Au temps, d’avant le réchauffement climatique, où je connaissais la boue des cours de ferme, de belles images aux couleurs pastels
destinées aux leçons de vocabulaire étaient affichées sur les murs des classes. Ces planches pédagogiques et leurs variantes du nom de
Madame et Monsieur Rossignol instituteurs, parmi d'autres éditeurs, tapissent aujourd’hui les brocantes.
Leurs scènes paisibles et proprettes se sont poursuivies
pour mes enfants dans les images de Pomme d’Api et me font préférer leur
univers harmonieux à celui de la famille Adams.
Nous sommes nous leurrés avec de tels artifices, car nous
avons appris, depuis que nous avons cassé nos lunettes roses, que la nature
humaine est plutôt noire ?
Nous aimerions cependant nous dire que ces jolies années, quand les fleurs
se penchaient au dessus des fontaines, n’ont pas été complètement mensongères
et peuvent même se retrouver avec une intensité décuplée dans une flaque au
bout de rues jonchées de seringues et de crottes de chien.
« La seule chose
qui nous console de nos misères est le divertissement.
Et cependant c’est la plus grande de nos
misères. » Pascal.
Face aux horreurs orientales et à l’effondrement occidental,
le déni est une tentation, alors que les trompe-l’œil se sont multipliés sur
les murs de nos villes et que nous nous cachons derrière des
écrans en tous genres.
Qui peut prétendre résoudre des problèmes en des milieux
désertiques abandonnés par la raison quand les plus fins connaisseurs ne
croient même plus à la solution à deux états ?
Pas tous les israéliens ni les palestiniens ne veulent jeter les autres à la mer, pourtant le slogan explicite « Du fleuve à la mer... » affiché dans des universités appelle à l'intensification des massacres .
« Le père Noël est une ordure » a marqué dans un
sourire crispé la fin des mythes, Dieu était mort chez l’homme blanc, sa femme,
ses descendants. Et la parole politique s’est abimée dans les sarcasmes de
marionnettes que nous avions prises pour argent comptant.
Ces images rêvées, ces rigolades constituaient donc un
rideau occultant de saumâtres rivières, de méphitiques atmosphères.
Une fois que nous avons trié consciencieusement nos déchets,
nous n’assumons pas nos rejets que ce soit notre souffle, nos flatulences, une boite de
sardines ou le produit de notre paresse, de nos renoncements. La moindre
contrariété révulse bébé-roi, papa et papi-rois, nous ne savons pas voir la
violence et la mort même si s'esthétisent volontiers ordures en tas dans les FRAC et issues fatales en vidéo-game.
Les pensées se sont retournées : nous pensions être
devenus indifférents à la couleur de peau, à l’orientation sexuelle. Maintenant
des femmes excluent les hommes de leurs réunions et les noirs tiennent à leur
ghetto comme certains riches.
Les actes ne comptent plus, seule l’identité compte.
Les faits ne comptent plus, seul le buzz compte.
Le mérite est vilipendé, l’indifférenciation souhaitée lorsque
les cultes du moi se juxtaposent.
Parmi les déplorations envahissantes de mes rubriques
blogueuses, il m’arrive de sourire comme Sisiphe quand Guizot à la fin de la monarchie de juillet 1848 regrettait:
« Les vrais moyens de gouvernement ne
sont pas dans ces instruments directs et visibles de l’action du pouvoir. Ils
résident au sein de la société elle-même et ne peuvent en être séparés. La
société humaine n’est pas un champ que vienne exploiter un maître ».
Lui, dont Victor Hugo disait :
« Il me fait l’effet d’une femme honnête qui tiendrait un
bordel ».