Au clocher d’une l’église sensée siéger au centre du
village, bouger les aiguilles du cadran de l’horloge signifie symboliquement
la volonté de clarifier les enjeux, de se ressaisir.
Mais pratiquement avancer ou reculer d’une heure ne dépend
plus de nous, ordis et fours obéissent à des ordres hors de portée de mains.
L’expression : « remonté comme un coucou
suisse » n’évoquera plus grand-chose et les interrogations concernant la
course du soleil ne sont plus de saison.
Au-delà du geste ténu envers une montre bientôt aussi
obsolète que l’oignon de mon grand-père, lire l’heure en comptant « moins
dix » plutôt que « cinquante » permettait de mieux
envisager le temps qui passe.
Par ailleurs, dès la maternelle, jouer à la marchande avant de savoir rendre la monnaie ou peser avec des
poids, faisait partie des jeux menant vers la
fonction « compter » qui allait avec « lire » et « écrire »
au fronton des écoles. On mesurait le prix des choses.
Il est plus courant désormais de voir les petits mimer des
dialogues lointains en ignorant l’interlocuteur présent en face d’eux. Les
élèves se dispensant de retenir les tables de multiplication étaient les
précurseurs de ceux qui ne savent plus compter à l’heure des calculettes.
Il est des américains-ils en sont revenus semble-t-il- qui
ont envisagé d’abandonner l’écriture puisque des claviers sont à disposition.
Ils n’ont pas attendu
d’avoir perdu la main s’appliquant à former les lettres pour perdre leur tête. Le
niveau ayant baissé, baissera encore, à mesure que l'intelligence artificielle progressera.
Les performances des GPS n’obligent plus à savoir lire une
carte mais ne dispensent pas de savoir où on habite.
Philippe Mérieux ne mésestime pas les performances
techniques du ChatGPT ni ses séductions, mais dans un article convaincant du
«Monde » estime
« que le robot
abolit la dynamique du questionnement et de l’apprentissage. »
Nous nous rebiffons contre les ordinateurs, grands ordonnateurs,
déshumanisants, tout en appelant à plus de sagesse, de rationalité alors que notre
fragilité s’abime dans le catastrophisme et le manichéisme. Quand l’apocalypse
nucléaire est brandie à nos frontières, les préventions contre la science
peuvent se confirmer et aller vers les délires d’une terre plate d’avant les
vaccinations.
De nobles sentiments amplifiaient nos fantasmes romantiques
de jadis, ils perdurent parfois jusqu’à des âges avancés et frisent le
pathétique avec les désirs pris pour la réalité. On en viendrait à souhaiter
des algorithmes pour abolir délires et haines. Mais plus ça va, plus les
nuances deviennent obsolètes.
Heureusement dans l’excellent « Franc-Tireur »
Raphaël Enthoven revient à Victor Hugo :
« Quelquefois le
peuple se fausse fidélité à lui-même. La foule est traître au peuple. »
Et j’aurai bien
ajouté, dans un article récent où je m’interrogeais sur « les durs de la
feuille », cette phrase prise dans un développement qui distingue le
peuple et « la foule qui croit
défendre la démocratie chaque fois qu’elle agresse un de ses représentant. Et
comme elle n’entend que son propre vacarme, la foule est persuadée qu’on est
sourd chaque fois qu’on ne lui répond pas. »
S’il est des riches formules comme celle-ci pêchée je ne
sais plus où
« la retraite peut être
vécue comme l’été indien de la vie »,
quelques commentateurs rigolos
ou pas, ajoutent parfois leur courte-vue à une certaine paresse. Le Président
de la République est infiniment plus critiqué que le président du national
rassemblement et je n’arrive pas à trouver d’analyse contredisant la fatalité d’une
victoire annoncée de l’extrême droite.
Étrange démocratie où les sondages
effaceraient les votes : des élus mal élus ne cessent de remettre en cause
la légitimité d’autres élus et ont oublié ce qu’est l’humanisme lorsqu’ils promettent
la poubelle à leurs adversaires… voire la guillotine !
La violence de l’extrême gauche profite à la droite extrême
et les deux s’excitent quand les flammes prennent. Quel parti avait la flamme
comme symbole ?