mardi 19 février 2013

La vie d’artiste. Florence Cestac.



Il n’y a pas plus banal que cette vie d’artiste : enfance provinciale, parents qui ne comprennent rien, institutrice poilue redoutable avec sa manie de l’orthographe, la vie à Paris sous les toits, les beaux arts vains, les enfants crampons et le mari qui fuit, les dédicaces dans les gymnases qui sentent les baskets … Tout y est : l’amateur de BD bébête, les éditeurs indifférents ou rapaces… etc. 
Et pourtant la patte de Cestac rend ce parcours divertissant, avec ses personnages en patate, ses couleurs franches comme est simple son humour désenchanté. Nous passons un moment agréable.
Le titre complet : « La vie d'artiste sans s'emmêler les pinceaux sur les chemins détournés » ne me semble pas ajouter de la valeur contrairement à celle qui complétait son« Démon de midi » : « Changement d’herbage réjouit les veaux » dont l’humour apaisait la détresse d’une femme trompée.
Si vous le souhaitez, vous trouverez sur ce blog dans deux autres articles concernant l’artiste- qui-dessine-des- gros-nez.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/01/du-sable-dans-le-maillot-florence.html
 http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/03/je-voudrais-me-suicider-mais-jai-pas-le.html

lundi 18 février 2013

Sur la piste du marsupilami. Alain Chabat.



Voyage en pays d’enfance sur les pas de Franquin figure tutélaire connotée années 60, « Houba houba ! » avec  Chabat  estampillé années 90 pour les nuls, plus Djamel Debbouze l’héritier canal hystérique.
La bêbête jaune à points noirs compte ses soixante ans et un parfum de nostalgie flotte sur cette forme d’opérette-blagounette qui adopte pourtant  des rythmes contemporains. Nous sommes à Chiquito en Palombie, avec Dan Geraldo, le bidonneur,  Pablito,  le menteur, et le Marsupilami qui a échappé jusque là à tous ses  avides poursuivants.
Divertissement vitaminé avec force stéréotypes sud américains : le dictateur (Lambert Wilson),  les piranhas,  le perroquet pris en otage, la fleur miraculeuse cueillie par  un vieux botaniste (Fred Testot)  avec laquelle il retrouvera un moment sa jeunesse, sous le regard d’une télévision folklorique de par chez nous :  
« qui ne saute pas n’est pas Paya !»
Spectacle bon enfant de 2 à 62 ans.

dimanche 17 février 2013

Pour un oui pour un non. Nathalie Sarraute.



La formule théâtre en appartement a bien des charmes, mais  quelle pièce serait plus adaptée que la rencontre de deux personnages en « venant aux mots », quand  ce sont des amies  qui  vous invitent à une représentation chez elles?
Mon voisin, qui avait vu la version avec Sami Frey et Jean François Balmer, trouvait que cette interprétation mettant aux prises un homme et une femme changeait la nature du texte.
Moi, j’ai bien apprécié les acteurs  Jean-Claude Wino, Martine Julien et le propos : une explication fouillée née autour d’une réflexion de l’un jugée condescendante par l’autre:
« c’est bien…ça ! »
Le côté apparemment anodin de l’expression va être d’autant plus révélateur d’une vérité, sans cesse remise en question, de leur amitié.
La conclusion ouverte de cette joute intelligente, subtile, exigeante m’a paru promettre d’autres discussions à n’en plus finir tellement ils se sont régalés de mots, ont goûté les silences, et se sont approchés par leurs regards, en toute amitié.

samedi 16 février 2013

We demain.



« Revue pour changer d’époque », un « mook » de plus sur le créneau écologiste par deux frères Siegel de VSD : 200 pages pour le volume principal et 70 pour le supplément consacré aux entreprises innovantes dont  le Poma de par chez nous : Pomagalski qui a installé des téléphériques à Rio, à New York…
Le ton résolument positif tranche avec la déprime ambiante et puise dans les sombres pronostics des raisons de réorienter nos sociétés. C’est le genre de Larroutourou que  je croyais voué à jouer les utopistes qui en appelle à Roosevelt pour faire valoir le courage en politique. Il vient de signer un livre avec Rocard  figure inévitable de la pensée critique que l’on retrouve aussi dans le parcours de Patrick Viveret fondateur du mouvement pour d’autres monnaies complémentaires interviewé dans ce numéro 2.
Un article concernant les mots nouveaux m’a séduit comme les photographies qui séparent les chapitres : déchiffrer, respirer, inventer, regarder, ralentir, savourer, découvrir, partager.
Et  les pages consacrées à la sérendipité qui désigne le don de découvrir ou d’inventer ce qui n’était pas recherché font penser que la fantaisie peut bien aller avec des démarches des plus méthodiques.
Le ton est donné : « la décroissance, une fatalité ? Non une obligation ! » développé à partir du rapport du Worldwatch Institute avec le portrait de Gene Sharp qui a consacré sa vie  à mener la vie dure aux tyrannies par la non violence.
Les  expériences relatées sont concrètes : A Delhi des propriétaires pour 75 € par mois, au Bhoutan qui a adopté le BNB (Bonheur National Brut) à la place du PNB,  dans des villes qui visent à l’autonomie énergétique,  chez les Kogis en Colombie.
Les méduses sont photogéniques certes mais leur développement est  inquiétant, l’obésité mal planétaire peut être éradiquée,  et si « l’emploi est dans le rouge, l’espoir est dans le vert », l’heure est à la verticalité pour construire, pour cultiver : des jardins sur les toits.
J’ai trouvé ce trimestriel à Carrefour.
 « Le peuple s’est réveillé avec une rapidité bouleversante […] et il attendait le moment propice[…] Tous ceux qui n’avaient pas peur, qui ne mentaient pas dans leur vie quotidienne […] ont apporté leur contribution. » Vlacav Havel 

vendredi 15 février 2013

Quelle école idéale pour l’Europe ?



Au forum de Libération à la MC2 en février 2012.
Même avec des pointures comme François Dubet, l’inévitable débatteur lorsqu’il est question de l’école, difficile  d’envisager l’horizon européen quand le débat sur la semaine de quatre jours et demi est d’une actualité bruyante d’autant plus que Bruno Julliard est de la partie et qu’il venait d’ouvrir sa bouche au sujet du corporatisme des enseignants.
Ces rythmes scolaires sont un exemple des blocages du système : tout le monde est d’accord pour constater que ça ne va pas mais il est impossible de bouger d’un quart d’heure.
Alors rêver de l’idéal peut paraître hors de propos, une échappatoire épuisée.
A défaut de rêver à une école efficace, juste, accueillante : penser.
Quand un quart des élèves a des difficultés de lecture en sixième, il ne s’agit plus de rêver ou de cauchemarder, mais d’une urgente nécessité de changer.
« Inégalités scolaires excessives, taux d’échec et de décrochage inacceptables, perte de confiance des élèves, démoralisation d’une profession enseignante qui a du mal à recruter… »
Regarder ailleurs, peut être aussi un réflexe mécanique bien vendu par les médias : dès qu’une réforme pointe le nez : « allons voir chez nos voisins !».
La sélection s’opère très tôt en Allemagne et les sélectionnés sont bien traités, la voie technique n’est  pas une relégation.  
Mais les convergences avec des pays qui ont d’autres organisations sont difficiles, les styles sont tellement différents, quand chez nous par exemple les diplômes jouent un rôle considérable. Ceux-ci assureraient plus de justice à condition que le coefficient « réseau » joue moins fort. Notre mode de sélection accentue les inégalités. Et tous ces mécréants qui se prosternent devant « Le Bac » !
Dubet dans ses écrits : « Alors que le retour à la semaine de quatre jours et demi de classe semblait bénéficier de l’assentiment de tous, y compris des syndicats majoritaires, la réforme s’annonce bien plus difficile qu’on ne pouvait le croire. Qu’en serait-il si l’on touchait vraiment à la nature des concours de recrutement et à la formation des enseignants, au statut des établissements, au double système des grandes écoles et des universités, à la hiérarchie des filières et à l’orientation par l’échec… ? »
Juliard est un politique, après ses âpres appréciations sur les enseignants,  il déroule ses souhaits : « une école qui est en capacité des former des individus éclairés, émancipés, mais aussi des citoyens et les travailleurs de demain. C’est une école qui est juste, parce qu’elle donne plus à ceux qui ont besoin de plus. C’est une école qui lutte contre la reproduction des inégalités. C’est une école, enfin, qui s’ouvre sur le monde, la culture, l’Europe, les sciences. »
Il y avait dans le grand auditorium deux lycéens du lycée international qui avaient bien travaillé leur sujet avec leur classe, mais c’est toujours paradoxal d’entendre ceux qui appartiennent à l’élite, critiquer la sélection qui les a justement placés en capacité  de s’exprimer,  pour souhaiter que le lycée soit un lieu de vie plus convivial, où l’orientation s’opèrerait plus tard.
Philippe Sultan de la fondation Copernic est plus pragmatique à mes yeux, en critiquant une vision managériale de l’école qui met l’évaluation à toutes les sauces et méprise les acteurs de l’éducation. 
Le 7 mai, c’est le 6 qu’il a  perdu, le mari de Carla  avait signé un texte de loi concernant la notation des profs. 
Dans un pays si pessimiste, notre école, où les élèves ont tellement peur de se tromper, n’est certes pas la propriété des enseignants. Mais la confiance est  la condition indispensable d’une amélioration du système : à défaut de faire rentrer « the » grande réforme par la  grande porte, elle pourrait faire pénétrer un nouvel air par la petite fenêtre de l’expérimentation. 
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Un dessin du canard de cette semaine: 


jeudi 14 février 2013

Fresques murales romaines.



Loin de  Louis XIV, le comte d’Elbeuf trouva trois belles statues en creusant un puits du côté de Naples. Il les offrit à Eugène de Savoie, chef de guerre au service des Habsbourg.
Ainsi commencèrent  au XVIII° des fouilles après des siècles de pillages.
Le théâtre d’Herculanum fut découvert sous trente mètres de déblais de lave solidifiée alors qu’à Pompéi les cendres d’une épaisseur de dix mètres sont plus meubles.
L’allemand Winckelmann essaya de faire évoluer les pratiques des fouilles.
Il popularisa les sites des anciennes cités balnéaires où de riches romains vivaient jusqu’à l’éruption du Vésuve en 79 avant JC. 
Ces découvertes vont faire naître le  style néo classique aux lignes claires qui supplantera le rococo aux lignes courbes.
Si aujourd’hui les découvertes sont respectées, bien des œuvres de cette époque furent découpées, décollées, reconstituées loin des effluves marins originels.
Le conférencier Daniel Soulié distingue quatre périodes dans le style des fresques romaines avec des exemples pris dans d’autres demeures somptueuses telle que la villa Farnésina à Rome.
De - 140 à - 80, c’est la république. Influencés par les grecs, sur les murs des pièces communes, des panneaux représentent des placages de marbre que les propriétaires n’ont pas les moyens de faire venir de Libye.
De - 80 à -15, au moment de la révolution sociale, le style illusionniste imite des décors théâtraux, multiplie les plans. Les maisons ne comportent pas d’ouverture, la lumière vient du haut, alors des fenêtres en trompe l’œil  montrent des dieux à proximité et l’espace s’ouvre sur une campagne imaginaire.
De -15 à 64,  pendant la période impériale, les colonnes deviennent de simples liserés  qui partagent l’espace en champs distincts avec des couleurs vives dont le fameux rouge pompéien. Ce style ornemental met en valeur un grand tableau central entouré de deux plus petits.
De 64 à 79, la mode est au fantastique, à l’illusion, le stuc rehausse les peintures. Des mosaïques aux tesselles minuscules côtoient des peintures où la technique « a fresco » (dans le frais) qui impose de travailler rapidement, a laissé des témoignages picturaux d’une vivacité impressionnante.
La fresque est impressionniste, presque.
Les influences grecques, égyptiennes ont touché les dieux venus également de Syrie(Cybèle) ou d’Iran(Mithra) mais aussi les manières des peintres dans les drapés, les modelés, les représentations  de monuments. En croisant  des textes et les imitations romaines les spécialistes peuvent imaginer ce que fut la peinture… grecque.
La nudité était alors héroïque, bien que le conférencier se soit malicieusement interdit toutes les représentations grivoises qui ont abondé pourtant dans ces lieux.
Il a conclu la soirée avec une série de portraits, après s’être arrêté sur une scène énigmatique d’initiation, où le vent gonfle agréablement un voile, et des moments de la vie quotidienne : un banquet,  la maison du foulon, un boulanger qui vend son pain, la représentation d’émeutes qui valurent 10 ans d’interdiction de jeux aux manifestants. 
Le boulanger et la boulangère n’ont pas pris une ride.
« Dictes moy où n'en quel pays
Est Flora la belle Romaine 
Archipiada ne Thaïs 
Qui fut sa cousine germaine
Echo parlant quand bruyt on maine
Dessus rivière ou sus estan
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine   
Mais où sont les neiges d'antan »!
F Villon repris par Brassens , c'est elle sur la photo qui ouvre l'article.
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 Ma collègue Colette a choisi trois mots de vocabulaire recueillis pendant cette soirée :
Le canthare : un vase pour boire avec deux anses.
Le thyrse : un grand bâton où s’enroulent des végétaux, attribut de Dionysos
Le Fayoum : région d’Egypte où furent retrouvés des portraits très vivants qui accompagnaient les morts.

mercredi 13 février 2013

Angkor. Thierry Zéphir


Aux amis du musée de Grenoble, Thierry Zéphir  responsable du Musée Guimet, un des lieux  de présentation essentiel de l’art asiatique, a donné une conférence concernant Angkor la capitale pendant six siècles de l’empire Khmer.
Celui-ci allait au-delà du Cambodge, au Sud  du Viet Nam, comprenait une partie du Laos, de la Thaïlande et de la Birmanie.
Si les  cours royales ont changé d’emplacement,  elles sont restées à proximité de la plus grande réserve d’eau douce de l’Asie du Sud Est : le lac de Tonlé Sap dont les eaux se déversent dans le Mékong. Au moment de la fonte des neiges himalayennes le sens des eaux s’inverse et le lac multiplie sa surface par trois, voire sept dans certains documents !
Dans cette aire riche de populations différentes, l’influence de l’Inde marchande est très marquée et les religions hindouistes et bouddhistes vont se mêler en toute tolérance.
Même si une occupation humaine est attestée dès la préhistoire, plus aucune trace des demeures végétales des mortels, par contre des habitats pérennes réservés aux divinités se découvrent encore.
Dès le VIII e siècle, un temple abritant la divinité protectrice Shiva préfigure les constructions qui vont se multiplier à partir du règne de Jayavarman II.
Les temples-montagnes  honorent les divinités protectrices à Prè Rup  au X° siècle,
Baphuon au XIe,  Angkor Vatt, le plus vaste monument religieux au monde, au XIIe  jusqu’au Bayon  au XIIIe : de Vishnou à Bouddha.
Les  toitures avec de faux étages de forme pyramidale donnent des airs montagneux aux constructions qui se devaient de reproduire les lieux familiers aux divinités.
Les architectures de plus en plus complexes reproduisent le mont Meru, demeure des dieux, les enceintes concentriques alternent avec des douves réservoirs qui servent à redistribuer l’eau.
Des systèmes sophistiqués d’irrigation permettront plusieurs récoltes de riz dans  l’année. La perte de la maitrise de l’eau expliquerait le déclin encore mystérieux de cette civilisation.
Après la brique, le grès permet la finesse des motifs et le sable compacté la solidité des édifices, même si les pierres ne sont pas jointoyées.
Une  végétation envahissante, les pluies violentes de la mousson, le soleil accablant de la saison sèche, des pillages, mettent à mal ce patrimoine mondial.
Les lingas, phallus en érection, symbolisent Shiva dont la représentation sous forme anthropomorphe est  aussi très fréquente. D’après les écritures il pouvait prendre 1008 noms : le personnage  complexe est multiple.
Les statues distantes, non individualisées, portent une éternelle jeunesse ; au bout de chacun des quatre bras de Vishnou, un disque, une conque marine, une massue, un lotus.
Quand les commandes ne sont pas royales, l’art khmer fait valoir encore plus son esprit dans des décors exubérants et variés. Des bas reliefs  très vivants peuvent compter jusqu’à 11 plans différents sur quelques centimètres d’épaisseur.
Parmi les gardiens qui encadrent pour l’éternité les entrées des sanctuaires, la coiffure permet de distinguer les bienveillants, des farouches : les uns avec un chignon bien cylindrique face à des chevelures en désordre au dessus d’yeux exorbités.
Une accumulation de noms de rois, de lieux ne dit rien quand il faut sur place plusieurs jours pour aborder cette civilisation, voir sur ce blog quelques "messages anciens" dans la rubrique voyages, sinon se remémorer d’immenses visages énigmatiques, dont la beauté ne reproduit pas celle d’un modèle humain, la multiplication des temples qui se juxtaposent puisqu’une fois sacralisés, ils ne peuvent être désacralisés, de belles histoires comme le mythe premier de l’hindouisme quand les dieux et les démons tirent sur un serpent et barattent la mer de lait,  et qu’un élixir d’immortalité en advient.