« Un bon héros
est un héros mort »
«Il n’y a point de
héros pour son valet de chambre»
Les formules définitives à graver au fronton de mausolées ne manqueraient pas, mais en ces
temps ricaneurs, j’ai bien aimé dans Libé, la pensée originale de Susan Neiman
philosophe lors d’un article préparatoire au débat organisé par la Villa Gillet, à l’hôtel de
région à Lyon:
« Hegel s’était
posé la question : «Il n’y a pas de héros
pour son valet de chambre ; mais non pas parce que le héros n’est pas un héros,
mais parce que le valet de chambre est un valet de chambre.» Le valet a une vision du monde fruste et grossière, et il fera tout en
son pouvoir pour la corroborer. Les gens mesquins et dénués de générosité
voient la mesquinerie et la parcimonie partout ; les âmes généreuses, elles,
recherchent leurs semblables. »
Elle rappelle : « Le
terroriste des uns est le combattant de la liberté des autres. »
Lors de ce débat bien mené, le reporter JP Mari de l’Obs a souvent joué au journaliste, contribuant à
créer la confusion entre victime souffrante et héros, en enchainant quelques
généralités telles que « soldats de
la paix », mais Vincent Azouley expert en Grec à l’ancienne, familier
d’Ulysse, héros incontesté bien que mal
parti et la philosophe ont élevé le débat bien mené par Olivier Pascal
Mousselard lui aussi journaliste à Télérama comme je les aime, n’envahissant
pas l’espace, posant des questions vives et cadrantes. Il s’interrogeait
pourquoi à la mi-temps de France All blacks sur le service public lançant une
série de documentaires sur 14-18, il n’était plus question que de « tous ces
héros » pour qualifier les combattants : est ce plus
vendeur ?
Sans aller comme un écrivain suisse, Benjamin Wilkomirski,
qui s’était inventé une enfance en camp de concentration, il est certain
qu’aujourd’hui la reconnaissance passe par la
compétition des souffrances : ce n’est plus l’acteur qui parle mais
ce que le monde nous fait subir.
Le héros se détache de l’humaine condition en mettant en jeu
la vie et la mort mais le grand homme se juge dans la durée.
À Ulysse qui le
félicite de régner parmi les morts, Achille répond :
« J'aimerais
mieux être sur terre domestique d'un paysan,
Fût-il sans patrimoine et presque sans ressources,
Que de régner ici parmi ces ombres consumées. »
Giordano Bruno a été brûlé, Brecht dans « La vie de
Galilée » met en scène le disciple de l’auteur de « pourtant elle
tourne », indigné par le fait que son maître se soit renié, il dit :
« Malheureux le
pays qui n'a pas de héros! »
Galilée répond :
« Malheureux le
pays qui a besoin de héros. »
Quand le néo libéralisme triomphe, le héros qui doit
inspirer, nous élever, nous libérer ne
se trouve pas chez les sportifs (« Shako président », le « r »
n’a pas sauté il s’agit de celui qui a été décisif contre l’Ukraine en foot),
ni dans une boite de Viagra pour accéder au titre de « héros de l’amour ».
70 vierges qui attendraient au paradis ne sont qu’un faux prétexte pour risquer
sa vie : le fondamentalisme est plus sérieux.
J’ai le sentiment d’un éternel retour avec une invitation à
nous réapproprier les mots, c’est que nous ne serions pas sorti des
prémices : « au commencement était le verbe ».
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Dans le Canard de cette semaine :