J'ai pensé à une recette pour ton blog.
C'est une recette pour l'été, ma mère la faisait souvent quand nous avions des invités.
Je crois qu’elle la tenait de paysans de la Mayenne, chez qui elle passait des vacances dans les années 1910.
Je n'ai pas en tête les proportions exactes, je cuisine un peu au pif mais voilà.
Il faut : un lapin coupé en morceaux, des lardons natures ou salés mais surtout pas fumés, des oignons, du sel, un peu de poivre, du vin blanc sec et une feuille de laurier.
Dans une terrine qui va au four on met : une couche d'oignons, une couche de lardons, une couche de lapin. On sale légèrement, surtout si les lardons sont "natures".
On recommence, oignons, lardons, lapin, on sale encore un peu, un soupçon de poivre, on ajoute le vin blanc, la feuille de laurier sur le tout, on ferme le couvercle et on met au four.
Je dirais four chaud, (autour de 200 °) à peu près une heure. Le lapin cuit vite, quand ça sent bon, c'est cuit. On sort la terrine, on la laisse refroidir, quand elle est froide on la met au frigo. Le vin blanc prend en gelée au bout de quelques heures. Une nuit, c'est parfait. Il n'y a plus qu'à dresser un plat avec la gelée tout autour. On peut servir des haricots verts avec. Régal assuré.
Elisabeth
dimanche 31 mai 2009
samedi 30 mai 2009
Le retour imaginaire
Dans les livres de photographies, quand il y a du texte, en général, celui-ci a moins de poids ; dans ces 120 pages les mots importent.
Ces images de Kaboul prises avec un appareil archaïque sont imbibées par le noir qui les encadre. Souvent le noir offre un écrin raffiné aux images, là il embrume tous les clichés et leur donne une patine qui les emporte loin des calendriers.
Atik Rahimi, le prix Goncourt, avait passé la frontière en 83, il nous parle de l’exil et des mots en allés avec les larmes. Il revient en Afghanistan où tout est ruine : le cimetière est défoncé, le marchand d’oiseaux n’a plus que des cages et la jeune femme assise sur les gradins est revenue au stade où son amoureux a été tué parce que sur sa poitrine était tatoué : « l’amour n’est pas un péché ».
Ces images de Kaboul prises avec un appareil archaïque sont imbibées par le noir qui les encadre. Souvent le noir offre un écrin raffiné aux images, là il embrume tous les clichés et leur donne une patine qui les emporte loin des calendriers.
Atik Rahimi, le prix Goncourt, avait passé la frontière en 83, il nous parle de l’exil et des mots en allés avec les larmes. Il revient en Afghanistan où tout est ruine : le cimetière est défoncé, le marchand d’oiseaux n’a plus que des cages et la jeune femme assise sur les gradins est revenue au stade où son amoureux a été tué parce que sur sa poitrine était tatoué : « l’amour n’est pas un péché ».
vendredi 29 mai 2009
L’Europe : le débat interdit.
Le laisser aller libéral ne peut se cacher plus longtemps sous l’agitation du chouchou des médias, c’est la faillite, alors regardez ailleurs : allez fouiller dans les cartables, des fois que vous trouveriez un couteau.
Je reviens de meeting, où pendant 2 heures nous avons pu approfondir le sujet de l’Europe, avec Peillon, orateur à l’ancienne, replaçant l’échéance du 7 juin dans l’histoire des socialistes : bien.
Est-ce que l’urgence est de sanctionner…les socialistes ?
Le soir des élections ce qui va compter, c’est bien si Sarko est en tête ?
Alors, on se refait les regrets de 2002 ?
Je joins une vidéo où il est question d’Europe du site du Nouvel Obs.
Je reviens de meeting, où pendant 2 heures nous avons pu approfondir le sujet de l’Europe, avec Peillon, orateur à l’ancienne, replaçant l’échéance du 7 juin dans l’histoire des socialistes : bien.
Est-ce que l’urgence est de sanctionner…les socialistes ?
Le soir des élections ce qui va compter, c’est bien si Sarko est en tête ?
Alors, on se refait les regrets de 2002 ?
Je joins une vidéo où il est question d’Europe du site du Nouvel Obs.
Europe: débat Daniel Cohn-Bendit/Pierre Moscovici - Nouvel Obs
Réunis dans la salle de la Bellevilloise à Paris, jeudi 25 mai, par le Nouvel Observateur et Terra Nova, Daniel Cohn-Bendit, député Vert, tête de liste Europe-Ecologie et Pierre Moscovici, député PS du Doubs, ex vice-président du Parlement européen ont débattu de l'Europe politique et répondu aux questions des profanes venus les écouter: A quoi sert le Parlement Européen, qu'a-t-il fait, qu'est-ce que cela change au quotidien...? Extrait de ce débat qui a duré plus d'une heure.
Réunis dans la salle de la Bellevilloise à Paris, jeudi 25 mai, par le Nouvel Observateur et Terra Nova, Daniel Cohn-Bendit, député Vert, tête de liste Europe-Ecologie et Pierre Moscovici, député PS du Doubs, ex vice-président du Parlement européen ont débattu de l'Europe politique et répondu aux questions des profanes venus les écouter: A quoi sert le Parlement Européen, qu'a-t-il fait, qu'est-ce que cela change au quotidien...? Extrait de ce débat qui a duré plus d'une heure.
jeudi 28 mai 2009
Décoder un tableau religieux.
Il y avait bien cette anecdote, quelques années en arrière, d’un élève de quatrième dans une église interrogeant: « qui c’est cette femme avec un bébé dans les bras ? » mais c’est en jaugeant l’inculture présente de certains étudiants en philosophie qu’Eliane Burnet a écrit son livre et nous régale de son exposé rigoureux aux amis du Musée.
Régis Debray, décidément en majesté, en ce moment, est cité en préambule pour appuyer que c’est en connaissant notre culture qu’on peut mieux apprécier les autres. A rapprocher du Dalaï Lama recommandant aux apprentis bouddhistes de bien étudier leur religion d’origine avant d’entamer leur tourisme spirituel.
A travers les évangiles, les écrits apocryphes, nous apprenons que l’âne et le bœuf apparaissent au chevet de Jésus par intermittence au cours de l’histoire, et de voir ces modestes animaux se prosterner a suscité bien des commentaires. La vénération de leurs os posa question. Il en est des montagnes d’interprétations, d’exégèses où les intentions de transmettre et de connaître sont émouvantes. La conférencière n’entre pas dans le détail de la forêt des symboles, mais esquisse à travers quelques tableaux la distinction entre une résurrection, une élévation, une ascension au-delà de leurs structures voisines.
Illustration bienvenue de la fécondité des connaissances qui ne s’appliquent pas seulement à des tableaux du passé, mais aussi à des œuvres contemporaines qui déclinent le thème de la visitation mille fois interprété mais réservant encore des surprises, tels ces Jésus dans le placard de sa maman rencontrant son cousin qui s’agenouille déjà.
J’ai bien aimé au delà de l’image qui a beaucoup servi « que chaque tableau soit une fête » cette idée de retrouver un cadre commun avec ses rites ses références où chacun apprécie l’instant ; même si les noëls de l’enfance ne ressemblent plus à ceux de l’âge mûr, une musique, des odeurs nous suivent.
Délices de découvrir des richesses insoupçonnées : par exemple à Capharnaüm, le paiement d’un tribut par le Christ en deux tableaux évoquant le même épisode. C’est quand même mieux de ne pas arriver vierge devant un tableau, ainsi devant « le massacre des innocents », ayant entamé notre angélisme nous gagnerons en savoir, en émotion, en plaisir.
Régis Debray, décidément en majesté, en ce moment, est cité en préambule pour appuyer que c’est en connaissant notre culture qu’on peut mieux apprécier les autres. A rapprocher du Dalaï Lama recommandant aux apprentis bouddhistes de bien étudier leur religion d’origine avant d’entamer leur tourisme spirituel.
A travers les évangiles, les écrits apocryphes, nous apprenons que l’âne et le bœuf apparaissent au chevet de Jésus par intermittence au cours de l’histoire, et de voir ces modestes animaux se prosterner a suscité bien des commentaires. La vénération de leurs os posa question. Il en est des montagnes d’interprétations, d’exégèses où les intentions de transmettre et de connaître sont émouvantes. La conférencière n’entre pas dans le détail de la forêt des symboles, mais esquisse à travers quelques tableaux la distinction entre une résurrection, une élévation, une ascension au-delà de leurs structures voisines.
Illustration bienvenue de la fécondité des connaissances qui ne s’appliquent pas seulement à des tableaux du passé, mais aussi à des œuvres contemporaines qui déclinent le thème de la visitation mille fois interprété mais réservant encore des surprises, tels ces Jésus dans le placard de sa maman rencontrant son cousin qui s’agenouille déjà.
J’ai bien aimé au delà de l’image qui a beaucoup servi « que chaque tableau soit une fête » cette idée de retrouver un cadre commun avec ses rites ses références où chacun apprécie l’instant ; même si les noëls de l’enfance ne ressemblent plus à ceux de l’âge mûr, une musique, des odeurs nous suivent.
Délices de découvrir des richesses insoupçonnées : par exemple à Capharnaüm, le paiement d’un tribut par le Christ en deux tableaux évoquant le même épisode. C’est quand même mieux de ne pas arriver vierge devant un tableau, ainsi devant « le massacre des innocents », ayant entamé notre angélisme nous gagnerons en savoir, en émotion, en plaisir.
mercredi 27 mai 2009
Inégalités à l’école
Establet met en avant Guingamp.
C’est bien de voir les gens. Au forum de « la République des idées », Baudelot avec sa carrure et son accent m’a semblé plus accessible et j’ai tout compris à Establet quand il a évoqué la petite équipe de Guingamp qui avait battu, la veille, une équipe de l’élite du foot français, Rennes.
Il utilisait cette métaphore pour faire valoir que les progrès de la masse profitent à tous, l’efficacité et l’égalité vont de pair dans le domaine de l’école.
La perspective pour des lycées en Zep de pouvoir faire accéder des élèves à Sciences Po, au-delà du destin individuel de ceux qui ont réussi, a transformé positivement la vie de ces établissements.
Dans les groupes de niveaux : les forts avec les forts progressent, les faibles régressent ; en classe hétérogènes, les forts progressent, les faibles progressent.
Establet un des chercheurs majeurs à faire valoir le « niveau qui monte » a reconnu que ce n’était plus d’actualité depuis plusieurs années en France.
D’après les enquêtes PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) menées tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans le monde, la France est championne pour la reproduction des inégalités liées au milieu social et de surcroit l’écart entre l’élite et les plus faibles s’aggrave.
Le Japon, qui est à un bon rang, considère que ce sont les résultats du groupe qui importent : eh bien chacun est tiré vers le haut !
« La France, hypocritement, le temps d’une messe croit à l’égalité de chacun devant Dieu, mais au dehors, l’idéal aristocratique triomphe ».
L’école devrait réduire les écarts de performances et en même temps sélectionner les plus aptes à commander. Ce désir d’égalité côtoie la reconnaissance du pouvoir. Et pourtant, les contradictions entre justice sociale et efficacité peuvent être fécondes, l’élite peut s’élargir. Celle ci pourrait se spécialiser, et s’obliger à la coopération alors que la France produit de bons polyvalents mais en milieu endogame, ghetto du haut.
Dans la même période qui a vu le nombre des étudiants multiplié par 70, celui des élèves des grandes écoles a été doublé seulement.
La logique économique a gagné tous les terrains et pas seulement celui du vocabulaire, toutefois l’état pourrait opérer un retour sur investissement en obligeant les « winner » à s’engager plusieurs années pour l’état qui a dépensé pour eux.
A l’autre extrémité, 130 000 « décrocheurs ».
Le CLEPT( Collège Lycée Elitaire Pour Tous) essaye d’amener ceux qui avaient des incompatibilités réciproques avec l’institution, à être leur propre recours. Alliant l’action et la recherche, cette équipe de profs entraîne les jeunes à se situer en surplomb par rapport à leur parcours.
Nous avons bien souvent peur pour nos jeunes, mais s’ils n’ont pas plus de perspectives serions nous amenés à grossir les rangs de ceux qui ont peur de nos jeunes ?
C’est bien de voir les gens. Au forum de « la République des idées », Baudelot avec sa carrure et son accent m’a semblé plus accessible et j’ai tout compris à Establet quand il a évoqué la petite équipe de Guingamp qui avait battu, la veille, une équipe de l’élite du foot français, Rennes.
Il utilisait cette métaphore pour faire valoir que les progrès de la masse profitent à tous, l’efficacité et l’égalité vont de pair dans le domaine de l’école.
La perspective pour des lycées en Zep de pouvoir faire accéder des élèves à Sciences Po, au-delà du destin individuel de ceux qui ont réussi, a transformé positivement la vie de ces établissements.
Dans les groupes de niveaux : les forts avec les forts progressent, les faibles régressent ; en classe hétérogènes, les forts progressent, les faibles progressent.
Establet un des chercheurs majeurs à faire valoir le « niveau qui monte » a reconnu que ce n’était plus d’actualité depuis plusieurs années en France.
D’après les enquêtes PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) menées tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans le monde, la France est championne pour la reproduction des inégalités liées au milieu social et de surcroit l’écart entre l’élite et les plus faibles s’aggrave.
Le Japon, qui est à un bon rang, considère que ce sont les résultats du groupe qui importent : eh bien chacun est tiré vers le haut !
« La France, hypocritement, le temps d’une messe croit à l’égalité de chacun devant Dieu, mais au dehors, l’idéal aristocratique triomphe ».
L’école devrait réduire les écarts de performances et en même temps sélectionner les plus aptes à commander. Ce désir d’égalité côtoie la reconnaissance du pouvoir. Et pourtant, les contradictions entre justice sociale et efficacité peuvent être fécondes, l’élite peut s’élargir. Celle ci pourrait se spécialiser, et s’obliger à la coopération alors que la France produit de bons polyvalents mais en milieu endogame, ghetto du haut.
Dans la même période qui a vu le nombre des étudiants multiplié par 70, celui des élèves des grandes écoles a été doublé seulement.
La logique économique a gagné tous les terrains et pas seulement celui du vocabulaire, toutefois l’état pourrait opérer un retour sur investissement en obligeant les « winner » à s’engager plusieurs années pour l’état qui a dépensé pour eux.
A l’autre extrémité, 130 000 « décrocheurs ».
Le CLEPT( Collège Lycée Elitaire Pour Tous) essaye d’amener ceux qui avaient des incompatibilités réciproques avec l’institution, à être leur propre recours. Alliant l’action et la recherche, cette équipe de profs entraîne les jeunes à se situer en surplomb par rapport à leur parcours.
Nous avons bien souvent peur pour nos jeunes, mais s’ils n’ont pas plus de perspectives serions nous amenés à grossir les rangs de ceux qui ont peur de nos jeunes ?
mardi 26 mai 2009
Shit colombien
- Oui, oui…Hm, hm…
- …
- Oui, alors… aujourd’hui… maintenant… ici…
- J’ai pas envie de parler…
- Pourtant… à dix heures, hein ? Hm… Hm !
- Oui, hm… C’est quelle heure ?
- …
- Vous ne répondez pas à ce genre de question… Je l’oublie toujours !
- …
- Maintenant…tiens ! Ca me rappelle un rêve de main. Mais elle ne tenait plus rien. C’était une main inerte… une main…
- Une main avec rien autour…
- Tout d’abord, il n’y avait que cette main. Je la voyais énorme et blanche sur un drap de bain blanc aussi… Ce blanc sur du blanc qui n’avait jamais vécu… ça me… ça me …
- Oui… ça, ça…
- Ca m’échappait ; elle pendait un peu bleue, cette main… Et puis, elle a disparu et la serviette aussi. Il n’y avait plus qu’un oiseau.
- Oui… la main, l’oiseau, les deux.
- (aparté) Non, pas un oiseau, non, surtout pas un oiseau avec la main. Je vois où il veut en venir ! Ces obsessions… Et dire que je paie 45 euros les vingt minutes pour qu’il me refile ses obsessions !
- Oui, l’oiseau, la main… ?
- Non. En fait c’était pas un oiseau. J’avais mal vu mon rêve. Je crois que ma vue baisse sur mes rêves.
- Ah, oui ? Ca baisse, ça baisse ?
- C’était une araignée, j’en suis sûr ! Avec ses huit pattes bien gonflées, bien gorgées de sang.
- Gonflées… huit, huit, huit…
- Huit ! Je sais ce qu’il pense : les pouces ont été sectionnés… Je n’irai pas de ce côté-là ! Il peut toujours déblatérer en tirant sur sa moustache !
- Huit, huit, huit !
- En fait, je ne sais plus si j’ai écrasé l’araignée… Mais j’ai eu envie de le faire…
- Oui, ces huit dans les poils …
- Il veut m’emmener là où je n’irai pas. Je le vois bien ce salaud à trifouiller de ses dix doigts dans… Il le sait cette ordure que je ne bande plus… Il me torture, le sadique et moi je lui refile 45 euros chaudement négociés pour vingt minutes de torture !
- Oui, doigts, araignée, poils…
- …
- …
- j’ai eu un autre rêve cette nuit !
- Autre… autre ?
- J’entrais dans une salle de bain…
- Hm, hum, autre ?
- Il y avait dedans un mec complètement shooté, écroulé près de la baignoire !
- Hm, hm…
- Il avait l’œil dégoulinant et des moustaches… Là, j’ai très bien vu les moustaches. Noires, raides, luisantes, huilées, à la Dali quoi !
- Hum… raides, huilées…
- Ca y est, il remet ça, il m’emmerde !
- Oui, l’huile…
- J’ai ressenti une angoisse profonde, ses yeux en disaient long. C’est une peur longtemps enfouie. Je ne sais pas s’il est encore vivant.
- Oui… long, profondément enfoui…
- Mais, j’en peux plus, je vais le tuer ce tortionnaire ! Deux ans que je bande plus. Il le sait bien ce pourri et il me tourne sur le gril ! Il me coupe tout ! Il me coupe tout !
- Oui… les choses enfouies…
- Alors j’ai fait quelque chose dans le rêve… J’ai pensé au shit colombien…
- Oui, le colon…
- Mais où il m’emmène ce con !
- …
-…
- Oui… hm … « Shit » en anglais, c’est ?
- Je sais que vous savez que je sais ce que c’est « shit » ! Shit ! Et re-shit !
- Mais vous ne voulez pas le traduire, hein ?
- D’ailleurs, ça ne devait pas être de bonne qualité. Y a des gens qui fument n’importe quoi ! Et après y s’étonnent d’être tout …
- Inertes, blancs, bleuâtres …
- Pourquoi ?
- …
- …
- …
- Ce type, je lui ai coupé les mains ; elles saignent pas. Elles sont vides comme gonflées d’air en fait. Je lui ai coupé les moustaches aussi. Elles sont tombées sur la serviette. Elles étaient toutes petites. J’ai parlé dans mon rêve… Tiens, je vais te lui dire à ce nul que sa théorie est nulle, nulle, nulle ! J’ai dit au mec qu’avait plus de mains ni de moustaches : ça t’apprendra à faire de la contrebande…
- Contre… bande
- Contre… bande
- Ce sera le mot de la fin, monsieur.
- …
- Les Vingt minutes sont écoulées.
- …
- Cette fois vous avez le compte juste. Merci.
- Merci. A lundi.
Marie Treize
- …
- Oui, alors… aujourd’hui… maintenant… ici…
- J’ai pas envie de parler…
- Pourtant… à dix heures, hein ? Hm… Hm !
- Oui, hm… C’est quelle heure ?
- …
- Vous ne répondez pas à ce genre de question… Je l’oublie toujours !
- …
- Maintenant…tiens ! Ca me rappelle un rêve de main. Mais elle ne tenait plus rien. C’était une main inerte… une main…
- Une main avec rien autour…
- Tout d’abord, il n’y avait que cette main. Je la voyais énorme et blanche sur un drap de bain blanc aussi… Ce blanc sur du blanc qui n’avait jamais vécu… ça me… ça me …
- Oui… ça, ça…
- Ca m’échappait ; elle pendait un peu bleue, cette main… Et puis, elle a disparu et la serviette aussi. Il n’y avait plus qu’un oiseau.
- Oui… la main, l’oiseau, les deux.
- (aparté) Non, pas un oiseau, non, surtout pas un oiseau avec la main. Je vois où il veut en venir ! Ces obsessions… Et dire que je paie 45 euros les vingt minutes pour qu’il me refile ses obsessions !
- Oui, l’oiseau, la main… ?
- Non. En fait c’était pas un oiseau. J’avais mal vu mon rêve. Je crois que ma vue baisse sur mes rêves.
- Ah, oui ? Ca baisse, ça baisse ?
- C’était une araignée, j’en suis sûr ! Avec ses huit pattes bien gonflées, bien gorgées de sang.
- Gonflées… huit, huit, huit…
- Huit ! Je sais ce qu’il pense : les pouces ont été sectionnés… Je n’irai pas de ce côté-là ! Il peut toujours déblatérer en tirant sur sa moustache !
- Huit, huit, huit !
- En fait, je ne sais plus si j’ai écrasé l’araignée… Mais j’ai eu envie de le faire…
- Oui, ces huit dans les poils …
- Il veut m’emmener là où je n’irai pas. Je le vois bien ce salaud à trifouiller de ses dix doigts dans… Il le sait cette ordure que je ne bande plus… Il me torture, le sadique et moi je lui refile 45 euros chaudement négociés pour vingt minutes de torture !
- Oui, doigts, araignée, poils…
- …
- …
- j’ai eu un autre rêve cette nuit !
- Autre… autre ?
- J’entrais dans une salle de bain…
- Hm, hum, autre ?
- Il y avait dedans un mec complètement shooté, écroulé près de la baignoire !
- Hm, hm…
- Il avait l’œil dégoulinant et des moustaches… Là, j’ai très bien vu les moustaches. Noires, raides, luisantes, huilées, à la Dali quoi !
- Hum… raides, huilées…
- Ca y est, il remet ça, il m’emmerde !
- Oui, l’huile…
- J’ai ressenti une angoisse profonde, ses yeux en disaient long. C’est une peur longtemps enfouie. Je ne sais pas s’il est encore vivant.
- Oui… long, profondément enfoui…
- Mais, j’en peux plus, je vais le tuer ce tortionnaire ! Deux ans que je bande plus. Il le sait bien ce pourri et il me tourne sur le gril ! Il me coupe tout ! Il me coupe tout !
- Oui… les choses enfouies…
- Alors j’ai fait quelque chose dans le rêve… J’ai pensé au shit colombien…
- Oui, le colon…
- Mais où il m’emmène ce con !
- …
-…
- Oui… hm … « Shit » en anglais, c’est ?
- Je sais que vous savez que je sais ce que c’est « shit » ! Shit ! Et re-shit !
- Mais vous ne voulez pas le traduire, hein ?
- D’ailleurs, ça ne devait pas être de bonne qualité. Y a des gens qui fument n’importe quoi ! Et après y s’étonnent d’être tout …
- Inertes, blancs, bleuâtres …
- Pourquoi ?
- …
- …
- …
- Ce type, je lui ai coupé les mains ; elles saignent pas. Elles sont vides comme gonflées d’air en fait. Je lui ai coupé les moustaches aussi. Elles sont tombées sur la serviette. Elles étaient toutes petites. J’ai parlé dans mon rêve… Tiens, je vais te lui dire à ce nul que sa théorie est nulle, nulle, nulle ! J’ai dit au mec qu’avait plus de mains ni de moustaches : ça t’apprendra à faire de la contrebande…
- Contre… bande
- Contre… bande
- Ce sera le mot de la fin, monsieur.
- …
- Les Vingt minutes sont écoulées.
- …
- Cette fois vous avez le compte juste. Merci.
- Merci. A lundi.
Marie Treize
lundi 25 mai 2009
Mon festival 2009 au Cannet
Des cinéphiles venus des Etats Unis n’ont pu accéder à la projection du Tarentino, et comme à quelques jours près, nous pourrons le voir avec d’autres à Grenoble, ce sont des films plus rares que nous avons recherchés dans les salles aux alentours de La Croisette.
Nous sommes partis avant la fin du film « Avant Poste » où une éducatrice viole un jeune qui lui est confié. Nous avons été d’autant plus scandalisé, qu’il était projeté dans un quartier excentré à La Bocca, une dame qui venait au cinéma comme une fête du dimanche, est repartie en disant « je n’ai rien compris ». Mais à l’opposé, nous avons été agréablement surpris par « Tree Blind Mice » : trois marins en goguette à Sydney à la veille de leur départ en Irak, n’avaient pourtant rien au départ pour nous passionner.
Même au bout de 24 films, prétendre saisir une tendance dominante dans le festival 2009 relève de l’abus que je m‘applique à consommer de suite.
Il est facile de relever quelques images communes dans les films des antipodes : des hommes en train de planter des piquets au bord des champs.
En disposant la grille du roman familial, je m’apprêtais à resservir la complainte des pères absents mais en dehors de Mussolini dans « Vincere », les papas sont plutôt appliqués avec leurs maladresses : « Romulus my father », « Adieu Gary » alors que les mères sont souvent insuffisantes voire terribles : « Yuki et Nina »« Lost person area », « Rain of the children ».
La « Merditude des choses » déclenche le rire avec des blagues régressives mais la consommation excessive de bière rend désespérante cette tribu truculente. Les familles, dans des conditions matérielles les plus difficiles, s’inventent des refuges : « Huacho », « La force de l’eau ». D’autres fois, les mères « assurent » : « Amreeka » et jusqu’à l’outrance, « Mother » ; elles charpentent de belles histoires.
Nous avons pris connaissance d’informations utiles sur la condition des Maoris à travers une amitié : « September » et partagé une solitude au bord de la fin de vie : « Thomas ».
Les éclairages sur les plaies de notre société « Sombras » concernant l’émigration africaine en Espagne, ou 7 prisonniers tenus en 15m2 dans « Bad boys cellule 425 » sont meilleurs quand ils sont sobres. Les grandes fresques trop colorées amoindrissent leurs causes, « Altiplano », alors que « Le murmure du vent » réussit à nous emmener dans les paysages kurdes et nous rappelle la tragédie de ces peuples. « Le rideau de sucre » nous fait souvenir de l’épopée cubaine.
La logique capitaliste broie les individus dans « Rien de personnel » alors que les familles bousculées par la modernité s’inventent des réponses avec « Apron strings » en passant, comme souvent, par la cuisine. Mais la marche vers le bonheur sera encore longue pour les filles même quand l’une s’appelle « Niloofar »(le renouveau) en Iran, ou se proclame « La fille la plus heureuse du monde » en Roumanie.
Cette fête du cinéma, c’est aussi retrouver les courts métrages et les esquimaux au Raimu. Mes complices remarquent que l’empathie des réalisateurs était plus manifeste cette année que précédemment où la violence inondait les écrans, mais à lire les journaux qui parlaient du même festival que celui que nous fréquentions, c’était bien assez sanguinolent, violent m’a-t-il semblé. Cette brutalité s’est retrouvée dans quelques courts métrages dérangeants malgré de jolies surprises avec « Logorama » animation drôle, rythmée, politique et « This is her » au montage efficace, quand le tragique se soumet sous l’humour.
Dans la suite des bonheurs de cet épisode cannois, l’opportunité offerte de suivre une leçon de cinéma des frères Dardenne a constitué un sommet de plaisir et aiguisera encore un moment notre appétit de cinéma. La compréhension d’un montage, le choix d’un bruitage nous approchent de la source où le courage de vivre vient prendre la file pour remplir son gobelet.
Nous sommes partis avant la fin du film « Avant Poste » où une éducatrice viole un jeune qui lui est confié. Nous avons été d’autant plus scandalisé, qu’il était projeté dans un quartier excentré à La Bocca, une dame qui venait au cinéma comme une fête du dimanche, est repartie en disant « je n’ai rien compris ». Mais à l’opposé, nous avons été agréablement surpris par « Tree Blind Mice » : trois marins en goguette à Sydney à la veille de leur départ en Irak, n’avaient pourtant rien au départ pour nous passionner.
Même au bout de 24 films, prétendre saisir une tendance dominante dans le festival 2009 relève de l’abus que je m‘applique à consommer de suite.
Il est facile de relever quelques images communes dans les films des antipodes : des hommes en train de planter des piquets au bord des champs.
En disposant la grille du roman familial, je m’apprêtais à resservir la complainte des pères absents mais en dehors de Mussolini dans « Vincere », les papas sont plutôt appliqués avec leurs maladresses : « Romulus my father », « Adieu Gary » alors que les mères sont souvent insuffisantes voire terribles : « Yuki et Nina »« Lost person area », « Rain of the children ».
La « Merditude des choses » déclenche le rire avec des blagues régressives mais la consommation excessive de bière rend désespérante cette tribu truculente. Les familles, dans des conditions matérielles les plus difficiles, s’inventent des refuges : « Huacho », « La force de l’eau ». D’autres fois, les mères « assurent » : « Amreeka » et jusqu’à l’outrance, « Mother » ; elles charpentent de belles histoires.
Nous avons pris connaissance d’informations utiles sur la condition des Maoris à travers une amitié : « September » et partagé une solitude au bord de la fin de vie : « Thomas ».
Les éclairages sur les plaies de notre société « Sombras » concernant l’émigration africaine en Espagne, ou 7 prisonniers tenus en 15m2 dans « Bad boys cellule 425 » sont meilleurs quand ils sont sobres. Les grandes fresques trop colorées amoindrissent leurs causes, « Altiplano », alors que « Le murmure du vent » réussit à nous emmener dans les paysages kurdes et nous rappelle la tragédie de ces peuples. « Le rideau de sucre » nous fait souvenir de l’épopée cubaine.
La logique capitaliste broie les individus dans « Rien de personnel » alors que les familles bousculées par la modernité s’inventent des réponses avec « Apron strings » en passant, comme souvent, par la cuisine. Mais la marche vers le bonheur sera encore longue pour les filles même quand l’une s’appelle « Niloofar »(le renouveau) en Iran, ou se proclame « La fille la plus heureuse du monde » en Roumanie.
Cette fête du cinéma, c’est aussi retrouver les courts métrages et les esquimaux au Raimu. Mes complices remarquent que l’empathie des réalisateurs était plus manifeste cette année que précédemment où la violence inondait les écrans, mais à lire les journaux qui parlaient du même festival que celui que nous fréquentions, c’était bien assez sanguinolent, violent m’a-t-il semblé. Cette brutalité s’est retrouvée dans quelques courts métrages dérangeants malgré de jolies surprises avec « Logorama » animation drôle, rythmée, politique et « This is her » au montage efficace, quand le tragique se soumet sous l’humour.
Dans la suite des bonheurs de cet épisode cannois, l’opportunité offerte de suivre une leçon de cinéma des frères Dardenne a constitué un sommet de plaisir et aiguisera encore un moment notre appétit de cinéma. La compréhension d’un montage, le choix d’un bruitage nous approchent de la source où le courage de vivre vient prendre la file pour remplir son gobelet.
vendredi 15 mai 2009
Un an de blog
Depuis un an, j’ai déposé sur le blog 342 articles, 4025 personnes ont jeté un coup d’œil pendant un temps moyen de 1 minute 07, et 2963 visiteurs sont revenus , si bien que 11 160 pages ont été lues. Quand quotidiennement je constatais qu’il y avait une trentaine de visites, je restais parmi des effectifs familiers, mais le nombre total de visites sur une année : 6989, s’il est ridicule en regard des blogs majeurs, contribue à accroître mes étonnements par rapport à Internet.
Je participe aussi à un blog collectif « Réussir Ensemble Saint Egrève » où la confiance en l’expertise de chacun s’essaye à la mise en œuvre. Nous travaillons pour que la vigilance critique soit de mise, afin de sortir de notre communauté élective. Il est bon de secouer des hiérarchies, de remettre en cause la distance entre élus et électeurs dans cet espace qui peut combler ceux qui font de la coopération une éthique.
Pour continuer à me servir des mots de Daniel Bougnoux au forum de la « République des idées », les nouvelles du mardi de Marie Thérèse font en sorte que le passage de "la graphosphère" à la "numérosphère" est … un simple transfert.
Lundi : c’est cinéma.
Mardi : d’autres écritures. Dany et Marie Treize ont déjà donné.
Mercredi : j’arrive bientôt au bout de mon autobiographie professionnelle, « Faire classe ».
Jeudi : beaux arts.
Vendredi : livres
Samedi : politique
Dimanche : spectacles.
Je parsème au fil des jours quelques recettes de cuisine et des propos de canapé sur le foot.
Je remercie les piliers du site « Mon Saint Egrève » qui m’ont poussé à passer à l’acte et Gabriel qui m’a donné le coup de pouce technique décisif.
Au miroir de mon écran, en feuilletant l’album de mes photographies publiées, mon "ombre numérique" se tient, mais si l’expression électronique se veut interactive, la rareté des commentaires inclinerait à penser que ce blog est surtout un monologue.
Désormais, j’entrerai peut être dans un cycle de publications moins contraignant, et observerai une pause le samedi, jour de moindre fréquentation.
Là pour une bonne semaine, je n’ajouterai pas d’articles car j’ai le privilège de consacrer tout mon temps à voir des dizaines de films, je change d'écrans, et bien que ce soit au Cannet, je ne résiste pas à reproduire : « Yes we Cannes »
Je rédige mon article prochain pour lundi 25 mai.
Je participe aussi à un blog collectif « Réussir Ensemble Saint Egrève » où la confiance en l’expertise de chacun s’essaye à la mise en œuvre. Nous travaillons pour que la vigilance critique soit de mise, afin de sortir de notre communauté élective. Il est bon de secouer des hiérarchies, de remettre en cause la distance entre élus et électeurs dans cet espace qui peut combler ceux qui font de la coopération une éthique.
Pour continuer à me servir des mots de Daniel Bougnoux au forum de la « République des idées », les nouvelles du mardi de Marie Thérèse font en sorte que le passage de "la graphosphère" à la "numérosphère" est … un simple transfert.
Lundi : c’est cinéma.
Mardi : d’autres écritures. Dany et Marie Treize ont déjà donné.
Mercredi : j’arrive bientôt au bout de mon autobiographie professionnelle, « Faire classe ».
Jeudi : beaux arts.
Vendredi : livres
Samedi : politique
Dimanche : spectacles.
Je parsème au fil des jours quelques recettes de cuisine et des propos de canapé sur le foot.
Je remercie les piliers du site « Mon Saint Egrève » qui m’ont poussé à passer à l’acte et Gabriel qui m’a donné le coup de pouce technique décisif.
Au miroir de mon écran, en feuilletant l’album de mes photographies publiées, mon "ombre numérique" se tient, mais si l’expression électronique se veut interactive, la rareté des commentaires inclinerait à penser que ce blog est surtout un monologue.
Désormais, j’entrerai peut être dans un cycle de publications moins contraignant, et observerai une pause le samedi, jour de moindre fréquentation.
Là pour une bonne semaine, je n’ajouterai pas d’articles car j’ai le privilège de consacrer tout mon temps à voir des dizaines de films, je change d'écrans, et bien que ce soit au Cannet, je ne résiste pas à reproduire : « Yes we Cannes »
Je rédige mon article prochain pour lundi 25 mai.
jeudi 14 mai 2009
La beauté en temps de crise.
L’autre soir, chez les amis du musée, je m’émerveillais de la sophistication de la réflexion du conférencier qui nous entretenait de la beauté selon Gerhard Richter. Même si je n’avais pas tous les éléments pour accéder à tous les arcanes de ce brillant exposé de Bernard Blistene, j’ai goûté avec délices les fulgurances de Baudelaire reliant la beauté à la révolte.
Je trouvais de prestigieuses justifications à mon ennui quand sur un tableau et même dans la vie, l’harmonie proclamée s’impose, je préfère les décalages, les incertitudes, les surprises. J’ai aussi voulu comprendre « la photographie, c’est tout ce qui n’est pas moi » d’après Barthes : lorsque je suis derrière le déclencheur je ne suis pas sur l’image : ouf !
J’ai apprécié aussi le goût du maître des cérémonies à revisiter le sens premier des mots comme : « faire remonter à la surface » qui inviterait à poursuivre le jeu avec le mot : « objectif ».
Mais cet arsenal d’érudition m’a paru aussi si loin de ce qui nous tarabuste quotidiennement.
Nos politiques qui pataugent, s’agitent, s’excusent, pourraient-ils enrichir leur staff de tels penseurs ? Est ce qu’un tel regard ne peut que nous conduire à gratter des couches d’acrylique et à nous tourner vers des ombres. Les nombres comptent, l’économie s’essouffle, pendant que le théâtre brûle n’entends tu pas le souffle chaud d’un saxo ?
Des artistes ont divorcé de la gauche, Ségo désespéra le lectorat de Télérama, le anti Hadopi nous dépitent. Richter fixa la bande à Baader sur ses toiles, Picasso fit œuvre avec Guernica. Que faire avec Lampedusa où s’échouent les barques africaines ?
Je trouvais de prestigieuses justifications à mon ennui quand sur un tableau et même dans la vie, l’harmonie proclamée s’impose, je préfère les décalages, les incertitudes, les surprises. J’ai aussi voulu comprendre « la photographie, c’est tout ce qui n’est pas moi » d’après Barthes : lorsque je suis derrière le déclencheur je ne suis pas sur l’image : ouf !
J’ai apprécié aussi le goût du maître des cérémonies à revisiter le sens premier des mots comme : « faire remonter à la surface » qui inviterait à poursuivre le jeu avec le mot : « objectif ».
Mais cet arsenal d’érudition m’a paru aussi si loin de ce qui nous tarabuste quotidiennement.
Nos politiques qui pataugent, s’agitent, s’excusent, pourraient-ils enrichir leur staff de tels penseurs ? Est ce qu’un tel regard ne peut que nous conduire à gratter des couches d’acrylique et à nous tourner vers des ombres. Les nombres comptent, l’économie s’essouffle, pendant que le théâtre brûle n’entends tu pas le souffle chaud d’un saxo ?
Des artistes ont divorcé de la gauche, Ségo désespéra le lectorat de Télérama, le anti Hadopi nous dépitent. Richter fixa la bande à Baader sur ses toiles, Picasso fit œuvre avec Guernica. Que faire avec Lampedusa où s’échouent les barques africaines ?
mercredi 13 mai 2009
Prise de tête. Faire classe # 31
L’apparition de cette funeste expression marquait le début d’une dégringolade.
Réfléchir devenait synonyme de souffrance aboutissant au comble :
« surtout ne pas se poser de question », c’est ce que dit le sauteur à l’élastique depuis le parapet.
Intello est devenu péjoratif, une insulte, un mépris. La tête en bas.
Des images d’ascenseur social sortent encore de claviers paresseux alors que l’idée d’élévation ne figure plus au goût du jour. La culture en un temple unique impressionnait trop : dans le passé, on se devait d’avoir lu ce livre, de connaître telle date … Ces sources de culpabilité se sont taries. Et en plus la valeur travail a été préemptée par Sarko, à quoi bon se fouler, prononcer le mot et vous voilà chez le maréchal. Le souhaitable, le désirable sont devenus relatifs, insignifiants. Dit-on encore : « élever » un enfant.
Il y a quelques temps, quand nous n’étions pas gouvernés par le morpion omniprésent, je m’en prenais à l’esprit de dérision qui envahissait tout l’espace.
Les « guignols de l’info », symboles d’une liberté de ton, furent un temps les maîtres puissants d’une pensée correcte, ils sont devenus un nom générique pour toute une manière d’envisager une société. L’anticonformisme à heure fixe, derrière des applaudissements commandés a perdu de sa verdeur, de sa vérité, calibré entre deux tunnels de pubs. Pour ne pas rougir du péché majeur du manque d’humour, il vaut mieux pour la victime de la satire, s’avilir, que reconnaître ne pas goûter l’ironie sans mesure. La flagellation quotidienne des responsables a dévalorisé la pensée un peu subtile. Pauvre Rocard qui pensait que la politique s’adressait à des citoyens en mesure de suivre les méandres d’une pensée complexe : il fut brocardé et apparut abscons. Il en arriva à tomber un soir dans « la boîte à coucou ».
On n’a jamais tant parlé des « people » depuis que le peuple dans son sens « noble » a disparu. Tout et son contraire. Les expulsions de sans-papiers s’effectuent pour des raisons humanitaires et la carte scolaire supprimée pour éviter les ghettos : elle les consacre. Sous les paillettes marrantes, la vieille passivité est entretenue par les nouveaux officiants cathodiques, ils chérissent les déclinologues et autres animateurs en désespoir.
J’avais écrit ceci il y a quelque temps déjà et les petites interdictions : affiche de Dahan, condamnation d’un repreneur de « casse toi pov’con », rappeur censuré, le conformisme qui se lève tôt et se couche tard, fait froid dans le dos. Quand des chroniqueurs se montrent irrespectueux c’est la tempête ! Lèse majesté envers celui qui a si peu de noblesse.
Alors le lecteur qui se régalait d’Hara Kiri devient prude, va cacher ses lectures destinées à un public averti. Ben oui : la prudence sera de mise par rapport aux enfants qui doivent être préservés et ne pas avoir accès à tout, surtout avec la caution de l’école. La « création du monde » n’en prendra que plus de prix, plus tard.
Bien sûr que la frivolité n’est pas cantonnée derrière les écrans plats ; il revient à l’école de redorer le blasons des valeurs dans une société du dénigrement. Mais à l’heure où l’on parle de coachs spécialisés en éthique, ce n’est pas à l’école maternelle de dispenser des leçons de civisme : décidément ceux qui nous gouvernent s’appliquent à prouver leur ignorance crasse des pratiques d’une école qui fut notre fierté !
La mission civilisatrice de l’école primaire républicaine ne s’est pas épuisée quand chaque commune a obtenu sa communale, et ce n’est pas du luxe au temps de Frédéric Lefebvre et de Nadine Morano.
L’homme s’est sauvé quand il s’est mis debout : il a pu envisager un avenir, le construire. Réfléchir, chercher, travailler.
Réfléchir devenait synonyme de souffrance aboutissant au comble :
« surtout ne pas se poser de question », c’est ce que dit le sauteur à l’élastique depuis le parapet.
Intello est devenu péjoratif, une insulte, un mépris. La tête en bas.
Des images d’ascenseur social sortent encore de claviers paresseux alors que l’idée d’élévation ne figure plus au goût du jour. La culture en un temple unique impressionnait trop : dans le passé, on se devait d’avoir lu ce livre, de connaître telle date … Ces sources de culpabilité se sont taries. Et en plus la valeur travail a été préemptée par Sarko, à quoi bon se fouler, prononcer le mot et vous voilà chez le maréchal. Le souhaitable, le désirable sont devenus relatifs, insignifiants. Dit-on encore : « élever » un enfant.
Il y a quelques temps, quand nous n’étions pas gouvernés par le morpion omniprésent, je m’en prenais à l’esprit de dérision qui envahissait tout l’espace.
Les « guignols de l’info », symboles d’une liberté de ton, furent un temps les maîtres puissants d’une pensée correcte, ils sont devenus un nom générique pour toute une manière d’envisager une société. L’anticonformisme à heure fixe, derrière des applaudissements commandés a perdu de sa verdeur, de sa vérité, calibré entre deux tunnels de pubs. Pour ne pas rougir du péché majeur du manque d’humour, il vaut mieux pour la victime de la satire, s’avilir, que reconnaître ne pas goûter l’ironie sans mesure. La flagellation quotidienne des responsables a dévalorisé la pensée un peu subtile. Pauvre Rocard qui pensait que la politique s’adressait à des citoyens en mesure de suivre les méandres d’une pensée complexe : il fut brocardé et apparut abscons. Il en arriva à tomber un soir dans « la boîte à coucou ».
On n’a jamais tant parlé des « people » depuis que le peuple dans son sens « noble » a disparu. Tout et son contraire. Les expulsions de sans-papiers s’effectuent pour des raisons humanitaires et la carte scolaire supprimée pour éviter les ghettos : elle les consacre. Sous les paillettes marrantes, la vieille passivité est entretenue par les nouveaux officiants cathodiques, ils chérissent les déclinologues et autres animateurs en désespoir.
J’avais écrit ceci il y a quelque temps déjà et les petites interdictions : affiche de Dahan, condamnation d’un repreneur de « casse toi pov’con », rappeur censuré, le conformisme qui se lève tôt et se couche tard, fait froid dans le dos. Quand des chroniqueurs se montrent irrespectueux c’est la tempête ! Lèse majesté envers celui qui a si peu de noblesse.
Alors le lecteur qui se régalait d’Hara Kiri devient prude, va cacher ses lectures destinées à un public averti. Ben oui : la prudence sera de mise par rapport aux enfants qui doivent être préservés et ne pas avoir accès à tout, surtout avec la caution de l’école. La « création du monde » n’en prendra que plus de prix, plus tard.
Bien sûr que la frivolité n’est pas cantonnée derrière les écrans plats ; il revient à l’école de redorer le blasons des valeurs dans une société du dénigrement. Mais à l’heure où l’on parle de coachs spécialisés en éthique, ce n’est pas à l’école maternelle de dispenser des leçons de civisme : décidément ceux qui nous gouvernent s’appliquent à prouver leur ignorance crasse des pratiques d’une école qui fut notre fierté !
La mission civilisatrice de l’école primaire républicaine ne s’est pas épuisée quand chaque commune a obtenu sa communale, et ce n’est pas du luxe au temps de Frédéric Lefebvre et de Nadine Morano.
L’homme s’est sauvé quand il s’est mis debout : il a pu envisager un avenir, le construire. Réfléchir, chercher, travailler.
mardi 12 mai 2009
Allumez le four !
Je vous tâte, je vous pétris. J'imagine que vos verres en sont tout farineux et que si vous pouviez parler, émettre plaintes et requêtes, vous réclameriez un traitement à la chiffonnette, une douche au Spray Clearme, un trempage intégral dans une chimie adéquate.
Les humains sont ingrats, chères lunettes. Les humains sont ingrats mais s'attachent aux objets… à leur façon. J'affirme que je vous ai aimées, mes mies, d'un amour constant et rapproché, allant jusqu'à vous chercher quand je vous avais sur le nez. Il en est ainsi: on ne voit pas ceux qui vous servent le mieux.
Au début de notre relation, je vous ai subies comme on subit les éléments naturels, les aléas de la vie, l'accumulation des années. Aujourd'hui, c'est à peine si je vous vois. Vous ne m'êtes plus d'aucun secours.
J'ai de la peine, cependant à me séparer de vous, comme lorsque j'allais faire piquer mes chiens chassieux, goîtreux ou cancéreux. Sans emploi, vous vous seriez encroûtées.
Je vous range dans votre étui à ressort, votre sarcophage Steroflex bien que de chair vous n'ayez miette. Je pose sur vos cercles jumeaux, vos seins glacés, sur vos bras graciles de fillette anorexique, ce suaire synthétique avec lequel je vous astiquais trois fois par jour, vérifiant sur le bleu ou le gris du ciel la perfection de vos transparences.
Cloîtrées dans cet étui rouge que je vois d'un gris anémique qui tremblote et s'égare tel un nuage entre le plafond et le plancher, bouclées, coffrées, vous l'attendrez longtemps votre prince charmant !
Dans quel pétrin vous voilà !
Mes doigts ont vérifié, ces derniers mois, les dégradations que vos verres annonçaient sur mon visage. Aujourd'hui, je ne me vois plus…
Vous ne servirez plus mes passions botaniques, mes illusions d'amateur quand à grands coups de pinceaux, je guérissais sur la toile une nature trop étrange.
Certes vous ne me protégerez plus des postillons des infatigables parleurs. Comment leur dire, à ces amis, que je les voudrais muets en compagnie de ma cécité. Mais ils parlent : ils se consolent.
Je sais, je sais…L'oraison est pompeuse! Mais je procède à vos obsèques.
Vous allez reposer sur le manteau de la cheminée, près de l'antique horloge. Il paraît que certains endeuillés déposent en cet endroit les urnes renfermant les cendres et osselets de leurs chairs disparues.
Mon amour est parti.
Un homme si généreux ! Une canne blanche en cadeau d'adieu. Il m'en apprit le fonctionnement. Un bouton, un déclic et la voilà rigide, prête à l'emploi.
J'aurais préféré un chien, son poil odorant, sa langue râpeuse, ses soupirs apaisants au crépuscule.
Depuis que je joue avec ma canne dans le dédale de la ville, depuis que je range les objets avec un soin extrême - chacun doit habiter un territoire immuable, si je veux le retrouver - depuis que dans mes rêves, la lune tourne telle la toupie bariolée de mon enfance, depuis que la chaleur sur mes mains et mon visage est la seule preuve du jour, depuis…
On sonne ! Il est onze heures.
C'est le boulanger ambulant …
J'ouvre la porte et me vient cette odeur de blé et d'ortie, de laine et de sueur. Je tends les bras. Il attrape mes mains, les tient entre ses doigts hardis. Je tâtonne comme maladroite, je les caresse comme par mégarde. Cécité oblige… La croûte du pain est douce, agrémentée d'espiègles aspérités. La peau du boulanger aussi.
L'homme de onze heures sent la farine et le levain, le bois brûlé. Sa voix est celle d'un marin, forte, claire. Une voix de sel et d'algues. La voix des travailleurs de la nuit. Bruit des fournils la nuit sont bruits de la mer la nuit. Les pêcheurs tirent les filets, les boulangers étirent la pâte…
La miche est sur mes genoux.
Le boulanger sonne chez la voisine qui n'aime que les ficelles : une ficelle bien cuite, s'il vous plait ! La pauvrette achète des avortons de boulange et tout secs encore !
La miche est tiède contre mon ventre. Je la caresse, je caresse le ventre blond d'un jeune boulanger. Je caresse les champs et les forêts, les montagnes têtues, les fleuves habiles. Contre mon ventre je caresse le pain élastique et si vieux. Son odeur craque dans mes narines et me chante une mélopée : des lions rouges trottent parmi les graminées, le soleil se disperse dans les herbes. Une femme vêtue d'indigo revient de la source, les seins portés haut…
Pain de mes rêves, je te découpe, je prends dans ma bouche le beau travail du boulanger.
Demain, je le recevrai de nouveau, à onze heures avant qu'il n'aille sonner chez cette linotte de voisine et qu'elle s'étrangle avec sa baguette racornie !
Demain j'ouvrirai ma porte en douceur pour ne rien perdre du défilé des odeurs.
Mes mains frissonneront sur ses mains, sur son pain, mon enfant, mon enfant quotidien. Le rire fort et clair, les mots jetés comme des poignées de lumière.
Je fermerai la porte sans bruit.
Le croûton éclate entre mes molaires. Le plaisir éclate dans ma bouche.
Marie-Thérèse Jacquet, alias Marie Treize
Les humains sont ingrats, chères lunettes. Les humains sont ingrats mais s'attachent aux objets… à leur façon. J'affirme que je vous ai aimées, mes mies, d'un amour constant et rapproché, allant jusqu'à vous chercher quand je vous avais sur le nez. Il en est ainsi: on ne voit pas ceux qui vous servent le mieux.
Au début de notre relation, je vous ai subies comme on subit les éléments naturels, les aléas de la vie, l'accumulation des années. Aujourd'hui, c'est à peine si je vous vois. Vous ne m'êtes plus d'aucun secours.
J'ai de la peine, cependant à me séparer de vous, comme lorsque j'allais faire piquer mes chiens chassieux, goîtreux ou cancéreux. Sans emploi, vous vous seriez encroûtées.
Je vous range dans votre étui à ressort, votre sarcophage Steroflex bien que de chair vous n'ayez miette. Je pose sur vos cercles jumeaux, vos seins glacés, sur vos bras graciles de fillette anorexique, ce suaire synthétique avec lequel je vous astiquais trois fois par jour, vérifiant sur le bleu ou le gris du ciel la perfection de vos transparences.
Cloîtrées dans cet étui rouge que je vois d'un gris anémique qui tremblote et s'égare tel un nuage entre le plafond et le plancher, bouclées, coffrées, vous l'attendrez longtemps votre prince charmant !
Dans quel pétrin vous voilà !
Mes doigts ont vérifié, ces derniers mois, les dégradations que vos verres annonçaient sur mon visage. Aujourd'hui, je ne me vois plus…
Vous ne servirez plus mes passions botaniques, mes illusions d'amateur quand à grands coups de pinceaux, je guérissais sur la toile une nature trop étrange.
Certes vous ne me protégerez plus des postillons des infatigables parleurs. Comment leur dire, à ces amis, que je les voudrais muets en compagnie de ma cécité. Mais ils parlent : ils se consolent.
Je sais, je sais…L'oraison est pompeuse! Mais je procède à vos obsèques.
Vous allez reposer sur le manteau de la cheminée, près de l'antique horloge. Il paraît que certains endeuillés déposent en cet endroit les urnes renfermant les cendres et osselets de leurs chairs disparues.
Mon amour est parti.
Un homme si généreux ! Une canne blanche en cadeau d'adieu. Il m'en apprit le fonctionnement. Un bouton, un déclic et la voilà rigide, prête à l'emploi.
J'aurais préféré un chien, son poil odorant, sa langue râpeuse, ses soupirs apaisants au crépuscule.
Depuis que je joue avec ma canne dans le dédale de la ville, depuis que je range les objets avec un soin extrême - chacun doit habiter un territoire immuable, si je veux le retrouver - depuis que dans mes rêves, la lune tourne telle la toupie bariolée de mon enfance, depuis que la chaleur sur mes mains et mon visage est la seule preuve du jour, depuis…
On sonne ! Il est onze heures.
C'est le boulanger ambulant …
J'ouvre la porte et me vient cette odeur de blé et d'ortie, de laine et de sueur. Je tends les bras. Il attrape mes mains, les tient entre ses doigts hardis. Je tâtonne comme maladroite, je les caresse comme par mégarde. Cécité oblige… La croûte du pain est douce, agrémentée d'espiègles aspérités. La peau du boulanger aussi.
L'homme de onze heures sent la farine et le levain, le bois brûlé. Sa voix est celle d'un marin, forte, claire. Une voix de sel et d'algues. La voix des travailleurs de la nuit. Bruit des fournils la nuit sont bruits de la mer la nuit. Les pêcheurs tirent les filets, les boulangers étirent la pâte…
La miche est sur mes genoux.
Le boulanger sonne chez la voisine qui n'aime que les ficelles : une ficelle bien cuite, s'il vous plait ! La pauvrette achète des avortons de boulange et tout secs encore !
La miche est tiède contre mon ventre. Je la caresse, je caresse le ventre blond d'un jeune boulanger. Je caresse les champs et les forêts, les montagnes têtues, les fleuves habiles. Contre mon ventre je caresse le pain élastique et si vieux. Son odeur craque dans mes narines et me chante une mélopée : des lions rouges trottent parmi les graminées, le soleil se disperse dans les herbes. Une femme vêtue d'indigo revient de la source, les seins portés haut…
Pain de mes rêves, je te découpe, je prends dans ma bouche le beau travail du boulanger.
Demain, je le recevrai de nouveau, à onze heures avant qu'il n'aille sonner chez cette linotte de voisine et qu'elle s'étrangle avec sa baguette racornie !
Demain j'ouvrirai ma porte en douceur pour ne rien perdre du défilé des odeurs.
Mes mains frissonneront sur ses mains, sur son pain, mon enfant, mon enfant quotidien. Le rire fort et clair, les mots jetés comme des poignées de lumière.
Je fermerai la porte sans bruit.
Le croûton éclate entre mes molaires. Le plaisir éclate dans ma bouche.
Marie-Thérèse Jacquet, alias Marie Treize
lundi 11 mai 2009
Still walking
Oui, il faut encore marcher, et que les escaliers sont pénibles à gravir après la mort d’un fils pour cette famille qui se retrouve une fois l’an chez les parents !
Film essentiel, profond, délicat, les personnages ne sont pas forcément ce qui apparaît d’eux, la tendresse côtoie la violence, le sourire la douleur.
Bien au-delà du cliché à propos de la société japonaise coincée dans ses codes de politesse, c’est toute la complexité de notre condition humaine qui est présentée à chaque plan, ou la modernité s’affronte à la transmission, l’individu à la société. Autour des sushis s’éprouvent le temps et les solitudes. Les entrelacs des relations dans la maisonnée sont traités avec retenue, ainsi ces récits familiaux où dans la banalité se disent des vérités essentielles qui seront perçues seulement plus tard. Les invités repartent lestés de nourriture après ce dimanche dans la maison à l’ombre de la canicule qui cuit dehors.
Nous sommes concernés par cette histoire à l’autre bout du monde, si proche.
Film essentiel, profond, délicat, les personnages ne sont pas forcément ce qui apparaît d’eux, la tendresse côtoie la violence, le sourire la douleur.
Bien au-delà du cliché à propos de la société japonaise coincée dans ses codes de politesse, c’est toute la complexité de notre condition humaine qui est présentée à chaque plan, ou la modernité s’affronte à la transmission, l’individu à la société. Autour des sushis s’éprouvent le temps et les solitudes. Les entrelacs des relations dans la maisonnée sont traités avec retenue, ainsi ces récits familiaux où dans la banalité se disent des vérités essentielles qui seront perçues seulement plus tard. Les invités repartent lestés de nourriture après ce dimanche dans la maison à l’ombre de la canicule qui cuit dehors.
Nous sommes concernés par cette histoire à l’autre bout du monde, si proche.
dimanche 10 mai 2009
Federico l’Espagne et moi
Quand Daniel Prévost, un des plus célèbre comédien du festival off d’Avignon, se la joue modeste, tout en titrant « Lorca et moi », l’écueil est de taille. Eh bien, le comique aux lèvres minces réussit à s’extirper des images publicitaires avec naturel et sincérité : Il nous rappelle son engagement du côté de la C.N.T. Il n’est pourtant allé en Espagne que l’an dernier, et c’est l’enfance avec ses images héroïques qui revient. Il est vrai qu’il suffit d’un air de « Ay Carmela » pour que nous devenions indulgents. Quelques forts morceaux de Lorca qui n’est pas du genre à vous tapoter l’épaule en douceur.
« A cinq heures du soir.
Quand vint la sueur de neige
à cinq heures du soir,
quand l'arène se couvrit d'iode
à cinq heures du soir,
la mort déposa ses œufs dans la blessure »
« A cinq heures du soir.
Quand vint la sueur de neige
à cinq heures du soir,
quand l'arène se couvrit d'iode
à cinq heures du soir,
la mort déposa ses œufs dans la blessure »
samedi 9 mai 2009
Cassé !
Je regarde volontiers, le samedi à 13h 15, l’émission : « Mon œil » sur la deux. L’autre jour, un simple extrait très bref d’une interpellation de Pujadas à un responsable CGT de Continental faisait ressortir d’une façon cinglante la coupure des médias avec le peuple. J'allais dire interview, mais cela supposerait que l'invité ait la possibilité de développer un peu sa pensée, ce qui n'est pas le cas.
Après que des ordinateurs aient été passés par la fenêtre de la sous préfecture, le présentateur voulait faire dire à l’ouvrier interrogé qu’il regrettait ces « violences ». Mais instant rare de vérité, le syndicaliste ne s’est pas incliné devant le prêtre cathodique. Il n’est pas entré dans le jeu répondant comme j’ai pu le lire par ailleurs : « ils nous traitent de casseurs, mais qu’est ce qu’ils font contre ceux qui cassent nos vies ? » Les maîtres de l’opinion ont beau mettre des caméras jusque sous les douches, pour scruter la « vraie vie des vrais gens », le « journaliste » ne comprenait pas, il n’avait pas l’habitude, à l'Elysée pour les communications présidentielles, c'est plus facile. La force de cet ouvrier, sa solidité m’ont frappé, c’est que ces voix là se font tellement rares. Il ne se soumettait pas, ne rentrait pas dans le jeu, le présentateur vedette du journal télévisé en resta coi.
Après que des ordinateurs aient été passés par la fenêtre de la sous préfecture, le présentateur voulait faire dire à l’ouvrier interrogé qu’il regrettait ces « violences ». Mais instant rare de vérité, le syndicaliste ne s’est pas incliné devant le prêtre cathodique. Il n’est pas entré dans le jeu répondant comme j’ai pu le lire par ailleurs : « ils nous traitent de casseurs, mais qu’est ce qu’ils font contre ceux qui cassent nos vies ? » Les maîtres de l’opinion ont beau mettre des caméras jusque sous les douches, pour scruter la « vraie vie des vrais gens », le « journaliste » ne comprenait pas, il n’avait pas l’habitude, à l'Elysée pour les communications présidentielles, c'est plus facile. La force de cet ouvrier, sa solidité m’ont frappé, c’est que ces voix là se font tellement rares. Il ne se soumettait pas, ne rentrait pas dans le jeu, le présentateur vedette du journal télévisé en resta coi.
vendredi 8 mai 2009
XXI, printemps 2009
Cette fois dans le trimestriel un dossier consacré à l’Islam avec, comme d’habitude, trois articles sous des angles originaux: un remake du film "Tarzan" au Pakistan, des cousins aux destins antagonistes à Beyrouth, la description d’un réseau éducatif à partir d’un intellectuel religieux turc classé parmi les personnalités les plus influentes du monde.
Et toujours des rubriques plus concises où se décryptent les mouvements profonds de la société : la crise de la presse, par exemple, et des éclairages sur des personnalités : Warren Buffet et d’autres.
L’Afrique est encore bien présente avec une bande dessinée impitoyable. Le dessinateur va voir son père qui a investi dans un village touristique au Sénégal, il répète sans cesse : « On n’est pas bien là ? » : « L’Afrique de papa », pathétique. Il y a aussi les photos des « sapeurs de Brazza », et un reportage graphique au Rwanda : « mon voisin, mon tueur ».
Dans leur tour du monde, les reporters vont fouiner dans les recoins cachés aussi bien chez les Kennedy où Rosemary fut effacée de la lignée, ou au Japon quand par dizaines de milliers des hommes s’évaporent de la société pour fuir le plus souvent leurs dettes et la maffia. Des nouvelles du Tibet à travers une bloggeuse chinoise, ou une cousine chez le baron Seillière qui rue dans les brancards des Wendel, et puis Depardon : ça ne peut être que bon !
Et toujours des rubriques plus concises où se décryptent les mouvements profonds de la société : la crise de la presse, par exemple, et des éclairages sur des personnalités : Warren Buffet et d’autres.
L’Afrique est encore bien présente avec une bande dessinée impitoyable. Le dessinateur va voir son père qui a investi dans un village touristique au Sénégal, il répète sans cesse : « On n’est pas bien là ? » : « L’Afrique de papa », pathétique. Il y a aussi les photos des « sapeurs de Brazza », et un reportage graphique au Rwanda : « mon voisin, mon tueur ».
Dans leur tour du monde, les reporters vont fouiner dans les recoins cachés aussi bien chez les Kennedy où Rosemary fut effacée de la lignée, ou au Japon quand par dizaines de milliers des hommes s’évaporent de la société pour fuir le plus souvent leurs dettes et la maffia. Des nouvelles du Tibet à travers une bloggeuse chinoise, ou une cousine chez le baron Seillière qui rue dans les brancards des Wendel, et puis Depardon : ça ne peut être que bon !
jeudi 7 mai 2009
Poulet au vinaigre
La différence, c’est la qualité du poulet : même fermier dans les grandes surfaces, ses filets s’effilochent, il ne vaut pas celui que j’ai découvert au marché de Fiancey, ils viennent de chez Ricardi à Sillans et ils savent se tenir.
Pour quatre personnes : deux cuisses et avant cuisse et deux filets à couper en morceaux, fariner. Faire dorer dans l’huile d’olive, il existe une version beurre et vinaigre de cidre, jus de pomme que j’essaierai volontiers. Pour rester dans les goûts qui ont du caractère ajouter pas mal d’ail et du laurier, saler poivrer, déglacer au vinaigre, puis ajouter un bouillon de volaille pour continuer la cuisson 20 bonnes minutes…dans une cocotte. Si la sauce manque de velouté, retirer les morceaux de poulet et faire réduire le fond. Servir avec du riz et un trait de crème.
.....................................................................................
Si on a peu de temps : faire revenir les morceaux de poulet dans l’huile ou le beurre, laisser mijoter un bon quart d’heure, sel , poivre et estragon, un peu de crème à la fin : c’est tout bon.
Pour quatre personnes : deux cuisses et avant cuisse et deux filets à couper en morceaux, fariner. Faire dorer dans l’huile d’olive, il existe une version beurre et vinaigre de cidre, jus de pomme que j’essaierai volontiers. Pour rester dans les goûts qui ont du caractère ajouter pas mal d’ail et du laurier, saler poivrer, déglacer au vinaigre, puis ajouter un bouillon de volaille pour continuer la cuisson 20 bonnes minutes…dans une cocotte. Si la sauce manque de velouté, retirer les morceaux de poulet et faire réduire le fond. Servir avec du riz et un trait de crème.
.....................................................................................
Si on a peu de temps : faire revenir les morceaux de poulet dans l’huile ou le beurre, laisser mijoter un bon quart d’heure, sel , poivre et estragon, un peu de crème à la fin : c’est tout bon.
mercredi 6 mai 2009
Collégiens en Italie
Une brève interruption dans le ressassement de mes années primaires, pour fixer quelques instants d’un récent accompagnement d’élèves de 3ième à Rome et Florence.
Le parti pris de faire assumer le guidage par les élèves chargés de présenter aux autres voyageurs chacun à leur tour, le Colisée, le mont Palatin, le porcellino… a gagné en efficacité avec la possibilité offerte au palais Borghèse, d’équiper chaque conférencier en herbe d’un micro relié à l’oreillette de ses camarades. Cela n’indispose pas les autres visiteurs mais relie le guide et ses auditeurs, intimement. A cette occasion notre passeur de quinze ans qui avait étudié sur internet Le Caravage, en découvrant le tableau original, nous a offert un grand moment de réussite pédagogique où l’émotion rejoint la connaissance. De même la main de Pluton enlevant Proserpine, sculptée par le Bernin, n’a laissé personne de marbre.
Nous avions envisagé des dispositifs variés pour fixer les découvertes des élèves appelés à renseigner des QCM, repérer des détails, aborder des vocabulaires nouveaux. Scénettes d’interviews de Léonard ou Michel Ange, mots croisés, mêlés, tout en ne restant pas le nez sur la photocopie au pied des œuvres ou dans les lieux même. Il y eut par exemple validation par appareil photographique numérique de trois points de vue imposés à Santa Maria dei Fiori où les jeunes animatrices poinçonnaient le plan de la ville de ceux qui avaient respecté la consigne. Plus inattendue, l’écharpe de supporter du GF 38 : « ensemble gagnons les sommets » brandie devant le David ou sur le Ponte Vecchio valait le surlignement sur papier des sites majeurs de la ville. Nous avions embarqué un porte-voix qui nous a rendu service dans les brouhahas des foules de touristes où nous avons joué de la distinction. Depuis des siècles, la destination italienne fut celle de la jeunesse cultivée ; en route vers le lycée Stendhal les futurs héritiers du patrimoine ont pu tirer bénéfice de ce séjour mais aussi ceux qui ont cicatrisé pour un temps de leurs blessures de famille ou d’une société qui les appelle à la passivité. Il existe le syndrome de Stendhal qui atteint ceux qui sont tellement submergés par l’émotion artistique qu’ils connaissent des troubles physiques. Moments didactiques et partagés devant les esclaves de Michel Ange émergeant de la pierre à la Galléria dell Accadémia, connivences sur l’échine d’un sanglier florentin, des milliers de photographies pas forcément tournées vers les acanthes décoratives. Des épisodes revigorants pour croire que l’éducation est possible, même si parfois nous sommes portés à en douter chez Darcos et Sarkos. Le pays de Pétrarque est aussi celui de Berlusconi qui veut des jolies filles sur ses listes aux élections européennes. "Une de Berlu, dix de détroussées": merci le Canard Enchaîné.De quoi se changer en arbre comme Daphnée pour échapper à Apollon, et là c’est divin quand le Bernin est au maillet.
Le parti pris de faire assumer le guidage par les élèves chargés de présenter aux autres voyageurs chacun à leur tour, le Colisée, le mont Palatin, le porcellino… a gagné en efficacité avec la possibilité offerte au palais Borghèse, d’équiper chaque conférencier en herbe d’un micro relié à l’oreillette de ses camarades. Cela n’indispose pas les autres visiteurs mais relie le guide et ses auditeurs, intimement. A cette occasion notre passeur de quinze ans qui avait étudié sur internet Le Caravage, en découvrant le tableau original, nous a offert un grand moment de réussite pédagogique où l’émotion rejoint la connaissance. De même la main de Pluton enlevant Proserpine, sculptée par le Bernin, n’a laissé personne de marbre.
Nous avions envisagé des dispositifs variés pour fixer les découvertes des élèves appelés à renseigner des QCM, repérer des détails, aborder des vocabulaires nouveaux. Scénettes d’interviews de Léonard ou Michel Ange, mots croisés, mêlés, tout en ne restant pas le nez sur la photocopie au pied des œuvres ou dans les lieux même. Il y eut par exemple validation par appareil photographique numérique de trois points de vue imposés à Santa Maria dei Fiori où les jeunes animatrices poinçonnaient le plan de la ville de ceux qui avaient respecté la consigne. Plus inattendue, l’écharpe de supporter du GF 38 : « ensemble gagnons les sommets » brandie devant le David ou sur le Ponte Vecchio valait le surlignement sur papier des sites majeurs de la ville. Nous avions embarqué un porte-voix qui nous a rendu service dans les brouhahas des foules de touristes où nous avons joué de la distinction. Depuis des siècles, la destination italienne fut celle de la jeunesse cultivée ; en route vers le lycée Stendhal les futurs héritiers du patrimoine ont pu tirer bénéfice de ce séjour mais aussi ceux qui ont cicatrisé pour un temps de leurs blessures de famille ou d’une société qui les appelle à la passivité. Il existe le syndrome de Stendhal qui atteint ceux qui sont tellement submergés par l’émotion artistique qu’ils connaissent des troubles physiques. Moments didactiques et partagés devant les esclaves de Michel Ange émergeant de la pierre à la Galléria dell Accadémia, connivences sur l’échine d’un sanglier florentin, des milliers de photographies pas forcément tournées vers les acanthes décoratives. Des épisodes revigorants pour croire que l’éducation est possible, même si parfois nous sommes portés à en douter chez Darcos et Sarkos. Le pays de Pétrarque est aussi celui de Berlusconi qui veut des jolies filles sur ses listes aux élections européennes. "Une de Berlu, dix de détroussées": merci le Canard Enchaîné.De quoi se changer en arbre comme Daphnée pour échapper à Apollon, et là c’est divin quand le Bernin est au maillet.
mardi 5 mai 2009
Coincée
Alice était pauvre. Toujours, elle s'était sentie pauvre. Même devenue veuve et riche, elle économisait, emplissait ses bas de laine en Bourse… enfin son conseiller financier se chargeait de ce tricotage. Alice n'avait pas suffisamment d'affinités avec l'argent pour s'y salir les mains. Ce qu'elle aimait le plus au monde c'était la lecture des romans du XIX ième siècle qui décrivent si bien la pauvreté du peuple des laissés pour compte. Elle raffolait des œuvres de Hugo, de Dickens. Elle aurait adoré Zola mais quand la pauvreté se roule dans la fange, l'alcoolisme, le stupre et la violence, quand la pauvreté perd les joues creuses et nacrées des sylphides de Moreau pour adopter les chairs bouffies et violacées des pochardes, cette pauvreté-là l'emplissait de dégoût. La pauvreté se devait d'être digne, besogneuse, vertueuse et pourquoi pas, pieuse. Le Dieu auquel croyait Alice n'avait-il pas annoncé : Bienheureux les pauvres, car ils seront rassasiés. Alice aurait aimé que son Seigneur ajoutât : Et qu'ils se lavent pour sentir bon, et mériter vos aumônes.
Quand son conseiller financier l'informait de la prospérité de ses valeurs boursières, Alice ressentait au bas du ventre une sorte de spasme qui lui procurait une intense satisfaction mais aussi une vague honte qu'elle chassait vite. Nombre d'associations caritatives la sollicitaient. Elle ne donnait jamais suite à ces demandes de secours. "Aider financièrement les gens ne sert qu'à les enfoncer, à les rendre dépendants et paresseux. »
Donner aux mendiants me confiait-elle, c'est alimenter les sources du mal." Elle ajoutait qu'elle priait pour tous ces malheureux, que le Seigneur avait dit qu'il y aurait toujours des pauvres parmi nous, qu'elle même vivait avec économie et ne s'en portait pas plus mal.
Ses courses étaient vite faites: elle avait sélectionné les petits commerces où l'on est à l'abri des tentations en victuailles. Elle achetait les fruits en déclin, les légumes en agonie, se privait de viande, s'autorisait de temps à autre un rectangle de poisson panné, un yaourt en pré-retraite.
Elle s'habillait au moment des soldes. Mais ses choix toujours judicieux (elle ne manquait pas d'une certaine élégance) l'amenaient à sélectionner les grandes surfaces du prêt à porter. Les soldes de chez Toutou sentaient la naphtaline, mais elles étaient plus avantageuses que chez Tata. En outre chez Tata, les étoffes prenaient une odeur de patchouli et de henné à force d'être froissées par des mains un peu trop brunes.
Elle faisait le marché le mardi dans son quartier élégant… vers midi quand les bonnes affaires faisaient sa joie. Elle rentrait chez elle chargée de dix kilos de prunes, par exemple, gardait les plus gâtées pour sa consommation immédiate, congelait le reste pour l'hiver ou se lançait dans les confitures. Quand on lui faisait remarquer qu'elle ne consommait que des fruits et des légumes pourris, elle rétorquait qu'on exagérait, et que d'ailleurs les chiens enterraient leurs os pour les déguster ensuite ? Des scientifiques n'avaient-ils pas démontré que ces os développaient sous terre des vitamines indispensables à la bonne santé de ces animaux perspicaces ? "Regarde-moi, ajoutait-elle en se redressant, ne suis-je pas en bonne forme?" Je ne pouvais que l'approuver.
Alice s'alimentait, point. Savourer, déguster étaient des mots de riches et en son âme, Alice était pauvre, aussi pauvre et pure qu'un désert.
Un samedi, elle décida de se rendre dans un magasin de fripes que je lui avais indiqué dans le quartier arabe de notre ville. Une imposante matrone, yeux verts cerclés de khôl se leva prestement quand Alice poussa la porte où s'affichaient des prix alléchants : cinq euros, la robe, vingt euros les cinq. La volumineuse kabyle se mit à tournoyer dans ses voiles, ses franges et ses verroteries, dirigea habilement sa cliente vers des robes vaporeuses, lumineuses comme la nacre. Enfin des robes dignes de Peau d'Ane.
-Cinq robes, ce ne serait pas sage, soupirait Alice en laissant glisser les soies et les taffetas sur ses longues mains.
-Ma joulie, ces roubes sont des rives… Achète, achète. Première qualité. J' y toute bien lavé et ripassé !
Oui, ces robes sentaient le propre mais Alice tint bon. Une robe seulement !
Elle enfila immédiatement un miracle de soie et de dentelle mordoré, paya, remercia.
- Riviens quand ti veux, ma joulie. Ti es aussi béle que la princesse de Mille et une nuits !
Alice s'envola, légère, véloce comme une barque ancienne que l'on vient d'équiper d'une voile neuve. Ses pas l'amenèrent dans une rue très chic où elle ne mettait jamais les pieds par peur des tentations. Sa marche énergique l'avait mise en appétit. Des odeurs délectables excitent ses papilles. Elle ne contrôle plus ses jambes, elle marche comme un jouet télécommandé, se retrouve assise devant une nappe immaculée où le serveur de ce luxueux restaurant (trois toques) vient de la pousser avec une douceur et une fermeté qu'aucune main d'homme ne lui a fait ressentir depuis très longtemps.
- Nous avons des soles de l'Atlantique encore vivantes. Regardez l'aquarium…
- Oh, oui ! Vite, j'ai si faim!
- Grillée?
- Grillée.
Elle n'attend pas longtemps, se contentant de humer la rose blanche penchée vers elle, contempler les cuivres et les acajous, les tentures de lourde soie indienne.
Les tapis mousseux éteignent les pas des serveurs souriants, ondoyants. Des hommes vifs et précis, de jeunes hommes… Depuis combien de temps n'a-t-elle pas regardé un homme?
La vie est belle. Elle est divine quand la sole craquelante, fumelante et parfumée de citron se pose devant le nez et la bouche d'Alice.
C'est un peu plus laborieux de dégager les chairs blanches de la sole que de trancher dans le lieu noir panné.
Quand l'arête se plante dans le gosier, tout au fond du gosier d'Alice, rien n'y fait.
Ni le Sancerre pourtant bien frais, ni les secours prodigués par les garçons, ni les soins trop tardifs du médecin bénévole au local de " Médecin du Monde ".
Un dernier baiser à l'amie décédée. Son visage est bouffi et violacé mais elle porte une robe magnifique qu'on ne lui a jamais vue. Une robe digne d'un personnage de Gustave Moreau.
Marie Treize
Quand son conseiller financier l'informait de la prospérité de ses valeurs boursières, Alice ressentait au bas du ventre une sorte de spasme qui lui procurait une intense satisfaction mais aussi une vague honte qu'elle chassait vite. Nombre d'associations caritatives la sollicitaient. Elle ne donnait jamais suite à ces demandes de secours. "Aider financièrement les gens ne sert qu'à les enfoncer, à les rendre dépendants et paresseux. »
Donner aux mendiants me confiait-elle, c'est alimenter les sources du mal." Elle ajoutait qu'elle priait pour tous ces malheureux, que le Seigneur avait dit qu'il y aurait toujours des pauvres parmi nous, qu'elle même vivait avec économie et ne s'en portait pas plus mal.
Ses courses étaient vite faites: elle avait sélectionné les petits commerces où l'on est à l'abri des tentations en victuailles. Elle achetait les fruits en déclin, les légumes en agonie, se privait de viande, s'autorisait de temps à autre un rectangle de poisson panné, un yaourt en pré-retraite.
Elle s'habillait au moment des soldes. Mais ses choix toujours judicieux (elle ne manquait pas d'une certaine élégance) l'amenaient à sélectionner les grandes surfaces du prêt à porter. Les soldes de chez Toutou sentaient la naphtaline, mais elles étaient plus avantageuses que chez Tata. En outre chez Tata, les étoffes prenaient une odeur de patchouli et de henné à force d'être froissées par des mains un peu trop brunes.
Elle faisait le marché le mardi dans son quartier élégant… vers midi quand les bonnes affaires faisaient sa joie. Elle rentrait chez elle chargée de dix kilos de prunes, par exemple, gardait les plus gâtées pour sa consommation immédiate, congelait le reste pour l'hiver ou se lançait dans les confitures. Quand on lui faisait remarquer qu'elle ne consommait que des fruits et des légumes pourris, elle rétorquait qu'on exagérait, et que d'ailleurs les chiens enterraient leurs os pour les déguster ensuite ? Des scientifiques n'avaient-ils pas démontré que ces os développaient sous terre des vitamines indispensables à la bonne santé de ces animaux perspicaces ? "Regarde-moi, ajoutait-elle en se redressant, ne suis-je pas en bonne forme?" Je ne pouvais que l'approuver.
Alice s'alimentait, point. Savourer, déguster étaient des mots de riches et en son âme, Alice était pauvre, aussi pauvre et pure qu'un désert.
Un samedi, elle décida de se rendre dans un magasin de fripes que je lui avais indiqué dans le quartier arabe de notre ville. Une imposante matrone, yeux verts cerclés de khôl se leva prestement quand Alice poussa la porte où s'affichaient des prix alléchants : cinq euros, la robe, vingt euros les cinq. La volumineuse kabyle se mit à tournoyer dans ses voiles, ses franges et ses verroteries, dirigea habilement sa cliente vers des robes vaporeuses, lumineuses comme la nacre. Enfin des robes dignes de Peau d'Ane.
-Cinq robes, ce ne serait pas sage, soupirait Alice en laissant glisser les soies et les taffetas sur ses longues mains.
-Ma joulie, ces roubes sont des rives… Achète, achète. Première qualité. J' y toute bien lavé et ripassé !
Oui, ces robes sentaient le propre mais Alice tint bon. Une robe seulement !
Elle enfila immédiatement un miracle de soie et de dentelle mordoré, paya, remercia.
- Riviens quand ti veux, ma joulie. Ti es aussi béle que la princesse de Mille et une nuits !
Alice s'envola, légère, véloce comme une barque ancienne que l'on vient d'équiper d'une voile neuve. Ses pas l'amenèrent dans une rue très chic où elle ne mettait jamais les pieds par peur des tentations. Sa marche énergique l'avait mise en appétit. Des odeurs délectables excitent ses papilles. Elle ne contrôle plus ses jambes, elle marche comme un jouet télécommandé, se retrouve assise devant une nappe immaculée où le serveur de ce luxueux restaurant (trois toques) vient de la pousser avec une douceur et une fermeté qu'aucune main d'homme ne lui a fait ressentir depuis très longtemps.
- Nous avons des soles de l'Atlantique encore vivantes. Regardez l'aquarium…
- Oh, oui ! Vite, j'ai si faim!
- Grillée?
- Grillée.
Elle n'attend pas longtemps, se contentant de humer la rose blanche penchée vers elle, contempler les cuivres et les acajous, les tentures de lourde soie indienne.
Les tapis mousseux éteignent les pas des serveurs souriants, ondoyants. Des hommes vifs et précis, de jeunes hommes… Depuis combien de temps n'a-t-elle pas regardé un homme?
La vie est belle. Elle est divine quand la sole craquelante, fumelante et parfumée de citron se pose devant le nez et la bouche d'Alice.
C'est un peu plus laborieux de dégager les chairs blanches de la sole que de trancher dans le lieu noir panné.
Quand l'arête se plante dans le gosier, tout au fond du gosier d'Alice, rien n'y fait.
Ni le Sancerre pourtant bien frais, ni les secours prodigués par les garçons, ni les soins trop tardifs du médecin bénévole au local de " Médecin du Monde ".
Un dernier baiser à l'amie décédée. Son visage est bouffi et violacé mais elle porte une robe magnifique qu'on ne lui a jamais vue. Une robe digne d'un personnage de Gustave Moreau.
Marie Treize
lundi 4 mai 2009
Villa Amalia
Depuis « Welcome » au cinéma, je vois les piscines différemment.Dans ce film de Benoît Jacquot,Isabelle Huppert se fatigue à aligner les longueurs, à courir la belle Europe, elle est perdue, elle cherche un nouveau pays. Des afghans fuyaient le leur pour se retrouver à Calais, ici la belle bourgeoise dégote à Ischia une villa très déco qui offre une vue splendide sur la Méditerranée. A part celles de La Fontaine, je ne goûte pas trop les fables, celle-ci se laisse regarder. Pourtant ces malaises occidentaux esthétiques sonnent un peu creux, surtout quand toute psychologie est bannie. Alors les invraisemblances du scénario peuvent ressortir après s’être mollement laissé balader à la suite de la pianiste qui dégage toujours autant d’étrangeté. Elle suit sa trajectoire, mais prière de ne pas plaisanter avec elle. Son secret est-il au bord du trou où descend le cercueil de sa mère, dans les fuites de son père plus proche de ses morts que des vivants ?
La musique parfois dissonante est bien en accord avec le propos du film.
La musique parfois dissonante est bien en accord avec le propos du film.
dimanche 3 mai 2009
Idiot !
J’adore éprouver quelques poussées régressives quand par exemple une musique assourdissante épate le bourgeois.
Les acteurs de cette pièce d’après Dostoïevski n’ont pas lésiné sur les porte-voix, les musiques poussées à fond, pour crier l’intensité de leurs convictions quand ils en sont au désespoir de se faire aimer. A fendre l’âme.
J’étais assis au second rang et j’ai reçu cette performance de trois heures en plein dans la gueule, avec quelques gouttelettes de peinture, des paillettes.
Un des acteurs a ajouté un « s » à idiot peint sur le fond de la scène.
Oui chacun dans son genre est un idiot : à crier son amour, sa nostalgie, son impuissance à changer ce monde corrompu, abandonner son bébé dans un berceau et rabâcher son amour encore, mettre en scène un suicide et le rater régulièrement, rêver d’un ailleurs, d’absolu et se noyer dans l’alcool, la mousse, les pétarades. La rédemption est impossible.
A la MC2, c’était l’année Dostoïevski, j’ai préféré l’autre pièce de six heures : « Les possédés » qui était tout aussi porteuse de sens pour saisir notre époque décadente, sans avoir besoin de passer Sarko sur un écran. La violence était tout aussi authentique bien que moins spectaculaire. Les effets moins distrayants, m’ont davantage marqué, même si j’ai été touché par la sincérité des acteurs de Vincent Macaigne, leur engagement intense dans cette épique soirée où sous des litres de peinture passe la poésie, la rage. Cette beauté là, est compulsive.
Les acteurs de cette pièce d’après Dostoïevski n’ont pas lésiné sur les porte-voix, les musiques poussées à fond, pour crier l’intensité de leurs convictions quand ils en sont au désespoir de se faire aimer. A fendre l’âme.
J’étais assis au second rang et j’ai reçu cette performance de trois heures en plein dans la gueule, avec quelques gouttelettes de peinture, des paillettes.
Un des acteurs a ajouté un « s » à idiot peint sur le fond de la scène.
Oui chacun dans son genre est un idiot : à crier son amour, sa nostalgie, son impuissance à changer ce monde corrompu, abandonner son bébé dans un berceau et rabâcher son amour encore, mettre en scène un suicide et le rater régulièrement, rêver d’un ailleurs, d’absolu et se noyer dans l’alcool, la mousse, les pétarades. La rédemption est impossible.
A la MC2, c’était l’année Dostoïevski, j’ai préféré l’autre pièce de six heures : « Les possédés » qui était tout aussi porteuse de sens pour saisir notre époque décadente, sans avoir besoin de passer Sarko sur un écran. La violence était tout aussi authentique bien que moins spectaculaire. Les effets moins distrayants, m’ont davantage marqué, même si j’ai été touché par la sincérité des acteurs de Vincent Macaigne, leur engagement intense dans cette épique soirée où sous des litres de peinture passe la poésie, la rage. Cette beauté là, est compulsive.