vendredi 23 février 2024

Sémantique.

Peut-on percevoir des signes annonciateurs de l’omnipotence de l’intelligence artificielle et de la venue au pouvoir de l’extrême droite ? Sait-on voir ce qu’on voit ? A défaut de penser, on se pince.
Sur nos sols artificialisés, tant de paroles préfabriquées encore discernables sonnent faux.
A la surface des réseaux sociaux, en dehors de quelques phrases jetées en réaction, rares sont les pensées personnelles construites d’individus se disant libres pourtant alors qu’ils n’ont que leur nombril comme horizon. Inutile d’insister sur l’inflation des cœurs artificiels pixélisés.
Dans les débats, l’affirmation de soi passe essentiellement par la dénonciation de l’autre et de son registre sémantique.
Ainsi l’emploi des mots «  sécurité », « nation », « laïcité », « travail », « mérite », « équilibre budgétaire »… donnent droit à réduction sur le ticket à destination du goulag.
Je fus dans le parti dont Faure est le liquidateur, mais je constate chez ceux qui se réclament de gauche, sans avoir jamais tendu le moindre tract en pleine bise, une fâcheuse tendance à privilégier l’étude malveillante des textes d’en face plutôt que la production d’une écriture propre. Encore eut-il fallu porter sur soi le même regard sans concession que celui qui débusque la bête immonde dans les propos d’autrui. Pour des motifs tactiques P.S. et EELV ont ouvert la boîte de Pandore des mesures visant à réguler l’immigration, LFI se lèche les babines le thème de la prochaine manif, c’est cadeau.
Les femmes se dévouent les soirs de défaites électorales, mais les échecs se sont masqués sous « le bruit et la fureur » et le destin du parti socialiste à devenir un autre parti « radical » n’a pas été contrarié par des accords opportunistes : une poignée de sièges pour préaux déserts.
Habitués à battre leur coulpe, les cathos de gauche dont le premier terme vacille et le deuxième s’efface, étaient plutôt engagés dans cette démarche d’âpre lucidité, ils sont devenus inaudibles. Cette indigence est le résultat de l’indulgence envers les glissements progressifs à l’œuvre à l’école depuis si longtemps. Le nombre d’heures de français décroit sans cesse, avec dissertations en voie de disparition et démonstrations en mathématiques défaillantes. Un formalisme comptable s’est installé en tous lieux au détriment d’un esprit critique nuancé, argumenté.Il est loin le temps où le citoyen se constituait dans l’écriture patiente de rédactions à l’évaluation certes bien plus subjective que des QCM en batteries, mais il pouvait trouver dans des découvertes persévérantes, personnelles, contradictoires, sa voie vers l’authenticité.
Dans un monde peuplé essentiellement de victimes, les dispensateurs de bonheur, même à ceux qui n’ont rien demandé, ne manquent pas de clientèle. Ils en arriveraient à se réjouir de l’injustice quand  les déclinologues ne sont pas les seuls à prospérer sur le malheur. 
« C'est le déclin quand l'homme se dit “Que va-t-il se passer ?”, 
au lieu de dire “Que vais-je faire ? »Jacques Chirac.

1 commentaire:

  1. J'avoue que ce dernier temps, je ris bien plus souvent, et c'est appréciable. Je trouve le monde tout aussi incroyable, vois le naufrage, la dérision adressée à ce que j'ai trouvé beau, ce qui m'a fait vivre, vibrer, m'a rendu heureuse, et... je ris enfin devant l'inconséquence de ceux qui essaient si mal de prendre la relève, de... changer de mode, d'apporter ce sempiternel "nouveau" qui nous fait carburer. Le rire vient spontanément, en lieu et en place du désespoir. Ce n'est pas un rire naïf, certes, c'est un rire teinté de désillusion, de désespoir, le rire des rabbins à la veille du pogrom, en quelque sorte. Le rire... des vieux ?
    Il vaut mieux ce rire, quand il peut être trouvé (et je ne sais pas combien de contrôle nous avons individuellement dans ce processus) que les "coeurs durs", l'âpre désespoir, et le pire de tout, le ricanement. Oui, le ricanement est le nadir dans la liste de nos réactions possibles (une petite pensée...j'espère que mon rire n'est pas un ricanement...).
    Pour pointer le doigt avec toi, oui, faire un monde qui passe sous silence la rédaction, la capacité de formuler sa pensée dans un français clair, intelligible, correct, un monde qui mesure la.. MAITRISE des connaissances par des questions à choix multiples (qui mesurent surtout la capacité de deviner entre des réponses DEJA FOURNIES, celles qui sont les bonnes), cela déjà s'apparente à un enterrement de notre grandeur... passée, au nom des sempiternelles litanies sur l'égalitarisme (une maladie plus insidieuse que le fachisme, mais une maladie quand même), et l'inclusion.
    L'art de... justifier le déclin ?...
    Je n'oublie pas que déjà avant la révolution française les économistes français lorgnaient du côté de la Chine avec leur idéal de créer un monde où nous serions tous interchangeables, remplaçables, et... corvéables à merci ? TOUS... LES MEMES, même, parce que l'égalité quand on est tous les mêmes, c'est beaucoup plus facile. Pouah. Très peu pour moi.

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