouillés des orteils jusqu’au crâne. Ils prennent des allures de primates lors du séchage d’un quart d’heure, bras écartés et yeux écarquillés, chair de poule et poils collés. Pour se réchauffer, ils « dansent » sur la terrasse en bois puis  grimpent dans un arbre. On dirait des statues de Munoz, l’argile change de couleur peu à peu, et annonce le moment de passer dans le bain d’eau sulfureuse. Elle leur parait presque chaude et agréable malgré l’odeur. Après une douche d’eau douce et avoir réglé les deux employées (3 $/ personne) nous finissons le circuit qui ramène au village où nous attend Sixter notre chauffeur.