vendredi 28 février 2014

Etrangère politique.

Appartenant à la race en voie d’extinction des lecteurs assidus de journaux, qui plus est, de Libération, je ne cesse de ressasser : « Je sais que je ne sais rien, mais je le sais! » datant de Socrate et poserais en sage tout en me désolant de me faire balader par les médias, passant d’un meilleur économiste à un économiste meilleur, de DSK en Cahuzac.  Et je m’étonne encore d’aspects que j’ignorais des politiques de mon pays, alors pour ce qui est de la Cyrénaïque : va savoir !
« A l’insu de notre plein gré » et ce qui nous advient ici, à portée de mains, les bras m’en tombent bien souvent d’ébahissement et d’impuissance.
Pourtant au-delà des frontières il y a de quoi  apporter des nuances à nos paysages.
Comme le chante sur des rythmes enjoués Sanseverino :
 « Israël, Palestine, les Hutus, les Tusti, Désiré Kabila
Guantanamo, Kadhafi, Kaboul, Sarajevo
Ben Laden, George Bush, Mobutu et Tito
On connait tout ce qui est bon
C'est la médiathèque de la baston »
Ces noms ne se démodent pas même si des nouveaux sont venus clignoter sur nos écrans.
Par exemple en Ukraine où tout se rebat, leur langue est le support de leur identité, leur fierté, tandis que nos négligences ont précédé l'affaiblissement du français. Certains demandent l’Europe, qui à l'intérieur de nos frontières ?
Je trouve ridicules tous ces planqués qui enverraient bien nos trouffions tous azimuts et dans le même temps je m’agace de la culpabilité qui s’attacherait à toute action  de la France.
Si le Mali fut une opération utile, celle en Centre Afrique est plus hasardeuse. Nos lâches soulagements face à Kadhafi  ont été de courte durée : les effets pervers devenant majeurs.
Le refus d’engager La France en Irak avait rencontré un consensus, alors que les palinodies en Syrie n’étaient pas si dérisoires quand le remède risquait d’être pire que le mal.
Il est de bon ton chez les atones de dauber sur l’Europe, un peu plus, mais qui l’a rendue impuissante l’Europe, comme si nous n’étions pas partie prenante ? Qui a mis la boule à zéro à l’Euro ? L’OTAN est passée, la défense européenne est sans dessein, on a déjà du mal avec notre province: que faire ?
 Alors quand la lassitude gagne, pour retrouver les fondamentaux, un petit coup de camarade vitamine, Régis Debray :
« La priorité du siècle à venir sera éminemment paradoxale. Il lui faudra réconcilier les causes de l’Un et du Multiple. Vivre l’histoire comme l’aventure d’un peuple unique, l’humanité ; tout en préservant contre l’unification technique la diversité des langues et des peuples. Il y a le droit naturel des êtres humains à se nourrir, à croître en paix, à se rendre là où la vie est possible ; et il y a le droit politique des États à contrôler les flux de population, à maintenir leurs frontières et leurs usages, selon les codes immémoriaux de l’hospitalité (je t’accueille chez moi, tu respectes mes lois). Combiner les deux ne sera pas facile - pas plus qu’il n’est aisé d’allier la générosité à l’intelligence (les cœurs palpitants sont souvent un peu simples et l’intelligence a souvent le cœur sec). Ordre et progrès se diront : identité et solidarité, internationalisme et patriotisme. Scott Fitzgerald disait que la finesse d’un individu se mesure à sa capacité de vivre selon deux idées contradictoires. La formule vaut pour les civilisations. »
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Dans le Canard de cette semaine: A propos du positionnement des verts.

jeudi 27 février 2014

L'ultime croisade des hidalgos*. Christian Loubet

Au 15e et 16e siècles, l'Espagne est unifiée, la « Reconquista », croisade chrétienne est terminée, les juifs et musulmans sont convertis ou chassés ; « le soleil ne se couche jamais » sur l'immense empire de Philippe II. L'or des Amériques n’est pas encore épuisé …
El Greco (Le Grec) (1541- 1614),  formé comme peintre des icônes après un séjour à Venise, s'installe à Tolède. D'abord maniériste, « vénitien », c'est le peintre de la couleur, il devient l'interprète des mystiques, exaltant l'idéal de la Réforme catholique, apprécié de l'aristocratie et de l'Eglise. En 1578, marié, intégré, il a de nombreuses commandes ; son premier succès – une crucifixion - date de 1577. Son premier grand travail pour le roi sera « La bataille de Lépante »(1571) peinte en 1579 à la gloire de Don Juan d'Autriche, instrument de la victoire de la chrétienté contre les Turcs. Le roi n'appréciera pas la toile qu'il juge trop originale.
L'enterrement du Comte d’Orgaz (1586) : Le chef d'œuvre du Gréco s'admire à Tolède à l'église Saint Tomé, exposé aujourd'hui sous le porche pour ne pas perturber les offices. De 3m 50 de haut, il oppose monde terrestre (en bas) et ciel avec le Christ, la Vierge, St Jean Baptiste et les élus. Un ange tient dans ses bras, sous forme d'ectoplasme, l'âme du Comte.
Le peintre est aussi un grand portraitiste.
A partir de 1600, la déformation verticale s'accentue (problèmes de vision ?) mais les couleurs sont toujours très vives et le mouvement, le nombre des personnages achemine l'œuvre vers le baroque.
Il osera quelques nus sous couvert de mythologie malgré l'interdiction de l’Inquisition.
Le père de l'Ecole espagnole, « visionnaire » très original et très moderne parfois influencera des peintres comme Picasso ou J. Pollock.
Velasquez (1540-1614) : le grand témoin du siècle d'or sous Philippe IV.
Le peintre sévillan, très influencé par l'Italie (Le Caravage surtout), s’illustre d'abord dans la peinture de genre, joue sur la lumière et le clair obscur et décrit la réalité, même la plus prosaïque, ce qui est complètement nouveau (ex : « la vieille femme faisant frire des œufs »).
A Madrid, à 24 ans, il devient d'abord « peintre du Roi » puis « peintre de Chambre », charge la plus importante à la Cour et « surintendant des travaux royaux ».
Dans ses peintures religieuses comme dans ses nombreux portraits de cour il n'hésite pas à montrer la réalité même brutale (le portait de la mère supérieure des Clarisses, missionnaire déterminée) ou la laideur du Roi à la bouche déformée.
Envoyé par Philipe IV comme diplomate en Italie, il  est un des premiers à s'intéresser au paysage, il peint des toiles caravagesques ou mythologiques. Le portrait du pape est lui aussi peu flatteur. Il osera même peindre son propre domestique noir.
Portraits de la Reine, de bouffons, de nains … Mais, comme il a de nombreuses activités, particulièrement comme installateur des résidences royales, son œuvre est réduite : 162 tableaux dont il n'en reste que 111.
En 1639, il peint « La Reddition de Bréda » (de 1625), tableau politique rappelant la victoire sur les hollandais insurgés et destiné au palais du Buon Retiro.
" La Venus au miroir" vers 1545, "Mars" et autres tableaux mythologiques. Et toujours cette dualité caractéristique de nombre de ses tableaux. Ici la beauté du corps nu vu de dos et le reflet d'un visage laid dans le miroir (rajouté ?).
1656 ; "Les Ménines " et toujours le jeu des miroirs : c'est le peintre qui est important dans le tableau !
"Les fileuses" ou "Légende d'Arachné", son dernier tableau de 1657 sans doute, est très impressionniste. On y retrouve le dialogue entre réalité et évocation des Dieux à l'arrière-plan et tout le savoir-faire artistique accumulé en quarante ans de carrière
« Ce dernier Vélasquez, dont l'univers poétique, un peu mystérieux, a pour notre temps une séduction majeure, anticipe sur l'art impressionniste de Claude Monet et de Whistler, alors que les peintres précédents y voyaient un réalisme épique et lumineux. »
Après l'apogée d'une société pleine d'illusions (El Gréco), puis la prise de conscience de l'ambigüité du monde (Vélasquez), les artistes de la fin du siècle montreront sa décadence. 
* Hidalgo : gentilhomme.                                         Compte-rendu de Dany Besset.  
                                                                                    


mercredi 26 février 2014

Contes des sages d’Afrique. Amadou Hampâté Bâ.

Joli livre broché à glisser dans un sac de voyage, avec des histoires variées où l’on apprend enfin pourquoi «  l’homme de bien est souvent l’époux d’une femme sans mérite et la femme vaillante l’épouse d’un bon à rien ». Lorsque hyène père entre en scène, l’issue ne sera pas forcément gentillette, pas plus que le début du récit du « roi qui voulait tuer tous les vieux », où un jeune inconscient apprendra que « nul ne peut voir tout seul le sommet de son crâne ».
L’écrivain ethnologue malien, à qui l’on doit la formule «  chaque fois qu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui  brûle », a recueilli ces contes essentiellement peuls. Il est mort en 1991.
Pour parler du conflit israélo palestinien, il s’était servi, depuis une tribune internationale, de l’histoire de deux lézards qui en se querellant ont mis le feu à la case et entrainé bien des malheurs; les protagonistes qui n’ont pas voulu intervenir à temps sont tellement emblématiques des renoncements diplomatiques.
On peut être indifférent à la généalogie de Njeddo Dewal mais apprécier les dialogues quand Satan s’en mêle :
« Espèce de mégère aux fesses disproportionnées et puantes, ferme la mangeoire qui te sert de bouche ou je vais avec ce bracelet qui vaut plus que ton prix, réduire tes dents en grumeaux de couscous »
S’il est  assez habituel que les fous instruisent les rois, il est moins fréquent qu’une baffe les remette dans le droit chemin, mais tout au long de ces 130 pages illustrées de beaux objets chargés de magie, nous aurons pu apprendre le prix d’une poignée de poussière. La sagesse  se mêle à la folie : les secrets de l’humilité se révèlent au bout de longues quêtes et  parfois au pied du coteau rouge dans la plaine des « fous lucides » peut se tenir une « foire catastrophe ».
Nous savons aussi que le mensonge peut devenir vérité, quand une autre hyène nous le rappelle dans une brève à la construction originale comme dans d’autres fables où la morale n’est pas forcément assénée.

mardi 25 février 2014

Le pire a de l’avenir. Georges Wolinski.

Cavanna vient de mourir et c’est toute une génération qui a chopé Parkinson.
Wolinski,  son pote de Charlie, le dessinateur de presse qui a maintenant 78 ans a commencé avec Siné dans « l’Enragé », il est passé à l’Huma, à Libé, à Paris-Match : 68 et ce qui en suivit.
Je le connais mieux que Proust ou Musil et sais peu de meilleurs moments que lire une BD en bouffant du chocolat.
Membre historique de la bande à Hara Kiri, il vient encore de publier un livre de 1000 pages après 80 albums dont on peut retenir quelques citations :
«On a fait Mai 68 pour ne pas devenir ce qu’on est devenus
« À quoi ça sert d'être connecté à la terre entière si on n'a rien à se dire ? »
« Heureusement que le monde va mal ; je n'aurais pas supporté d'aller mal dans un monde qui va bien ! »
Ses dessins sont la joie de vivre, la liberté : sous leurs robes légères ses femmes sont toujours en pleine forme. Quant à deux de ses personnages poursuivant leur dialogue de sourds, ils portent toutes les contradictions de la société, « ses personnages bavards s'embourbent dans des pensées pleines de bon sens ou de non-sens ».
Il promène un miroir à la surface duquel la politique peut être jubilatoire, et nos reniements s’excuser, quand les paradoxes brillent et que les logiques acharnées finissent en un sourire, en coin.

lundi 24 février 2014

L’image manquante. Rithy Panh.

Deux millions de personnes sont mortes au Cambodge au milieu des années 70, soit un habitant sur cinq massacré ou mort de faim.
Rithy Panh qui consacre sa vie à témoigner de ces horreurs : « S21, la machine de mort Khmère rouge », « Duch, le maître des forges de l’enfer »… mêle ses souvenirs personnels à un nouveau documentaire.
Le réalisateur, alors enfant, ayant été contraint de quitter la capitale Phnom Penh vidée de tous ses habitants, sera le seul survivant de sa famille, subissant à la campagne, dans la jungle, des privations terribles. Alors que la faim est une préoccupation éliminant toute humanité, une « machine à manger » est présentée par le pouvoir, sa ressemblance avec la machine de Chaplin dans "Les temps modernes", ajoute de l’ironie au tragique.
L’association Cinéduc qui avait invité à la cinémathèque celui qui assure la voix off dans le film, illustrait parfaitement ce soir là, le thème de sa biennale : « Réinventer au cinéma ».
Face à une révolution qui n’a existé que dans les images, paradoxalement, la rareté des archives a contraint le cinéaste à reconstituer ces évènements avec des personnages d’argile non en animation, mais comme des santons qui ne donnent cependant jamais l’impression d’être statiques. Il ne s’agissait certainement pas pour l’auteur d’une recherche formelle mais d’une nécessité,
L’image d’une vague rythmant le film m’a impressionné dans sa simplicité pour exprimer la difficulté de mettre des images sur l’innommable comme il en fut question pour les mots face à la shoah. On voit la vague arriver et la caméra est submergée.

dimanche 23 février 2014

PARCS. Bertrand Belin.

Pour aller chercher au-delà de mon Souchon de base, je m’en suis remis à Libé qui avait repéré « le chanteur de l’année ». Même si je dois m’accrocher aux rameaux de la branchitude parisienne, j’aime les découvertes. Et je fus surpris de trouver un chanteur sage, à la voix grave aux musiques agréables alors que j’attendais plus de bruit, de fureur. Mais je ne fus pas attrapé, me laissant bercer par une ambiance chaleureuse, il faut que je compulse la page de textes pour en saisir le sel trop laissé en suspension lors des auditions, mis à part quelques images fortes :
«Laisse le
Au bord du champ
Cet oiseau sans bec »
Il est question d’absence, d’hiver, d’eau et de feu, de moments élémentaires, intimes.
En ces temps agressifs, il dit bien :
« Animal
Viscéral
Vicinal
Communal
National
International
Pourquoi se battent-ils
Au bord d’un chemin »
Musique d’ambiance rêveuse, où les mots vont leur chemin :
« Partout le silence a pris comme on dit du galon
Des congères de silence sous des lits de liserons »
A écouter devant un feu de bois quand la pluie bat à la fenêtre, avec un whisky tourbé, comme dirait André Manoukian..

samedi 22 février 2014

Mémé. Philippe Torreton.

 
140 pages pour ceux qui ont pu être agacés comme moi par l’expression : « T’es plus chez ta mémé ! » invitant à se prendre en charge, sonner la fin de l’enfance,  comme s’il n’était plus le temps de se faire chouchouter.
Ce n’est pas que la grand-mère du comédien qui écrit bien, l’ait dorloté particulièrement, mais de la même façon qu’elle était écolo avant la mode, elle a donné de l’amour sans le crier.
Une enfance à la campagne, simple, où rien ne se perd :
Les bruits : « Les flèches de lait tombant dans le fer blanc, les basses continues des mâchoires pleines de foin, le cliquetis de chaînes râpant le bois de la mangeoire, un sabot piaffant, une dégringolade de bouse, un long soupir de vache soulagée, les jets d’urine, le gazouillis d’une hirondelle allant et venant dans l’étable, les claques de tes mains sur les croupes récalcitrantes… »
Les saveurs, les odeurs, les mots rares donc importants : « ils ne savent plus quoi inventer », « on va pas gâcher ça » ou l’on boit le café « s’il y en a de fait » et il y en a toujours.
Torreton s’était payé Depardieu lors de son exil fiscal, les lecteurs du Figaro ne lui ont pas pardonné en commentaire d’un article sympa sur Internet à propos de ce livre.
De la même façon qu’il consacre quelques pages à la façon d’autrefois de donner plusieurs vies à un sac plastique, il retient les sensations d’une autre époque, nous les redonne sans couleurs trafiquées. Le labeur, la vie qui va, s’en va, les étourderies et ce joli recueil.
Même si la Normandie n’est pas le Dauphiné et nos histoires différentes, j’ai retrouvé l’odeur des ficelles de lieuse et le souvenir d’un amour éperdu, qu’enfant, j’ai porté à la mienne de mémé.

vendredi 21 février 2014

Instruction/éducation.

L’école est à poil, prise entre des demandes contradictoires : d’un côté remède à toutes les démissions, de l’autre : devant se taire.
J’en étais resté aux mamans mono parentes qui ne savaient plus quoi faire de leurs mômes et qui attendaient que l’école les éducasse. Dans un ciel vide, à quel saint se vouer ?
Et voilà qu’au XXI° siècle - cachez ce sein - réapparait la vieille méfiance envers l’éducation nationale, ministère dit de l’instruction publique jusqu’à Edouard Herriot.
Nous en sommes là : le terme instruction est employé essentiellement dans le champ judiciaire, rarement pour caractériser le travail à l’école. Le mot « savant » est devenu lui aussi obsolète, … et il n’y a plus d’argent pour chauffer des salles en fac.
J’exerçais du temps où les enfants disaient : « la maîtresse en maillot de bain » et à la fin de l’année : « les cahiers au feu et le maître au milieu », la confiance régnait.
Aujourd’hui il faut des kits, des programmes, des instructions, pour apprendre l’égalité, tout un catéchisme qui aura autant de pouvoir de persuasion que le clérical, s’il n’est ancré dans la vie de la classe. Regardez la sortie d’un établissement scolaire après les dispositifs bien pensés de la prévention routière où tout le monde a son diplôme : ralentissez !
Pas facile d’éduquer : une visite au Musée de la Résistance peut être une occasion de déconner pour certains collégiens, mais quand même tout le monde ne « fait pas la quenelle » à Auschwitz.
La mode du « principe de précaution » alliée au conformisme conduit l’école au politiquement insipide : conjuguons le verbe pouvoir au passé simple et qu’on rigole !
Les planches anatomiques dans les dictionnaires sont au complet depuis un moment, mais les enfants attendront d’être en médecine pour fourrer une paire de testicules dans les poches des copines.
Que de complications !
Tout le monde semblait d’accord pour une réforme des rythmes scolaires : eh bien une demi-journée de plus le mercredi, avec les autres jours de 6h apaisés, utiles, dynamisés par des intervenants extérieurs et une maîtresse à bord, c’était trop simple!
Les rares porteurs de soutanes - d’autant plus virulents qu’ils sont rares – et imans à barbe poussée de frais se donnent la main contre l’école des mécréants qui n’émet plus guère et n’émeut pas plus. « Ecole des mécréants », je viens d’entendre cette expression  archaïque de la part  d’une adolescente qui a rejoint les brigades internationales en Syrie. Elle réactive une question lancinante : comment se fait-il que ces jeunes qui malgré les aléas ont été accompagnés dans leur scolarité avec bienveillance, vomissent notre école, pour aller vers des milieux des pires contraintes où « la mort est une récompense » d’après un autre djihadiste venu de nos banlieues ?
PISA prend-il en compte ces échecs ? De la même façon que des pédagogues pionniers ont été interpelés par les élèves indociles, y aura-t-il un ressaisissement des acteurs de l’école qui ont de meilleurs rôles à jouer pour des responsables parents que celui du procureur ou pour les enseignants celui de l’enfermement corporatiste ?
Pieuses paroles, mais puisqu’il est question de professionnels : qu’ils enseignent en assumant des choix, le reste sera donné de surcroit.
Pour commencer, en haut de la page : « Veuillez bien écrire la date.»
Bien qu’aux Etats Unis on n’apprenne plus à écrire  et euh … 2013 ou 1435 ?
« Et pour cet art de connaître les hommes, qui vous sera si important, je vous dirai qu'il se peut apprendre, mais qu'il ne se peut enseigner. » Louis XIV au dauphin (Louis croix bâton vé)
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Dans "Le Canard" de cette semaine:

jeudi 20 février 2014

Goya Francisco. Néo classicisme et romantisme.

Pour les amis du musée de Grenoble, Gilles Gentil a choisi l’ordre chronologique pour faire valoir la richesse des talents du peintre à la cour d’Espagne qui mourut à Bordeaux en 1828 à 82 ans.
Le graveur a alterné avec le peintre de cartons de tapisseries, le maître du portrait s’est révélé après des travaux en chapelles. Cette variété pourrait se voir comme dans sa représentation d’un printemps lumineux et charmant voisinant avec un rude hiver.
La permanence de sa force se retrouve dans la famille nombreuse de ceux qu’il a inspirés : Picasso et ses taureaux n’est pas seul. Pour prendre dans l’actualité des expositions : Vallotton  qui écrivit « c’est la guerre », grave un massacre de civils dans une cave où des canons pointent dans un coin.
Dans sa série des « désastres de la guerre » réalisée à partir de 1810,  une planche intitulée « On ne peut regarder cela » préfigure le « Tres de mayo » où l’inhumain vainqueur sans visage tient le fusil.
La représentation d’une « Rixe à l’auberge nouvelle » n’est pas franchement un sujet aimable bien que sa facture pleine d’ardeur, de vivacité dans l’exécution nous ravisse. Elle vient dans les œuvres de jeunesse avec  la plaisante « Ombrelle » ou  « Le marchand de vaisselle » dont les repentirs rendent une atmosphère étrange.
Nous sommes amenés à plonger dans « La prairie de San Isidoro » traitée en panoramique qui alterne les teintes claires et sombres derrière des personnages grandeur nature.
Loin des multitudes chamarrées, un condamné solitaire « Le garrotté », la tête boursouflée, les pieds crispés, accuse.  Pourtant le garrottage était un privilège de noble, par rapport à la pendaison roturière.
Au musée de Besançon, on peut voir des « Cannibales préparant leurs victimes » ou « montrant des restes humains » plus probablement inspirés de caricatures anglaises contre-révolutionnaires que d’Iroquois ayant massacré des jésuites.
Power point permet de nous approcher des toiles, ainsi la flèche d’argent dans les cheveux de la reine Marie Louise offerte pas son amant le duc Godoy, se retrouve plus tard, bien plus tard, dans un portrait de vieilles se regardant  dans un miroir où est écrit au dos « Que tal ? » « Comment ça va ? ». Elles peuvent voir la mort derrière elles.
Pepita Tudó, l’autre maîtresse du duc, qui inspira la « Maya vestida»  et la « desnuda » nous regarde dans les yeux, elle  figurait en face de « La Vénus au miroir » de Vélasquez dans un pays ou l’inquisition avait raréfié les nus et inquiété Francisco Goya.
 « Toute cette cour qui fut emplie de son nom resplendit pour nous de son soleil noir ». Malraux.
Le roi Ferdinand 7 disparait derrière les vibrations colorées de son costume et la réunion qu’il préside, « la junte des Philippines » s’ouvre sur du vide.
Le monstrueux « Saturne dévorant son fils » accueillait les visiteurs de la « maison du sourd » qu’il était devenu, envahie d’autres peintures noires. 
Est-il plus terrible que le « Duel au bâton » où deux hommes les jambes enfoncées dans la terre s’entretuent ?  
« Le sommeil de la raison engendre des monstres »
De nombreux écrivains ont apporté des mots qui ont sublimé les œuvres majeures de l’Aragonais, mais  je retiens cette citation du créateur lui-même : n’annonce-t-elle pas la venue d’une peinture nouvelle ?
« Où se trouvent les lignes dans la nature ? Moi je n’y vois que des corps éclairés et des corps qui ne le sont pas… »

mercredi 19 février 2014

Brins d’Afrique :

Le compte rendu de notre voyage, étalé sur 20 semaines, est achevé.
Aujourd’hui  une fois le carnet de croquis refermé : trois images.
Après les tartines, quelques pastilles :

Des hommes et  des femmes se rangent avant de prier dans le lit de la rivière à sec.

Une vache boit dans un trou de la route.

La nuit tombe tôt, une femme a reçu dans sa case les touristes amenés par son fils.
Elle leur a versé de l’eau parfumée d’herbes dans les calebasses.
Maintenant qu’ils  sont repartis, regarde-t-elle le ciel étoilé ?

Je prolongerai dans les semaines à venir avec des évocations de films et de livres concernant l’Afrique.

mardi 18 février 2014

Les cœurs boudinés. Krassinski.

Aussitôt lus, aussitôt oubliés : pas de risque de surcharge pondérale au niveau émotionnel ni esthétique. Cinq petites histoires où les petites grosses s’en tirent bien: les hommes sont des goujats, les bonnes copines en appellent au sens de l’humour, elles sont aussi vaches que les machos insupportables.
Le milieu de la pub est croqué lestement mais les dilemmes des femmes rondes sont seulement effleurés. Il s’agit bien sûr de corps boudinés et si peu de cœur. Le pauvre jeu de mots n’est pas illustré : les récits ne sont guère sentimentaux ni tendres, c’est l’époque !
Il convient d’être léger, si bien qu’il ne s’agit que de plis en surface.
«Les fleuves et la mer inonderaient en vain
Ce sanctuaire étroit qui la tint enfermée :
Il garde en se brisant son arôme divin,
Et sa poussière heureuse en reste parfumée.
Puisque par la blessure ouverte de mon cœur
Tu t’écoules de même, ô céleste liqueur, 
- Wearrh ! »
 L’une d’elle lit du Leconte de Lisle à celui qu’elle poursuit de ses assiduités, tout en le branlant avec un gant de vaisselle à l’hôpital où il est immobilisé.

lundi 17 février 2014

"A touch of Sin" Jia Zhangke

Il a fallu chercher pour trouver la traduction du titre dont je croyais que « Sin » signifiait « Chine »  dans la langue contractée qui convient à notre époque pressée, et je  persistai dans l’erreur après les deux heures et quart de projection offrant un petit séjour dans l’empire où le soleil doit être affiché sur des écrans géants tant le ciel est bouché par la pollution.
Il suffisait de lire : « Un zeste de péché ». Cette formulation est bien la seule trace d’humour dans cette accumulation de violences lors de quatre histoires inspirées par des faits réels.
Un mineur, un ouvrier qui va de ville en ville, flinguent à tout va, une réceptionniste dans un sauna joue du couteau, un jeune homme passant d’un travail à l’autre se jette du balcon, le sang gicle.
Les critiques ont été très favorables, alors que ce film montre la sauvagerie mais comme un des personnages obsédé par la dénonciation de la corruption, il ne parvient pas à préciser à qui adresser son réquisitoire.
La beauté des plans m’a semblé statique, comme le camion renversé de tomates trop graphique où la femme extatique, comme folle après son meurtre Kun Fu.
Dans cet univers où le brouillard n’est percé que par des éclats sanglants, un éclair de tendresse, le temps d’une furtive hésitation quand deux jeunes se retrouvent dans une voiture sous la pluie diluvienne. Un moment extrêmement furtif, sinon l’horizon n’est plus rouge : désormais dans une parodie, de jeunes gardes charmantes lèvent la jambe pour quelques riches clients .

dimanche 16 février 2014

Lisa Leblanc.

Du fort, du puissant : la ronde acadienne communique une énergie revigorante par ses musiques folk-rock pétaradantes, même si ses paroles sans détour parlent de solitude, de vie difficile.
Il vaut mieux lire les paroles avant écoute parce qu’à la première fois, on risque de perdre du sens même si son banjo endiablé nous remue.
Avec un lexique:
« Chum = ami, yeule = gueule, câlisse moi = lâche moi, quétaine = craignos,
Kraft dinner = macaronis au fromage, j’pète ma coche = je suis à bout,  … »  
C’est qu’elle chante en chiac(ou chiacque), un parler du Canada avec une voix à réveiller les assoupis.
Sa verdeur est sincère et sa santé tranche avec bien des productions récentes.
Les papillons qui lui « rongent le cœur » n’en ont que plus d’éclat.
Au pays des igloos, il arrive qu’il fasse trop chaud, et le motel  au bord  du hihway n’est pas très romantique, le tapis orange est « déteindu », le mur « en bois castor ».
Mais si elle n’est pas un cow boy, elle aime prétendre l’être : « elle a un bonne paire de bottes Boulet ». Elle se garde de chanter des toune pour fifilles mais  pour passer le temps, écrit une chanson d’amour, « le cœur tordu ».
Sa chanson « ma vie c’est d’ la marde » a été emblématique du printemps d’érable :
 « À matin mon lit simple fait sur de me rappeler que je dors dans un lit simple.
Avec les springs qui m'enfoncent dans le dos comme des connes.
J'ai pu l'goût qu'on me parle de conte de Disney.
Le prince charmant c't'un cave pis la princesse c't'une grosse salope.
Y'en aura pas de facile.
Peut-être que demain ca ira mieux mais aujourd'hui ma vie c'est de la marde.
Peut-être que demain ca ira mieux mais aujourd'hui ma vie c'est de la marde. »

samedi 15 février 2014

Quelle histoire. Stéphane Audouin-Rouzeau.

L’auteur était venu présenter son livre à la librairie du square
L’historien spécialiste de la guerre dont on commémore le centenaire a rédigé en 140 pages un récit de filiation.
«… je m’en suis tenu à ce que la Grande Guerre a fait aux miens, à la manière dont elle a traversé leur existence, quitte à inscrire ses effets au-delà même de leur propre vie. »
Il ne met certes pas ses tripes à l’air au bord de la tranchée éditoriale, mais avec la rigueur de l’universitaire remonte aux souvenirs familiaux qui portent bien au-delà des quatre ans de conflit. Chaque mot a son poids : le titre sans point d’exclamation situe l’enjeu d’un témoignage personnel interrogeant la matière de son enseignement ;  « quelle histoire » ce sont aussi les derniers mots de son père à la veille de sa mort lorsqu’il l’emmène à l’hôpital, comme celui-ci avait conduit le sien à la fin d’une vie détruite.
Les lettres manuscrites qui sont un support essentiel de la mémoire, dans ce conflit en particulier, même lorsqu’elles mentent, sont signifiantes. En prenant le temps de les replacer dans leur contexte, nous en percevons le retentissement tout au long des événements qui ont suivi : seconde guerre, aventure surréaliste pour le père de l’auteur, 68 en France, en Tchécoslovaquie, et surtout la répercussion des silences !  
Bien des thèses à propos de la « Grande » guerre sont unilatérales entre le bourrage de crane et le départ vers une guerre fraiche et joyeuse. Nous sommes amenés depuis le témoignage stéréotypé d’un arrière grand père cocardier jusqu’au pacifisme exalté deux générations plus tard, à revisiter à nouveau nos histoires et réviser l’histoire.
«Le tueur qui avait fracassé les relations des pères et de des fils sur trois générations, je n’ai jamais abandonné sa poursuite. Robert était sorti indemne de la guerre mais il l’avait perdue. Faute d’avoir compris la défaite de son père, Philippe perdit à son tour d’autres guerres. J’ai voulu comprendre leur défaites, j’ai tenté de la faire par l’histoire. Ceci bien sûr, à mon insu. » écrit Stéphane, frère de Fred Vargas.

vendredi 14 février 2014

La gauche à Saint Egrève : « cul par-dessus bu* »

Parce que j’ai partagé avec d’autres une certaine idée de la Gauche, et essayé d’œuvrer à sa réussite à Saint Egrève, je ne peux en rester à la sidération devant les péripéties d’une campagne électorale où de sales coups sont portés à l’éthique progressiste comme on disait dans les années avant J.C. (Jérôme Cahuzac).
L’éloignement de deux acteurs majeurs des dissensions dans notre famille politique :
P. Ribeaud et F. Vergès, aurait pu constituer un épisode ultime des duperies qui ont découragé tant de bonnes volontés citoyennes depuis de longues années, mais le processus de construction d’une liste unie comme cela a été possible à Meylan n’a pu aboutir ici.
Et c’est une liste menée par les plus constants opposants aux projets déjà lointains d’une municipalité alors orientée à gauche que soutient le parti socialiste. Celui-ci y perd son âme, ou ce qu’il en restait, lors d’assemblages où l’intérêt général disparait derrière l’addition d’intérêts particuliers.
« Tout cela s’inscrit dans le virage à droite de la société française. Il est spectaculaire jusqu’au théâtral. Il submerge la presse, il colonise les sondages, il triomphe dans les débats médiatiques. Le PS s’assume social-démocrate, le centre s’enracine à droite, la droite décomplexée n’en finit pas de se radicaliser et le FN voit surgir une extrême droite encore plus inquiétante que lui.  Le mouvement est général. Il imprègne l’enquête annuelle du Cevipof, grande référence qui tourne au cauchemar : institutions dévalorisées, personnel politique méprisé, sentiment d’échec absolu partagé, pessimismes ravageurs, déclinisme triomphant, amertume noire vis-à-vis de la société, demande pressante d’autorité, nostalgie du chef charismatique. Pour la droite, un risque. Pour la gauche, un fiasco. » A. Duhamel dans Libé.
Cette liste s’intitule « Autrement » par antiphrase, comme lorsqu’on dit  ironiquement :
« Bravo ! Continue comme ça ! Tu es sur la bonne voie !... »
De leur première expression publique ressortait le mépris de la culture et l’absence de toute proposition par exemple en matière de logements sautait aux yeux, leur posture exclusive d’opposant écartant toute démarche positive.
Leurs promesses de démocratie ne sont pas crédibles, tant les débats au sein de la gauche dans notre ville ont été constamment sabotés par des responsables dont le courage n’est pas la vertu cardinale, pas plus que leurs habitudes, participatives. Toute tentative de recherche de rapprochement entre écologistes et socialistes a été gâchée, aucune vision politique pour l’avenir de la ville n’a été partagée, la course aux places en dernières semaines faisant office de dynamique.
L’épuisement des élus minoritaires, inaudibles lors de la dernière législature est un signe supplémentaire d’une défaite annoncée y compris par la direction fédérale du PS qui ne compte  même pas sur Saint Egrève comme municipalité à « conquérir ».
Malheureux, les valeureux militants qui subsistent ! Cette drôle de gauche ne fait pas rire.
Parce que nous ne pouvons laisser une telle inversion des valeurs s’opérer, sortons de notre silence, face à ces conservateurs qui galvaudent les beaux mots de loyauté, de solidarité.
Quant au front de gauche ils étaient deux (d’où le nom front « deux » gauches) et trouvent moyen d’être sur deux listes différentes.
Les écolos qui l’ont joué Placé au niveau national, voient quelques arpents d’un terrain de foot où doit se construire une maison de l’enfance comme une atteinte à la forêt amazonienne : pathétiques.
Pour certains de mes amis en bougonneries, ce goût persistant de la défaite ne peut s’expliquer que par des arrangements dépassant les protagonistes tenus par des fils et allant bien au-delà de l’aire d’une municipalité aux pouvoirs bien relatifs.
Mes bottes sont pleines de petits cailloux, que ceux qui  se sentent le pied léger se mettent en route !
Au moment des bulletins à glisser dans l’urne, le blanc signifiant silence, la fidélité à nos convictions passe par l’abandon d’étiquettes qui ont perdu la tête, qui ont perdu tout sens commun.
* bu : la tête en patois.
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"Est-ce que tu peux le mettre en commentaire dans ton blog ? 
Merci Philippe"
Comme il était trop long pour passer en commentaire, je l’ajoute à mon article même si je ne suis pas d’accord avec tout, surtout si je ne suis pas d’accord.
Parler politique à la première personne devient si rare :
"Et bien Guy, tu fais comme Bernard Guetta sur France Inter, tu te lamentes du virage social démocrate du PS favorable au FN et à ses amis, là tu as tort , le FN a une droite ( Soral , Dieudonné , Boutin mais ils se retrouvent tous au bar du skin nazi Serge Ayoub ou aux manifs de l’Extrême droite à Paris...)A St Egrève on n'échappe pas à cela pas plus que le Front de gauche local n'échappe aux ambiguïté de sa tête bicéphale PC / Parti de Gauche, les tentatives des quelques forces antilibérales qui tournent autour ne renverseront pas la vapeur d'une paralysie inscrite dans la constitution de ce cartel. Le PC ne mettra pas en danger ses places d'élus auprès du PS. Ce faisant, où vont les électeurs quand ils n'ont pas de perspectives à gauche? Et bien en s’abstenant ou en allant vers un parti qui profite de sa virginité reconstruite et du fait qu'il n'a pas gouverné. Ceci d'autant plus qu'il utilise la vieille recette national socialiste en reprenant à son compte de façon démagogique nos critiques sur cette Europe de la finance.
Quant à la perte de valeurs du PS ou son dernier virage vers la sociale démocratie, ne pleure pas cela commence avec les conclusions du Think tank "Terra Nova" animé aussi par François Chérèque de la CFDT: il n'y a plus de classe ouvrière en France gouvernons au centre en faveur des classes moyennes. Seulement s'il n'y a plus de classe ouvrière massive, il y a des couches populaires toujours aussi importantes et dont certaines parties se retrouvent dans la misère. Et la continuité de la politique libérale assujettie aux recommandations et traités de cette Europe est dans la logique de ces choix fondamentaux.
Bon une élection locale c'est pas pareil qu'au national , argument facile, on n'échappe pas au contexte national et le vote à gauche des St Egrèvois pour le national même s'il apparaît en contradiction quand il s'agit du local, n'est pas en contradiction avec le vote des classes moyennes. D'ailleurs si Kamovski n'a pas en face d'elle une gauche au sens idéal où tu l'entends, c'est qu'il y a un accord de fait ,tacite entre elle et le PS via Ribeaud « je te fiche la paix sur le coin il y aura des renvois d'ascenseur ».
Il y a 25 ans en arrière quand grâce aux verts et à la frange rocardienne du PS nous avons perdu St Egrève , à Ecologie et Société nous avons dit que la ville était mise au congélateur, elle y est encore. Nous avons perdu les élections locales à chaque fois et le PS n'a jamais été clair pour ne pas dire autre chose et nous avons perdu le lycée au passage. Nous avons perdu la possibilité de la reconquête de la ville, le prix du M² garanti par la droite pas « de logement social » a modifier la sociologie de la ville durablement. Même si aujourd'hui Kamovski a fait du logement social pour ne pas payer les pénalités ; elle tient le pouvoir
Je ne comprends pas le choix d'une militante du Front de Gauche de rejoindre la liste Verte. Ce n'est pas politique surtout quand on voir ce que les Verts (EEVL) font au national et entre eux... mais cela résulte là aussi du manque perspectives au sein du Front de Gauche.
Bon je ne vote plus à St Egrève mais je pense qu'il faut reconstruire une « gauche » ou une alternative en s'appuyant sur la jeunesse qui critique radicalement le choix de société en cours marchandisation, technologisation avec l'Homme augmenté.... . Le problème qui se pose est une question de vitesse avec l'Extrême droite qui saisi l'opportunité offerte grâce aux choix de la droite et de la gauche avec cette Europe dont au final la traduction c'est austérité paupérisation pour les peuples et profit pour la bourgeoisie. Et la montée de l'Extrême s'inscrit dans le durcissement prévisible de cette contradiction. Le fascisme reste le chien de garde du capitalisme.
Alors si j'ai pris la peine de te répondre c'est parce que je pense que ton blog est tout aussi intéressant que le Postillon à faire vivre 
Salut Philippe
……
 Dans « Le Canard » de cette semaine :

jeudi 13 février 2014

Poussin vs Rubens.

" La querelle du coloris" se poursuit au XVII° siècle où marchands, collectionneurs et critiques s’expriment vivement comme le rapporte Michel Hochmann http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/01/le-titien-vs-michel-ange.html dans sa deuxième intervention sur le sujet aux amis du musée.
Colbert avait souhaité que l’Académie débatte devant les collections royales.
Philippe de Champaigne de l’académie s’y colle, le 12 juin 1671, à partir du tableau  du Titien « Vierge à l’Enfant » : il convenait alors de ne pas se laisser séduire par « la belle apparence, qui ne peut subsister seule, quelque beauté qu’elle puisse avoir ».
Dans ces conférences, Raphaël était présenté en alternance avec les vénitiens où finalement Poussin apparut comme le peintre universel qui savait la beauté du moelleux du pinceau tout en maintenant les belle formes aux dessins corrects. Tous les talents lombards ou romains se retrouveraient chez le français.
Lettres et pamphlets opposent  les coloristes qui aiment  la couleur, « la belle enchanteresse », aux dessinateurs tout en décence, modestie et perfection.
Le coloris unit, fait jouer l’harmonie. Comme un enfant, bouton d’or sous le menton, à qui on demande « t’aimes le beurre ? » les reflets jouent et les ombres ne sont pas noires.
Le dessin est une propédeutique, une grammaire, mais les règles ne suffisent pas à faire naître les poètes.
La hiérarchie des genres où l’histoire trônait tout en haut est remise en question.
Roger de Piles, un lettré comme on disait alors, apporte sa part.
« Si un peintre en représentant vous instruit, il ne le fait pas comme peintre mais comme historien »
Dans l’ « Enlèvement des Sabines », la vision érudite de Poussin (ci-dessus) joue dans un espace segmenté alors que la violence chez Rubens (ci-dessous) est globale, le choc immédiat.
Dans bien d’autres tableaux du peintre du nord, la couleur est éloquente : dans sa « Descente de croix », l’effet de lumière provoque la passion du spectateur.
La touche du pinceau nous touche. La chaleur du sang s’éprouve sous le vernis.
Le duc de Richelieu, neveu du Cardinal, ayant revendu ses tableaux de Poussin, s’est mis à Rubens.
Les français ont renouvelé les débats nés chez les italiens  même s’ils ont pu apparaitre comme des commentateurs avant d’être des producteurs de beauté.
Désormais le mateur de l’instant  a remplacé le connaisseur enraciné dans le temps.

mercredi 12 février 2014

Ethiopie J 20, J 21 : Addis Abeba et retour.

En attendant le réveil de tous, nous grimpons sur le toit de l’hôtel, notre regard sur la ville a changé, la boue et les travaux du tram sont prometteur pour une ville en devenir nous voyons les petites cahutes comme appartenant à un tissu économique vigoureux. Sur un terrain cimenté épargné par les pluies quotidiennes, des jeunes jouent au foot avec conviction. Au petit déjeuner nous sommes seuls dans l’hôtel et nous nous « enfarnassons » de pan cakes et de jus de fruits frais, mangue-goyave ou mangue-avocat.
 Le musée national est un peu vieillot mais sa visite qui nous fait traverser l’histoire de l’Ethiopie vient opportunément en conclusion de notre voyage. Nous restons un moment à contempler les restes de grand maman de 3.5 millions d'années Lucy (Australopithèque afarensis) : oui  Lucy celle des Beattles « in the sky with diamonds (LSD)» et  de deux autres aïeux dont nous avons oublié les noms. Des poteries et des bronzes de l’époque sabéenne, quelques statues ou bas relief sur un trône rappellent les représentations égyptiennes et mésopotamiennes. Une maquette figure le palais d’Axoum. Au centre du même étage les vitrines protègent des habits de notables, surprenant avec leurs broderies de fil d’or dignes des uniformes de l’Empire napoléonien avec un trône démesuré destiné au roi des rois. L’étage intermédiaire expose des peintures de différentes époques qui ont le mérite de raconter des évènements historiques de manière plutôt naïve accompagnées  de quelques sujets religieux. De magnifiques chaises taillées directement dans un tronc excitent notre convoitise. Le dernier étage est consacré à l’ethnographie, les objets sont classés par thème : belle révision de ce que nous avons pu voir.
Lorsque nous sortons, le ciel se charge de nuages sombres, dans le parc, nous nous approchons d’une vieille Ford première voiture d’Ethiopie appartenant à Hailé Sélassié « avant que les routes existent » précise notre guide. Il nous raconte aussi comment le propriétaire d'un chien qui venait d'être écrasé réclamait une compensation financière qui prendrait en compte le préjudice des récoltes qui ne seraient plus protégées des bêtes.
Nous nous élevons à 3200 m d’altitude sur la colline d’Entoto encore couverte de forêt d’eucalyptus fins et serrés, peu à peu remplacés par des essences d’origine (avant Ménélik 2).
Le temps de plus en plus bouché et la pollution empêchent d’apprécier pleinement le paysage. Le minibus nous laisse devant l’église St Raguel très fréquentée jusqu’au 15 août en raison du grand jeûne. Les écharpes blanches des fidèles drapées sur la tête ou les épaules émergent de la brume. Une file de mendiants sévèrement encadrés par un responsable attendent de percevoir l’aumône favorisée par cette période religieuse.
Un guide nous conduit vers l’ancien palais de Ménélik II et de l’impératrice Taitu. Il s’agit de deux grosses bâtisses modestes chaulées surmontés de toits de chaume dont l’armature tient avec des liens de cuir. Du chaume dépassent des morceaux de bois. Nous visitons la maison de réception qui contient la salle à manger contigüe à la resserre munie de cornes de bœuf pour suspendre la viande. La plus grande salle comporte cinq portes d’entrée, chacune attribuée à des personnes bien définies. Seule la porte donnant accès à des personnes peu importantes est plus basse, les forçant à s’incliner.
Lorsque nous sortons, la cohorte des mendiants s’est dissoute, nous longeons le campanile et la première église provisoire, une chapelle voulue par Ménélik.
Dès que nous revenons au centre ville s’abat une pluie diluvienne dans une circulation compliquée par l’absence de feux rouges et de priorité respectée. L’eau s’infiltre dans le minibus par les caoutchoucs fatigués des fenêtres. Nous gagnons l’Alliance Française où nous devons manger. Le temps de passer du minibus au restau de l’Alliance nous sommes trempés mais trouvons porte close car le restau est en réfection. Le minibus fait le maximum pour récupérer notre troupeau éparpillé. La cour de l’Alliance se transforme en torrent déferlant d’une eau marron dont la terre saturée ne veut plus. La seule chose aperçue de l’Alliance restent les taupières recouvrant le mur d’enceinte comme un bas relief de verdure où se dessine la tour Eiffel.
La solution de repli est vraiment pleine de charme : le « Taitu hôtel » est le plus vieux restaurant d’Addis créé par l’impératrice Taitu en faveur des visiteurs pour qu’ils y trouvent repos et confort. C’est un très joli endroit avec plusieurs salles, un escalier en bois conduisant à un large salon à peine meublé et aux chambres aujourd’hui sommaires mais qui laissent  place à l’imagination. Tout le monde se régale et goûte au charme des lieux, rendus nostalgiques par un piano un peu répétitif et discret. Nous séchons.
Une accalmie nous permet de faire notre shopping au marché artisanal. Les marchands refusent de baisser leurs prix mais dès que l’on repasse le seuil de leur boutique, la plupart du temps ils nous rappellent ; M. déclenche l’hilarité générale lors du marchandage d’un petit bonnet pour ma petite fille en utilisant un langage expressif ou « tricoti tricota » a du succès. Nous dépensons nos deniers birrs et même davantage, M. et JJ. jouant les banquiers.
Un dernier tour de ville en minibus nous donne la mesure d’une ville beaucoup plus moderne que dans nos premières impressions, des immeubles se construisent, les magasins des nouveaux quartiers s’européanisent, la voirie s’améliore.
Nous buvons le pot de l’amitié après avoir rempli le questionnaire de l’agence  Nous nous séparons à l’aéroport : Girmay prolonge son séjour d’une semaine pour rencontrer des amis. Au  contrôle J. doit se séparer de boutures de plantes et d’euphorbes soigneusement emballées dans son sac de voyage.
Nous n’avons pas été prévenus d’une escale à Khartoum avant de monter dans l’avion, elle dépasse largement les 16 minutes annoncées par l’hôtesse. A notre réveil  nous nous apercevons que le pilote a pratiquement récupéré les retards accumulés.
Le temps du retour par Francfort parait court.



mardi 11 février 2014

Happé par Sempé. Christophe Carlier.

Un hommage au dessinateur pleinement accordé à son sujet, tendre et mélancolique, léger et émouvant, miroir de nos émotions et découvreur d’horizons nouveaux.
Un "petit réduit" de 70 pages, comme on dit d’une gourmandise en pâtisserie, disposé opportunément à côté de la caisse de la librairie du Square. Même si sa présence sur les vastes linéaires d’une grande surface aurait pu fournir un dessin de Sempé quand le modeste ne manquant pas d’ambition rêveuse se trouve face à l’immensité.  
« Jean Jacques Sempé a changé le monde. Si Kafka a révélé l’emballement des machines administratives et la culpabilité sans cause qui étreignent l’homme moderne, Sempé, lui, a mis en scène ces moments simples où l’absurdité nous sourit au lieu de nous détruire, où les gens se regardent avec une tendresse et une timidité confondantes, porteuses d’un double message également rassurant : « l’homme est un grand mystère » et « nous sommes bien peu de choses ».
Bien souvent les dessins de l'octogénaire sont sans paroles, alors quand une dévote s’adresse à Dieu, son bavardage va à l’essentiel :
« Quand tout le monde parle à tort et à travers, vous épie et surveille vos propos pour après les déformer, quel repos de s’adresser à quelqu’un qui ne dit rien, ne vous voit peut être pas et, probablement, ne vous écoute pas ! » 
La dernière fois que  je parlais de Sempé c'était à la Noël :
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/12/bourrasques-et-accalmies-sempe.html

lundi 10 février 2014

Au bord du monde. Claus Drexel.

Paris, la ville lumière, la ville minérale, sans ses employés, appartient la nuit à ses marginaux qu’il ne convient pas d’appeler ici SDF mais plutôt « clochards », à l’ancienne, tels qu’ils sont montrés dans toute leur humanité. Le réalisateur nous fait partager son empathie pour ceux que l’on croise sans les entendre. Sur fond de Seine avec ses ponts majestueux et ses monuments superbement éclairés, la diversité des portraits proposés est passionnante. Nous découvrons au fil des entretiens leurs fêlures, mais aussi parfois une philosophie de la vie qui nous interroge au plus profond. Si loin, si proches, l’un d’eux balayant un morceau de trottoir minutieusement avant de poser sa tente qui contiendra aussi son caddy, levant le camp à 5h du matin avant l’arrivée des travailleurs : ni vu ni connu. Avec son allure de saint Jérôme du Caravage, une dernière apparition d’un homme pieds nus sous la pluie froide, silencieux, nous hantera encore un moment.
Un air de Puccini clôt ce beau film :
« Que personne ne dorme ! Que personne ne dorme !
Toi aussi, Ô Princesse,
Dans ta froide chambre
Tu regardes les étoiles
Qui tremblent d’amour et d’espérance »

dimanche 9 février 2014

Par les villages. Stanislas Nordey.

Partagé entre curiosité et lassitude face à des procédés théâtraux hors des formats courants, je redoutais quelque peu les quatre heures de spectacle … et j’ai bien aimé.
Bien sûr il n’y a rien de naturaliste dans cette confrontation entre gens de lettres et gens de peu qui n’ont pas leur langue au fond de la poche de leurs bleus.
Mais l’investissement des acteurs, l’opulence du texte, le sujet qui a le temps d’être traité  nous embarquent.
L’intellectuel revient de la ville, perd son pouvoir de parole et sa part d’héritage devant son frère ouvrier et sa sœur restés dans la maison de leur enfance.
Les monologues ne sont pas factices, mais reproduisent bien des situations réelles d’incommunicabilité où les sacs n’en finissent pas de se vider. La musique accompagne parfois des scansions à la Ferré façon « il n’y a plus rien » quand la poésie cherche un futur pour décoller de l’ennui et des rancœurs.
« Salut à toi, nourrisson au regard innocent, enfant aux bulles de morve qui pendent, garçon au gros derrière et au manche de fouet en bruyère, adolescent au vélo bleu, homme de la ville aux lunettes de soleil et pantalons blancs, grand monsieur avec les billets en vrac dans la poche, la jambe molle dans le cortège de deuil, l'étranger à la baguette de coudrier blanc-argent, l'homme aux chaussures qui ne font pas de bruit. Quand vas-tu rester ici pour toujours et t'occuper un peu de nous ? Quand vas-tu te dresser contre la bruyante imposture des soi-disant représentants du peuple, des programmes de région, des questionnaires, de la fausse sollicitude, des clôtures électriques, du réseau malfaisant d'images creuses et de discours creux jetés sur nous pour nous tuer l'un après l'autre, pour souffler la lumière de l'âme, pour étouffer ? »
Moment exceptionnel digne d’une séquence de théâtre dans le théâtre : à l’occasion de cette représentation nous nous sommes retrouvés, moi venu à la ville, avec « Trois sœurs » de mon village d’enfance, connaissant bien les irréductibles pesanteurs de là bas et d’ici et partageant avec elles intimement les dilemmes exposés là et les rêves aussi, ceux permis par l’art pour nous hausser un peu sur la pointe des pieds. Amatrices de théâtre, elles ont souligné la filiation avec la tragédie grecque à laquelle j’ajoute le plaisir de m’extraire un temps des zappings et des textes en 140 signes.
« Dans ce monde apprêté de couleurs artificielles, retrouvez les couleurs vivifiantes d’une nature »

samedi 8 février 2014

De zéro à Z. Plonk & Replonk.


Dans les idées de cadeaux pour Noël il arrive de croiser des livres  qu’on aimerait qu’on vous offre : eh bien j’ai gagné cette année, avec cet abécédaire de l’inutile.
Un humour original varie ses tours  par des montages photographiques aux allures de cartes postales colorisées à l’ancienne.
Daniel Pennac, en forme, a rédigé la préface : « Ils ne sont ni décalés, ni improbables, ni immenses, ni énormes… » Eh ben si !
Les deux suisses commencent en trombe avec les formes de la lettre A et sa pièce au rez-de-chaussée, son grenier sous les combles, le B aux rotondités féminines et le C une noix de coco ouverte : « ABC : un foyer, une compagne aimante et un dessert léger : la définition du bonheur parfait. »
Ils continuent en toute simplicité avec l’ajout d’un tapis rouge pour figurer une entrée VIP à l’Arc de triomphe.
Ils utilisent les flous dans un asile, et encore les champions du flou artistique sur le podium, ou comme témoignage de l’ultime cliché d’oncle Joseph, n’hésitant pas sur les jeux de mots, la mise en image d’expressions connues avec une plieuse de bananes.
Je retiens quelques photos de groupes aux belles légendes : « saisie d’instruments désaccordés par la police des fanfares » ou « manifestation d’innocents qui refusent de porter le chapeau ».
Leur balançoire bretonne taillée dans le meilleur granit peut produire quelques dégâts, et il convient de se méfier du piège à touristes comportant « un bout de fromage, un solide pieu et un gros élastique » sur fond de lac alpestre. Un mur couvert de publicités derrière la guillotine témoigne de « la privatisation des exécutions publiques ».