samedi 30 décembre 2023

Livres 2023.

Les fruits du myrobolan. « Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches. »
Un chien à ma table : un bon livre  en mains.
Au commencement du septième jour : la découverte  de Luc Lang, un auteur. 
A prendre ou à laisser : sourire autour de la fin de vie
Du côté de chez Swann : Enfin Proust. 

lundi 25 décembre 2023

Films de 2023.

Variété des regards :  
« Simple comme Sylvain » : à propos de l’amour au Canada. 
« Les herbes sèches »: la beauté, la rudesse en Turquie. 
Pour les sujets : 
« Sur l’Adamant »: l’accompagnement des malades mentaux à Paris.
« La colline »: la misère noire au Kirghizistan.
« Esterno note » : fresque politique italienne. 
........
Nino (10 ans) a retenu:
Princesse Mononoke
Aqua man 
Le dîner de cons
Pourquoi j'ai pas mangé mon père
Les fugitifs
Mia (12 et demi) a retenu: 
Titanic 
La vie scolaire 
Les trois mousquetaires (D' Artagnan et Milady)
Vintervïken
Si tu me venges
 

samedi 23 décembre 2023

Dictionnaire amoureux des écrivains français d’aujourd’hui. Frédéric Beigbeder.

Finalement des dictionnaires amoureux, j’en ai lus pas mal 
et malgré des dessins toujours aussi moches, la légèreté des rédacteurs convient bien à mes velléités d’exhaustivité.
Ayant choisi les auteurs que je connaissais, je n’ai pas lu les 281 notices allant donc, en ce qui me concerne, d’Angot à Zéniter.
Il est bon de partager les mêmes emballements hors des têtes d’affiche, par exemple pour Philippe Forest, ou des réserves, et même plus, à l’encontre de Tanguy Viel, voire de modérer des enthousiasmes envers une de mes chouchoutes : Maylis de Kérangal, ou d’apprécier des évolutions dans le jugement, Olivier Rolin.
Si le critique dandy, « Un cocktail, des Cocteau », ne se réserve pas de chapitre pour lui-même,  sa présence est assurément assumée dans ces 600 pages avec une subjectivité élégante en première ligne. 
Les coups sont retenus et le respect de mise, même si, relevé dans Babelio, l’absence de Sorj Chalendon est regrettable. 
« Les 54 719 absents frustrés auront le choix :
blâmer mon mauvais goût, se plaindre aux éditions Plon ou écrire de meilleurs livres. »
Placés dans une histoire brève de la littérature contemporaine où triomphent «  la victimisation politiquement correcte et la confession doloriste avec résilience finale » de stimulants logos sont distribués suivant les appartenances à des mouvements littéraires fantaisistes:
«  Les glauquistes apocalyptiques » avec Philippe Claudel, 
« Les américanisés » où figure Philippe Djian qui se retrouve aussi dans 
« Les écrivains cultes » avec Philippe Lançon et Patrick Modiano,
à distinguer des « Statues du Commandeur » pour entre autres J.M.G. Le Clézio 
ou auprès du « Plus grand écrivain français »: Michel Houellebecq ...
«  Nous nous proclamions voltairiens, camusiens, sartriens, nietzschéens ou surréalistes, nous sommes devenus chrétiens, musulmans ou juifs, suivant des dénominations précises, un martyrologe abondant et toutes les détestations qui vont avec. » Amin Maalouf

vendredi 22 décembre 2023

Tableaux Rossignol.

Au temps, d’avant le réchauffement climatique, où je connaissais la boue des cours de ferme, de belles images aux couleurs pastels destinées aux leçons de vocabulaire étaient affichées sur les murs des classes.
Ces planches pédagogiques et leurs variantes du nom de Madame et Monsieur Rossignol instituteurs, parmi d'autres éditeurs, tapissent aujourd’hui les brocantes.
Leurs scènes paisibles et proprettes se sont poursuivies pour mes enfants dans les images de Pomme d’Api et me font préférer leur univers harmonieux à celui de la famille Adams.
Nous sommes nous leurrés avec de tels artifices, car nous avons appris, depuis que nous avons cassé nos lunettes roses, que la nature humaine est  plutôt noire ?
Nous aimerions cependant nous dire que ces jolies années, quand les fleurs se penchaient au dessus des fontaines, n’ont pas été complètement mensongères et peuvent même se retrouver avec une intensité décuplée dans une flaque au bout de rues jonchées de seringues et de crottes de chien. 
« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement. 
 Et cependant c’est la plus grande de nos misères. » Pascal.
Face aux horreurs orientales et à l’effondrement occidental, le déni est une tentation, alors que les trompe-l’œil se sont multipliés sur les murs de nos villes et que nous nous cachons  derrière des écrans en tous genres.
Qui peut prétendre résoudre des problèmes en des milieux désertiques abandonnés par la raison quand les plus fins connaisseurs ne croient même plus à la solution à deux états ?
Pas tous les israéliens ni les palestiniens ne veulent jeter les autres à la mer, pourtant le slogan explicite « Du fleuve à la mer... » affiché dans des universités appelle à l'intensification des massacres .    
« Le père Noël est une ordure » a marqué dans un sourire crispé la fin des mythes, Dieu était mort chez l’homme blanc, sa femme, ses descendants. Et la parole politique s’est abimée dans les sarcasmes de marionnettes que nous avions prises pour argent comptant.
Ces images rêvées, ces rigolades constituaient donc un rideau occultant de saumâtres rivières, de méphitiques atmosphères.
Une fois que nous avons trié consciencieusement nos déchets, nous n’assumons pas nos rejets que ce soit  notre souffle, nos flatulences, une boite de sardines ou le produit de notre paresse, de nos renoncements. La moindre contrariété révulse bébé-roi, papa et papi-rois, nous ne savons pas voir la violence et la mort même si s'esthétisent volontiers ordures en tas dans les FRAC et issues fatales en vidéo-game.
Les pensées se sont retournées : nous pensions être devenus indifférents à la couleur de peau, à l’orientation sexuelle. Maintenant des femmes excluent les hommes de leurs réunions et les noirs tiennent à leur ghetto comme certains riches.
Les actes ne comptent plus, seule l’identité compte.
Les faits ne comptent plus, seul le buzz compte.
Le mérite est vilipendé, l’indifférenciation souhaitée lorsque les cultes du moi se juxtaposent.
Parmi les déplorations envahissantes de mes rubriques blogueuses, il m’arrive de sourire comme Sisiphe quand Guizot à la fin de la monarchie de juillet 1848 regrettait:  
« Les vrais moyens de gouvernement ne sont pas dans ces instruments directs et visibles de l’action du pouvoir. Ils résident au sein de la société elle-même et ne peuvent en être séparés. La société humaine n’est pas un champ que vienne exploiter un maître ». 
Lui, dont Victor Hugo disait : 
« Il me fait l’effet d’une femme honnête qui tiendrait un bordel ».

jeudi 21 décembre 2023

Peindre les faits divers de la Renaissance. Alexis Drahos.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble aborde la Renaissance par son versant sombre, loin des harmonies et des beautés de la période, dans diverses contrées d’Europe. 
A Venise, le nouveau doge arrivant sur son navire, le Bucentaure, accoste à cause du brouillard devant le lieu des exécutions capitales et non devant son palais. 
Cet augure néfaste se vérifiera en 1355 :  
« Exécution du doge Marino Faliero » par Eugène Delacroix.
Au Portugal, « Le Couronnement d'Inès de Castro » par Pierre-Charles Comte est celui de « la Reine morte » assassinée par son beau père, déterrée par Pierre 1er son mari. 
Les nobles doivent lui rendre hommage.
En France, Charles VI, sujet à des crises de démence, tue quatre personnes de sa suite « Charles VI effrayé dans la forêt du Mans » Antoine Louis  Barye.
Lors d’un charivari organisé  par sa femme Isabeau de Bavière pour le distraire, son frère approche des danseurs une torche qui enflamme quatre d'entre eux :  
« Bal des ardents » par le Maître d'Antoine de Bourgogne.
Il se croyait fait de verre, mais les tentatives d’exorcisme n’y feront rien 
« Exorcisme de Charles VI, par deux moines augustins » par François-Auguste Biard,
pas plus que la présence de sa maîtresse choisie par Isabeau,
Odette de Champdivers qui aurait inventé le jeu de cartes.
Son frère Louis 1er ( Louis d'Orléans) est assassiné par les hommes de Jean sans peur duc de Bourgogne: «
La Mort menaçant Louis d'Orléans à genoux» 
d'après une fresque disparue de la chapelle des Célestins à Paris.
Le premier tableau en style « Troubadour » de Fleury François Richard représente sa femme «Valentine de Milan pleurant la mort de son époux ».
Charles d'Orléans, son fils, fait prisonnier à Azincourt, reste 25 ans dans la tour de Londres, 
il aura tout son temps pour écrire rondeaux et ballades. 
« Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderies,
De soleil luisant, clair et beau. »
Il a commandité l’ « 
Assassinat de Jean sans Peur » 
(Chronique d'Enguerrand de Monstrelet). 
La guerre civile est déclarée entre Armagnacs et Bourguignons alliés des anglais 
pendant la guerre de 100 ans.
Mais Jeanne d’Arc  arrive... 
Après la guerre de 1870, la jeune lorraine née en 1412 fut remise à la mode.
Avec Bastien-Lepage, elle figure parmi les saints qui se sont adressé à elle.
Gilles de Rais avait combattu à ses côtés, devenu oisif, il va être déclaré coupable et exécuté pour d’innombrables rituels meurtriers et sadiques à l’encontre d’enfants.  
Vincent Cassel l’incarne dans le film de Luc Besson en 1999.
Le décès mystérieux d’Agnès Sorel, « Portrait d'Agnès Sorel » d’après Jean Fouquet, la maîtresse officielle de Charles VII serait un « cold case » persistant malgré la découverte en 2005 d’une quantité de mercure très importante dans ses cheveux. 
Le futur Louis XI la détestait.
Le roi de France était impitoyable,  
« Louis XI visitant le Cardinal La Balue dans la cage de fer » appelée « Fillette », 
pendant 11ans, il ne pouvait se tenir ni debout, ni couché, 
il avait fait alliance avec Charles le Téméraire.
En Espagne, une des trois Isabelle de Portugal, jalouse de l'influence du connétable Alvaro de Luna a contribué à sa condamnation à mort avant de se repentir et de sombrer dans la folie :  « La loca de Arévalo » Pelegrín Clavé.
En Valachie (Roumanie), Vlad III, surnommé « l’Empaleur » ou Drăculea (« fils du dragon »)  inspira le personnage de Bram Stoker, le vampire Dracula,  
« Vlad Țepeș dînant devant une « forêt de pals » Chroniques de Brodoc.
En Italie, De Vinci a été emprisonné mais a échappé à la peine de mort qui menaçait les homosexuels, il a dessiné  « Bernardo di Bandino Baroncelli pendu par le cou » 
qui avait assassiné Julien de Medicis, lors de la conjuration des Pazzi.
Carlo Crivelli
,  peintre de la
« Madone Huldschinsky », quant à lui, s'est retrouvé au cachot suite à la séquestration de la femme d’un marin, pour « des relations charnelles  au mépris de Dieu et des liens sacrés du mariage » 
Savonarole a prononcé l’éloge funèbre de Pic de la Mirandole, symbole de la Renaissance par son érudition, empoisonné sans doute par les Médicis. 
Paul Delaroche, « L'enfance de Pic de la Mirandole ».
En Angleterre, dans le tableau des « Enfants d'Édouard » de Paul Delaroche, un rai de lumière laisse deviner le sort funeste d’Édouard V et du duc d'York, avant qu’ils ne soient trucidés par leur oncle, le futur roi Richard III.
Lors de la construction d’un parking, le squelette du tyran monstrueux, mort les armes à la main en 1485 lors de la guerre des Deux-Roses, a été exhumé par hasard en 2023   révélant une sérieuse scoliose.

mercredi 20 décembre 2023

Dom Juan ou le festin de pierre. Molière. David Bobée.

Curieux d’interprétations nouvelles, de la même façon que j’accepte que Gaston Lagaffe ou Napoléon soient revisités, je suis passé par-dessus les intentions « inclusives » et autres déclinaisons de « Meetoo » annoncées au programme.
J’ai été intéressé par cette version de 2h 40 de l’œuvre de 350 ans d’âge.  
 Molière résiste : je craignais le pire, il avait déjà eu lieu : 
Le metteur en scène  qui semble découvrir que Dom Juan est un vilain macho et même plus aime déboulonner les statues, alors il en met une à la renverse toutes couilles dehors sur le plateau. 
« Mais sache, fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions,que je saurai, plus tôt que tu ne penses, mettre une borne à tes dérèglements, prévenir sur toi le courroux du Ciel, et laver par ta punition la honte de t'avoir fait naître » 
En des scènes réussies de dialogue entre l’assassin du Commandeur et le pauvre, son créancier, sa mère en place du père … le directeur du Théâtre du Nord met en évidence ce qu’il annonce, en parlant de « l’épouseur » : 
« Le mensonge ne l’intéresse pas, il ne cherche qu’à détruire la vérité… »
Il y a bien quelques affèteries, clins d’œil et autres effets stroboscopiques, mais ces péchés véniels plaisent bien et si j’ai préféré le Sganarelle chanteur à l’acteur en faisant des tonnes, celui-ci allège les violents propos de son maître.
Charlotte danse très bien. Son  amoureux avec lequel elle parle en chinois, pour signifier la "glottophobie" (mépris des accents) du libertin, révélera une nouvelle inclination du séducteur en accueillant un fougueux baiser.
Cela fait beaucoup pour une pièce du patrimoine déjà très riche où Dom Juan n’est pas qu’un don Juan : son mépris des femmes va vers celui envers tous les hommes, violemment. 
Le portrait du cynique « trompeur » depuis Molière est tellement chargé que sa tirade contre l’hypocrisie est réconfortante, tellement juste et d’un courage bien au dessus des fausses audaces contemporaines. 
N’est-ce pas ceux « qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde » ?

mardi 19 décembre 2023

L’université des chèvres. Christian Lax.

Merci pour le cadeau en hommage à l’ancien instit’ que je fus, bon public dès qu’il s’agit de voir vanter l’école, même si cet album rassemble d'une façon un peu artificielle les partageux de savoirs.
« L'éducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde ». 
La formule de Nelson Mandela, écrite sur un tableau noir bientôt fracassé de Sanjar instituteur afghan qui ne peut exercer son métier à cause des talibans, aurait pu accompagner Fortuné, le colporteur en écriture se heurtant aux curés du côté de la vallée de l’Ubaye à l'époque de la monarchie de juillet
Mais depuis la loi Guizot, comme il fallait un brevet pour enseigner, ce seront les enfants de la tribu Hopi qui bénéficieront du savoir faire de l’émigré des Alpes de Haute Provence. 
Sa petite fille, journaliste dans les États-Unis de Donald Trump, où les massacres dans les écoles se succèdent, aura justement comme fixeur l’instituteur afghan empêché dont elle tombera amoureuse lors d’un reportage là bas. Devenu réfugié, il terminera tragiquement sa vie au pays de la NRA (National Rifle Association of America).
L'enseignement est difficile ou impossible dans ces lieux pas si éloignés dans le temps et l’espace, quand les écoles brûlent chez nous et que la terre devient plate pour certains.
Mais cette accumulation oblige le scénariste à des raccourcis qui m’ont rendu moins laudateur que dans sa postface, Pascal Ory, que j'apprécie comme historien, 
comme le dessinateur qui s’était déjà penché sur le sujet de la tradition affrontée au progrès.

lundi 18 décembre 2023

Fremont. Babak Jalali.

Film en noir, blanc, gris et plans plans fixes, au format carré, simple et reposant.
Prix du Jury du Festival du Cinéma américain de Deauville.
Fremont est une ville de la banlieue de San Francisco où réside une forte colonie afghane.
Une jeune fille ancienne traductrice pour l’armée américaine avec des problèmes de sommeil rédige des messages à insérer dans des biscuits destinés aux restaurants chinois.
Le réalisateur d’origine iranienne vivant en Angleterre nous livre une histoire mélancolique et douce, sans méchant ni trompette moralisatrice.  
Nous partageons la recherche de l’ouvrière interprétée par une actrice non-professionnelle qui ne joue pas les victimes mais avance, sans qu’il soit besoin de faire appel aux mots « insertion » ou « diversité » s’éprouvant, se prouvant, plutôt que de se proclamer.
Elle veut tourner une page, un psy accro à Croc Blanc lui en livre quelques pages et permet d’apporter une note d’humour que je n’avais pas décelée.
Nous souhaitons à Donya, maintenant qu’elle nous est devenue familière, un avenir apaisé promis par un dernier plan crédible dans toute sa banalité.
Au guichet du cinéma chaque spectateur avait droit à son petit biscuit (« fortune cookies »), dans le mien j’ai trouvé la formule :  
« si  vous vous trompez vous existez ».

samedi 16 décembre 2023

Autour du monde. Laurent Mauvignier.

J’ai cru un moment à un exercice de style autour du tsunami de 2011 au Japon et puis j’ai été pris par la quinzaine d’histoires qui s’enchainent pendant 410 pages.
Elles s’interrompent pour démarrer au milieu d’une phrase passant de la Tanzanie à Rome, de Moscou à Paris, fondu-enchainés de nouvelles inachevées, garnis des désarrois, de rêves inaboutis d’hommes et de femmes souvent en voyage. 
« Quand on part si loin de chez soi, ce qu'on trouve parfois, 
derrière le masque du dépaysement, 
c'est l'arrière-pays mental de nos terreurs. » 
La littérature portée à ce degré d’acuité est un révélateur : 
« Même lui, face au spectacle d’un lever de soleil en pleine mer, est soudain moins banal. C’est comme si sa médiocrité révélait l’essence de quelque chose dont il serait un exemplaire parfait à défaut d’être unique - un homme gris, dans le matin gris, face à l’immensité. » 
Les personnages présentés souvent en recherche évoluent dans des mondes qui exaltent le plus souvent la beauté de notre terrible planète : 
« …alors elle se laisse porter au pays des merveilles et des songes éveillés - oui quelques jours d’un bleu léger et liquide comme la pureté de l’air, ce luxe facile et cette beauté devant elle, le lion de pierre, l’immense rampe sculptée dans le grand escalier et le détail de cette opulence, le silence moelleux d’une moquette épaisse d’un rouge profond… » 
Ce livre fort sans être accablant, grandiose et accessible, agile et chargé de toutes les nuances, émouvant et efficace, donne envie de tourner les pages au plus vite et de s’attarder.

vendredi 15 décembre 2023

Le niveau monte.

Les comportements les plus excessifs, même ceux que l’on déplore, nous influencent, 
ainsi je me retrouverais avec les complotistes qui adorent dénicher des liens entre les faits pour poser la question :
Y a-t-il une correspondance entre la montée de l’extrême droite et l’effondrement scolaire ?
Le RN a mis la main sur le drapeau tricolore et la laïcité. En face, des intolérants voudraient guider nos goûts et renvoient le mot travail à Pétain habillant toute objection de brunes chemises. La fille du détailleur était à la marche contre l’anti sémitisme et d’autres non.
Qui remet en cause la démocratie, qui discrédite le parlement ?
Les succès des « Onnouscachetout » naissent de l’inculture historique, du dédain de l’économie, de l’emprise de l’émotion sur la raison, de la haine des autres. Pourtant que de belles leçons, de beaux films, et tant de gentillesse chez nos conseillers pédagogiques.
Depuis tant d’années qu’on nous disait avec Baudelot et Establet, « le niveau monte » et il ne s’agissait pas du niveau des mers ! 
Avec PISA, nous avons pris fissa la pente descendante.
Cela n’influence guère les négationnistes de l’évaluation toujours mécontents du monde mais contents d’eux. J’utilisais l’encre rouge et considérais que l’erreur est féconde, on peut bien ne plus décerner des bonnets d’âne et aimer se situer, se connaître.
A tout dramatiser, on pourrait croire que le burn out s’inviterait dès la maternelle. 
Les notations se raréfient à l’école alors qu’elles deviennent omniprésentes dans la société : « balance ton prof », « note ton kiné ».  
Peut-on espérer que parmi tant de vaines paroles, celles qui disent la fin du «  pas de vagues » soient entendues ?
Parmi les mesures avancées, le recours au redoublement, peut signifier que chaque élève comprenne que l’investissement, le travail sont corrélés aux résultats. Cette mesure peut être utile s’il y a accord avec l’intéressé et la famille. Le brevet offert à tous n’est pour personne. 
L’illusion entretenue que tout le monde peut aller à la fac, comme si c’était un droit sans rapport avec les compétences, ne favorisera guère l’adhésion du désinvesti qui trouvera bien volontiers des compagnons de rigolade près des radiateurs, depuis qu’intello est devenu péjoratif. 
Les prudences d’emploi du mot « mérite » signent nos défaites françaises et la victoire des minables qui méprisent l’intelligence. Bien que discernement et culture soient dépréciés, le travail manuel n’est pas mieux considéré.
Peut-on parler de postes à faire miroiter, de métiers enviables, quand les loisirs dictent les calendriers ? Mais proposer de chauffer un siège dans un amphi pour contempler un horizon bouché relève de l’escroquerie. Sous couvert de non-discrimination, les frustrations vont s’aggraver au moment où sont oubliées exigence et sincérité.
L’allongement des études ne correspond guère à une élévation des compétences et des appétences. Les artisans ne sont pas les seuls à se désoler de ne pas avoir de relève. A la liste des métiers en tension, il convient d’ajouter la pénurie de main d’œuvre dans la cyber sécurité. Que font les gamers ?
Le Bourdieu mal digéré justifie les renoncements face à une fatalité sociale qui serait immuable. Mektoub! Les demandes de moyens  automatiques n’y pourront pas grand-chose : les dépenses pour l’éducation en France sont supérieures à la moyenne des pays de l’OCDE.
Décidément « Les héritiers » ! Les compagnons de Célestin Freinet qui après guerres avaient redonné la parole aux enfants se retrouvent-ils dans le silence des adultes de ce siècle ? 
« Un silence peut être parfois le plus cruel des mensonges. » Robert Louis Stevenson.

jeudi 14 décembre 2023

Les enfants de Saturne. Serge Legat.

« Il est morne, il est taciturne
Il préside aux choses du temps
Il porte un joli nom, Saturne
Mais c'est Dieu fort inquiétant »
Brassens
Depuis l’antiquité,
création et mélancolie sont associées à la planète aux anneaux qui influerait sur nos humeurs, 
Le conférencier, devant les amis du musée de Grenoble, distingue 
le XVII° siècle où les artistes transcendent « l’humeur noire » 
et le XIX° où avec Baudelaire, elle est « l’illustre compagne de la beauté ». 
Le « Bacchus malade », autoportrait du Caravage, celui dont Poussin disait : 
« qu’il était venu au monde pour détruire la peinture», bien connu des services de police, fut reconnu de son temps : condamné à mort, il fut gracié par le pape de façon posthume.
Dans la chapelle Cerasi, du nom du trésorier du pape, de l’église Santa Maria del popolo, sont installées, après avoir été rejetées, deux toiles monumentales:  
«Conversion de saint Paul » et un « Crucifiement de saint Pierre ».
Son ultime tableau, après tant de mises en scènes de décollations : 
« David tenant la tête de Goliath » le représente cette fois en Goliath. 
David, le bien aimé des hébreux, loin d’être l’athlète de Michel Ange, semble s’interroger.
Courbet, « qui ne se courbe que devant Courbet », la formule figurait sous une caricature excitée par sa gloire internationale, loin de la malédiction romantique qu’il aurait souhaitée.
à une tendre étreinte proche de sa « Sieste champêtre ».
Rodin
, ne voulait pas passer pour un artiste officiel, a été lui aussi victime d’attaques violentes, qui ont contribué à sa gloire. 
Il est accusé pour son « Age d’airain »
tellement vibrant, de l’avoir moulé sur un modèle vivant. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/05/rodin-jacques-doillon.html
« La porte de l’enfer »
destinée à un musée des arts décoratifs jamais installé, est la pépinière de ses sculptures prochaines.
Gauguin
né dans un milieu bourgeois  marié à « Mette-Sophie Gad » 
eut 5 enfants. 
« Je suis un grand artiste et je le sais. C'est à cause de ce que je suis que j'ai enduré tant de souffrances, afin de poursuivre ma vocation, sinon je me considérerais comme un coquin - ce que beaucoup de gens pensent que je suis, d'ailleurs. »
Il s’identifie aux persécutés : « Le christ au jardin des oliviers »
Sa maitresse de 13 ans : « Manao Tupapau » « pense au revenant »
Il ingurgite trop d’arsenic, vomit, rate son suicide. 
Sur sa tombe en Polynésie la version en bronze d’ «Oviri » (« sauvage » en tahitien) surmonte le corps d'une louve morte, .
Toulouse Lautrec
a tout pour être maudit : santé fragile et père se désintéressant de lui. 
« Le Comte Alphonse de Toulouse-Lautrec conduisant son mail-coach »
Sa mère, « La comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec » l’a soigné et
a détruit de ses œuvres qu’elle jugeait scandaleuses.
L’aristocrate
connut le succès, il aimait choquer le bourgeois en donnant ses rendez-vous au « Salon de la rue des Moulins » pour mettre dans l’embarras quelques prudes journalistes. https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/01/le-monde-de-toulouse-lautrec-gilles.html
https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/03/le-monde-de-toulouse-lautrec-2-gilles.html
Modigliani
de santé fragile, raccourcit sa vie dans l’alcool et les drogues, 
les liaisons orageuses avec « Beatrice Hastings »,
plus apaisées avec « Jeanne Hébuterne ». Enceinte, elle se suicidera le lendemain de la mort de son bien-aimé Amédéo.
Chaim Soutine
son ami, juif lui aussi, une boule de désespoir, 
avait connu une enfance horrible.  
https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/11/les-mousquetaires-de-montparnasse.html
J.M. Basquiat
, mort d’overdose, critique radical du marché de l’art, a été sanctifié plus tard.  « Notary » 
Après avoir, a connu une adolescence chaotique, il réalise son ambition de devenir Picasso.  
Depuis Raphaël le lumineux ou Rubens à la vie couronnée de succès, beaucoup d’artistes nous ont offert des perspectives magnifiques malgré les difficultés. 
Une vie détestable ne garantit pas le génie.
Van Gogh
, ne connut la notoriété qu’après son suicide, il écrivait à son frère : 
« Je pense à ce que dit Millet : Je ne veux point supprimer la souffrance, car souvent c'est elle qui fait s'exprimer le plus énergiquement les artistes. »