Conte glauque au temps des chevaux (harassés) aux confins
Est de l’Europe où l’écriture nous accroche, avant que trop de noirceur des
âmes accordée à la saison glaciale et aux paysages désolés, ne nous lasse. La tempête : « …
elle venait désormais buter et tournoyer dans le cul-de-sac du plateau dominé
par de faibles crêtes sous lesquelles la ville s’était construite depuis
longtemps. On aurait cru un fauve piégé, tournant en rond dans le treillis de
fer au point de se mordre la queue. »
Un curé vient d’être tué, dans une bourgade perdue « au
rectum de l’Univers », alors les dirigeants de « l’Empire » vont
manipuler la populace pour exterminer la paisible minorité musulmane.
Un des romans de ce président du Jury Goncourt traduit en bande
dessinée convenait bien au genre avec gueules effrayantes et contrastes
appuyés.
Mais trop de caricatures éloignent des nuances qui auraient
rendu plus crédibles quelques lourdes correspondances avec des situations contemporaines,
bien qu’une fine allusion aux réseaux sociaux d’avant les portables soit
bienvenue.
Le méchant :
« … cet avorton d’Evêque qu’on avait envoyé ici, à son corps blet sous
l’habit, à son pauvre regard aux yeux dilués, à sa bouche décousue et baveuse.
Son Dieu était-il à son image, cacochyme et impotent ? »
Le bon :« Vous êtes un
homme de religion, monsieur l’Iman, c’est à dire d’espérance et de foi. La
vision que vous avez de l’homme est faussée par cela, et vous ne parvenez pas à
croire que les brebis que vous avez en face de vous puissent se révéler, selon
les heures et les circonstances, des hyènes sanguinaires. »
Les richesses du style aux senteurs vigoureuses s’épanouissent
sur le versant malpropre de la force, se dilapident dans des énumérations
interminables qui faisaient sourire avec San Antonio, mais tournent au procédé pour
garnir les 507 pages.
L’odieux personnage principal invité à une chasse à l’ours,
va se fournir au bazar qui vend
« … des bassines
en zinc […]… des pièges à fouine, à taupe, à vipère… » (20 lignes)
Il achète une pétoire ridicule et un costume risible :
«… un feutre
noir, orné d’une plume d’émeu et d’un galon doré ayant appartenu à un officier
de l’armée napoléonienne, disciple de Diane et grand coureur de femmes… »
Il devra se poster dans un lieu sinistre, le lac mort:
«Ici la forêt avait
abandonné la partie et ne laissait pousser au creux de l’immense cuve
rocailleuse, où jadis les eaux d’un lac avaient dû mourir d’ennui et fini par
s’évaporer, qu’une végétation basse, hirsute, broussailleuse, sale, qui mêlait
les ronces, les aulnes courts et les charbonnettes. Des fougères brûlées par
les gels aplatissaient leurs squelettes roux dans des brouets de
neige ».
Des mots poétiques dans la bouche d’une petite fille
misérable paraissent artificiels en milieu si fangeux :
« Nous tournons
le dos aux heures, aux hommes, à leur règles, à leur temps »
Finalement, en se dispensant d’être bon, le regard désabusé
de l’auteur des « Ames grises », peut ne pas être émoussé:
« C’est sans
doute là ce que certains hommes appellent le destin, terme pompeux qui sert à
les grandir, ou la fatalité, autre vocable plus à même de les excuser. »