jeudi 31 mars 2011

« Les français peints par eux mêmes »

C’est ce qui figurait sur le billet de la conférence de Gilles Genty aux amis du musée, mais cette référence trop allusive à l’œuvre de Daumier ne rendait pas compte de la nature même du propos tourné vers la vie politique et les mœurs entre 1830 et 1900.
Les évolutions depuis les gravures sur cuivre ou bois de la révolution française ont permis grâce à la lithographie de dépasser les barrières techniques et de mettre au devant de la scène, les artistes. L’expressivité en est augmentée et l’interaction entre recueils et journaux pourra se déployer. Ainsi l’hebdomadaire intitulé « Le Monde Plaisant » accueille Lavrate qui ne manque pas de verve, mais le titre d’une autre feuille « La Caricature Provisoire » montre bien la fragilité de la liberté d’expression et Grandville qui met en scène des animaux trouve ainsi un moyen de jouer avec les limites.
« La liberté guidant le peuple », celle de Delacroix, elle-même, attendit dans les réserves du Louvre de 1830 à 1848 ; le bonnet phrygien de la belle dépoitraillée était jugé d’un rouge trop vif.
Après avoir collaboré à « La Silhouette », et « La Caricature », Daumier dessine pour « Le Charivari » une série inspirée par un personnage de théâtre très populaire : Robert Macaire. « L’incarnation de notre époque positive, égoïste, avare, menteuse, vantarde… essentiellement blagueuse. » L’acteur Frédéric Lemaître avait eu l’intuition géniale de transformer le mélodrame intitulé « l’auberge des Adrets » en comédie, et il improvisait chaque soir à partir de l’actualité.
La peinture classique est parodiée, et monsieur Thiers, en angelot écartant les branchages au dessus d’un Endymion plus enveloppé que l’original de Girodet, nous fait encore sourire.
La satire s’exerce directement à l’égard d’autres artistes : ainsi l’enterrement à Ornan de Courbet réduit à sa signature gigantesque devant quelques virgules blanches et un chien de la famille d’un Snoopy fatigué, en est la victime.
De « Grelot » en « Canard sauvage » les titres se multiplient. André Gill qui donnera son nom au cabaret « Le lapin agile » (là peint A. Gill) travaille pour « La Rue » de son ami Vallès qui l’égratigne par ailleurs.
Vallotton amateur de Daumier aimera les simplifications de celui dont Baudelaire disait qu’il était : « l'un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l'art moderne. » Il travaillera lui aussi l’efficacité du trait, dans la frontalité vis-à-vis d’une humanité où le noir du fusain affronte un blanc de papier.

mercredi 30 mars 2011

Touristes en chine 2007. # J 11. Pingyao

Nous prenons un expresso au petit déj’, et Marie, notre guide, nous propose son aide pour quelques visites dans la ville carrée des « confins calmes », inscrite au Patrimoine Mondial de l'Humanité qui fut le « Wall street de l’Asie » au XIX° siècle.
Nous montons sur les remparts enserrant les maisons traditionnelles sur six kilomètres.
Au début, nous sommes dans les foules autour de différentes machines protectrices d’une porte monumentale avec casse-têtes et instruments hérissés de pointes en tous genres, mais dès qu’on avance un peu, nous ne rencontrons plus personne. Les pavés sont marqués du sceau des Ming. Nous profitons tranquillement d’une vue dégagée sur l’ensemble de la vieille ville (XVI°- XVII°) dont les toits en terrasse sont entourés de parapets dentelés.
La visite de la maison du gouvernement Yamen atténue notre frustration d’hier de n’avoir pas pu prendre notre temps dans la maison Qiao, celle d’ « Epouses et concubines ». Dans les salles des objets de torture sont exposés : c’est le jour. Nous assistons à une reconstitution théâtrale d’un jugement d’époque qui fait beaucoup rire les Chinois. Il y a aussi une banque ancienne.Nous effectuons des repérages avant des achats dans une rue commerçante, tout en découvrant d’autres maisons comme celle d’un banquier avec lingots et coffre souterrain, et celle des arts martiaux. Cela nous change des temples. Nous prenons notre repas avec des brocolis dans la maison mitoyenne de notre guest house.Nous continuons en taxi électrique pour aller au monastère Shuanglin (« les deux forêts ») où nous sommes pratiquement seuls.
Plusieurs salles sont remplies de statues, avec des sortes de crèches remplies de santons, une salle est destinée aux prières pour la naissance d’enfants. Au pied de statues avec bébés, Bodhisattvas et Sakyamuni, la créativité est exubérante.
A la sortie, un artiste français nous conseille de voir le temple de Confucius. Sur le retour nous prenons quelques embruns car la chaussée en restauration est mouillée.En entrant dans l’enceinte de Pingyao, se déroule la procession d’un enterrement : des voitures électriques sont décorées et suivies de marcheurs vêtus de blanc, un catafalque est posé sur un brancard porté par des hommes, une fanfare joue. L’entrée de la ville est embouteillée.
Le temple de Confucius comporte une salle de classe mais ne nous paraît pas très intéressant avec ses statues un peu grossières. Certains d’entre nous apprécient la verdure alors que d’autres trouvent le parc trop calculé, raide et parcimonieux. Nous revenons dans les boutiques acheter un orgue à bouche, des lunettes, une serrure en forme de bœuf, des bracelets, et des papiers découpés.
Puis avec deux taxis, un pour les bagages et un pour nous, nous nous rendons à la gare.
Adieu Marie. Le train est à l’heure et beaucoup de monde s’y engouffre. Je m’exile dans un compartiment où mes voisins ont tendance à douter de l’heure d’arrivée, qui ne correspond pas à la nôtre.

mardi 29 mars 2011

Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps. Florence Cestac. Jean Teulé.

La dessinatrice des gros nez et le « touche à tout » qui eut son temps de lucarne racontent la vie de Charlie Schlingo dessinateur de la bande d’Hara Kiri dont la vie de poliomyélitique s’arrêta à 50 ans minée par la drogue, l’alcool, le désespoir.
« Roi de la Lose, Bonheur des Soldeurs, Roi des Retours ».
Celui qui mena cette existence violente, spectaculaire, ponctuée de dégueulis, se fracassa sur un coin de table basse entrainé par son chien qui l’aimait de toutes ses forces, celui-ci s’appelait Méchanceté.
L’auteur de l’album « Patron, une cuite s'il vous plaît ! » dont l’amie s’appelait "Josette de rechange", mit sur le marché avec Choron « Grodada », un magazine pour enfants qui ne fit pas long feu. On pouvait tout craindre de cet auteur ingérable qui dédicassait ses rares albums vendus :
« Pour Laurent qui m’a l’air d’être un sacré connard »
ou « Pour Kévin, tes parents vont bientôt mourir ».
Années punk, il marchait sur les mains et se jetait sous les voitures.
Ces 96 pages rendent compte de sa dinguerie désespérée.

lundi 28 mars 2011

Lola Montès

Je viens de voir enfin ce film culte de Max Ophüls qui fut un échec commercial en 1955 malgré Martine Carol à l’affiche. Quelques épisodes de cette histoire vraie nous paraissent assez nunuches aujourd’hui, et un réalisateur branché de 2011 aurait plus insisté sur des coulisses de cirque sordides et mis plus de chair à l’encan.
La façon de filmer n’a pas pris une ride et avec l’épreuve du temps, la modernité du propos homologue ce film parmi les chefs d’œuvre du cinéma.
La mise en scène obscène d’une vie sous les flonflons d’un cirque est tellement contemporaine des excès des dévoilements de la télé réalité et des divulgations internétisées tout en restant habile et fascinante. Y compris le procédé de la fausse interactivité avec les spectateurs invités à poser des questions qui ne modifieront en rien le déroulement du spectacle.
Empêtrés dans nos contradictions de voyeur, nous regardons jusqu’au bout la tragédie d’un pouvoir déchu qui nous consolerait de n’y avoir pas accès. La une des journaux se nourrit essentiellement des malheurs ordinaires de ceux qui sous les feux de la rampe, nous fascinent et tombent. Il annonçait il y a un demi-siècle le règne du show-business et de la marchandisation des sentiments.
Ustinof en maître de cérémonie a inspiré sûrement le Savary qui me réjouissait jadis en bateleur du Magic Circus, la caricature et la drôlerie en moins. Il est odieux et en même temps il fait tenir debout sa marionnette. La belle est dans la sciure, elle n’a plus de voix mais son maquillage sourit.

dimanche 27 mars 2011

Leçon de jazz # 4. Keith Jarrett.

Si l’interprète compositeur goûte assez peu les claviers électroniques, il joue du saxo, du vibraphone, des percussions, de l’orgue, du clavecin, de la guitare, de ce que vous voulez, et il entre en fusion avec son piano.
Ses influences à 360° vont de la musique médiévale, au classique, au minimalisme, au jazz et au rock, aux musiques ethniques jusqu’à la transe.
Il a commencé à jouer à trois ans et après un arrêt de deux ans à la suite d’une grande fatigue - il faut dire que l’énergie qu’il dépense est colossale- il continue d’alterner une carrière solo et des participations à des trios. Il a reçu une haute distinction en musique classique que seul Milles Davis avait obtenue.
Moretti a utilisé sa musique dans son film « Carnets intimes » et depuis son concert de Cologne, le natif de Pennsylvanie a pu emmener l’improvisation vers un art de vivre grâce à une curiosité, une culture, une virtuosité exceptionnelle. Exigeant il a pris des éléments de toutes parts et les a emmenés plus loin.
Antoine Hervé à la MC2 nous a donné encore une belle leçon de jazz autour de ce phénomène et si j’ai mieux saisi ce que c’est qu’un phrasé, voilà que maintenant des "notes fantômes" s’invitent à la fête entre deux "vamps" et aggravent mon niveau préoccupant d’incompréhension vis-à-vis de la musique.
Ce que je perçois accroit mon admiration vis-à-vis des interprètes qui ont à marier émotions, rigueur, rythme, mémoire du cerveau et du corps en apportant une touche personnelle, je happe quelques bouffées, sursaute aux ruptures, me laisse envahir par les répétitions, suis les lignes striées et les surface lisses, les rythmes irréguliers, les bonds, les tensions, les climax approchés, les explosions, les douceurs envoutantes, et les situe au-delà de ce monde.

samedi 26 mars 2011

Tombeaux pour la gauche. Jean Pierre Rioux.

Au cours du forum de Libé, une amie a glissé dans mon petit panier, le dernier livre de l’auteur de « La France perd la mémoire » qu’elle venait d’apprécier dans un débat à propos de Jean Jaurès. L’historien avait introduit la discussion en écrivant dans le journal:
« Malheur à nous, les politiques, si nous devenons des rentiers du suffrage universel ou des luttes, car « il faut que la démocratie sente que nous la demandons pour elle et non pour nous, que nous y cherchons seulement la force nécessaire pour de nouveaux combats moins stériles, et que nous n’attendons le salaire, c'est-à-dire la reconnaissance profonde et durable du peuple, que lorsque nous aurons remis en ses mains les fruits de la justice ».
A mille milles de tout canton en voie de renouvellement.
Le point de vue de son livre, au format léger, est intéressant puisqu’il permet de mesurer le devenir des souvenirs à partir des cérémonies des adieux que la gauche a toujours goûtées.
Ainsi de 1914 à 1996 : les hommages ou les silences autour de ma mort de Jean Jaurès, Léon Blum, Guy Mollet, Pierre Mendès France et François Mitterrand.
Instructif pour la postérité et ses facéties, quand les échecs en ressortent grandis.
Ce n’est pas ce spécialiste de l’élu de Carmaux à qui risque de s’appliquer sa formule : « La révérence en émoi a asphyxié la référence en pensée », ses propos énoncés avec un style tout en nuances ramènent sans cesse aux préoccupations présentes.
Quand Jaurès est mortellement atteint par Villain, le pharmacien voisin refuse une ampoule à « cette crapule », alors un officier en tenue dépose sur sa poitrine sa propre légion d’honneur. Il y a des circonstances où les médailles ont de la gueule.
Blum, le juste, dit : « j’ai toujours cherché dans la vie et dans l’œuvre de Jaurès, non pas des arguments, mais une leçon. » Lui qui pensait que le socialisme « fournit la seule conciliation valable entre les nécessités de l’ordre collectif et les exigences de la conscience personnelle. » Les échos de sa fougue lors d’un congrès de 1946 sonnent jusqu’à nous quand il parle aux mollétistes : « le mal est en vous : c’est le manque d’ardeur, le manque de courage, le manque de foi… » J’en connais.
L’oublié de notre Panthéon bien garni, Guy Mollet, a droit à son chapitre. Le camarade d’Arras n’était pas ressorti la tête haute de l’épreuve du pouvoir, mais sa trajectoire justement nous interroge encore: le dire et le faire.
Le mentor PMF- qui ne fut pas mendésiste - fut bien silencieux après 81, mais ce qu’il disait de De Gaulle dès sa disparition s’applique à lui : « Tous ces éléments contradictoires, on ne peut plus les dissocier à l’heure où la conclusion doit s’écrire, à la fois pour dégager un bilan et pour faire ressortir les traits profonds d’une personnalité à laquelle l’histoire demande nécessairement des comptes, après un si grand rôle tenu… » Entre grands.
Plus énigmatique fut le sphinx, Mitterrand. Le droit d’inventaire instantané, en ces années où l’audimat commençait à brouiller la durée, remit sur le tapis les années de jeunesse et éloigna la nécessité d’un bilan politique et moral. Vinrent les hommages de monsieur D’Ormesson et deux messes à la fin. Restent ces mots de Paul Thibaud qui donnent suffisamment de matière à réflexion : « ce paradoxe d’être un homme politique qui refuse l’identification à un sujet collectif, incapable de sortir de soi, pour qui l’héritage n’implique aucune fidélité. »

vendredi 25 mars 2011

Le progrès à quel prix ?

Le titre de ce débat de Libé à Lyon de cet automne peut sembler d’actualité.
Becquerels en fuite, propos de comptoirs de ministres en fin de course, de ce que de la Libye on fait, des cantonales front contre front, où ça ?
La question était aguicheuse, mais il n’y a pas eu de réponse d’après mon souvenir.
J’ai plus retenu des histoires de filles et de garçons et à l’heure où des dames se voilent la face, difficile de parler du progrès. Celui-ci n’emprunte plus guère les spirales de béton armé qui s’entrelaçaient sous nos yeux d’après guerre et c’est tout le monde qui se voile la face.
C’était avant le feu à Fukushima.
Reste un point d’interrogation de ces beaux débats d’antan sous la tente de la place des Terreaux.
Il fallait pouvoir exister face à Boris Cyrulnik, brillant et drôle qui termine son introduction au forum: « vous aviez les idées claires, j’espère qu’elles sont confuses ».
J’aime « cette qualité qui vient de l’avant guerre » avec laquelle nous rions pour ne pas nous effondrer.
Jean Claude Kaufmann qui se trouvait à côté de lui sur l’estrade ne manque pas de finesse, et ce débat fut un exercice agréable car le pape de la résilience nous booste.
L’approche par les chromosomes qui font des filles (X) plus stables et précoces que les garçons (XY) n’a pas manqué de bousculer quelques certitudes. Elles bénéficient davantage de l’école mais avec la mixité, les garçons accélèrent leur décrochage, sauf en EPS, car les pubertés se déclarant de plus en plus tôt, elles deviennent aussi de plus en plus anxieuses. Dans ce domaine où la biologie et l’environnement renforcent les évolutions culturelles, les changements deviennent majeurs.
Nous passons d’un roman où le progrès fut linéaire, tout d’un bloc, aux déceptions d’un éclatement : les améliorations matérielles n’entrainent pas la morale, le social ne suit pas l’économique. Les savoirs sont fragmentés et « chaque clan se clôt » quand « le luxe c’est l’espace ».
Nous sommes à la fin d’une civilisation ; sourions nous sommes filmés.
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Dessin du Canard de la semaine:

Spécialistes vs rigolos par franceinter

jeudi 24 mars 2011

Jupiter, nom de Zeus !

Le maître suprême du Panthéon, le Dieu des jours, « l’assembleur de nuages » au-delà d’une progéniture luxuriante fut abondamment représenté en statuettes et sur des poteries quand il se nommait Zeus, c’est qu’il recueillait les sacrifices expiatoires. Le XVII° et XVIII° siècle en puisant dans les riches histoires de l’antiquité vont multiplier ses représentations.
Jupiter avait déjà lui-même travaillé son image atmosphérique et varié ses avatars pour échapper à la jalousie de Junon(Héra) sa légitime qui avait mille raisons de se méfier des infidélités de son illustre époux. Mais depuis l’expansion grecque il fallait bien justifier les alliances avec les autorités divines locales. Très terre à terre la religion au service du politique recélait à cette époque de l’inventivité ; et dire que les conseillers en com’ d’aujourd’hui prônent le story telling pour grimper dans les sondages, il leur reste encore du travail pour être aussi créatifs.
Rescapé de l’appétit de son père Chronos qui dévora ses enfants car il craignait qu’ils prennent son pouvoir, il va être choyé par les nymphes et nourri au lait de la chèvre Amalthée qui possédait suivant certains écrits une troisième corne, celle de l’abondance. Les Corybantes en tribu joyeuse couvraient les cris du nouveau né susceptibles d’attirer l’attention du père anthropophage qui devra se contenter d’un caillou pour lester son estomac.
Neptune, son frère dieu de la mer avait un trident, alors que Pluton pour régner sur les enfers n’a besoin que d’une fourche à deux dents.
Devenu grand avec la barbe de la sagesse, il est souvent représenté avec LE foudre et accompagné de son aigle, c’est que le dieu protecteur de la maison est aussi destructeur, et bien qu’il ne puisse aller contre la volonté d’un autre Dieu, il peut contrarier, orienter les passions. Il fera preuve dans ce domaine d’une grande imagination : se transformant en taureau pour enlever la belle Europe, en pluie d’or pour la belle Danaé, en cygne pour la belle Léda, en nuage pour la belle Io, en Diane pour la belle Callisto ; le beau Ganymède n’a pas dû être surpris puisque c’est l’aigle en personne qui l’enleva.
Bacchus naquit de sa cuisse et Athéna sortit toute armée de sa tête.
Nous avons révisé avec Fabrice Conan conférencier aux amis du musée bien des origines de nos expressions, voire de phénomènes de l’univers avec une poésie émouvante : ainsi Philémon qui avait émis le souhait de mourir en même temps que Baucis fut transformé en chêne et sa chère femme en tilleul. Tantale ne peut boire ni manger car le vent éloigne les fruits de l'arbre quand il s’approche, ce supplice est la punition divine pour avoir voulu éprouver la préscience des dieux en leur servant de la chair humaine.
Les constellations de la Grande Ourse et de la Petite sont Callisto et son fils qui n’avaient plus que le ciel pour échapper à la jalousie de Junon. Celle ci avait de quoi les surveiller avec son paon portant sur sa queue les yeux qui furent ceux d’Argus, mais Mercure en bon communiquant aida à brouiller les pistes pour le bénéfice des activités illicites de Jupiter.
A Versailles, je ne verrai plus de la même façon la fontaine de Latone où des paysans furent transformés en grenouilles car ils troublaient l’eau dans laquelle elle voulait baigner ses enfants nés encore d’un certain J. J’ai appris que ses jets d’eau symbolisaient le flot d’insultes de ces paysans très hostiles, mais aussi les paroles mauvaises qui avaient pu être dites lors de la Fronde et retombant sur leurs auteurs.
Henri IV et Louis XIV furent représentés en héritiers du très puissant Jupiter. Marie de Médicis commanda quelques tableaux dont le thème commun portait sur les punitions pour qui avait défié l’autorité : Prométhée au foie dévoré sempiternellement, Sisyphe et son rocher chéri. Avis aux mateurs.

mercredi 23 mars 2011

Touristes en chine 2007. # J 10. D’une ville nouvelle à Pingyao l’ancienne.

Petit déjeuner et départ à 7h 30 de Wutaishan. Route tout le matin, où la circulation est toujours aussi démente, au pays du charbon, triste et noir, d’abord en montagne, mi-soleil, mi-brume, puis en plaine. Nous nous assoupissons tous sauf Mitch.
Tayuan. On jette un coup d’œil à un temple restauré après un incendie. Les cellules des moines sont devenues des logements pour ouvriers, mais le temple sous la garde d’un moine a repris son activité. Engueulade entre notre guide Marie et le chauffeur, à la recherche d’un restau très particulier, mais les travaux rendent les reconnaissances difficiles. Il se trouve dans une ville nouvelle improbable aux larges avenues vides. C’est « La forêt des gourmets » : sorte de parc de loisirs avec une immense salle compartimentée comprenant de faux arbres, un aquarium, un restaurant, des bars, avec des oiseaux en cage (inséparables), et des petits ruisseaux. Dehors nous faisons le tour d’un grand plan d’eau.Le Temple de Jinci est construit sur une source, un cyprès millénaire ploie sous le regard de guerriers monumentaux. L’ambiance est sonore avec les micros poussés à fond à l’intention de groupes portant tous casquette. Frotter le crâne d’un moine luisant sous une source devrait nous apporter longévité et prospérité. Le jardin est joli autour de la pagode de plusieurs étages et surtout loin des hordes, nous profitons du calme et de la verdure, des fleurs. Les ponts s’appellent « pont de la rencontre des immortels » et « pont volant », la terrasse est celle « des hommes d'or », le temple celui des « offrandes ».
Le chauffeur, voulant éviter l’autoroute bouchée, s’est perdu, nous arrivons pour la visite de la maison de la famille Qiao à 18h45, il reste ¼ d’heure pour la visite. Maison où a été tourné le film « Epouse et concubines », avec sa grande allée de lanternes rouges, et des cours distribuées de chaque côté : à droite, les appartements, à gauche, les magasins pour le commerce. Malheureusement beaucoup de pièces sont fermées sous notre nez, mais il nous reste à photographier quelques perspectives dénuées de monde. Le film de Zhang Yimou, date de 1991 : Songlian (Gong Li), jeune fille de 19 ans, contrainte d’abandonner ses études à la mort de son père, se résigne à devenir la quatrième épouse d’un riche maître. Chaque jour, une lanterne rouge est allumée devant la porte d’une des épouses, signe des faveurs du maître, donc du pouvoir qu’elle prend dans la maison. A travers une initiation aux rites du clan, le film met en scène, durant quatre saisons, les intrigues des femmes pour attirer l’attention du maître et assurer leur suprématie.
Les travailleurs sur la route triment jusqu’à la tombée complète de la nuit.Les véhicules attendent le plus possible pour allumer leurs phares qui leur servent momentanément d’avertisseurs.
Fabuleuse entrée sur Pingyao de nuit, encerclée de remparts illuminés. Nous prenons un taxi électrique. Dans l’émerveillement nous découvrons le De Ju Yuan Guest House. Vieille maison chinoise comme toutes celles de la rue dans la magie de la nuit. Installation avec un lit pour trois, avec claustra. Repas délicieux dans la cour de la guest house et promenade nocturne dans la ville historique.

mardi 22 mars 2011

La bande décimée. Jean Luc Cochet, Jeff Porquié.

Dans la série policière « Le Poulpe » chaque livre est écrit par un auteur différent, avec des titres délicieux : « La Petite Écuyère a cafté », « Arrêtez le carrelage », « Pour cigogne le glas », « Ouarzazate et mourir » …
Je ne suis pas un connaisseur de la série noire mais des pointures collaborèrent à la série : Jean-Bernard Pouy, Patrick Raynal, Didier Daeninckx, Gérard Lefort, Cesare Battisti, Martin Winckler…
Il allait de soi de mettre en cases le récit des meurtres en série qui affectent le monde de la BD. Le héros, de son vrai nom Lecouvreur, est anar et renverse un peu les codes du polar qui furent marqués à droite dans les années soixante. Il a la gueule de Daroussin dans ce volume des éditions « six pieds sous terre ».
Les connivences établies avec le lecteur qui font le sel des séries se renforcent dans la bande dessinée où les clins d’œil sont d’usage, si bien que le récit peut sembler quelque peu elliptique au petit nouveau. Se lit sans peine, avec des dessins efficaces, mais ne laisse pas de trace.

lundi 21 mars 2011

Ma part du gâteau. Cédric Klapisch.

A quatre contre un, mes amis ont passé un bon moment et je me suis retrouvé bien seul à trouver cette comédie vraiment trop caricaturale malgré les belles images et quelques notations drôles telles que l’évaluation du prix des heures de garde d’enfant. Je ne me sens pas pour autant indulgent à l’égard des traders, ni éloigné des solidarités ouvrières et j’aimerais bien assister au carnaval de Dunkerque. Mais pourquoi faut il que le cinéma français utilise chaque fois la manière de la fable pour traiter des réalités sociales ? Ce serait dans ce cas : "la bonne à tout faire et le financier". Même ceux qui ont aimé cette pretty « mère courage » peuvent reconnaître la suprématie anglaise sur ces sujets sociaux.
La femme de ménage, personnage incontournable en ce moment, est une ancienne ouvrière licenciée. En milieu solidaire, elle surmonte vite une tentative de suicide. France, si sage et pétillante, se retrouve à ramasser les miettes chez Steve qui a bien mérité sa solitude devant ses écrans. C’est justement lui qui a causé l'exil de sa repasseuse de Dunkerque à Paris. On se demande si le réalisateur va oser ce qui est fatal dans ce genre de confrontation : eh bien oui, il a osé !

dimanche 20 mars 2011

Bulbus. Daniel Jeanneteau.

Je dirais : « glagla ! » pour jouer ton sur ton avec les images proposées d’après le texte d’Anja Hilling nous conduisant dans un village hors du monde où échouent un journaliste et une femme qui s’est trompée de bus, alors qu’aucun bus n’arrive dans ces montagnes…
La scène circulaire d’un blanc éclatant tiendra lieu parfois de patinoire, elle reçoit ce couple où la jeune femme est d’abord inerte et celui qui la porte très bavard. Il évoque des faits divers dramatiques avec la même intensité que des détails sans importance.
Les deux beaux jeunes acteurs ont beau se mettre nus à la fin, l’amour dont il parle n’est pas incarné. Certains spectateurs n’ont pas tenu l’heure trois quarts que dure cette pièce; je ne me suis pas ennuyé, mais je suis resté désorienté.
Le programme nous explique : « Dans un monde d’apparence simple, le poids d’une mémoire gelée vient affleurer dans les gestes les plus quotidiens d’un groupe d’humains prisonniers de leur passé, empêchant la génération suivante de lui succéder, la piégeant dans son désir d’oubli… »
Finalement, j’ai bien saisi : c’est froid ! Aussi passionnant qu’une partie de curling qui n’arrive pas à se jouer.

samedi 19 mars 2011

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants.

Le titre extrait de Kipling m’avait parlé, d’autant plus que ce livre de Mathias Enard a reçu le Goncourt des lycéens, après le prix Inter l’an dernier pour Zone.
Eh bien j’ai été plutôt déçu en regard des promesses du titre, avec un thème fort autour de la rencontre entre Michel Ange et l’empire Ottoman qui nous concerne en notre siècle pourtant loin des Renaissances. Mais je n’ai trouvé ni souffle, ni sensualité, pas d’odeurs, dans cet épisode de la vie du florentin amené à concevoir un pont entre Asie et Europe pour le sultan de Constantinople, Bajazet.
Nous ne partageons pas le processus créatif, ni la dimension colossale du projet et l’artiste lui-même ne s’est pas aperçu de la passion qu’il suscitait.
Je ne suis pas un amateur acharné de gros pavés, mais ces chapitres très courts conviennent à la lecture en métro mais n’ont pu rendre une quelconque épaisseur romanesque à partir d’une idée qui avait tout pour séduire.
Il est difficile d’entrer en sympathie avec ce Michelangelo dont la motivation principale réside dans sa rivalité avec Léonard de Vinci.
Une des rares phrases que j’ai voulu retenir de ces 148 pages trop légères :
« Michel ange reste un moment silencieux, avant de souffler : - C’est juste.
Nous singeons tous Dieu en son absence. »

vendredi 18 mars 2011

Michel Serres : « les plaques tectoniques… »

Dany a pris des notes aux « Etats généraux du Renouveau », à Grenoble le dimanche 30 janvier.
Michel Serres nous a régalés d'une conférence, limpide, chaleureuse, sur le thème pourtant si sévère : « Vivons-nous un temps de Crise ? »
Il y reprenait les points principaux de son ouvrage : « Temps des crises. »
La CRISE est comparée à un séisme violent qui fracture en surface l'écorce terrestre alors qu'il est provoqué en profondeur, par la lente et imperceptible avancée des plaques tectoniques. Pour comprendre les secousses financières et boursières qui ébranlent notre monde aujourd'hui, besoin est de remonter, dans la durée de l'histoire et dans l'espace, aux ruptures sociétales, économiques, civilisationnelles,
à des « révolutions » parfois passées complètement inaperçues.
Les campagnes qui se vident (85% des habitants en 1900, 1,2% de ruraux en 2010) : l'essayiste date la fin du néolithique dans les années 1960-70.
• L'urbanisation et la nouvelle occupation de l'espace.
• L'allongement de la vie et le nouveau rapport au corps, autrefois source de toutes les douleurs, aujourd'hui montrable parce que sain : quid des MORALES, doloristes jusque là ? (« Tu enfanteras dans la douleur » / péridurale par exemple)
• et donc les nouveaux choix de vie : avoir ou non un enfant, se marier ou pas et pour combien de temps, etc.
• La plus longue période sans guerre depuis l'Antiquité (50 ans).
• Le nombre d'humains, 1 milliard au début du XXème plus de 7 bientôt.
• Les nouvelles relations : « l'individu » et la nouvelle donne sociale :
impossibilité de « faire équipe » (divorces, groupe classe, etc.)
L'équipe de France de foot et son attitude déplorable : champion du monde de sociologie !
• Confusion entre Identité et Appartenance et risques d'intolérance et de racisme. PROBLEME MAJEUR : QUELS NOUVEAUX RAPPORTS ENTRE LES HOMMES ?
• L'arrivée en masse des nouvelles technologies et leur rôle sur l'environnement et l'espace : avec le téléphone portable et le web, nous n'avons plus d'adresse repérable et nos messages s'inscrivent sur un nouveau support (550 millions d’abonnés à Facebook). « L'espace de voisinage » ne connaît plus de distances.
• Les problèmes environnementaux : (sur 10 conflits récents, 7 au sujet de l'eau.) Polluer c'est s'approprier un espace. Devant les dangers pour la planète, réussirons-nous une coexistence pacifique afin de la sauver ?

jeudi 17 mars 2011

Les vanités dans l’art contemporain.

La conférencière, si peu conférencière, de ce soir a mis en évidence, par défaut, la qualité constante des intervenants habituels aux amis du musée. Il n’y avait qu’à entendre Jean Serroy qui, lors d’une brève intervention pour sauver Anne Marie Charbonneau du naufrage, en a plus dit qu’elle en deux heures. Elle s’était contentée de lire sans conviction, avec un micro dans lequel elle ne savait pas parler, quelques citations et projeter trois vidéos. La jeune fille qui est venue mettre en route les appareils que la maîtresse de cérémonie ne maitrisait pas, aurait mieux convenu en nous dispensant de la pédanterie : « tout le monde sait ça » ou des demandes au public quant à la marche à suivre : « est ce que je continue la projection ? » Elle s’est exemptée de nous donner quelques clefs puisque « les œuvres sont tellement fortes qu’elles parlent d’elles mêmes ». Un concentré qui aurait fini par être réjouissant de tout ce qu’il ne faut pas faire. C’était « l’inanité dans l’art contemporain ».
« La temporalité de l’artiste fait œuvre elle-même » pour un plan séquence vidéo interrompu au bout de 20 minutes parcourant une accumulation de 25 m de livres, sur lesquels sont posés de réveils et des escargots, quelques bougies fument entre les crânes incontournables des vanités du XVII°.
Une autre vidéo de Michel Blazy, l’homme des purées de légumes qui moisissent sur les murs. Ici la caméra nous conduit au cœur des décompositions où des insectes s’installent, les mouches et les asticots sont en vedette, les lumières sont boréales dans les entrailles d’un poivron qui a passé la date de péremption.
Les plus féconds à mes yeux sont deux suisses Fischly et Weiss avec un film d’une demi-heure où des objets se bousculent dans un enchainement réjouissant d’inventivité, d’humour, de profondeur. Une roue (de la fortune ?) entraine le basculement d’une planche où des bouteilles en plastique, clepsydres de fortune, ralentissent le déroulement fatal qui reprend avec des casseroles bouillonnantes, des chariots improbables sur des rails, des embrasements. Les liquides débordent, la glace fond, les déséquilibres s’avèrent moteur, ça balance, ça bascule, hésite, accélère, fume, branle au manche, les plans s’inclinent, des ballons éclatent. On attend, on est surpris par ces bricolages et l’on marche dans cette dramaturgie fragile et incertaine.
Il y aura matière pour une autre conférence sur le sujet.

Touristes en Chine 2007. # J 9. Temples perchés et monastères colorés.

Départ sous la pluie, nous sommes retardés par un groupe de français sans guide, monopolisant notre guide Marie depuis hier pour régler leurs problèmes.
"Non mais c’est nous qu’on paye !"
Dans la campagne des petits monticules de terre : des tombeaux, autour de villages pauvres; malgré la beauté des toits,tout est gris à cause du charbon.
Le monastère suspendu Xuankong Si est accroché à la falaise, soutenu par de longs troncs. C’est un haut lieu touristique qui attire beaucoup de monde, cela vaut vraiment la peine.Il y a 40 salles qui contiennent 80 statues de cuivre, fer, argile, pierre avec quelques curieux bouddhas. Les passerelles entre les différents édifices sont étroites, et de nombreux sachets de sable sont disposés avec les extincteurs, car tout est en bois ; dans une chambre un four est sous le lit pour chauffer et cuire. Notre amie Dany n’en mène pas large avec son vertige. De 1400 ans d’âge, ce temple renferme des éléments bouddhistes, taoïstes et confucéens.
En bas après un barrage, au débouché d’une conduite, un homme immergé ramasse à la main les poissons étourdis par leur chute et lance sa pêche sur la rive.
Repas sur place, les Chinois laissent des plats presque complets, sans soucis du gaspillage. Nous reprenons la route, croisant une caravane de camions surchargés de charbon occupant toute la route sur une ou deux files. Dans la montagne la conduite est redoutable : on double dans les virages et il arrive que celui qui se trouve nez à nez ne puisse se rabattre car personne ne lui en laisse la possibilité. Nous montons jusqu’à 3000 m au pic Yedou dans la brume : ce sont des alpages avec des moutons, des vaches, la flore est variée.
Monastères du Wutaishan. Plusieurs temples sont imbriqués, et nous voyons une grande variété de moines habillés de couleurs différentes. Les touristes et les fidèles sont très nombreux. Plusieurs fois, on nous demande de poser pour des photos ; nous ne nous privons pas de nous photographier mutuellement. Dans les W.C. pour femmes l’odeur est indescriptible : au-dessus de la fosse s’échappent des tourbillons de mouches.L’ensemble des temples est très coloré, les marches sont nombreuses, heureusement nous les abordons à la descente. Un bâtiment en bronze doré nous éblouit… une véritable cité religieuse. L’hôtel Flowers à l’extérieur de la ville est tout neuf. Nous mangeons dans un salon particulier de justesse, car le restaurant a été retenu pour l’anniversaire d’un monsieur de 80 ans, où les discours sont nombreux devant une grande assemblée. De la chambre nous entendons leurs chants.

mardi 15 mars 2011

Laid, pauvre et malade. De Crécy/ Chomet.

Tome deux de la série "Léon La Came", le titre accrocheur ne déçoit pas.
Le récit baignant dans des couleurs crépusculaires mène au désespoir avec habileté et force en jouant sur les registres de la caricature, du fantastique pour une approche très politique de la marchandisation de notre société jusqu’à des contrées proches d’ Aubenas.
Le héros quelque peu naïf, au départ montreur de marionnettes, va essayer de suivre les préceptes du Manuel du Savoir-Winner : ne dormir que quelques heures, ne pas lésiner sur les pots de vin, mais saura-t-il « tirer parti de ses échecs pour pouvoir repartir du bon pied » une fois qu’il aura chuté ?
La remise au goût du jour de la légende de la bête à "deux groulx" qui fit peur aux populations fait gagner les élections et un parc d’attraction va s’ériger, les produits dérivés du cochon hideux se multiplier. Toute ressemblance… rend la fable noire tout à fait intéressante.

lundi 14 mars 2011

True grit. Ethan Coen et Joël Coen.

Si ce n’avaient été les Coen à la manœuvre, je ne serais pas allé voir ce western de chez west ; à la sortie c’est le plaisir du cinéma éternel des grands espaces photogéniques où pétaradent des archétypes rassurants. Pour ma part je n’ai pas décelé la distance habituelle des réalisateurs avec le genre fondateur d’une Amérique qui tient tellement à ses guns. Le titre signifie « avoir du cran » même si « a grit » est un caillou dans la chaussure.
Quête initiatique comme d’hab’ avec trois personnages tellement différents, condamnés à se supporter, à se compléter, à se sauver.
La jeune fille au chapeau charmant genre « l’Amant » a la langue bien pendue et mène ses machos par le bout du nez, et ce n’est pas conventionnel. Mais peut être que Sarah Palin a aimé.

dimanche 6 mars 2011

Sur la route. Antoine Rigot.

Ce n’est pas « Sur la route » de Kerouac, ni « La route » de McCarthy, ce serait plutôt « Sur le fil » mais un de leur spectacle précédent était « Le fil sous la neige ».
Un acrobate a été victime d’un grave accident ; désormais infirme, il rassemble ses jambes avec ses bras, se remet debout, amorce un premier pas vacillant.
Les spectateurs, assis autour d’un triangle parcouru de barres et de câbles, prennent la mesure de l’exploit d’avancer une jambe après l’autre.
Une jeune femme funambule, Sanja Kosonen, viendra depuis des fils suspendus, le relever quand il tombe, le soutenir jusqu’à ce qu’il grimpe au dessus du sol. Il l’aura lui aussi portée, il aura servi de pont, de protection, d’aide, pour des cabrioles spectaculaires ou des figures inédites sur ces fils de fer qui paraissent si blessants et qui peuvent servir à rebondir pour de furtives envolées.
Cette histoire d’amour est suffisamment forte, élémentaire, qu’il n’était pas forcément utile d’en appeler dans le programme à Antigone, figure de la résistante, ou à Œdipe qui certes a été entravé, mais furent surtout connus pour d’autres représentations.
Un spectacle intense, tendu, délicat et puissant, qui nous rappelle à nos corps, à la volonté nécessaire pour se reconstruire.
………………….
Pendant une petite semaine, il n’y aura pas de nouvelle publication sur ce blog.

Nicolas Bouvier dans « Le matricule des anges ».

Dans le mensuel consacré à la littérature contemporaine, sans publicité, l’écrivain voyageur connu surtout pour être l’auteur de « L’usage du monde » occupe la une et une dizaine de pages de la revue. Son livre culte, récit illustré de dessins d’un voyage de la Yougoslavie à l’Afghanistan est une invitation à comprendre, à s’émerveiller.
« On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »
Bloqué par la neige à Tabriz en Iran, il écrit pendant des mois, mais l’enveloppe contenant ses feuillets finit à la décharge, il ne retrouvera qu’une phrase amputée:
« neige de novembre qui clôt les bouches et qui nous endort ».
Depuis mon écran, je vois dans ce dévoilement de la fabrique de l’écriture, une image magnifique et le bonheur des couleurs qu’il a depuis rapporté nous ravit.
En Grèce il distingue : « un bleu marin, d’une intense gaité, qui agit sur les nerfs comme de la caféine ».
Sa correspondance est moins solaire mais les commentaires concernant un séjour à Ceylan où il frôle la folie donnent envie d’aller plus loin avec lui.
Dans ce numéro de décembre, Philippe Muray, tellement branché depuis qu’il a disparu, lui qui avait la mode en élégante horreur écrivait : « personne n’est davantage anti-touriste qu’un touriste ». Bouvier, lui, le Suisse, « greffier de l’existence » porte à la « polyphonie du monde une attention fébrile », et va au delà

vendredi 4 mars 2011

Logement. Un débat.

Les affiches « non au bétonnage » ont été recouvertes mais elles ont eu le mérite de secouer quelques politiques assoupis.
Les réseaux se sont un peu agités, un responsable socialiste a pu réagir, certains militants écologistes développer leur réflexion.
J’avais proposé de publier quelques mots du premier mais il n’a pas souhaité apparaître sur ce blog, ainsi persisteront seulement dans les rétines de la plupart les mots sommaires des affiches en question, même si vis-à-vis de certains publics, il a pu évoquer la densification ou des immeubles plus hauts. Mais il n’est pas le seul à préférer l'approbation de ses amis ou leur silence.
Pour avoir fait parvenir des éléments de débat qui pouvaient interpeler « ceux qui s’intéressent à la vie de la commune », je suis passé aux yeux de certains pour un provocateur, un manipulateur, un amateur.
Et pourtant je persiste à croire que les débats les plus riches se déroulent parmi ceux avec lesquels nous sommes en désaccord. On peut alors apprendre, se fortifier, convaincre.
Par contre aucun sectarisme du côté d’un militant écologiste dont j’ai aimé la contradiction dans nos courriers croisés concernant « le dogme de la densification qui sauverait du mitage » dont je suis un adepte.
Il pose par ailleurs des questions essentielles sur les lieux pertinents de décisions assurant une cohérence des aménagements.
Il trouvera j’espère l’espace pour développer ses remarques.
J’extrais quelques lignes où il invite à l’inventivité :
« il faut que nous soyons plus inventifs sur la problématique du logement et nous ne devons pas rechercher que la solution du construire plus sur des espaces pas "encore consommés" en ces périodes de décohabition où sur notre commune les appartements font en moyenne 4 ou 5 pièces alors qu'un ménage moyen est composé de 2,3 individus. Encourageons d'avantage la cohabitation intergénérationnelle et aussi entre séniors, imposons aux promoteurs la construction de logements de plus petites tailles pour attirer des jeunes. Cherchons aussi à construire peut être un peu plus haut à l'emplacement par exemple de tous les commerces en RDC le long de la route de Lyon tout en veillant à la qualité des constructions futures. »

jeudi 3 mars 2011

Les vanités au XVII° siècle.

C’était au temps de l’effervescence intellectuelle, scientifique, religieuse, le moment aussi du retour sur soi, vers l’essentiel. La méditation sur la destinée débouche sur une seule certitude : la mort. Le savoir devient relatif; lorsque la science se développe, la douleur croît-elle ? L’univers de Ptolémée disparaît, et le passé se redécouvre : il y avait donc un monde avant le christianisme. L’apprentissage du grec n’est plus une hérésie. La complexité amène son lot de scepticisme. L’église qui organisait le savoir est remise en question. Aller contre les dogmes met en lumière la faiblesse de l’homme et sa nature misérable: reste à trembler ou à s’emmitoufler dans les plis du baroque.
Jean Serroy, aux amis du musée, a amené l’Ecclésiaste : "Vanité des vanités, vanité des vanités, tout est vanité." Il lira au cours de la soirée des extraits de poèmes qui accompagneront la présentation de tableaux avec très souvent un crâne en motif principal.
« J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir. »

Jean de Sponde
Le monde est illusion, tromperie, leurres, tentations et masques ; la seule constante : la mort.
Les natures mortes portant les symboles de la futilité des activités humaines vont se multiplier : « mémento mori » (souviens-toi que tu mourras). La religion protestante a beau être iconoclaste, ce genre de tableaux se développera dans le nord de l’Europe. Bien que là bas l’art puisse être considéré comme une manifestation de l’orgueil humain (hubris), la bourgeoisie cherchera à séculariser les peintres. Alors qu’en terre catholique où la religion utilisera les toiles pour séduire, édifier les fidèles, les "bambochades" qui reproduisent des scènes populaires s’adaptent au format des poches de selles des voyageurs.
Philippe de Champaigne place une tête de mort aux orbites qui vous engloutissent dans l’obscurité entre une fleur qui commence à faner et un sablier.
Autour d’une reine du ciel monochrome de Yan Van Kessel s’accumulent les symboles des vanités : bannières, livres, sculptures, instrument de musique, du vin…
Le vent passe sur d’autres tableaux et a déréglé les mécaniques, les colliers glissent depuis la table et toujours un crâne plante ses dents dans le livre des connaissances.
Une allégorie de la fortune de Karel Du Jardin magnifie les bulles de savon volatiles qui se retrouvent dans d’autres sujets pour signifier la fragilité. Vivre, c’est mourir : tout s’écoule, se consume. Un artiste peut se représenter à la parade, jusqu’à personnifier le vaniteux, un autre peindre un fumeur, ou un tricheur: l’innocence se perd, la passion est trompeuse et le doute de l’utilité de la transmission du savoir se met en scène. L’amour s’endort sur une boite crânienne. Le rideau s’ouvre sur une jeune fille qui enlève son bouquet de fleurs d’oranger devant un miroir, celui où Madeleine repentie de De La Tour ne verra plus que le reflet d’une veilleuse. Elle a renoncé aux plaisirs du monde comme Saint Jérôme.
« Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse. »

Jean de Sponde
La palette n’a pas soumis la mort, mais les images de ces années lointaines peuvent souligner nos vaines agitations. Bien peu portée à voir au-delà de la prochaine échéance électorale, notre inconscience, en ce siècle pourtant si sachant, nous mène, à la consumation accélérée de notre planète, sans pitié pour nos enfants et leurs petits.

mercredi 2 mars 2011

Touristes en Chine 2007. # J 8. Charbon et 55 000 bouddhas.

Le train a récupéré son retard dans la nuit : arrivée à 6h 21 à Datong province du Shanxi.
Sur le quai notre nouvelle guide Marie (ou Ma Haï Yan) nous attend et nous prend en charge. A la sortie de la gare nous montons dans notre mini car et traversons la ville
(1 million et demi d’habitants) par une grande avenue toute droite. Hôtel Taihachun. Ville triste aux odeurs de charbon. Nous prenons le petit déjeuner dans une grande salle grouillante avant de récupérer nos chambres nickel au 8° étage, même si on ne sait pas tout de suite utiliser la clim’, à la télécommande. Pressing pour 24 Y.
Nous allons voir le mur des neuf dragons, neuf pour la longévité, en jade sur fond de bois peint en bleu. Construit pour le palais du 13°fils de l’empereur. Marie a bien du mal à s’exprimer, et se trompe dans les chiffres, les dates et les siècles.
Nous gagnons en bus le monastère bouddhique chinois Huayan. Les moines sont vêtus de gris avec de drôles de guêtres, des sandales en toile et des pantalons bouffants, un peu comme l’habit des valets de Molière.Le monastère est assez petit avec des bouddhas en bronze poussiéreux, moins coloré que les bâtiments tibétains en deux parties séparées. Salle avec des porcelaines du X° siècle. Nous prenons notre repas dans la rue du monastère, colorée, restaurée, investie par des mendiants insistants, pour ici c’est bien relatif, dont un vieux monsieur qui ne possède plus que deux dents. Repas en sous-sol dans un salon privé. Marie nous conseille et commande. Comme les Chinois nous laissons de la nourriture ce qui signifie que nous avons assez mangé. Sieste indispensable avant de continuer.
Les grottes de Yungang à 16km sont extraordinaires avec 55 000 bouddhas de toutes tailles, assis, debout, peints, dans des cavités creusées de haut en bas plus ou moins abîmés ou protégés. Impressionnant ! Inscrit au patrimoine mondial. Date du V°siècle. Une salle carrée accueille un bouddha en son centre protégé par une devanture en bois XVII°, superbe. Les briques sont noires et les toits turquoise, les têtes grotesques grimacent en haut des piliers. Les temples et monastères se révèlent à chaque fois différents.Nous marchandons à la sortie, des tas d’objets sympas pour quelques €. Au restaurant nous faisons de nouvelles découvertes culinaires. Mitch qui a envie de sucreries montre les gâteaux exposés mais ils ne sont là que pour la décoration. Une petite fille nous observe, très intriguée. Nous sommes objets de curiosité plus qu’à Pékin, les gens nous dévisagent, mais avec bienveillance. A son tour, Jean a été sollicité aux grottes pour poser avec un chinois sur une photo. Nous partons déambuler dans la ville pendant 2h parmi une foule très dense.

mardi 1 mars 2011

Vive la classe. Baru.

« Mais non je ne vous parle pas de la classe des écoliers, ni même de la classe ouvrière (encore que), mais de la classe des conscrits… » Du temps de la conscription pour le service militaire.
Je reprends les mots même du dessinateur lorrain car je les trouve justes, comme ce récit dans les années après la guerre d’Algérie quand les jeunes occupaient bruyamment les rues après le conseil de révision, en une fête violente, rude comme les rapports de classe, les relations familiales.
Baru est un de mes auteurs de BD préféré, je l’avais découvert avec « Quéquette blues » qui racontait avec tendresse et énergie la vie de jeunes souvent d’origine italienne du côté de Longwy, moins dans la lumière que les alentours du pont des arts. Le groupe impose sa loi mais aide aussi au passage vers l’âge adulte. A l’époque du twist, les ados des années soixante en bande avec un lot de frustrations cumulées, ne s’expriment pas d’une façon très nuancée, mais est ce que les conversations sur lesTwitter d’à présent sont plus "classe" ?