Pour le cinquantième anniversaire de la disparition de Picasso, le conférencier, devant les amis du musée de Grenoble, a consacré son temps à la partie jugée la plus élégante de l’œuvre de Picasso qui créa pendant 78 ans (il a vécu 92 ans) sous l’œil de « La chouette » (1953) symbole de sagesse depuis Athéna.Le grand déconstructeur des formes et des conventions picturales était un homme de traditions.« Le Pigeon aux petits pois » a été réalisé en 1911et « Mandoline et clarinette » en 1913, avant la mort de Rodin.La vie à Malaga où il est né en 1881 était plus proche des temps très anciens que du siècle qui allait advenir. « Trois femmes à la fontaine».
Son père professeur de
dessin lui a sûrement fait connaître au musée la mosaïque de
« La
naissance de Vénus »
et d’autres vestiges d’une occupation romaine
qui eut Trajan et Hadrien comme empereurs venus de la péninsule ibérique.
« Héraclès combattant Nessos » figurait sur une amphore 2700 ans
avant « Nesus
et Déjanire » de Picasso aux volumes suggérés.
Nesos ou Nesus sur
ses quatre pattes avait proposé au puissant Héraclès ou Hercule de faire
traverser le fleuve à Déjanire sa femme mais le centaure fut traversé par une
flèche vengeresse pour avoir essayé d’abuser de la belle. Son sang va imprégner
une tunique que Déjanire donnera à son époux qui ne pourra s’en défaire: la
tunique de Nessus désigne depuis une vengeance différée, une obsession
difficile à évacuer et tout cadeau empoisonné.
« Héraclès secourant Déjanire enlevée par Nessos » figure sur un kylix (coupe à libation).
Picasso est lui même « Le centaure » au trait déroulé sans lever le crayon.La mythologie a inspiré toutes les époques : dans la
sculpture de table de Jean De Boulogne
(1575), Déjanire appelle au secours.
Picasso a illustré de 30 eaux fortes aux traits épurés,
le
texte d’Ovide « Les métamorphoses ».
« Jupiter et Semele » La maîtresse ne devait pas voir le visage de son amant mais quand celui qui lui avait fait un enfant se découvre, tout prend feu et le maître de la foudre a juste eu le temps d’arracher le petit Dionysos du ventre de sa mère et de le coudre dans sa jambe d’où la prestigieuse provenance inspirera bien des arrogants.
« Le repos du sculpteur » (1933),
convient pour
évoquer les moments de plénitude avec MarieThérèse Walter.
« Pan et Aphrodite » sur un miroir de bronze étrusque, ou une « Idole des Cyclades » rappellent que la modernité date de bien longtemps.
« Homme avec un masque, femme avec un enfant dans ses bras »
L’artiste à tête laurée est également semblable au faune au
crayon, ou à l’eau-forte et aquatinte,
« Faune dévoilant une femme ». Il réalise toute une série à Antibes de ces êtres lubriques.
Jouant de la diaule, le « Faune musicien » célèbre
les rapports amoureux :
« C’est curieux ; à Paris je n’ai jamais
dessiné de faunes ; on dirait qu’ils ne vivent qu’ici » Sans quitter Marie-Thérèse, la mère de sa fille,
il s’engage
dans une relation passionnelle avec Dora Maar.
« Dora et le
Minotaure » : c’est lui encore mi-homme, mi-bête en 1936.
Le mythe rejoint une passion précoce pour l’archaïque
corrida où le sang des taureaux servait à féconder les champs.
« Corrida aux personnages ».A 9 ans, il représente un « Picador dans l’arène » et plus tard « La mort du torero ».Ce taureau de 1400 av. J.C. , provient d’Iran, il est plus âgé que ces charmants tanagras béotiens de 400 av JC . « Tanagra au chapeau » plus exactement coiffée de la tholia et portant chiton, la tunique.
Ses plis élégants se retrouvent chez
« Femme assise au chapeau et
femme debout drapée. »
L’« Idole féminine mycénienne » datant de 1300 av. J.C.
ou l’ « Aiguière
rituelle » du 16ème siècle avant J.-C venant de Santorin
auraient
pu être modelées par le prolifique maître.
Il avait dessiné à 14 ans un « Jeune portant un agneau », son « Homme au mouton » semblable au
« Porteur de veau » « Moschophore » antique (550 av.
J.-C.)
s’inscrit dans une connaissance de l’histoire de l’art que confirme
le « Portrait de Jacqueline » (1957) tellement semblable à une fresque où apparaît une
« Jeune crétoise dite la parisienne » (1400 av.J.C.).
« Nos morts
continuent de vieillir avec nous. » Pablo Picasso.