lundi 21 avril 2014

My Sweet Pepper Land. Hiner Saleem

Le Bon, la belle et le potentat.
Western en territoire kurde avec la belle Golshifteh Farahani
Nous faisons connaissance avec un pays où la loi a du mal à s’installer quand les kalachnikovs sont plus nombreuses que les livres de lecture. Les codes du western sont adaptés pour traiter de grands sentiments entre l’intègre et courageux commandant nouvellement nommé et une institutrice qui ne compte pas obéir à la coutume en ces terres où règne un seigneur de guerre corrupteur.
Sans tomber dans la parodie d’un genre traitant de sempiternelles histoires passées, cette promenade dans des paysages bien filmés comporte des moments drôles et actualise les dilemmes éternels où il est question d’honneur et de liberté.
« Peper Land » est le nom d’un bar dans ce village aux confins de l’Irak, aussi surprenant que des musiques américaines qui accompagnent l’action, quoique. Il n’y avait pas de quoi s’exciter sur l’hégémonie des titres en anglais comme je m’y suis risqué à priori.

dimanche 20 avril 2014

Deux rives, un rêve. Idir.

Je viens d’écouter ce CD qui date de plus de 10 ans, d’un artiste dont  je découvre qu’il était le créateur de la berceuse kabyle « Vava Inouva » http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=OMUFzzcKLgA
Le titre ne me disait rien mais la mélodie célébrissime ne s’oublie pas depuis 30 ans qu’elle parcourt le monde.
Deux rives : il est de la génération qui a pu passer au-delà des rivalités, non sans lutte au sein d’une minorité devant jouer des ouds pour être entendue.
« Elle est survolée par des « aéroplanes »
Qui transportent ses enfants
Chassés par la rocaille, les ravins
Et les ronces… »
Il a collaboré récemment avec Akhenaton, Grand corps malade, cette fois là, c’était avec Goldman et  Alan Stivell, il chante Tizi Ouzou sur la musique de « La maison bleue » de Le Forestier et sa reprise des « Trompettes de la renommée » de Brassens vaut son pesant de pistaches.
«  Je ne creuserai pas ma tombe
En jouant de ma langue
Flûte alors »
Quelqu’un qui  a dit  récemment:
« Imam, prêtre, rabbin se serrent la main autour d’un Dieu unique, puis se querellent sur le Prophète. Trois livres pour un seul Dieu, c’est trop » est courageux, alors que c’était assez banal il y a peu. Et il ne peut être mauvais.
Avec lui, en précurseur, la « world music » dépasse le concept marketing, et devient un engagement humaniste qui ne manque ni de douceur, ni de ferveur.

samedi 19 avril 2014

Raconter la vie. Maylis de Kerangal Pierre Rosanvallon Robert McLiam Wilson

Au dou­zième Printemps du livre à Grenoble intitulé « Seul et ensemble », l’historien Pierre Rosanvallon http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/11/la-societe-des-egaux-pierre-rosanvallon.html  qui vient de lancer une collection dénommée « Raconter  la vie » était tout à fait à sa place, ainsi que ses comparses. Il a présenté cette entreprise « porte-voix ».
Le trou est béant entre le peuple et les politiques, qui ne l’a pas constaté ? Alors cette initiative éditoriale qui se veut lieu de lien social, vise à donner la parole aux « invisibles », invisibles d’abord à eux-mêmes.
En face quelle expression portent nos représentants, de qui sont-ils les porte-paroles ? Chez eux la parité a progressé, mais la diversité des groupes sociaux a régressé. D’avantage de femmes mais pas d’ouvriers, même au comité central du PC. Et ce n’est pas nouveau : des brochures sur « la malreprésentation » étaient écrites dès 1789. A l’âge de l’hyper visibilité factice (réseaux sociaux, téléréalité…), la société est opaque aux yeux d’une caste politique et médiatique dans l’entre soi, qui ne cherche même pas à savoir. 
« Raconter la vie veut contribuer à rendre plus lisible la société d’aujourd’hui et à aider les individus qui la composent à s’insérer dans une histoire collective. »
Quand un tiers des français vit dans l’année un moment fort : rencontre, séparation, perte d’emploi, réussite ou échec à un examen, comment rester sur des catégorisations sans dynamique, des généralités qui ne disent plus rien ?
« Pour « raconter la vie » dans toute la diversité des expériences, la collection accueille des écritures et des approches multiples - celles du témoignage, de l’analyse sociologique, de l’enquête journalistique et ethnographique, de la littérature »
Parce qu’ « écrire agrandit le regard », ces livres et ce site web appelés à se multiplier, visent à faire vivre une « démocratie narrative ».
Il s’agit de regagner de la confiance face aux stéréotypes: opposer le réel à des visions fantasmées, agressives. Le récit de la vie quotidienne autour d’une mosquée  peut contrer bien des appréciations globalisantes.
Par exemple dans un livre de la collection à 5, 90 €, «  Les courses ou la ville », on demande au livreur de capsules « Nespresso » de ne croiser le regard de personne car cela dévaloriserait la marque !
L’irlandais Robert McLiam Wilson nous apporte un air venu hors de l’hexagone, en regrettant la faveur du mot anglais « chav » qui signifie « racaille beauf » avec un mépris, y compris de la gauche, qu’elle ne se serait pas permis avec des minorités ethniques, mais là il s’agit de blancs. Il jette un regard sans concession sur le 6°arrondissement de Paris, quartier de la classe médiatique, monocolore comme certains quartiers de Johannesburg au temps de l’apartheid et nous rappelle une émission «Benefits Street» (la rue des allocations familiales) retransmission de téléréalité aux effets ravageurs.
Maylis de Kerangal, la romancière, écrira à propos d’un cuisinier, après Annie Ernaux sur les Supermarchés http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/04/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie.html . Elle qui travaille plutôt dans la fiction « polyphonique, omnivore », ne souhaitant pas que la littérature se soumette au réel, est pourtant investie dans cette entreprise. Attachée à traduire des trajectoires individuelles, elle signale l’importance de sa présence à une opération d’implantation d’organe qui a pu infuser dans tout son dernier ouvrage.
Dans la lignée de tentatives du XIX° siècle autour de Balzac, l’auteur de « la comédie humaine », avec des brochures  de 8 pages qui traitaient aussi bien des rentiers que de la condition carcérale, Rosanvallon & compagnie comptent bien multiplier les styles pour capter les mouvements, sortir des pétrifications, livrer des représentations sensibles plutôt que des discours sur la tolérance, quand on ne sait pas grand chose du travail de ceux qui nous apercevons sur le quai d’une gare, où au fond d’un abattoir. 

vendredi 18 avril 2014

Ecrans à cran.

Parmi toutes les images utilisées pour décrire la déroute du PS aux dernières élections le mot « claque » est le moins adapté à mon goût. Il est certes dans le ton de notre époque énervée mais ne rend pas compte d’un mouvement venu de bien plus loin et plus durable que le temps d’une paire de dimanches en avril 14.
Touchés au cœur d’une légitimité qui maillait le territoire, les élus locaux sont concernés en première ligne et responsables. Les cumulards de fonctions à vocation sénatoriale entourés d’une camarilla d’obligés ont remplacé le projet par la stratégie, les idées par la magouille, le courage se dissolvant vite à la veille d’une élection, et c’est toujours la veille.
Le réflexe habituel de reporter l’échec sur les autres, place Hollande sur le devant puisque sous la V° tout procède d’un seul homme, normal.
Mais je crois que son impopularité présente ne tient pas tant en la teneur des mesures annoncées que d’avoir minimisé leur urgence : retraites, dette.
L’élection de démagogues, la reconduction de voyous, l’indifférence ou les colères dévoyées de citoyens révèlent la difficulté de transmettre des valeurs humanistes quand l’exemplarité se débine.
Et retour sempiternel à l’école : dans cet univers à tendance hystérique, si les enfants rois  tournent à la caricature c’est qu’ils descendent d’une génération reine, celle qui fait la moue face à chaque décision, quelque soit son sens. Alors vous reprendrez bien un petit référendum pour que rien ne change.
L’école, où le moindre effort est banni, a parfois bien du mal à cultiver la curiosité, à amener vers des découvertes de ce qui est étranger à des individus formatés par les familles sur la défensive et les modes remplissant les vides. La relation prof /élève peut s’apaiser dans la relation individuelle mais se voit perturbée dans le brouhaha ambiant jusqu’au mutisme : restent les machines.
«L’écran, qui envahit tout, est lui-même envahi par une nouvelle caste dominante qui se croit libérée des préjugés bourgeois, alors qu’elle s’est affranchie de tout scrupule et dont les goûts, la langue, la connivence régressive, l’hilarité perpétuelle, l’obscénité tranquille et le barbotement dans la bassesse témoignent d’un mépris souverain pour l’expérience des belles choses que les professeurs ont la charge de transmettre. Il est toujours difficile de résister à ce déferlement» A. Finkielkraut.
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Dans le « Canard » de cette semaine :

jeudi 17 avril 2014

« La Pointe et l'ombre ». Musée de Grenoble.

A la suite du professeur Etienne Brunet, nous nous approchons des dessins nordiques présentés jusqu’au 9 juin au Musée de Grenoble.
Une pause bienvenue parmi les installations parfois tapageuses, les monumentales exhibitions, les  sollicitations tonitruantes.
Ici les personnages sont si petits, les papiers si fragiles, les touches à la sanguine si légères, les rehauts de blanc si décisifs, les choix si subtils que nous sommes aussi dépaysés que si nous avions suivi les rails vers quelque café d’Amsterdam aux effluves rieurs.
J’aime ces taches, ces plis, où la maturité des artistes se mesure dans un trait suspendu alors que le débutant appuie.
A la plume les rythmes forment une écriture, une pointe de lavis nous fait fondre.
Avant le Musée place Verdun, à l’emplacement du lycée Stendhal, il y avait  déjà un fond de dessins dont certains sont ressuscités à l’occasion de cette troisième présentation, ils en retrouvent d’autres dont nous apprécions la mise au jour.
Nous passons du genre enluminure moyenâgeuse, où s'ordonnent d'apaisants équilibres entre eau/ terre/ ciel, à des trouées qui permettent d’aller au-delà du premier plan, avec des arbres présentés frontalement ou amenés à la lumière pas des compositions habiles.
Sur l’un des dessins, l’étudiant Cornélius  ouvrira-t-il les yeux après que sa passion d’un soir lui eut présenté dans ses bras de jeune maman le fruit de ses abandons ? Sur un autre, Achille déguisé en fille au milieu des filles de Lycomède se trahit, il choisit une épée au milieu des tissus : c’est son genre.  De quoi réviser ou découvrir des épisodes de la mythologie ou de la bible :  la représentation du sulfureux Jéroboam n’est pas anecdotique dans ces contrées qui connurent bien des affrontements entre catholiques des Flandres et réformés de Hollande où des artistes même devenus protestants continuèrent à travailler pour ceux qui chérissaient les images. 
Au sortir de ces années furieuses, la fierté de vivre dans un pays où règne calme et harmonie transparait : vues typographiques, panoramas,  marines et forêts, paysages idylliques, commerce sur le Rhin, scènes du quotidien, animaux …
On se rend compte que finalement les ruines italiennes ne datent pas toutes de l’antiquité et que « ce que n'ont pas fait les barbares, les Barberini l'ont fait »  bien plus tard ; les vieilleries écroulées ont  parfois du charme. Par ailleurs si un trait est appuyé cette fois c’est que le dessin a du se faire à la lueur d’une bougie, notre guide nous rappelle tout ce que les couleurs des cubistes devaient à l’éclairage au gaz.
Avant d’arriver à l’autoportrait au chevalet de Rembrandt, un parmi les 40 peintures, les 30 eaux fortes qu’il fit de lui-même, nous traversons la salle consacrée à ses disciples virtuoses, rapides où  souvent se pressent un événement à venir.   
Cet acharnement à se représenter s’affronte à la difficulté majeure de la description du corps et ses « touches beurrées » nous parlent comme lorsque Courbet fumant sa pipe et fermant les yeux veut se montrer en « homme désillusionné des sottises qui ont servi à son éducation et qui cherche à s’asseoir dans ses principes », comme il le dit lui-même.
Lors d’un relevé de biens  lors d’une faillite, chez Rembrandt Harmenszoon van Rijn, un christ « d’après nature » fut répertorié.
Nous pouvons continuer à chercher la figure de l’homme et de ses fils.

mercredi 16 avril 2014

6 mois. Printemps été 2014.

" En Irak le problème, ce n’est pas que nous n’ayons pas fait une grande image comme au Viet Nam, c’est que nous en avons fait trop. "  La réflexion est du reporter M. Kamber dont on retrouve un entretien consacré à la guerre et des clichés au cœur de ce numéro 7 de la revue bisannuelle consacrée aux photographies sur 300 pages.
La diversité est  toujours là, depuis les reportages autour de l’appel du Nord en Russie
- dans une ville où des pionniers exploitent le pétrole et le gaz
- ou dans une autre colonie parmi les endroits les plus pollués au monde qui se souvient du goulag,
- en suivant des chasseurs de défenses de mammouth  plus accessibles maintenant avec la fonte du permafrost.
Au Viet Nam, l’hôtel président devenu vétuste reçoit les dignitaires du régime qui ont succédé aux américains,
- en Italie le théâtre permet aux esprits de s’évader de la prison
- et en Espagne une famille s’occupe avec amour de ses trois adolescents autistes,
- dans des collines du Rwanda nous rencontrons des rescapés des massacres.
La série de photographies ensoleillées des Maramures en Roumanie au moment des foins réveille des odeurs d’enfance, seront-elles regardées un jour comme un sujet d’exploitation comme dans les archives américaines où les enfants travaillaient très tôt dans les filatures et les champs ?
L’album de famille vient cette fois de Corée et la photobiographie est consacrée à Bruce Springsteen.

mardi 15 avril 2014

Les gosses 9. Carabal.

Cet album  intitulé« Mais pourquoi tu t’énerves ? » vient après «  C’est qui qu’a prouté ? » : humour familier à tous ceux qui vivent avec des enfants ou des petits enfants : c’est gentil, vite lu.
Déjà chroniqué sur ce blog http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/12/les-gosses-carabal.html, il fait bon retrouver les parents et leurs deux garçons complices et drôles. Rien d’exagéré quand pour remplacer l’expression : « tu vas te les peler » qui ne convient pas à maman, l’un d’eux sait bien que « ça fait nul de dire tu vas avoir froid aux testicules ».
Les enfants sont dessinés dans le style Bretécher, ils auraient gagné en tendresse à ne pas posséder un nez aussi porcin, mais les situations bien observées sont traduites efficacement avec le vocabulaire approprié à chaque génération où les anciens n’oublient pas leurs prérogatives et où les enfants sont des enfants.