mercredi 15 mai 2013

L’oiseau qui avait enterré sa mère dans sa tête. N’Fassory Bangoura. Philippe Geslin.



Au 15° festival « couleurs d’Afrique » à Saint Hilaire de la Côte, j’ai acheté plusieurs livres dans ce qui était alors la plus grande librairie africaine de la région tenue par le « Baz’ art des mots » de Hauterives.
Le titre de cet ouvrage provient d’un conte où il est dit que le premier animal ne pouvait pas se poser sur terre.
Les 140 pages écrites aux éditions Ginkgo par un ethnologue suisse et par un paysan sosso décrivent la vie d’un village construit dans la mangrove aux alentours de Conakry.
« Sanfoui a préparé le lieu de cuisson du sel à Wondevolia, à proximité de la digue.
 Il a ramassé la poussière.  Il a commencé à cuire le sel dans le bas-fond, auprès du champ de manioc. Il a mis trois bâches. Mais toutes les bâches n’ont pas eu le temps de donner du sel. »
J’ai commencé par les écrits du paysan-saunier, parfois répétitifs comme une mélopée pour dire les jours de sel, de riz, de travail.
 « J’ai eu de bonnes relations avec les étrangers, j’ai eu l’esprit. Tous les hommes sont bons, mais chacun a son esprit. Si tu sais cela, tu peux travailler pour tous les hommes. On ne peut pas dire que tous les hommes sont mauvais, non. »
Des photographies en noir et blanc témoignent aussi de ses vies très rudes.
« Les hippopotames ont disparu, trop chassés, trop consommés pendant des siècles. Le bruit court parfois d’une silhouette pataude rencontrée. Les rumeurs circulent, mais personne ne se souvient d’en avoir vu. »

mardi 14 mai 2013

Les petits ruisseaux. Rabaté.



« Vivre seul, se lever avec le soleil, se coucher avec les poules, ça va un moment. Et puis ça mine. Moi j'ai envie de me coucher avec une poule et de me réveiller avec une poule, pas une à plume, tu m'avais compris. »
A la pêche, au bord de la rivière, deux vieux copains ont du temps pour parler, cependant ils ne s’avoueront que petit à petit leurs secrets qui les sortent de la routine d’une retraite à la campagne.
Regard tendre sur la vie amoureuse de deux veufs respirant une santé, qu’ils savent éphémère.
Suivant l’exemple de l’un, la gourmandise va venir à l’autre. Avec une petite voiture sans permis, retour aux sources et coup de jeune.
La douce verdeur des amours valétudinaires aurait pu glisser vers la noirceur, mais il s’agit d’une douce comédie qui aime ses personnages.
J’avais connu le dessinateur plus expressionniste et noir dans la série Ibicus qui l’a porté au pinacle des auteurs de BD,  mais son humanisme donne ici toute sa mesure dans cette chronique poétique.
Il a adapté cette histoire au cinéma avec Daniel Prévost et Bulle Ogier,  je préfère m’en tenir à la version dessinée, laissant plus de liberté.
Il a aussi agrémenté de dessins, « Bien des choses », des écrits de François Morel ; ils doivent bien aller ensemble. Je m’aperçois que j’avais vu au théâtre cette compilation de cartes postales hilarantes et émouvantes et j’avais adoré.

lundi 13 mai 2013

L’écume des jours. Michel Gondry.



Du livre de Vian me restait le souvenir d’une atmosphère baroque et je m’étais dit que Gondry le bricoleur magique était  tout désigné pour porter l’œuvre culte à l’écran.
Le cinéaste est fidèle à la gentille fantaisie de l’après guerre à Saint Germain,  quand la gravité a l'élégance de se cacher sous les blagues d' une adolescence qui n’en finirait jamais. De surcroit, après un coup d’œil à Wikipédia,   je pense qu’il respecte le roman à la lettre. En apportant sa fantaisie il redonne de l’actualité à ce livre mélancolique désormais patrimonial.
« Les gens ne changent pas. Ce sont les choses qui changent. »
Les personnages saugrenus auraient gagné peut être à être joués par des acteurs qui n’ont pas la notoriété de Duris, de Tautou, de Sy, alors que les apparitions de Chabat et Torreton nous ravissent.
La poésie est là avec un goût  jazzy, mais la légèreté est fugace, la mort est  tapie sous les fleurs, Partre Jean Sol meurt le cœur arraché.
L’inventivité à chaque plan nous réjouit sans être gratuite et par exemple les images du monde du travail évoquent Métropolis sans s’appesantir.
Pendant plus de deux heures nous sommes dans une fiction rétro, très actuelle en fait, et quand les artifices montrent leurs ficelles c’est encore plus fort :
le nuage des deux amoureux est suspendu par une grue au dessus de Paris.
Ce conte délicat habite le domaine du merveilleux avant que la vie rêvée ne soit fauchée à la fleur de l’âge.

dimanche 12 mai 2013

Mémory.Vincent Delerm.



Dans la famille Delerm, je demande tout le monde.
Contemporain du père et complice de ses sensations, j’aime suivre le fils dans tous ses retours sur images trépidantes, parce que nous pouvons éprouver dans une journée bien des âges : parfois vieux comme un pré, à d’autres moments benêt comme un ado ; couturé tout le temps quand même.
Le cinéma est  très présent dans son spectacle d’une heure et quart avec la voix de Woody Allen en ouverture et le blanc visage de Buster Keaton pour conclure ; le Super 8  sur un drap et le choix d’une séance qui décevra forcément les pauvres phantasmes adolescents. Pour la comédie, il a été briefé par Macha Makeïef, alors avec quelques chansons légères d’une voix moins nasillarde, le spectacle est total, sans prétention.
Nous passons un moment agréable et émouvant : il ne recule pas devant la citation inévitable d’ « Avec le temps », puisqu’il est question du temps, en italien par Léo, « cheval fourbu ». 
Le compère Nicolas Marthureau qui joue de plusieurs instruments ajoute à la fantaisie.
Au rappel, une reprise sur l’air de « C’est magnifique » de toutes ces petites notations qui font la saveur de la vie : une bougie d’anniversaire qui se rallume, le poignet en éponge pour essuyer la sueur, les rideaux à franges en plastique…  La mélancolie, la nostalgie passent si bien avec l’humour, la légèreté, même si de toute façon « tout le monde s’en fout » puisque ce n’était que de la mode. « Je vais mourir demain matin »  est drôle.
Les cruels rires enregistrés sont bien vus quand la province est évoquée, mais n’insistent pas.
Il y a eu aussi la Rue des Rosiers.
Il est nécessaire d’avoir tous les codes : ainsi il faut savoir qu’il avait chanté aux Bouffes du nord avec Lhasa une chanteuse américano-mexicaine qui vient de mourir pour tout saisir du duo avec la bande son.
« C’est nous qui l’avons changé
En quelques heures
A l’œil nu c’est compliqué
De voir les sept erreurs
Le reste n’a pas tremblé
Dans cette affaire
Rien ne sera recensé
Sur l’échelle de Richter
Pas le mur, le couloir de l’entrée
Les fissures, le papier peint déchiré
Pas le bruit, le parquet de cinquième étage
Pas la nuit, les pieds nus sur le carrelage »

samedi 11 mai 2013

Sur la route du papier. Erik Orsenna.



Troisième « Petit précis de mondialisation » : après l’eau et le coton, l’académicien nous raconte l’histoire du papier, soupe primordiale, qui une fois séchée concerne tout lecteur, fut-il intéressé par les tablettes.
Dans son périple où il sait rendre hommage à ses sources, à ses guides et n’omet pas de signaler si elles sont mignonnes, nous passons de la Bretagne à la Chine, dans les forêts du Nord, à Grenoble :
« Chaque fois que le découragement vous prend, chaque fois que vous perdez confiance en votre vieux pays de France, rendez-vous à Grenoble. L’avenir vous y attend. »
Le « grouillot de Mitterrand » aborde pédagogiquement les aspects techniques enrichis de rencontres humaines : depuis les chiffons à la cellulose du bois jusqu’au recyclage qui atteint 60% de la production actuelle des papiers nobles en diminution, quand celle des emballages et papiers hygiéniques augmente.
Il est question bien sûr d’histoire avec la drave, le flottage des billots sur les fleuves canadiens « Ça commence au fond du lac brûlé,
Alentour du huit ou dix de mai.
La mort à longues manches,
Vêtue d’écume blanche,
Fait rouler le billot
Pour que tombe Silvio » Félix Leclerc
et de passions dans les Landes, au Japon, en Italie, de matières précieuses.
L’avenir se dessine : inquiétant en Indonésie, puissant et maitrisé en Finlande, en Suède,  au Brésil, recyclant en Inde, créatif au Portugal.
Cet ouvrage de « gai savoir » qui nous mène également à l’Office central pour la répression du faux monnayage pour un hommage aux artistes, est l’occasion de belles histoires comme ces enfants qui ont continué la collection d’une petite fille morte des suites de la bombe d’Hiroshima qui pensait qu’elle serait guérie si elle arrivait à plier mille grues en origami.

vendredi 10 mai 2013

« Les coupables de la crise : les pauvres et les immigrés… les 35 h »



Il est là derrière la porte qu’il secoue!  Plus impatient que jamais, il ne se rase plus,  Le Figaro sous le bras, une opinion sans  mémoire dans son sillage, flattée dans ses égoïsmes les plus rudimentaires, sa brutalité la plus primitive.
Le Cynique Barjot, de quoi est-il le nom ?
Diderot est si loin : 
« il n’y a qu’un devoir : c’est d’être heureux, il n’y a qu’une vertu : c’est la justice. »
Que les riches se gavent, ce n’est pas un problème, parfois même dans l’idée de gens modestes, et que notre société permette à tous de bénéficier de soins de santé avec la CMU défrise même de très chrétiens citoyens.
Pourtant que des personnes puissent vivre plus dignement ne leur enlève rien comme les homosexuels pouvant accéder à de nouveaux droits ne le font au détriment de personne…
Devant la persistance de certaines affirmations désormais banales remettant en cause le troisième terme de notre triade républicaine, je suis allé chercher chez ATD quart monde quelques chiffres en évitant les arguments moraux guère audibles en cette  période où Cahuzac rejoint Guérini  comme un boulet de plus dans notre sac à dos.
Les pauvres:
La fraude aux prestations sociales est évaluée à environ 3 Milliards €
et concernerait 1 % des particuliers, 90 % de ces 3 milliards sont récupérés.
C’est à comparer avec la fraude aux prélèvements sociaux par les entreprises,
évaluée à 14 Milliards € et qui concernerait 10 % des entreprises
et avec la fraude fiscale, évaluée en France à 50 Milliards €
par la Commission Européenne.
En 2013, le RSA est à 483 € pour une personne seule.
La moitié des personnes éligibles au RSA n’en fait pas la demande.
Les étrangers :
L’immigration coûte chaque année 48 milliard d’euros à la France en prestations sociales, mais elle rapporte 60 milliards d’euros en impôts et cotisations sociales.
Quant au couplet sur les français fainéants, dans Alternatives Economiques :
« Il ne faut pas confondre durée légale du travail et durée effective. Les Français sont parmi ceux qui travaillent le plus en Europe, et notamment plus que les Allemands ! A cet égard, comme l’avait bien souligné le député PS Pierre-Alain Muet, les 35 H n’ont représenté qu’un rattrapage vis-à-vis de l’Allemagne qui travaillait alors moins que nous. Mais, depuis, la durée du travail n’a cessé de diminuer en Allemagne tandis qu’elle augmentait chez nous » Le travail à temps partiel est très répandu chez Angela.
Pourtant ce n’est pas sûr que des arguments qui viseraient à un peu de discernement soient entendus dans ces débats où tant jouent aux cons.
De surcroit, venant de notre camp, les rodomontades de ceux qui sont parmi les plus fervents défenseurs des exclus, telles que «  nous on sait faire ! » s’avèrent bien improductives.
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Les temps sont sauvages : un enfant de quatre ans tue sa petite sœur avec le fusil qu’il a reçu pour son anniversaire.
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Dans le Canard de cette semaine :
« Hollande condamné à deux ans avec sursaut »
à propos du sursis de Bruxelles pour réduire les déficits.

jeudi 9 mai 2013

Desports. Numéro 1.



Il parait que « desport » est un vieux mot français qui signifie: « divertissement, plaisir physique ou de l'esprit ».
Dans le genre « mook », nouveau mot  alliant books et magazines qui poussent à la suite de XXI comme champignons sur le terreau d’une presse en décomposition, ce livre de 290 pages est cartonné ainsi qu’un manuel de sciences naturelles des années 50.  
Le titre aurait pu être plus original  pour qui se met dans la roue de Blondin et d’Albert Londres, ravivé d’un zeste de « So Foot », alors que les têtes de chapitre : « à domicile », « balle au centre » « prolongations » sont prometteuses.
L’unanimité dans les éloges de Jean Jacques Bourdin à Médiapart me conduirait à « marquer à la culotte » celui qui se veut « le premier magazine de sport à lire avec un marque page ».
Les plumes sont prestigieuses : Maylis de Kerangal, Sépulveda, Pierre Louis Basse,
et les invités fameux : Pasolini, Moretti, Deleuze, Podalydès.
Le football, lieu de la nostalgie et de la politique, est privilégié, le cyclisme pas moins, dans un petit abécédaire belge excellent pour ceux qui savent que De Vlaminck n’est pas qu’un peintre ; il y aussi du saut de chameau au Yémen qui vaut son pesant de quat.
Si je n’ai pas accroché aux stratégies d’un entraineur de football américain, l’article sur l’importance  du hockey au Canada, est éclairant.
Des sujets tels que l'amitié entre Jesse Owens et son  blond rival allemand Luz Long ou le destin du premier boxeur noir champion du monde, Jack Johnson, rencontrant sur un ring Arthur Cravan, neveu d’Oscar Wilde sont intéressants. Le portrait de Jean-Marie Balestre qui régna sur le sport automobile et au-delà, nous renseigne sur de noirs réseaux qui furent influents dans  notre pays.