J’ai vécu comme un
privilège d’aller voir chez lui au Fort d'Aubervilliers celui que je suis depuis si longtemps, plaisir redoublé, car je croyais qu’il allait dételer.
Du haut de sa
chaire, un truculent personnage nous accueille d’une telle façon que c’est bien
dans une cathédrale que nous pénétrons, en bois avec au bord de la piste des
tables éclairées de lampes tamisées. Nous sommes invités à utiliser notre
intelligence naturelle donc à éteindre nos intelligences artificielles.
Bartabas se devait, après tant de voyages divers, d’évoquer les
« Irish travellers », nomades irlandais avec sa troupe nommée Zingaro
(tzigane en
italien).
« Une Irish idée » titre Libération dans un bel
article.
Cavaliers et cavalières, nous prennent pendant une heure et
demie dans les volutes harmonieuses de leurs vifs déplacements alternés avec
des moments de paisible enchantement.
« Tu lances ton
visage à la pluie
Et chantes pour
apprivoiser les gouttes
Là-bas sur la lande de
bruyère pourpre
L’arc-en-ciel se
prosterne devant toi…
Traveller, tes livres
n’ont pas de pages
De Galway à Wicklow,
de Cork à Donegal
Le son des routes est
rempli de ta voix. »
Des moutons magnifiques et des oies sont de la fête. Des
prêtres hauts en couleur dont l’un est concurrencé par un bouc bien païen et
hiératique Bartabas, participent à la célébration des splendides postures des chevaux. Leur liberté
magnifiée est le résultat d’un dressage subtil d’autant plus contraignant en
amont que le maître n’intervient que très discrètement pendant la
représentation par des bruits de bouche que nous avons pu percevoir car le chef
était près de nous.
Costaud de foire, acrobate époustouflant, femme de petite
taille sur un grand cheval et mari benêt montant un âne blanc, danseur de
claquettes sortant d’un tonneau, nous enivrent, en une farandole de tableaux
assaisonnés de musiques entrainantes de l’Eire.
La scène finale se déroule
autour d’un feu devenu un luxe pour les sédentaires dépaysés que nous sommes.
La boucle est bouclée depuis qu’en début de spectacle nous avons appris que doit
être brûlée la roulotte d’un défunt pour que son fantôme ne revienne pas.
Que reviennent des créatures nouvelles pour un troisième
volet du « Cabaret de l’exil » commencé avec le Yiddishland.
Merci pour ce dépaysement qui me fait rêver.
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