vendredi 29 mars 2013

Quelles perspectives pour les jeunes des zones urbaines sensibles en Europe ?



Dans le débat de Libération « Jeunes débattez-vous »  qui avait lieu à la MC2 construite au bord du quartier de la Villeneuve, le sujet était inévitable. D’autant plus que le souvenir crucial de l’année 2012 mesuré dans un sondage est l’affaire Mehra pour une majorité des français, avant même l’élection de François Hollande.
A la table autour de Gilles Kepel  auteur des « banlieues de la république » : Rushanara Ali députée travailliste d’un quartier de Londres jouxtant la City dont la population se situe à 50% au dessous du seuil de pauvreté, Mariam Cissé, conseillère municipale à Clichy sous Bois, le Clichy des émeutes de 2005,  et François Lamy le ministre de la ville.
Les JO de Londres n’ont pas tenu leurs promesses d’emploi, le chômage s’est même accru et les désillusions, les frustrations se sont exprimées. Le fossé entre les jeunes et le reste de la population s’est creusé après des émeutes où la violence et la criminalité issues de l’oisiveté sont venues un temps sur le devant de la scène.
Le peu de perspectives dans un contexte économique difficile pèse tellement que la proposition d’abaisser l’âge du vote à 16 ans pour mieux « faire pression » sur les politiques, ne me semble pas décisif.
Alors que la conseillère de Clichy insiste sur la lutte contre l’abstention, la nécessité de rebâtir une culture commune pour des jeunes qui ont des sentiments ambigus concernant leur quartier  qui les rassure et qu’ils ont en même temps le désir de quitter.
La différence de culture politique est manifeste entre l’Angleterre et la France où le rôle de l’état est plus fort.
30 ans ont passé depuis les « marches pour l’égalité » revendicatrices et positives, depuis les regards sont devenus stigmatisants. La victoire de la droite en 2007 s’explique peut être par les émeutes de 2005 lorsque les classes moyennes s’interrogeaient sur un retour d’investissement de leurs contributions.
Pendant ce temps, les politiques se sont professionnalisés, la filière syndicale s’est tarie, les jeunes à Bac + 5 n’ont même plus les possibilités de leurs parents parfois analphabètes qui ont pu avoir accès à des pavillons.
Des mesures concrètes sont avancées où la discrimination à l’emploi serait combattue, l’intégration politique améliorée.
Pour remettre de la confiance et de l’efficacité dans les mécanismes où devraient s’effectuer les concertations concernant l’habitat et les transports, les démarches iraient d’avantage vers des formes de co-construction.
Le ministre de la ville ancien député de Massy la populaire et de Palaiseau la résidentielle, rappelle son ancienne appartenance au PSU, label prestigieux.
Des « emplois d’avenir »  sont déjà fléchés vers les quartiers pour favoriser ceux qui n’ont pas les réseaux, et sortir du repli sur soi.
François Lamy, n’est pas venu que sur la scène du grand Théâtre, il a proposé des « coups de pistons ». A Grenoble et Echirolles seront expérimentés des « emplois francs » comme on dit « zone franche » avec des entreprises qui bénéficieront d’exonérations quand elles accueilleront un jeune venant de quartiers difficiles. 
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Dans le Canard de cette semaine: 

jeudi 28 mars 2013

Banksy, humour et murs. Gilbert Croué.


Le public des amis du musée de Grenoble est plus familier des pinceaux en poils de martre que des bombes aérosol; le mérite pédagogique des organisateurs du cycle de conférences qui nous ont menés des cavernes préhistoriques aux tags n’en est que plus grand.
Après Diego Rivera, Michel Ange, Pompéi et la grotte Chauvet, il était question de notre contemporain, l’énigmatique Banksy, le pape du street art, qui garde son identité bien cachée alors que ses œuvres s’étalent à l’extérieur en nécessitant désormais pour certaines une protection en plexiglas … pour éviter des tags rageurs ?
Ses interventions drôles, imprévisibles sont reconnues désormais dans le monde de l’art et le film « Faites le mur » qui suivait la conférence traitait, avec humour bien sûr, de ce passage de la  subversion à la reconnaissance avec son cortège de dollars.
 « J’admire la manière dont le capitalisme trouve une place même à ses ennemis. »
Il ne se présente pas à ses expositions où il fait venir des porte-paroles.
« Le monde de l'art est la plus grande farce qui existe. C'est une maison de retraite pour les nantis, les prétentieux et les faibles. Et l'art moderne est une escroquerie – jamais autant de gens n'ont utilisé autant de ressources et de temps pour en dire si peu. L'avantage c'est que c'est sans doute le secteur d'activité au monde dans lequel il est le plus facile d'entrer sans aucun talent et de se faire de l'argent. »    
Avec ses pochoirs où il joue avec le blanc et le noir, la troisième zone étant couleur muraille, ses œuvres très accessibles devenues des icones s’exposent en posters et cartes postales à l’ambigüité savoureuse, aux accents moqueurs décapants.
Un bobby bombe: « god saves the Quee… »: the Queen? The Queer ? (le bizarre ? l’homo ?).
La peinture est un sport de combat : deux policiers s’embrassent, un bouquet est lancé comme un cocktail Molotov, Mona Lisa tient un lance roquettes, une femme de ménage pousse la poussière sous le mur qu’elle soulève, une panthère sort de sa cage en code barre, un singe fait exploser un régime de bananes, au bout d’une interminable ligne blanche un policier renifle, quand « les américains travaillent au dessus de nos têtes » c’est  l’armée de Bush en hélicoptère, une poule regarde, contrariée, deux œufs dans une poêle….
Il intervient dans des manifestations avec des pancartes fortes, installe fugitivement des panneaux  sur des plans d’eau londoniens ou de faux ailerons de requins, il détourne des injonctions municipales qui interdisent les jeux de balles.
Ses rats découpent des trottoirs, rentrent dans leur trou en smoking, ils mettent en garde contre une société radioactive. Des policiers fouillant une petite fille avec son nounours représentent cette folie sécuritaire qui envahit nos têtes. Ses billets où  l’effigie de Lady Di remplace celle d’Elisabeth ont été acceptés dans des bars lors du carnaval de Notting Hill et leur valeur aujourd’hui dépasse de loin la somme indiquée sur ce qui ne peut être qualifié de fausse monnaie.
Il intervient sur le mur des murs, celui qui mesure 700 km en Palestine ; il met en images  des rêves d’enfants avec une échelle démesurée, un cheval géant, une trouée vers de plages paradisiaques, et pour une fois c’est une petite fille qui contrôle des soldats.
Au Mali, sur les murs de banco, un zèbre attend que ses rayures sèchent après lavage.
Il colle de faux tableaux dans des galeries avec des  trompe l’œil comme ce noble XVIII°  taguant, cet employé qui efface une fresque préhistorique ou bien des paysages bucoliques envahis de caméras de surveillance.
Le muséum de Londres ne va pas enlever ses installations sauvages, elle les confisque à son avantage : bien joué !

mercredi 27 mars 2013

Musée d’Art Classique de Mougins.



L’intitulé  du MACM qui sonne un  peu MAC comme musée d’art contemporain et la dénomination « classique » ne rendent pas compte de l’originalité du collectionneur anglais Christian Levett, fondateur du lieu.  
La rencontre  de la beauté de l’ancien, du très ancien avec la modernité est fructueuse.
Nous découvrons un tableau de Rubens au milieu de sarcophages et un buste bleu de William Klein explose au milieu des torses antiques.
Des pièces de monnaie, des statues, des vases antiques côtoient des œuvres récentes de Picasso, Matisse, Chagall, Cézanne, Rodin, Dali, Warhol…
Les uns réveillant les autres sans tapage, les autres révélant leurs racines.
Une collection de casques et d’armures décèle une créativité et une diversité insoupçonnables en ces domaines guerriers
Dans certains musées  récents la scénographie prend le pas sur les contenus présentés ; ce n’est pas le cas de ce lieu ouvert depuis 2011 qui  présente élégamment ses objets avec des lumières qui les mettent bien en valeur. La forme ne prend pas le pas sur le fond.
Hormis quelques fautes d’orthographes sur certains affichages, l’attrait pédagogique est évident : les écrans interactifs sont assez grands pour en profiter à plusieurs et leur maniement simple les rend accessibles à tous.

mardi 26 mars 2013

La villa sur la falaise.



Pour les dix ans de la collection « Ecritures » chez Casterman, Benoit Sokal a invité dix auteurs de BD à inventer une histoire courte à partir d’une idée commune : une jeune femme revient constater l’écroulement de la maison de ses parents dont il ne reste qu’une moitié en haut d’une falaise.
Cette situation initiale où les souvenirs sont convoqués en bord de mer va permettre une variété réjouissante d’interprétations.
Celle de la Suissesse Cati Baur est ma préférée avec l’omniprésence d’un smartphone au milieu d’une vie affolée.
L’américain Nate Powell  livre un récit  très noir, la britannique Hannah Berry est originale et habile. 
Le français Saulne sous influence japonaise m’a bien plu aussi avec ce qu‘il faut  de représentation imaginaire et de subtile évocation du temps qui a passé entre celui qui est resté dans l’île et celle qui revient.
Les dessins de l’allemande Isabel Kreitz sont forts et s’accordent à l’ambiance cinématographique d’une tragédie.
Davide Reviati est élégant, italien.
Jirô Taniguchi  va vers la science fiction.
Fred Bernard est le plus radical en ne délivrant ses seules paroles que dans la dernière case après un trajet aux dessins naïfs auxquels il ne faut pas se fier.
Gabrielle Piquet est plus emberlificotée alors que Takahama est limpide.

lundi 25 mars 2013

Django Unchained. Quentin Tarantino.



« Pulp fiction »  a 20 ans et j’ai attendu un mois et même plus avant d’aller voir ce film porté aux nues. Ma jubilation n’en est que plus forte, ne faisant pas partie à priori des fans qui mettent  le tonitruant amateur de série B au plus haut.
A l’occasion des avis que j’ai pu parcourir concernant cette œuvre de 2h 40,  j’ai eu le temps de copier/coller des éléments de langage :
« western  blaxploitation » qui résume bien cette histoire d’un esclave héros de western,
« revenge movie » : la  vengeance est le moteur à explosion d’un scénario inventif,
« buddy movie » : film avec deux personnages très différents au départ qui finiront par se rapprocher.
Les clins d’œil au cinéma n’alourdissent pas les images magnifiques accompagnées d’un patchwork musical emballant, aux dialogues délicieux servis par  des acteurs excellents.
Le souvenir d’un fuyard déchiqueté par des chiens reviendra au raffiné chasseur de prime à la gâchette forcément agile quand Beethoven sera joué à la harpe par une jeune femme très « Autant en emporte le vent » ; cette fois il ne supporte pas la violence qui ne manque pas tout au long de la fresque.
Nous passons de l’horreur au sourire dans des scènes carrément comiques, baroques, « too much » bien contents que ce soit du cinéma, tout en nous interrogeant une fois encore sur cette proximité du raffinement et de la barbarie.
Un beau feu d’artifices.

dimanche 24 mars 2013

Carbonnade.



C’est du mitonné, pas du carbonisé, comme braiser une viande ce n’est pas cuire sur la braise.
Un  bourguignon ch’ti à la bière et au pain d’épices, un régal.
Faire roussir dans l’huile, ou huile et beurre, le bœuf coupé en cube, pris dans la macreuse (épaule) ou à proximité dans le paleron (près de l‘omoplate), voire dans le gîte ( jarret), puis faire blondir les oignons ; ne pas les pleurer.
Recouvrir le tout de bière en ajoutant sel, poivre, bouquet garni, bouillon cube et  vers la fin du mijotage des tranches de pain d’épices tartinées de moutarde qui donneront une saveur originale à ce plat d’hiver.
Une heure à la cocotte minute. En cocotte en fonte, deux heures voire trois et demie, si on n’est pas à la minute, avec du persil avant de servir.
S’accompagne de pommes de terre ou de pâtes, j’ai évité les frites, incontournables pour certains. Beaucoup ajoutent de la cassonade, je ne l’ai pas essayée, ni à la place du pain d’épices les spéculos qui deviennent vraiment tendance en cuisine.

samedi 23 mars 2013

Le radeau de Victoire. Marie Thérèse Jacquet.



Dernier livre d’une amie de ce blog dont vous trouverez de nombreuses nouvelles dans la rubrique : « écrits de lecteurs ».
 J’ai annoncé également son livre précédent sous le titre « Marie Treize » à retrouver avec le moteur de recherche figurant en haut à droite de cette page.
La quatrième de couverture nous met en appétit :
« Elle « rame », cette enfant, dans le monde tel qu’il se révèle à ses yeux naïfs et implacables.
Petit Quinquin, née dans un vieux quartier lillois, rame parce que c’est la Seconde Guerre mondiale.
Elle rame parce que dans la boulangerie familiale, ses parents, leurs proches se livrent à des guerres où tous les coups sont permis.
Elle rame dans la débâcle vers le sud, l’exode vers l’est. Sa mère, gagnée par les terreurs de l’époque, fuit au volant de sa voiture. Son père alsacien reste dans sa boulangerie, se livrant à des commerces louches.
Quand l’enfant perd sa boussole, elle retrouve calme, tendresse et protection auprès d’une vieille dame sur sa terrasse aux géraniums, chez des oncles et tantes dans la famille de substitution de son petit frère.
Elle apprend à protéger sa frêle périssoire en dépit des naufrages menaçants. Son héros c’est Tarzan, protecteur des animaux de la Jungle, figure paternelle sans peur et sans reproche ».
À propos du recueil de nouvelles de l’auteure « Allumez le four » publié en 2010 aux éditions Alzieu :
« J’ai lu vos nouvelles et je les trouve excellentes, drôles, couillues, vraies. Continuez, allez-y ! Décidément, vous êtes bourrée de talents. Vous savez quoi ? Nos écritures se ressemblent. C’est pour cela que vous aimez ce que je fais et que j’aime ce que vous faites ; nous utilisons le même terreau." Françoise Xénakis
……………………….
Souscription Le radeau de Victoire chez Zonaires éditions,
218 pages, 17 euros
Bénéficiez d’une offre de lancement en souscrivant
avant le 5 avril 2013 au prix de 15 euros Frais de port en sus (2 euros) pour les commandes hors canton de St Egrève
Commande à envoyer avec le règlement à :Zonaires éditions 35 rue du Rocher 38120 Fontanil Cornillon

vendredi 22 mars 2013

Pleins et déliés.


Plumes :
Aux Etats Unis, l’apprentissage de l’écriture sera optionnel dans la moitié des états.
Peut-on apprendre à lire sans écrire ? Dans quel état vont être nos enfants ?
On s’amusera avec les mots : corps d’écriture et écriture des corps, on ouvrira des ateliers de calligraphie pour oublier que dans la patience d’un apprentissage, la courbe venue d’un crayon tenu entre ses doigts pouvait épouser une pensée plus humainement qu’un Tweet.
On n’enseigne plus le dessin depuis longtemps, quelle sera la signature de chaque personnalité dans un monde policé par défaut ? Une croix.
Oiseaux et autres bestiaux:
Après les « pigeons », patrons contre des réformes fiscales, qui effrayèrent quelque poule mouillée, les « dindons », collectif d’enseignants,  on s’est fait jouer  à la grosse caisse: « tiens voilà du bourrin ».
Quand les Spanghero étaient deuxième ligne et pas en première ligne, un steak de cheval était un luxe et il me semble que les vaches à l’équarrissage étaient données aux truites.
Avant que les étables soient sur tapis roulants, en début de chaine, le minerai s’extrayait de la mine. Ce mot  « minerai » appliqué à la bidoche, que l’on vient d’apprendre ces jours, signe un basculement du sens des choses.  
Du temps où dans les fermes ont donnait un prénom aux vaches, je me souviens de
« La  Marquise » comme celle à qui appartenait l’usine de soierie voisine; il y eut le baudet appelé « Roméo » et la jument percheronne  qui s’appelait « Juliette ».
A Pâques un bœuf était exposé sur la place, les éleveurs étaient fiers de leurs bêtes, de leur travail.
Vautours :
Lu récemment : Les 400 américains les plus riches détiennent deux fois le produit intérieur brut de 1,2 milliard d’Indiens. Oui j’ai relu : 400 = 1 200 000 000.
…………….
Dans Charlie Hebdo de cette semaine :

jeudi 21 mars 2013

Fragonard à Grasse.



Jean Honoré Fragonard le peintre des scènes galantes a son musée dans sa ville natale  grâce à l’entreprise de parfumerie qui porte son nom, bien en vue dans la place parmi les Galimard  et autres Molinard.
Après avoir apprécié dans une boutique du vieux Grasse le parfum « Cambouis » d’un créateur pour les délices olfactifs, présenté dans sa burette aux fragrances presque trop discrètes, nous nous sommes rendus à l’hôtel de Villeneuve rénové pour recevoir les visiteurs en route vers le XVII°.
C’était le temps des robes soyeuses où une jeune fille blanchette et rondelette délivrant un oiseau de sa cage le retient par un ruban délicatement tenu entre deux doigts. 
Quand elles se retrouvent à plusieurs à s’ébattre au bord de la rivière, les eaux en bouillonnent.
J’aurais tendance à moins m’attarder sur les  peintures religieuses, paysages, ou d’autres charmants portraits plus conventionnels comme ceux de sa belle sœur Marguerite Gérard visible dans les murs.
Mallet (Jean Baptiste) est aussi présenté, il sera un témoin du directoire et de l’Empire, alors que son ainé est lié aux images qu’il a contribué à former d’une époque où régnait la du Barry, dernière maîtresse de Louis XV.
Une lettre faisait toute une histoire.

mercredi 20 mars 2013

Le Louvre # 3 : le Grand Dessein s’achève.



Voltaire en 1745 dénonçait le délabrement du Louvre.
« Louvre, palais pompeux dont la France s'honore,
Sois digne de Louis, ton maître et ton appui
Sors de l'état honteux où l'univers t'abhorre
Et dans tout ton éclat montre-toi : comme lui »
Sous Louis XV des édifices accolés au palais et à ses ailes sont démolis.
Louis XVI et Marie Antoinette reviennent  prendre place dans leur cage dorée en septembre 1789 ; au cœur de la ville pourront-ils mieux comprendre la vie de leurs sujets qu’à Versailles ? Le palais est remeublé et l’assemblée nationale investit la salle du manège.
En août  1792 l’assaut du Palais des Tuileries marque la fin du règne monarchique.  
La Convention s’y installe. Un hémicycle et des tribunes pouvant recevoir 1800 spectateurs sont installés dans l’ancienne « salle des machines ». La décoration est sobre.
Une première exposition de l’académie royale de peinture avait eu lieu dans les appartements  occupés par Anne d’Autriche et la galerie du bord de l’eau préfigurait un musée. Dans le salon carré sont présentés jusqu’au haut plafond des œuvres destinées à présent à  un public  plus large pour redonner vigueur à un « grand genre » qui n’est plus enseigné.
Dans l’encyclopédie parait un plaidoyer pour que le palais multiséculaire devienne un musée.
En attendant Rubens peut être vu au palais du Luxembourg.
En  1792, le musée est opérationnel, les collections sont élargies avec des biens saisis du clergé et des émigrés.
La voûte de la Grande galerie est percée pour un éclairage zénithal.
Le produit des conquêtes napoléoniennes  amènent de nombreuses œuvres installées par Vivant Denon. Le buste de l'Empereur sera en bonne place après un bonnet phrygien qui surmontait la coupole.
L'Arc de Triomphe du Carrousel est édifié avec à son sommet les chevaux de la basilique Saint-Marc de Venise, qui seront restitués en 1815.
Balzac dans La cousine Bette : « L’existence du pâté de maisons qui se trouvent le long du vieux Louvre est une de ces protestations que les Français aiment à faire contre le bon sens, pour que l’Europe se rassure sur la dose d’esprit qu’on leur accorde et ne les craigne plus… Voici bientôt quarante ans que le Louvre crie par toutes les gueules de ces murs éventrés, de ces fenêtres béantes : "Extirpez ces verrues de ma face !" On a sans doute reconnu l’utilité de ce coupe-gorge, et la nécessité de symboliser au cœur de Paris l’alliance intime de la misère et de la splendeur qui caractérise la reine des capitales. »
Après bien des aléas Napoléon III bouclera le « Grand Dessein », celui d’Henri IV, avec des guichets portes d’entrée d’un très vaste espace dévolu désormais à l’art.
En 1871, un incendie allumé par les communards consumera la Palais de Tuileries.
Edouard Balladur aura beau retarder l’échéance, les derniers occupants du ministère des finances déménagent à Bercy en 1989.
François Mitterrand a voulu le grand Louvre qui s’ouvre à 10 millions de visiteurs annuels sous la pyramide de Peï que le conférencier Fabrice Conan n’apprécie guère pas plus qu’il ne voit d’un bon œil les décentralisations du Louvre à Metz et Lens.
Je suis au contraire content que l’histoire ne se fige pas, que les œuvres voyagent. Nous irons à Paris, mais Delacroix chez les cht’is ça me convient, n’en déplaise aux enfants d’Edouard.

mardi 19 mars 2013

Quai d’Orsay. Lanzac & Blain



Grand succès pour  le tome 2 de cette BD qu’il a fallu commander à la FNAC qui court  pourtant au devant de ce qui est déjà consacré; il n’y en avait plus.
Oui c’est  de De Villepin dont il est question sous le nom d’Alexandre Taillard de Vorms au moment de la guerre au Royaume du Lousdem le pays qui menaçait le monde « libre » de Dubleyou avec ses armes de destruction massive.
Nous passons de New York à Moscou avec Arthur Vlaminck un des conseillers du ministre des Affaires Étrangères à la suite de l’énergique escogriffe au charisme entrainant.
« Et c'est un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'Histoire et devant les hommes. »
C’était en 2002, ça avait de la gueule.
Et les coulisses croquignolettes avec des allergies aux poils de chat, les joggings, un rythme fou, des improvisations,  mais aussi de la culture, sont drôles et instructives.
Alors que l’on s’afflige parfois du cynisme et de la perte de valeurs de beaucoup de cumulards,  à ce niveau,  à cet instant de l’Histoire, malgré les faiblesses des hommes ou à cause d’elles, nous  pouvons apprécier la politique qui va au delà de quelques petits tas de secrets amusants.

lundi 18 mars 2013

Syngué sabour. Atiq Rahimi.



Une femme afghane veille son mari dans le coma : la situation n’était pas forcément cinématographique.
L’actrice d’origine iranienne Golshifteh Farahani dont tout le monde a loué la beauté nous tient éveillés pendant une heure quarante, et sa misérable condition nous concernera au-delà du générique de fin.
Le réalisateur a adapté son propre livre et nous avons cheminé dans ses images comme dans un roman.
Syngué sabour signifie « la pierre de patience » à qui on confie ses secrets jusqu'à ce qu'elle éclate ; le divan n’est pas confortable mais la psychanalyse sera efficace.
Etouffée sous les voiles tissés par des siècles d’obscurantisme religieux auxquels s’ajoutent la misère et la guerre, cette femme se dévoile et révèle crûment l’histoire de son mari immobilisé par une balle dans la nuque.
Nous ne percevons des guerres que les explosions, et le temps que la poussière retombe, nous passons à autres choses. La vitalité des femmes prend encore plus de force dans cet univers asphyxiant : d’un placard, à une pièce vide, à une maison sans eau, à une ville dévastée, bien des existences sont condamnées à l’enfermement et pourtant la vérité peut advenir, l’espoir exister et des mots d’amour venir à un bègue.
Dans le magazine Marianne, Jean Claude Carrière qui a participé au scénario précisait :  
« L'hindouisme, c'est un poing fermé. Le bouddhisme indique du doigt une voie.»
Après qu’Atiq Rahimi ait dit qu’il avait tourné un film hindouiste.
Sûrement pas islamiste.

dimanche 17 mars 2013

Orage. Strindberg. Osinski.



Un homme qui aborde la vieillesse voit son ancienne femme s’installer dans l’appartement au dessus de chez lui,  anciennement chez eux.
L’essentiel se joue derrière la baie vitrée de ce rez-de-chaussée où leur petite fille a grandi,  jusqu’à une séparation énigmatique. Il avait repris une vie de célibataire après s’être séparé de sa femme et de sa  fille.
Cet épisode d’un mélancolique automne de la vie convient bien à la salle intime du petit théâtre de la MC2.
A la sortie du spectacle qui tient près de deux heures, nous nous sommes retrouvés à front renversé avec la dernière de notre groupe d’amis à avoir résisté aux mises en scènes d’Osinski qui cette fois « ne se la joue pas ».
Elle, femme affirmée, a compris ce vieil homme dans sa volonté d’arrêter le temps, et moi qui renifle trop volontiers les parfums émollients de l' automne  j'ai trouvé des circonstances atténuantes à la jeune femme renvoyée bien vite aux stéréotypes de tyran domestique. 
Le personnage qui se verrait bien en pauvre biquet a viré au bouc désodorisé avec soubrette discrète mais accorte, son ex qui vient de se faire larguer pour une plus jeune est tentée  semble-t-il par une saison 2.
Des éclairs scandent  les trois actes, mais le tonnerre n’éclate pas, l’été est étouffant en pays froid.
- C’est mauvais de rester trop longtemps dans les vieux souvenirs.
 - Pourquoi ? Quand le temps a passé, ils sont tous beaux…
- Mais Monsieur peut encore vivre vingt ans, c’est beaucoup pour s’installer déjà dans des souvenirs qui s’estomperont, et qui finiront même par changer de couleur.

samedi 16 mars 2013

France Culture papier. Printemps 2013.



La page de couverture du numéro 5 a privilégié, Proust,  Moscou, la prostitution, Depardieu …
J’ai retrouvé Philippe Meyer, toujours délicieux qui propose deux traductions à « I would not dignify this question » de Tommy Lee Jones en réponse à une question du grand Journal de Canal + :
«  A sotte question point de réponse »
« Je ne voudrais pas conférer à cette question l’ombre d’un intérêt en y répondant. »
Et c’est dans un des articles consacré à Moscou qui à priori ne me concernait pas au plus haut point que j’ai trouvé cette description du Net:
Runet, c’est l’internet russe.
« Il n’y a plus de Russie en ce monde mais un nouveau pays, Runet. L’alphabet cyrillique s’est éclipsé, les villes et les régions ont disparu, notre nouvelle capitale : www. Les sites sont autant de localités de tout poil, certaines plus peuplées où chaque kilo-octet est chargé, certaines bâties de gratte-ciel, portails ou vitraux chamarrés, d’autres compromettantes, montagnes où des rebelles se battent au couteau. Cités fantômes, sites inhabités, abandonnés où bronze tout un chacun comme un cornichon marinant dans son jus, forum où on se glisse pour clavarder à la recherche d’une continuité. Le pirate informatique envoie des bombes par courriel  suspendu à la toile dont les liens se multiplient, où il ne reste plus de trou. C’est ainsi qu’on vit en Runet, les souris cliquent des talons, dégustant gratis leur fromage, c’est la fin du règne géographique, nous sommes hébergés dans un bal historique où l’univers s’isole en ermite dans une boite avec un écran. Nous jonglons avec lui hors de la société où tous jouaient à la guerre et aux embouteillages. »
J’ai lu distraitement Depardieu que j’avais entendu délivrer ses certitudes grossièrement déjà sur France Culture ; je le préfère quand il dit le texte des autres.
Le dossier principal sur la prostitution remonte au moyen-âge, passe par Maupassant, il est question des garçons de joie, d’un distributeur de capotes dans sa camionnette, et de Kant qui identifie la mise à la disposition de son corps à autrui à une vente d’organe.
Des intellectuels venus d’un milieu populaire décrivent leur situation entre deux cultures et ces distances que j’ai éprouvées m’ont intéressé.
Une reprise d’un entretien de Duras en 1963 à propos de Proust est de haute volée.

vendredi 15 mars 2013

Existe-t-il un sentiment d’appartenance à l’Europe ?


Il fait  bon voir de nouvelles têtes pour rallumer la flamme bleue d’un continent  vieillissant dont les dépenses sociales prennent le pas sur les investissements éducatifs : dire qu’Erasmus était menacé !
Les mots de crise envahissent les têtes : crise financière, budgétaire, monétaire, sociale et institutionnelle. Les rosbifs  sont rétifs  et l’Angela des länder en leader revêche ne fournit pas vraiment des ailes aux rêves. Pourtant le besoin d’un capitaine est évident pour sortir de la paralysie.
Est-ce que nous vivons un déficit de confiance des jeunes envers l’Europe ou l’inverse ?
Mélanie Gros étudiante à Grenoble de retour de Lituanie où elle a effectué un stage d’éducatrice avait choisi ce pays car elle n’avait pas d’à priori, elle apporte sa vision fraîche de citoyenne européenne qui souhaiterait une équivalence des diplômes.
Guillaume Klossa d’Europa Nova, plus politique, ancien collaborateur de Jean-Pierre Jouyet,   ne se prononce pas à propos de plus ou moins de fédéralisme mais rappelle les valeurs partagées  sur notre continent, à ne pas confondre avec l’Union européenne:
le respect de la dignité humaine,
le développement durable
la séparation entre vie privée et professionnelle.
Peter Matjasic né dans  un pays qui n’existe plus, en Yougoslavie, est comptabilisé comme  slovène,  en parlant six langues mais pas celle de bois,  il était taillé pour devenir président du Forum européen de la jeunesse. « Les frontières de ta langue sont les frontières de ton monde »
Au-delà des paroles attendues : « manque de coordination, manque d’information »,  j’ai aimé l’énergie de ces intervenants au forum 2013 de Libération qui font croire que les intentions ne sont pas que des mots creux.  J’ai le sentiment d’avoir aperçu un échantillon d’une nouvelle élite qui ne tromperait pas son monde en se disant européen tout en ne l’étant pas dans les actes.
Des solutions existent sur le papier  mais le courage politique bien limité en ce moment  ne favorise pas  la mobilité  qui sortirait de la cosmétique et entrainerait vers des horizons  plus exaltants  l’ensemble d’une génération et non une pincée.
Les britanniques jeunes sont favorables à l’Europe.
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jeudi 14 mars 2013

Les fresques de la Sixtine : de l’harmonie à la terrebilità.


Le pape Sixte IV (d’où Sixtine) et Laurent le Magnifique se sont réconciliés, alors les  peintres florentins vont à Rome embellir les murs et le plafond de la chapelle destinée aux conclaves.
Dans les décors de la Rome antique,  ils affirment la puissance de l’église. Ils individualisent les personnages qui sont saisis dans l’action parmi des paysages où la perspective est installée : un point d’arrivée de l’art du quattrocento.
L’ancien et le nouveau testament sont représentés : la vie de Moïse est  décrite  en parallèle à celle du Christ.
Botticelli décrit six épisodes de la vie de Moïse dans le même tableau, Pierro Di Cosimo un passage de la Mer Rouge audacieux, Ghirlandaio ne tresse pas que des guirlandes, il représente le recrutement de Pierre et André deux pêcheurs dont la vie antérieure est traduite en arrière plan. Le Perrugin peint  la remise des clefs à Saint Pierre  et coordonne les travaux.
Michel Ange Buonarroti combine platonicisme et christianisme dans une œuvre humaniste dont la restauration vient de prendre plus de temps que sa réalisation.
Lui qui avait sculpté une piéta géante dont la mère à la beauté idéale semble aussi jeune que son fils.
Lui, qui avait représenté aussi la Sainte Famille avec la vierge qui passe son fils à Joseph situé à l’arrière alors que des couples de jeunes éphèbes figurent au fond du tableau circulaire.
Le sculpteur du David, de la république Florentine, prêt pour l’action.
L’artiste, saturnien disait-on, capricieux, travaille pendant quatre ans sur 600 m2   .
A la Toussaint 1512 c’est l’inauguration.
« À travailler tordu j’ai attrapé un goître […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allés se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette
. »
Vingt ignudi androgynes aux postures sensuelles encadrent la genèse de l’humanité décrite en neuf séquences :
La séparation de la lumière et des ténèbres, des eaux d'avec la terre, la création des planètes.
La création d’Adam, celle d’Ève, leur expulsion du Paradis terrestre.
Le sacrifice de Noé et son ivresse, le déluge.
Le peintre qui est apparu comme celui des ténèbres aux générations qui n’ont pas connu l’éclat d’une restauration scrupuleuse, fait chanter les couleurs qui ne sont plus ternies par la suie des chandelles.
L’homme est au centre, Dieu lui donne le souffle vital qui le sortira de sa pose alanguie,  mais les corps d’Adam et Eve chassés du paradis portent le poids de « leur prison de chair » comme dit le conférencier Christian Loubet qui fait partager aux amis du musée de Grenoble les passions de Michel Ange privé très tôt de sa mère, révolté contre son père au point que jusqu’à sa mort il ne pouvait achever de visage masculins qu’il martelait.
Sur les côtés s’allient des sibylles et des prophètes,  les angles sont occupés par des héros du peuple élu : Judith, Esther, David et la légende du serpent d’airain.
Trente ans sont passés, le mur du fond sera peint après le sac de Rome et le schisme, c’est la fin des illusions de la Renaissance : les condamnés au moment du jugement dernier tournent autour d’un christ olympien, devant le soleil qui est devenu centre du monde depuis Copernic. Panique en ce jour de colère : les martyrs ont des mérites qui ne sont pas reconnus, Michel Ange a renoncé à ses pulsions, il se représente dans la vieille peau que tient Barthélémy. Dans ce moment dramatique, le génie devenu mélancolique, annonce le baroque.
Sur place se munir de jumelles, d’un miroir et si l’on veut échapper aux foules très denses, il parait qu’il y a des visites organisées hors des heures habituelles, plus chères où se faire cardinal et méditer les yeux au plafond.

mercredi 13 mars 2013

E-motion. Fondation Maeght.



Bernard Massini, chirurgien niçois nous présente dans la lumineuse fondation Maeght,  70 œuvres de 36 artistes contemporains jusqu’au 17 mars 2013.
« Est-ce que ce sont les mêmes hommes qui aiment, qui construisent des œuvres admirables, qui tuent ou se sacrifient ? C’est pour moi une énigme. J’attends de l’art qu’il m’aide à comprendre la nature ambivalente de l’être humain »
Si le nom de Garouste me disait quelque chose, nous nous sommes empressés de noter le nom d’Assan Smati qui a attiré notre regard par la force de ses sculptures et de tableaux dont la taille n’est pas la seule cause de notre émotion.
Sa tête de chien déchire, son « Hallali d’Ali » écorche, ses « Pink Flamingos » nous regardent droits dans les yeux.
Nous avons retenu aussi le nom de Djamel Tatah lui aussi de Saint Chamond dont les personnages dans leur chute, leur danse lente, en arrivent à l’apaisement.
Le titre de l’exposition n’est pas très accrocheur avec un « E » qui précède ordinairement bien des productions sur les ordis. On peut  alors s’attendre à  des vidéos, du numérique, eh bien de toile, il n’y en est que tendue sur des cadres à l’ancienne sous des formes novatrices mais intelligibles. Il y a aussi de la poussière recueillie par Markus Hansen à l’effet des plus ineffables.
« E-motion : être mu hors de soi pour se relier à l’autre ».
La signification du titre un peu laborieux est expliquée dans la plaquette d’accompagnement  pas très vendeuse non plus avec  la reproduction d’une tête sur fond bleu, ne laissant pas deviner la puissance de la plupart des œuvres présentées.
On peut aussi apprécier les Miro qui vont si bien sous les pins permanents, les vitraux de Braque… et un tableau de Gasiorowski qui subsiste d’une récente exposition qui lui était consacrée, juste pour nous faire regretter de l’avoir manqué.

mardi 12 mars 2013

Le visiteur du Sud. Oh Yeong Jin.



La Corée du Nord : Delisle, le canadien avait tiré, au sein  de cette contrée d’ennui, des pépites d’humour  subtil. Cette fois c’est un Coréen, du sud, qui tient la chronique de ses journées qui n’en finissent pas sur le chantier d’une centrale nucléaire au nord.
Le dessin vraiment raide s’accorde au vide des heures, aux difficultés de communication avec ses compatriotes du Nord.
Des pages informatives viennent se glisser au milieu des cases, où il ne se passe pas grand-chose, concernant les médias en Corée du Nord, le nucléaire, la marche de la grande souffrance dans  les années 90, le regard de monsieur Oh sur le parti ouvrier et l’art et les artistes.
C’est un manhwa qui signifie BD en Coréen, que des distinctions pour spécialistes séparent du manga. Comme à l’issue de certains films lents, nous pouvons ressentir un certain apaisement une fois arrivés au bout des 200 mornes pages. 

lundi 11 mars 2013

Wadja. Haifaa Al Mansour.



Le nom de Wajda Andrzej m’est revenu quand ce film est apparu à l’affiche.
Au-delà d’une homonymie approximative, le Polonais avait dénoncé bien des silences du temps du communisme et dans ce film tourné aux abords du désert en Arabie Saoudite, il est question aussi d’oppression et de mensonge.
Wajda est une petite fille qui se débrouille pour obtenir la bicyclette qu’elle convoite.
Le mérite de la réalisatrice saoudienne, la seule, est d’avoir obtenu un prix dans un festival  à Dubaï et ainsi de pouvoir faire apprécier cet éloge de la ténacité, du courage, de la liberté, aux premières concernées, aux premiers concernés.
L’histoire est limpide, l’école stricte : interdit de rire, le mari absent envisage de prendre seconde épouse, la maman se rend à son travail en taxi collectif conduit par un homme.
Quand sur le chemin poussiéreux de l’école, les fillettes sont enveloppées dans des voiles, des lacets de couleur peuvent être signe de liberté.
Les contraintes arrivent à imposer le silence jusque dans les moindres recoins des maisons qui ne manquent pas d’écrans larges pour les jeux de papa, alors les résistances les plus dérisoires prennent des allures réjouissantes de victoire. Toutes les femmes ne sont pas complices forcément de leur enfermement et  il arrivera même que la cérémonie de récitation du Coran soit  perturbée par un accès de sincérité.
L’attrait de ce film est de voir confirmée la volonté universelle de vivre libre, mais aussi depuis nos sociétés repues où les enfants ont tellement tout avant d’en avoir l’idée, la conquête d’un objet aussi banal qu’une bicyclette prend des allures d’épopée.
Nous pouvons retrouver des émotions premières quand au pays enveloppé de noir, les idées sortent du simplisme et le petit garçon laisse entrevoir que tout n’est pas perdu quand il a envie de se marier plus tard avec cette sauterelle sympathique dont il sait qu’elle ne se laissera pas dompter.  
La fillette est l’avenir du garçonnet et le vélo le véhicule de son émancipation.

dimanche 10 mars 2013

L’envolée. Stephan Eicher.



Sous la pochette chic, genre littérature enfantine,  12 chansons soignées.
Miossec  a fourni un texte et Djian  plus d’un, contrairement à ce qu’un critique distrait du magazine Marianne a écrit, même s’il ne chante qu’une fois en duo avec son complice.
La voix  singulière,  mélancolique, rapeuse est toujours caressante si bien que les mots s’apaisent pour un éternel « déjeuner en paix ».
« Et les bateaux déchargent
Leurs marchandises
Et les avions déchargent
Leurs cargaisons »
Le monde est là, et sa violence:
« Les hommes sont nés
Le mensonge à la bouche
Ils abiment ce qu’ils touchent »
Mais « fais une exception pour moi ».
La recherche de l’amour est persistante :
« donne moi une seconde » voire l’éternité.
Il suffit d’un sourire pour abolir les ennuis, et alors tout s’éclaire.
Les formats d’aujourd’hui imposent souvent une formule qui sera répétée:
« Tout doit disparaître » donne un effet puissant, surtout quand la vieillesse vous tracasse.
La joliesse des accords de blues, de rock, fait oublier un fond qui se dilue, si bien que l’on écoute les chansons en allemand comme celles  écrites en français, distraitement.
Le Suisse paye ses impôts en France.

samedi 9 mars 2013

Le peuple impopulaire. Alain Prévost.



Ce livre  d’Alain, fils de Jean Prévost l’écrivain mort au Vercors en 1944, dont le lycée de Villard de Lans porte le nom, développe le point de vue d’une trahison de Londres vis-à-vis des résistants du plateau par peur de voir les armes qui seraient parachutées servir  aux communistes après la libération. En attendant les maquisards ont été écrasés.
« Peuple impopulaire » c’est aussi dans Victor Hugo et dans les débats d’aujourd’hui où « populiste » est devenu une injure, au moment où le monde ouvrier devient  quelque peu étranger à la gauche.
« Moral de la population excellent mais se retournera rapidement contre vous si vous ne prenez pas des dispositions immédiates. Et nous serons d’accord avec eux pour dire que ceux qui sont à Londres et à Alger n’ont rien compris à la situation dans laquelle nous nous trouvons et sont considérés  comme des criminels et des lâches. Nous disons bien : des criminels et des lâches. »
C’était le message envoyé par Chavant  chef civil du Vercors dont un cinéma porte le nom.
Il n’est pas nommé ainsi dans ce roman historique paru en 1956.
Les personnages principaux portent aussi d’autres noms que les vrais hommes qui les ont inspirés et qui  ont vécu en héros. 
 Mais ceux-ci, avec mes yeux qui ont vu « Le chagrin et la pitié », m’ont paru agissant comme des archétypes bien que des doutes les taraudent parfois : l’intellectuel, le paysan, le communiste espagnol.
Le débat sur la perfidie de chefs de la résistance qui décidaient depuis leurs bureaux contribue-t-il à éclairer notre présent ? 
A Vassieux, l’extrême droite a fait 13% aux dernières présidentielles.