« Paolo et Francesca » d’Auguste-Dominique Ingres figurait
dans le catalogue des Amis du Musée de
Grenoble pour annoncer la conférence. Cette œuvre caractéristique de la
peinture « Troubadour » illustrait un épisode de l’Enfer dans la
Divine Comédie de Dante :
« Nous lisions un
jour, dans un doux loisir, comment l’amour vainquit Lancelot. J’étais seule
avec mon amant, et nous étions sans défiance : plus d’une fois nos visages
pâlirent et nos yeux troublés se rencontrèrent ; mais un seul instant nous
perdit tous deux. Lorsqu’enfin l’heureux Lancelot cueille le baiser désiré
alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes
et nous laissâmes s’échapper ce livre par qui nous fut révélé le mystère
d’amour. »
Le plafond de
l’Opéra « Le
triomphe de la beauté, charmée par la musique, au milieu des heures du jour et
de la nuit » de Jules-Eugène Lenepveu disparut du temps de
Malraux sous la fresque de Chagall.Nous mesurons la relativité de la notoriété des artistes
académiques dit « pompiers », très célèbres dans leur siècle qui pouvaient
vendre leurs tableaux 400 fois plus chers qu’un Monnet.
Léonidas aux Thermopyles de Jacques-Louis David aurait inspiré une réplique comique : « Ah ! c'te
bêtise ! Ils se battent tout nus !… Ah ! Non ; ils ont des
casques… c'est peut-être des pompiers qui se couchent… »
Manet reconnaissait la supériorité de Cabanel
issu de l’école des Beaux arts, créatrice de créateurs et surtout performante
pour former les meilleurs artistes officiels qui allaient célébrer les
institutions nationales sous les rois, les empereurs, et les Républiques, ils
animaient les salons et décoraient les églises. « La
cour vitrée du Palais des Études »Fille de l’académie royale de peinture
et de sculpture fondée en 1648, suspendue en 1792, l’école des Beaux arts reprend
ses activités en 1793 au cœur du quartier Saint Germain dans un ensemble de
bâtiments autour de la chapelle du couvent des petits augustins. Elle
réunit peinture, sculpture et architecture. Les deux bustes
de Nicolas
Poussin et de Pierre Puget encadrent l’entrée de l’école.« Arrivée du nouveau » Alexis Lemaistre.
Les élèves de toutes conditions et de toutes provenances devaient être
recommandés, une sélection sévère assurait une certaine égalité à laquelle
n’accédaient pas les femmes. Cézanne n’était même pas parvenu à la position
d’aspirant. Les peintres académiques viennent … de l’académie, formés à la peinture d’histoire, de nus
(masculins), dans l’imitation des anciens avec primauté du dessin, ils ont
suivi des cours d’anatomie et de trigonométrie (perspective). Les professeurs
se relayaient pour conseiller les élèves inscrits par ailleurs dans des
ateliers en ville.« La mélancolie » de Léon François Bénouville a « les yeux dans la graisse de
beans » selon l’expression québécoise pour le concours d’ « expression
de tête » dont les modèles devaient être pris « dans l’âge de la
jeunesse ».Remporter le concours de la « Demi-figure peinte »
rapportait 300 F,
ainsi celle du célèbre Bouguereau qui gagnait tous les prix. Il lui
fallait une solide culture pour réussir à interpréter le sujet imposé du prix
de Rome : « Zénobie retrouvée par les bergers sur les bords de
l'Araxe », récompense suprême, après avoir passé 12 h en loge pour une esquisse envers
laquelle devait être fidèle la toile nécessitant 72 h d’exécution au format de
1,13 X 1,46, exposée au public, aux journalistes puis au jury. Eugène Delacroix
ne put obtenir le prix de Rome, alors que Thomas Couture s’y repris sept années de suite
avant d’obtenir un deuxième prix. « Romains
de la décadence »Jacques Louis David tenta de se suicider après
un échec, mais le médecin « Érasistrate découvrant
la cause de la maladie d’Antiochius » amoureux de sa belle-mère, le sauva, lui
aussi.
Les monômes suivant les concours étaient spectaculaires. « 1889 :
monôme des étudiants en architecture des Beaux-Arts sortant de loges, dans la
Cour d'Honneur de l'École »Le concours de paysage historique se déroulait tous les
quatre ans, et les critiques étaient pointilleux en se demandant « pourquoi
Dieu avait attendu toute la nuit » pour « Adam et Eve chassés du
paradis terrestre » de Félix-Hippolyte Lanoüe, mais entre les
académiques et les refusés triomphant au XX° siècle, n’y aurait-il pas « que des
avantages à substituer à un jugement global de réprobation, héritage des
vieilles batailles, une curiosité tranquille et objective. » ? A.
Chastel
L'Homme étant ce qu'Il est, le passage du temps produisant... ce qu'il produit, qui sait si un jour on n'enlèvera pas le tableau de Chagall pour découvrir.. l'"original" dessous ?
RépondreSupprimerL'original a pas mal de panache, je dois dire...
C'est intéressant de considérer les enjeux de la nudité dans ces tableaux. Je sais par mes lectures que les Romains étaient choqués par la nudité grecque, certains en tous cas. Ils étaient choqués par la nudité dans les jeux en gymnase, et bien avant l'arrivée du Christianisme sur la scène, contrairement à nos croyances en la matière.
En lisant le billet, je vois que c'est surtout le dessin qui a passé à la trappe avec les modernes, ainsi que son rôle fondateur dans les compositions. Dommage. Le fait de dessiner pousse à comprendre, ce qui n'est pas inintéressant pour un peintre.