L’historien de l’art devant les amis du musée de Grenoble
s’est attaché à mieux nous faire connaître
Marcel Duchamp (MD) l’artiste provocateur qui
fut plus qu’un « génial bricoleur ». « L’homme le plus
intelligent du siècle » comme le qualifiait Breton a été connu très tôt
aux Etats-Unis d’Amérique dont il a pris la nationalité.
« Five-way portrait of
Marcel Duchamp », 1917.
Né en 1887 à « Blainville », dont il a peint
un « paysage »
à la façon de Monet,
il ne persiste pas dans cette manière qui « attire l’œil » depuis près
de 30 ans.
Il s’essaye au dessin d’humour : la « Femme
Cocher » laisse tourner le compteur pendant qu’elle complète sa
prestation à l’hôtel.
Influencé par Henri Poincaré, le physicien, mathématicien,
philosophe, qui considère que l’objectivité est conditionnée par le regard, MD
commentera peu ses tableaux préférant écouter l’interprétation des spectateurs
mais affirmera toujours son appétit de nouveauté. Le portrait
qu’il fit du « docteur Dumouchel »
a du Matisse
en lui.
Son chétif ami se retrouve dans
« Le paradis » face à la « Japonaise »,
modèle réputée, dans une synthèse de la modernité, quand les nabis portent la
leçon de l’art déco et du symbolisme.
« Le Printemps » donné à
sa chère sœur à l’occasion de son mariage, évoque Adam et Eve qui pécheraient
en se mariant. Si le cercle et le triangle appellent des interprétations, il aimait
démentir les dons d’ « alchimiste » qu’on lui prêtait.
Sa première représentation de machine fut
un « moulin
à café » pour la cuisine de son frère.
Sous l’autorité de la mère, « Sonate
avec les trois sœurs », l’ordre cubiste règne.
Le « Nu descendant un escalier n°2 » ne
convenant pas à ses confrères du groupe de Puteaux, auquel appartenait
son frère Raymond Duchamp-Villon, sera exposé en 1913 à New
York, plutôt qu’au Salon des
indépendants. Ce tableau inspiré des travaux de Marey
ressemblait trop, d’après les gardiens de l’esthétique cubiste, aux futuristes
qui appréciaient comme lui les lignes des hélices du progrès, en ce début de
XX° siècle.
Le joueur émérite
d’échecs saisit la matière grise en peignant « Portrait de joueurs d'échecs »
et le mouvement comme
dans « Le Roi et la Reine entourés de Nus vites », mécanique qui ne doit rien à
personne.
Il invente de nouvelles mesures : « Les
stoppages étalon », selon que la ficelle d’un mètre
est tombée d’une hauteur d’un mètre, il fixe sa forme sur une nouvelle règle.
« Les neuf moules mâlics », en forme de
coquillages, vidés de leur substance, proviennent d’un catalogue d’uniformes.
Il a apprécié le
philosophe anarchiste Max Stirner et la
pièce expérimentale « Impressions d'Afrique » de
Raymond Roussel vue avec ses amis Apollinaire
et Picabia. Elle inspirera
au bout de huit ans de maturation : « Le Grand Verre » nommé aussi « La
Mariée mise à nu par ses célibataires, même » où se retrouvent les moules mâlics
et autre « Broyeuse de chocolat ».
Dans ces
mécaniques évoquant l’amour, le hasard est déterminant. L’alchimie et le
symbolisme ont beau être convoqués, le langage trouve ses limites. Art
conceptuel.
Avec Marcel Duchamp, nous pouvons nous passer de
l’émotion. L’idée est plus importante que le sujet.
L’acte est radical avec la « Roue de
bicyclette » sur un tabouret, art cinétique,
et
plus encore avec
« le porte-bouteilles » qui devient sculpture lorsqu’il
figure dans un lieu d’exposition et pourrait même se passer de signature comme
celle de « Mr Mutt » fabricant de sanitaires pour la fameuse
« Fontaine »
qui n’avait pas été acceptée par le jury dont MD faisait lui même partie.
L’humour qui doit à Dada est très présent. Il a choisi la
description d’« A bruit secret » pour le collectionneur
Walter Arensberg qui a mis un objet inconnu dans la pelote.
La pelle à neige c’est
« En prévision du bras cassé »
et « Underwood » évoque ses moments avec Betty Wood.
Les sucres de « Pourquoi ne pas éternuer Rrose
Sélavy ? » sont
en marbre, le mou est devenu dur, le léger lourd et l’os de seiche est en
érection (Eros est la vie), Rrose Sélavy est aussi une
des signatures de l’artiste qui aime se travestir. Body art.
« LHOOQ » détourne une
carte postale de la Joconde qui peut ainsi séduire les femmes, après s’être
« prostituée » avec tant d’hommes.
Il ne manque pas de rassembler des
reproductions de ses propres œuvres dans «
La
Boîte-en-valise » et le plus étonnant pour moi c’est qu’après
avoir chamboulé bien des définitions dans le domaine de l’art, il a continué à
peindre en secret pendant 20 ans.
Révélée après sa mort en 1969, l’installation « Étant
donnés : 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage… » appelle le voyeurisme derrière ses portes en
bois.
Elle avait demandé un patient travail dont un aspect rappelle Dürer « Le dessinateur de la
femme couchée »
Sur sa tombe à Rouen est inscrit : « D'ailleurs,
c'est toujours les autres qui meurent. »