dimanche 4 décembre 2016

Les contes d’Hoffmann. Compagnie L'Envolée Lyrique.

Avant de passer une heure et demie à La Vence Scène à Saint Egrève devant la dernière création d’Offenbach nous avons été bien avisés de nous documenter pour mieux voir quelque profondeur sous les gais emballages d’une intrigue labyrinthique.
Les  allusions à plusieurs types d’opéra : le bouffe et le romantique, le bourgeois, dépassent le novice que je suis, comme j’ai pu me perdre dans certains dédoublements de personnages.
Les allusions à Goldmann Sachs ou à « libérée, délivrée », dans leur brièveté, n’encrassent pas un joyeux questionnement, habillement mené, qui traverse les époques.
Hoffmann, le poète aux allures de Johnnie Walker se perd dans l’alcool qui inspire ses confidences : la légèreté éloigne-t-elle de la mort ?
Il a aimé trois femmes qui n’en étaient qu’une seule.
L’amour de jeunesse enflammée, l’amour adulte profond et partagé, l’amour vénal et fugace,  sont voués à l’échec, par crainte d’être dévorés par l’absolu ou trompés par les apparences.
Nous sommes dans un royaume plein  « d’inquiétante étrangeté » où les reflets et les ombres se volent, les automates mentent, les fantômes chantent. L’amoureux chausse des lunettes spéciales sans parvenir à éloigner son inquiétude.
Il aurait été plus confortable de lire des sur titrages pour rendre intelligible toutes les paroles chantées. Mais les dispositifs scéniques astucieux de la compagnie dans leur modestie mettent ainsi mieux en valeur la virtuosité des artistes à la fois chanteurs, musiciens, danseurs de claquettes, acteurs à la gestuelle dynamisante.
L’air de la Barcarolle me transperce à tous coups :
« Belle nuit
Oh nuit d'amour
Souris à nos ivresses
Nuit plus douce que le jour
Oh belle nuit d'amour
Le temps fuit et sans retour
Emporte nos tendresses
Loin de cet heureux séjour
Le temps fuit sans retour »
Et me ravissent :
 « Les oiseaux dans la charmille,
Dans les cieux l'astre du jour
Tout parle à la jeune fille,
Tout parle à la jeune fille d'amour!
Ah! Tout parle d'amour,
Ah! Voilà la chanson gentille,
La chanson d'Olympia, d'Olympia!
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! »

samedi 3 décembre 2016

Crue. Philippe Forest.

Son livre «Tous les enfants sauf un »
a été tellement important pour moi que j’ai couru quand cette nouvelle livraison est arrivée.
Mais j’ai eu du mal à le lire : certes le fantastique n’est pas trop mon genre, mais ce narrateur en retrait de sa narration m’a rendu impatient : quand ses annonces vont-elles enfin se réaliser ?
Hors du monde, un homme sans nom croise un chat, une femme, un homme qui disparaissent.
Le chat  repasse le voir alors qu’il pleure devant la beauté du déluge depuis les toits de la ville.
Revient souvent la formule « Est enim magnum chaos » ( En vérité, il est un grand vide.)
Le fin connaisseur de littérature tourne autour du vide : les paysages sont arides et les personnages fantomatiques, les mouvements incertains.
Pour essayer de surmonter mes difficultés, je n’ai pas manqué la venue de l’auteur à la librairie du Square et j’ai mieux compris sa fidélité à ses romans antérieurs, dont je suis moins familiers que des lectrices qui mettent cet écrivain au plus haut : son énergie accompagnant sa mélancolie donne de belles lignes.
Son écriture blanche et cette construction m’ont tourmenté ; point de plaisir mais le sentiment d’accompagner la recherche forcément confuse de mieux dire le réel, de décrypter la vérité quand la perte vous ronge.   
Hors du temps, les anecdotes ayant été tenues à distance, il nous parle d’un monde arraisonné par la technique qui vit un désastre social, économique, écologique.
Et parmi les 260 pages au moment de la crue centennale :
« La terre avait été étouffée par le béton et le bitume. Elle avait perdu la propriété salutaire qui lui permettait d’absorber les eaux tombant du ciel. Dans le même temps, la civilisation- ou bien ce qui en usurpait le nom - avait énervé la planète, puisant inconsidérément dans ses ressources, brûlant à sa surface un feu continuel qui réchauffait l’atmosphère, faisait fondre les pôles, décimait les espèces vivantes, détraquait le climat et libérait dans l’air d’incontrôlables forces qui ruinaient le monde et lui interdisaient de se régénérer comme, par le passé, il en avait eu la faculté. »

vendredi 2 décembre 2016

Le Postillon. N° 38. Décembre 2016.

Train-train pour le bimestriel, un ton en dessous de sa livraison précédente
qui avait alimenté la chronique grenobloise et joué un rôle salutaire de révélateur.
Sur ce coup, les journalistes du bimestriel sous titré «  Amour, Glaires & Beauté » auraient bien aimé cracher plus haut que leur bassinet et ne pas se retrouver en compagnie des supportrices de Carignon ; alors ils insistent sur leurs fondamentaux : mépris du « Daubé », des policiers et critique des start-up, des communicants, des technologies nouvelles.
Dans le répertoire de la rubrique malencontreusement nommée «  Métiers de merde » ne figure pas « pigiste au Postillon » bien que l’accueil des élus et de la population à Roybon ait semble-t-il porté peu de fruits. Par contre : « livreur à vélo », ou « réceptionniste en hôtellerie » alimentent une chronique qui fut parfois, plus riche. A laquelle aurait pu s’adjoindre, « salariée au 115 », le numéro d’urgence pour les personnes en difficulté.
J’ai appris que le patron du FCG habite à Los Angeles, et suit le club par visioconférence, les valeurs du rugby bien rangées à côté de la vitrine aux trophées dont la clef est égarée.
Sur le plan politique, un argumentaire est fourni pour contrer les justificatifs des fermetures de bibliothèques, avec en contrepoint un extrait d’un communiqué de Piolle à propos de Trump qui m’a bien plu car il sortait des jérémiades convenues :
« Il est urgent d’entendre les témoignages des habitants de nos villages, de nos petites villes abandonnées par leurs industries et les courants porteurs. […] À l’heure où, partout sur le territoire, les grandes villes s’organisent en un vaste club de métropoles connectées les unes aux autres, il faut éviter que celles-ci ne deviennent des nouvelles citadelles. » […]
« Les dernières élections régionales en France, le Brexit, Le Pen ou Trump sont devenus les instruments d’une revanche du territoire contre le club. La revanche du sédentaire, moqué et confiné dans l’angle mort du débat public, contre le nomade intégré aux mouvements de la mondialisation. » Contre … son camp.
Cependant les pratiques des politiques semblent  bien éloignées de ces analyses, contredites par ce qui se passe à la Métro avec «  Les portes du Vercors » ou l’attitude de Ferrari le président qui a traîné la feuille de chou devant les tribunaux. Ainsi «  le Postillon » peut poser en défenseur glorieux d’une liberté dont il use pourtant avec prudence et surtout pas pour mettre en doute ses engagements. Les journalistes anonymes qui y écrivent, se refusent évidemment d’être dans l’air du temps réac, mais tirent volontiers sur tout ce qui bouge, ce qui innove, frétillant du bloc-notes vers tous ceux qui s’affolent dès qu’on déplace une pierre.
Pourtant les recherches concernant l’hydrogène comme vecteur énergétique sont abordées dans ce numéro avec  certes la dose d’ironie habituelle mais un souci pédagogique louable.  Et le portrait du « Rambo grenoblois » expulsé vers l’Algérie après 14 ans dans les rues de Grenoble est chaleureux, presque nuancé, sans rien céder sur  l’indignation face à l’injustice d’une telle mesure.
……
Les photos sont meilleures que les dessins, ainsi en voilà une pour illustrer cet article.
Et pour cette semaine, le dessin concernant la préoccupante Turquie est extrait de « Valeurs mutualistes » le magazine de la MGEN.

jeudi 1 décembre 2016

Beffrois et maisons de ville en Flandres au XV° siècle. Daniel Soulié.

Le conférencier a promené les amis du musée de Grenoble à travers les riches territoires de Belgique et de Hollande en leur âge d’or, au moment où ces terres rassemblées sous les ducs de Bourgogne changeaient de pôle de gravité, déménageant de Dijon à Bruxelles.
Lovée dans le creux du Rhin, entre les puissants voisins du Saint Empire Romain Germanique, de France, et du royaume d’Angleterre, l’économie au cœur de l’Europe y est florissante.
A la croisée des antiques voies commerciales, vont et viennent les marchandises des pays scandinaves et méditerranéens. Les marchands de la ligue hanséatique, ayant négocié depuis longtemps leur installation à Bruges, vendent là leurs produits arrivant depuis Novgorod, la porte orientale. Les grands banquiers italiens s’installent dans ces villes qui ont acquis une autonomie grâce à laquelle des républiques urbaines s’épanouissent au sein d’un environnement pourtant valorisé par la peinture flamande.
En arrière plan de la « Grande crucifixion »  peinte par Van der Weyden, une cité protégée rejoint le thème biblique des enceintes effondrées au moment de la mort du Christ. Les fonds d’or moyenâgeux ont laissé place aux paysages. Cette Jérusalem terrestre apparaît, imitée des cités flamandes avec quelques touches orientalisées (1435). Bruxelles qui aurait pu l’inspirer est alors un centre des industries du luxe : verres, céramiques, tapisseries...
Dans son « Saint Luc dessinant le portrait de la Madone » VDW se représente lui-même et le spectateur surplombe un canal témoignant d’une industrialisation du paysage à son début.
La ville de Middelburg est sans doute représentée dans le « Retable de la Nativité de Bladelin » du nom du commanditaire en prière. Une résidence noble précède des bâtiments variés en brique ou pierre car le bois provenant de Finlande était rare.
Le paysage, en arrière-plan de l’ « Adoration des Rois Mages » retable du même VDW appartenant à l’église Sainte Colombe de Cologne, représente Arques à gauche, Rennes-les-Bains "en face", Couiza et Rennes-le-Château en "haut", l'église d'Alet à droite. Nous voilà bien informés par cette recherche complémentaire qui souligne simplement que les images des cités flamandes sont passées de l’évocation à la transcription. Le chaume est pour les faubourgs, l’ardoise couvre les maisons intra muros.
Robert Campin peint Joseph, célèbre menuisier, travaillant dans un atelier dont la façade de bois surplombe une place aux entrepôts à demi enterrés, sur un des panneaux du « Triptyque de Merode ».
Pas mieux que Wikipédia pour décrire le paysage derrière La Vierge du chancelier Rolin ou Vierge d'Autun, par Van Eyck «  paysage visible dans le fond dans l'axe de fuite, comporte tous les détails de la vie terrestre, activités, architecture, cité et pont sur un fleuve - probablement la cité de Liège » et ses bâtiments religieux.
Tant d’agrandissements ne peuvent rendre compte de la précision de Pétrus Christus et sa  « Vierge à l’Enfant avec sainte Barbe et Jan Vos » où dans un carré de 15X15 cm figure en détails, une ville bien vivante.
Les Halles aux draps d'Ypres, un des plus grands bâtiments civils gothiques, ont été reconstruites après avoir été rasées pendant la première guerre mondiale, elles témoignent d’un passé prestigieux quand la cité était l’une des plus peuplées d’Europe, avant que ses canaux s’envasent, précipitant son déclin.
Les tours de La cathédrale de Tournai allient styles roman et gothique. Elles luttent avec la tour de guet, le beffroi, qui domine, comme il est d’usage, la place du marché.
La place financière majeure que fut Bruges, s’est endormie à l’époque de la Renaissance, ensablée elle aussi. Ce qui a permis à « La Venise du Nord » de conserver de pittoresques demeures.
L’hôpital Saint Jean, qui servit de modèle aux hospices de Beaune, accueille le musée  Mèmling dans la ville figurant comme une pépinière de peintres « primitifs ». Les murs du béguinage dont l’institution fut dissoute par l’administration révolutionnaire française sont toujours debout et des religieuses y sont revenues.
Le quai aux herbes de Gand et ses divers murs à pignons est photogénique
comme  la Grand-Place d'Arras qui témoigne de l’ampleur des marchés.
« Ay Marieke Marieke je t'aimais tant
Entre les tours de Bruges et Gand
Ay Marieke Marieke il y a longtemps»

mercredi 30 novembre 2016

Equateur J 5. Pas de train train d’Otavalo à Salinas (suite).

Les paysages deviennent plus sauvages avec des cactus et des plantes grasses, des canyons et des ravines. Le petit train s’engouffre à petite vitesse dans 1, 2 puis 3 tunnels. Et alors que nous admirions une cascade, debout dans la travée pour mieux voir ou photographier, nous sommes projetés et tous sens et bien secoués.
Non ! La loco a déraillé ! Heureusement qu’elle ne s’est pas couchée, juste délogée de ses rails et personne n’a été blessé.
Le personnel nous demande de sortir et marcher le long de la voie jusqu’à la gare de Hoja Blanca (1840m) qui en fait n’est pas si loin que ça. Nous attendons dans cette petite gare nouvelle et moderne, harcelés par de tout petits insectes (moustiques ?) en très grand nombre, que trois bus de la compagnie ferroviaire nous secourent. Ils arrivent au bout d’1/2 h , ¾ d’heure et dans une organisation calme et méthodique nous embarquons suivant la composition des wagons.
Il est tard quand nous descendons à la dernière étape : Salinas où nous attendent Edgar notre guide et notre chauffeur à la porte du restaurant, soulagés de nous récupérer. Nous mangeons une soupe aux haricots et maïs, une côtelette de porc garnie de légumes al dente : carottes brocolis et une pomme de terre mauve.
Les activités post méridiennes ne sont pas à la hauteur des précédentes.
Le musée  consacré au sel de terre sur les lieux d’une exploitation depuis longtemps abandonnée n’est pas palpitant. Ce sel sans l’iode des sels marins était celui des pauvres, et de surcroît vendu plus cher.
Pourtant  comme nous avons pu le lire sur le site http://www.vueetbox.com/files/media_file_137.pdf 
« Ce sel brun, cultivé par de nombreuses générations d’afro équatoriens, servait de monnaie d’échange avec les villages voisins: un kilo de sel équivalait à un kilo d’or »
Puis nous assistons à un petit spectacle de danse de la communauté noire descendante des esclaves travaillant dans les haciendas, majoritaire dans cette région (environ 70%). Des jeunes filles habillées de la même façon et portant un petit panier sur la tête proposent trois danses en plein air. C’est plutôt amateur, sans prétention, répétitif mais bref.
Nous sautons dans notre minibus pour rejoindre nos foyers au milieu de la circulation parfois dense en profitant des lumières de fin d’après midi.
Retour par Otavalo, Cotacahi, Santa Barbara.
Ce soir nous mangeons ave Maria et Ernesto qui repart travailler demain à Quito à 3h avec le bus de la communauté, Karen et sa sœur Huaïta et un ami des filles, Daniel. La fille aînée passe en tenue de footballeuse avec ses deux petits mais ne partage pas le repas avec nous et reste un moment dans la pièce privée.
C’est encore une bonne soirée d’échanges autour d’un bon repas : soupe à la courgette, poulet avec des galettes de purée à la plancha, radis macérés dans du citron et persil, petits légumes finement hachés et tout au long du repas pop corn et maïs grillé à volonté. Pour boire jus d’anone avec ou sans sucre. A la fin du repas Karen apporte à chacun, à la demande de sa mère, un des chocolats qu’elle a reçus pour son anniversaire pour nous remercier du petit cadeau qu’on lui a fait. Avant d’aller se coucher on se fait tous la bise. Demain nous ne verrons pas Ernesto ni Huaïta qui retourne à l’Université.

mardi 29 novembre 2016

Black dog. Loustal Götting.

Les falaises de la côte ouest des Etats Unis sont dangereuses et les piscines pas toujours sûres, les climatiseurs tombent en panne et les grosses voitures ont besoin de se  refaire la culasse.
La blonde est fatale, le loser vraiment perdant, le chien noir.
Un polar noir efficace, si limpide que la lecture de cette BD aux images agréables est bouclée en peu de temps.
80 pages d’un  dessinateur dont j’apprécie les encres qui appellent en fond quelques morceaux de jazz.

lundi 28 novembre 2016

Louise en hiver. Jean-François Laguionie.

Le cinéma d’animation décidément nous procure de belles émotions avec une diversité de moyens qui peut étonner les cinéphiles les plus endurcis.
Nous avions vu « Le tableau » du réalisateur
Cette fois les pastels et le grain du papier apparent rendent magnifiquement les lumières de l’océan, une musique discrète accompagne délicatement la solitude d’une vieille dame qui se retrouve hors saison dans une station balnéaire vidée de ses vacanciers.
Il est question de solitude, du vieillissement, quand l’enfance revient, sans tabou ni trompette, avec une économie de mots  naturelle, comme sont comptés les pas d’une force tranquille, avec  lucidité, douceur, lenteur.
Une spectatrice à la sortie du  cinéma Le Méliès disait : « mélancolique, pas nostalgique », mais aussi tendre, beau, poétique, contemplatif, limpide.