jeudi 30 janvier 2020

Du noir et blanc à la couleur. Voyage dans les Etats-Unis de 1950 à 1980. Hélène Orain.

Si les années 50 ont constitué une rupture en matière de photographie, la conférencière devant les amis du musée de Grenoble devait rappeler quelques personnalités qui avaient marqué les décennies précédentes colorisées de nostalgie.
Tel, Paul Strand, en 1916, un pionnier. « Blind woman ».
Déjà Alfred Stieglitz, « Old and New »  à New York, avait impulsé la modernité et fait reconnaître la photographie en tant qu’art.
« Le photographe est l’être contemporain par excellence, à travers son regard, le maintenant devient du passé. » Berenice Abbott « Nightview »
Walker Evans, célèbre pour ses portraits : « Floyd Burroughs », sonde les profondeurs d’une nation, ses routes, son architecture, il est exposé en 1933 avec Edward Hopper.
Mais c’est peut être à partir de Cartier Bresson, le plus imité, et son fameux « moment décisif », que se situeront de nombreux novateurs. « Simiane-La-Rotonde »
En 1955, Edward Steichen donne une impulsion nouvelle aux façons d’exposer avec une scénographie originale avec «  The family of man » (500 photos, 273 photographes, neuf millions de visiteurs). Son contenu optimiste présente  tout ce qu’un monde pacifié possède en commun : une maman, un travail. « La vie, l'amour, la mort ».
Loin de ces cimaises, William Klein  qui vivait à Paris, revient chez lui : «New York avait des comptes à me rendre. La ville m'avait toujours paru moche et inconfortable. Mes souvenirs étaient gris. »
Il réalise un journal photographique où il saisit le bouillonnement de tous les quartiers. « New York », d’abord publié en France, comme dans l’imagerie du fait divers, a du grain, du flou, des cadrages inédits. Le grand bonhomme provoque ses sujets.
«  Gun »
« Gun, gun, gun »
Alors que le photo journalisme est à son apogée, le suisse Robert Frank choisit de partir avec sa famille à travers les Etats-Unis grâce à une bourse Guggenheim. Il n’apprécie pas que ses cadrages lui échappent, comme le choix des clichés, voire les légendes. Jack Kerouac préface son livre « Les Américains » dont il retient 87 photos sur 23 000 prises : « Vous regardez ces photos, et à la fin vous ne savez plus du tout quel est le plus triste des deux, un jukebox ou un cercueil ».
En 1967, au MOMA, John Szarkowski présente «  New Documents » avec Diane Arbus, aux images sans concession dont « Les jumelles identiques » inspireront les personnages de Shining.
Sa photographie d'un « Enfant avec une grenade en plastique dans Central Park » a pesé sur la jeunesse de ce garçon qui finalement a reconnu la violence qui le tenaillait alors. Plus tard, il a appelé sa société « Grenade Boy Productions ».
Gary Winogrand disparu prématurément laissant 250 00 photos inédites, « le péquenot de la photographie » comme l’appelait un confrère, est un des maîtres de la photographie de rue. Avec humour et énergie, il rend compte d’une nation prise entre angoisse et optimisme.
« El Morocco »
« Central park Zoo »
Lee Friedlander joue sur les reflets, multiplie les autoportraits où on ne le voit pas, bien avant les « selfies ». « Self Portrait »
Vivian Maier, amateur ignorée n’avait pas vu les photos qu’elle prenait dans ses moments libres ou lorsqu'elle  promenait les enfants qui lui étaient confiés. Avec une ironie teintée de poésie, elle est attentive à ceux qui comme elle, « la nounou » n’apparaissaient pas aux yeux de  certains de leurs contemporains. « Enfant qui pleure ». Elle est exposée actuellement au musée de l’Ancien Evêché.
Alors que le titre de la conférence annonçait la couleur, la rareté des Kodachrome a mis en évidence leur beauté. Discrètement avec  « Snow », de Saul Leiter, peintre à ses débuts ou d’une façon affirmée par Meyerowitz pour qui « la photographie de rue c’est du jazz ». Il a été le seul accepté à Ground zero, il y est resté 9 mois.

1 commentaire:

  1. Ce que tu pointes dans la photo sur le garçon la grenade à la main dans Central Park m'inquiète au plus haut point, et depuis longtemps maintenant.
    Pourquoi les petits garçons (plutôt que les petites filles, pardon, je suis une femme "sexiste"...) ne joueraient pas avec les grenades dans leurs jeux d'enfants ?
    Prétendre que les petits garçons qui jouent avec les grenades vont tous devenir des hommes violents qui tabassent leurs compagnes, c'est... se rendre mauvais.. PROPHETE à mes yeux,et surtout adopter une attitude très ayatollesque envers la fiction qui soustend toute forme de.. représentation politique, même.
    Et puis... la photo, je m'en éloigne maintenant. Je m'en méfie, à cause de nos attitudes trop simplistes envers elle. Encore une invention de la modernité qui se retourne contre nous ?

    RépondreSupprimer