jeudi 3 mars 2011

Les vanités au XVII° siècle.

C’était au temps de l’effervescence intellectuelle, scientifique, religieuse, le moment aussi du retour sur soi, vers l’essentiel. La méditation sur la destinée débouche sur une seule certitude : la mort. Le savoir devient relatif; lorsque la science se développe, la douleur croît-elle ? L’univers de Ptolémée disparaît, et le passé se redécouvre : il y avait donc un monde avant le christianisme. L’apprentissage du grec n’est plus une hérésie. La complexité amène son lot de scepticisme. L’église qui organisait le savoir est remise en question. Aller contre les dogmes met en lumière la faiblesse de l’homme et sa nature misérable: reste à trembler ou à s’emmitoufler dans les plis du baroque.
Jean Serroy, aux amis du musée, a amené l’Ecclésiaste : "Vanité des vanités, vanité des vanités, tout est vanité." Il lira au cours de la soirée des extraits de poèmes qui accompagneront la présentation de tableaux avec très souvent un crâne en motif principal.
« J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir. »

Jean de Sponde
Le monde est illusion, tromperie, leurres, tentations et masques ; la seule constante : la mort.
Les natures mortes portant les symboles de la futilité des activités humaines vont se multiplier : « mémento mori » (souviens-toi que tu mourras). La religion protestante a beau être iconoclaste, ce genre de tableaux se développera dans le nord de l’Europe. Bien que là bas l’art puisse être considéré comme une manifestation de l’orgueil humain (hubris), la bourgeoisie cherchera à séculariser les peintres. Alors qu’en terre catholique où la religion utilisera les toiles pour séduire, édifier les fidèles, les "bambochades" qui reproduisent des scènes populaires s’adaptent au format des poches de selles des voyageurs.
Philippe de Champaigne place une tête de mort aux orbites qui vous engloutissent dans l’obscurité entre une fleur qui commence à faner et un sablier.
Autour d’une reine du ciel monochrome de Yan Van Kessel s’accumulent les symboles des vanités : bannières, livres, sculptures, instrument de musique, du vin…
Le vent passe sur d’autres tableaux et a déréglé les mécaniques, les colliers glissent depuis la table et toujours un crâne plante ses dents dans le livre des connaissances.
Une allégorie de la fortune de Karel Du Jardin magnifie les bulles de savon volatiles qui se retrouvent dans d’autres sujets pour signifier la fragilité. Vivre, c’est mourir : tout s’écoule, se consume. Un artiste peut se représenter à la parade, jusqu’à personnifier le vaniteux, un autre peindre un fumeur, ou un tricheur: l’innocence se perd, la passion est trompeuse et le doute de l’utilité de la transmission du savoir se met en scène. L’amour s’endort sur une boite crânienne. Le rideau s’ouvre sur une jeune fille qui enlève son bouquet de fleurs d’oranger devant un miroir, celui où Madeleine repentie de De La Tour ne verra plus que le reflet d’une veilleuse. Elle a renoncé aux plaisirs du monde comme Saint Jérôme.
« Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse. »

Jean de Sponde
La palette n’a pas soumis la mort, mais les images de ces années lointaines peuvent souligner nos vaines agitations. Bien peu portée à voir au-delà de la prochaine échéance électorale, notre inconscience, en ce siècle pourtant si sachant, nous mène, à la consumation accélérée de notre planète, sans pitié pour nos enfants et leurs petits.

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