jeudi 29 mai 2014

Affiches en France. # 3. L’affiche survivante de 1975 à nos jours.

Walter Benjamin était encore en exergue dans cette troisième conférence de Benoit Buquet aux amis du musée :
 « Il y a bien des années, j’ai vu dans une rame de tram une affiche qui, si les choses importantes étaient à leur place dans le monde, aurait trouvé ses admirateurs, ses historiens, ses exégètes et ses copistes comme n’importe quel grand poème ou n’importe quel grand tableau, ce qu’elle était tout à la fois. »
Le conférencier précise la notion de design qui comporte l’idée de projet alors que les affichistes sont en  train d’entrer dans un autre âge. La technique devient prépondérante et les créateurs se réfugient dans les niches culturelles ou dans les domaines d’utilité publique.
Il n’a pas été fait mention lors de cette soirée d’affiches qui auraient promu tout autre objet.
Cieslewicz est encore là, voir http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/05/affiches-en-france-2-savignac-et-les.html, et une image cyclopéenne pour le journal Zoom dont l’œil se confond avec l’objectif photographique,  par ailleurs sa « Mona Tsé Toung » accole deux icones aux visages de cire.
L’école polonaise qui fusionne pop et expressionnisme se perpétue en France avec le groupe Grapus né dans les années 70. Ce collectif dont l’appellation compacte l’expression « crapule stalinienne » est lié à l’histoire du PC ; ils donnent un tableau à lire et non plus seulement à regarder.
Lénine demande : « Allez y de ma part » sur une affiche, alors qu’ici un smiley à oreilles de Mickey porte une moustache de sinistre mémoire avec un de ses yeux en cocarde et  dans l’autre une faucille et un marteau. Là une tétine surmonte une bouteille de coca pleine d’encre noire, ou bien pour le Québec une banane fusionne avec une fleur de lys.
Ces images sont insoumises, jaillissantes, la désinvolture est orchestrée, l’écriture manuscrite avant les lettrages numériques en mode spatialisation.
En 90, les  fondateurs se séparent : d’un côté  Pierre Bernard  et l'« Atelier de Création graphique », de l’autre « Ne pas plier » de Gérard Paris Clavel et "Nous travaillons ensemble" d’Alex Jourdan avec des affiches pour les rendez vous des graphistes à Chaumont et Echirolles et des slogans qui se retrouvent dans les manifs :
« Rêve générale » ou « Qui a peur d’une femme ? » d’après Taslima Nasreen.

Alain le Quernec trouve le terme « affichiste démodé, graphiste trop technique, artiste trop prétentieux, quant à publiciste se serait une insulte ». Son Saint Sébastien criblé de cigarettes comme autant de flèches crie : « La pub tue » et des pelles et râteaux enfantins pour la plage aux couleurs flashies comportent la mention : « Remember Amoco » sur fond noir comme le pétrole répandu sur les côtes bretonnes en 78.
Michel Bouvet est celui qui a créé les affiches des rencontres d’Arles, Apeloig dont les lettres formant des bateaux ponctuent l’image pour les voies navigables de France nous offre un poème typographique, ses images pour l’année du Brésil sont sonores et son évocation de la pyramide de Pei subtile.
Le binôme M/M lié à l’art contemporain annonce des vidéos dans les musées où il joue avec un personnage de manga.
«Nous avons souvent dit que nous faisions des images pour les historiens du futur, que nous créions du matériel archéologique. Je sais que ça peut sembler terriblement prétentieux.»


mercredi 28 mai 2014

Filet mignon au miel et au vinaigre.

Tout est dit dans l’intitulé de ce mariage sucré/acidulé. Compter 200 g de ce filet de porc par personne, à trancher en cubes avec facilité car cette partie de la bête est tendre et sans gras.
Faire revenir dans un faitout, deux gros oignons dans de l’huile d’olive et ajouter la viande qu’il vaut mieux avoir fait mariner dans le miel, le vinaigre pas forcément balsamique, avec une bonne giclée de sauce au soja et un tube de concentré de tomate. J’ai mis du gingembre alors que la recette Internet n’en préconisait pas, mais avantage de la profusion des recettes sur la toile : nous pouvons oser quelques variantes. Sel poivre. A cuire 20 minutes, puis réchauffer 10 à 15 minutes, le temps de cuisson de mes crozets que j’ai proposés à mes amis revenus de voyage que je pensais las du riz qui convient bien d’ordinaire en accompagnement pour amadouer ce plat de caractère, facile à réaliser. Ajouter au dernier moment une purée de tomates.

mardi 27 mai 2014

Le petit rien tout neuf avec un ventre tout jaune. Rabaté.

Le titre est joli qui dit bien qu’il faut croire en la lumière.C’est l’enseigne d’un magasin de farces et attrapes tenu par un dépressif qui cultive sa dépression :
« une vraie merde qui en vend des fausses en plastique».
Le trait alangui et les couleurs ternes sous un voile de tristesse installent une atmosphère morose mais pas trop quand même. Les personnages sont aimables et cette opposition qui aurait pu être facile d’une solitude nourrie aux raviolis et abreuvée de vin estampillé mauvais  dans un décor de fausse jovialité n’est pas exagéré.
La tendre histoire d’amour avec une acrobate qui justement n’a pas à se travestir lors d’une soirée déguisée aurait pu être conventionnelle mais elle est nécessaire et naturelle.
Un auteur original sans tapages, qui sait nous faire partager ses sympathies.

lundi 26 mai 2014

Cannes cinéphiles 2014.

A  Cannes le cinéphile vit surtout dans les files.
Tout ne se passe pas sur la Croisette: certaines salles où sont projetés des films des différentes compétitions sont indignes : d’une année sur l’autre, le Studio 13  à La Bocca n’a pu changer que quelques fauteuils, certains tenant avec de l’adhésif.
Toutefois, tout le monde est censé savoir que Chopard, le joaillier, a  réalisé la palme en un or « éco-responsable ».
Je développerai  plus tard  sur ce blog, chaque lundi, la critique de certains films au moment de leur diffusion à Grenoble.
Pour cette année dans le genre de ce que je fis l’an dernier, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/05/cannes-cinephile-2013.html , en essayant de repérer des thèmes communs, il m’a semblé plus simple de remarquer d’abord les films, ne traitant pas de la violence, tant celle-ci  les traverse tous.
Ainsi le documentaire « Les gens du Monde » consacré au quotidien de référence ne recèle guère de bestialité, même si la rédaction s’affole à l’annonce d’un AVC de Michel Rocard, sa nécrologie n’étant pas mise à jour depuis 95. Il est arrivé dans ce type d’anticipation que des journalistes décèdent avant la personnalité dont ils avaient été chargés de retracer la carrière.
Pas de violence non plus dans  « The red house », une douce histoire d’amour entre un baba néo zélandais et une chinoise qui transcende les différences culturelles, mais dans « Le miroir ne ment jamais » malgré ses allures de carte postale, la mort, celle d’un père, est très présente. Le beau film de Pascale Ferran, « Bird people » est poétique, ses personnages qui s’échappent du stress contemporain, causent  pourtant quelques dégâts en particulier autour de l’un d’entre eux.  
Tous les autres abordent la barbarie, la férocité, la cruauté, depuis  des enfants suédois expulsant leurs parents de la chambre d’un bel hôtel en station de sport d’hiver dans « Force majeure (Turist)» jusqu’à « Fallout »  qui rappelle la menace nucléaire sur le monde  avec un documentaire consacré à l’écrivain Nevil Shute dont le roman « On the Beach » fut porté à l’écran avec Ava Gardner et Gregory Peck dans « Le Dernier Rivage ».
Nous avions commencé notre festival avec un film idéal pour ouvrir l’appétit : « FLA, Faire l'amour » rempli d’énergie, servi par des dialogues qui cognent : un kaléidoscope imaginatif parfois trop gourmand, mais stimulant. Il ouvrait aussi une thématique où les tests de grossesse se multiplient avec des présences importantes de bébés, voire leur absence. C’est le cas dans le dépressif « Bunny » ou dans le riche « Self made » alors que la vie d’une Israélienne croise celle d’une Palestinienne : du pessimisme peut naître du burlesque. Dans « Le procès de  Viviane Amsalem » une femme n’arrive pas à divorcer en passant par le tribunal religieux à calottes, seul habilité à asservir.
La prison est évoquée dans une dizaine de films, dont « Qui Vive » avec Reda Kateb vu par Libé comme le Michel Simon d’aujourd’hui ou dans  l’anodin «  Swerve (Sortie de route) ».
Le coupable dans « Fatal Honeymoon » essaye d’y échapper.
Le rap présent dans la bande son de bien des propositions est le sujet principal de  « Brooklyn »,  et Skipe constitue le lien de beaucoup de protagonistes avec les portables qui signent l’époque pendant que des rapports sado maso s’affichent dans plus d’une relation.
Les lignes de coke et autres drogues sont banalisées en particulier dans le brumeux  « Catch me daddy » et dans « Foxcatcher » où un milliardaire s’achète des médaillés en lutte gréco-romaine mais dans « Gente de bién » le garçon pauvre et son papa ne voudront  pas subir les bienfaits d’une riche bourgeoise des plus charitables.
Les effets appuyés  de « These final hours » qui recense tout ce que l’on peut imaginer quand on sait qu’il  ne reste à la planète que six heures à vivre m’ont bien moins ému que « Le challat de Tunis », un « documenteur » sur un homme devenu une légende urbaine qui lacérait les fesses des femmes de sa lame ( challat).
Parmi les films où l’amitié entre filles est célébrée, qui ont bénéficié du plus de pages qu’ « Eka et Natia », deux filles géorgiennes surmonteront sans doute les contraintes les plus régressives : « Bande de filles » où la recette de « Hors les murs » et sa brochette de pépettes, semble se répépéter avec des blackettes reprenant les codes machistes les plus caricaturaux, m’a paru surévalué comme « Timbouctou » malgré le sujet tragique de l’arrivée des islamistes dans ces contrées trop proprement filmées.
Ma préférence à moi, ira cette année vers « Les combattants »  aux préoccupations  et au ton  très contemporains qui renouvellent l’éternelle histoire d’amour entre deux êtres aux caractères contraires sur fond social, sans lourdeur démonstrative.
Devant la diversité des lieux  abordés, des manières différentes de filmer, j’aurai bien repris la formule magique de Marry Poppins que je viens de découvrir : « Supercalifragilisticexpialidocious », mais sa sophistication ne conviendrait pas aux rythmes endiablés d’aujourd’hui, bien que les durées des films s’allongent encore.
Sauf Godard : une heure dix. Lui ne se démode pas, semble-t-il.

mardi 6 mai 2014

Rubrique à brac. Tome 5. Gotlib.

Relire 40 ans après les pages cultes que nous attendions alors avec impatience semaine après semaine, dans un album emprunté à la bibliothèque aurait tendance à nous faire choir dans une faille spatio temporelle pour emprunter le langage qui sévissait chez certains de ses voisins de l’époque.
Il les célèbre d’ailleurs : Cabu, Fred,  Greg,  Morris,  Lob, Goscinny…
et livre quelques planches avec d’autres : Giraud, Druillet, Bretécher, Mandryka avec lequel il propose180 cases pour  décrire une tranche de vie où chaque geste est détaillé en gros plan si bien : « qu‘avec tout ça il s’est mis en retard ».
Newton est là, le savant-professeur Burp et ses animaux pas tristes (chat crocodile et escargot), Bougret et Charolles les policiers, Super Dupont, et la coccinelle dans le coin.
Les traditions sont joyeusement malmenées : dernier premier avril et dernier Noël.
Un piano recèle des trésors et l’art du camouflage des surprises impassibles.
Les parodies abondent : western spaghetti avec Lucky Lucke, et confusion chez la Belle au bois ronflant avec Blanche neige où apparait aussi Le Prince Ringuet. Malheur à la fée libellule qu’un brochet goba.
Où l’on apprend que l’aigle noir de Barbara n’est qu’une interprétation de l’apparition d’un « éléphant rose dans un bruissement d’ailes prit son vol pour regagner le ciel » :
«  Si c’est pas malheureux de voir ça ! Quand je pense au délicieux bambin que c’était ! On devrait pas vieillir tiens ! » dit le gracieux pachyderme à celui  qui a forcé sur le whisky.
Les cours de pédagogie y sont efficaces, Shakespeare est mis à la portée de tous et le retour vers les origines de certaines expressions ne manquent pas de nous surprendre. Les textes sont soignés comme les dessins pour un décalage supplémentaire dans un délire jovial :
« Depuis que j’ai vu Sylvandre
Me regarder d’un air tendre
Mon cœur dit à chaque instant
Peut-on vivre sans amant
L’autre jour dans un bosquet
De fleurs il fit un bouquet
Il en para ma houlette
Me disant : « Belle brunette
Flore est moins belle que toi
L’amour moins tendre que moi »
..............
Reprise des postages le lundi 26 mai.

lundi 5 mai 2014

Les Chèvres de ma mère. Sophie Audier.

La réalisatrice filme sa mère qui arrive à l’âge de la retraite et doit céder son troupeau de chèvres à une jeune fille plutôt formée à l’élevage du mouton.
La  chevrière soixante-huitarde, avant de profiter d’une maigre retraite, a toujours du mal à  anticiper par rapport à une société dont elle n’approuve pas les tendances à l’uniformisation. Elle avoue ni trop vouloir ni trop savoir comment transmettre ses compétences qui ne se prodiguent pas le temps d’un stage, comme par exemple laisser son troupeau libre tout en le rassemblant à la voix. Il faut le faire avec des chèvres, mais elle-même est un peu chèvre et parmi ses préceptes  le plus senti, ressort l’idée que ce sont les bêtes elles mêmes qui enseigneront à celle qui lui succèdera, pleine de bonne volonté, attirant plus la compassion que la confiance. Cette jeune femme n’a pas les facilités langagières de sa formatrice qui avait choisi cette rude existence ; elle se grise de sigles, de plans de financements, arrive encadrée par des conseillers pertinents, mais elle n’aura pas la liberté de la Magui  dont j’ai connu quelques exemplaires infernales et libres, de bonnes actrices aussi.
Ce documentaire familial « salut les caprins » n’atteint pas la force des « Profils paysans » de Depardon, ni l’émotion  de la fiction canadienne « Le démantèlement »  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/02/le-demantelement-sebastien-pilote.html
"Cabris, c'est fini!" ou le "bique end" .

dimanche 4 mai 2014

Coltrane. Antoine Hervé, Stéphane Guillaume

 
Pour John William Coltrane, un des saxophonistes les plus révéré, la musique a été une consolation dans une vie parsemée de deuils et un véhicule à sa quête d’absolu.
Elevé dans un milieu  religieux méthodiste, il trouve sa voie à Philadelphie qui connaissait alors le bouillonnement créatif qui était celui de La Nouvelle Orléans 40 ans plus tôt.
Commençant sa leçon de jazz par un bref rappel biographique, notre conférencier pianiste habituel http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/01/stephane-grappelli-antoine-herve.html
rend hommage à « Trane » pas seulement en paroles, mais en ouvrant magnifiquement le concert par « Naïma » en hommage à sa femme. Je me permets de penser à ce moment là, que la musique vaut le plus beau des poèmes.
Présenté comme un homme timide, méticuleux et rêveur, il participe à l’ensemble de Milles Davis qu’il quitta puis y revint, après avoir été accroché par la drogue. Il passe chez le grand architecte Monk.
Au milieu du XX° siècle, le natif de Caroline du Nord a traversé une période classique, modale puis free, cherchant sans cesse de nouveaux sons, de nouvelles harmonies, de nouvelles capacités instrumentales. Avant la mondialisation marchande il ouvrit nos oreilles aux musiques du Monde se considérant comme une interface d’une force supérieure.
Le complice d’Hervé, Stéphane Guillaume nous détaille au saxo ce qui faisait la spécificité de Coltrane : ses notes vrillées, ses sons multiphoniques, mais surtout il interprète « Giant Steps » « Body and Soul » « A Love Supreme » « My favorite things »…  avec subtilité, en cavalant dans des morceaux qui m’ont paru complexes, les deux musiciens alternant ou synchro nous ravissent. Pris par le plaisir de jouer partagé par le public qui les rappela à deux reprises, ils ne développèrent pas la période free, pas plus que ne fut mentionnée la date de sa disparition (1967), péché véniel.
Les touches blanches du clavier plutôt occidentales ont joué avec les touches noires du reste du monde