a donné d’emblée quelques précisions à partir d’un premier « Autoportrait » de
l’inclassable artiste né près de Minsk (Biélorussie) en 1883 ou 84. La présence
d’un personnage au dos de la toile rappelle les difficultés de Soutine à
accepter que quelqu’un le regarde travailler et d’autre part la grande misère
qui le conduisit à peindre sur des toiles déjà utilisées.Il est le dixième enfant d’une famille de
onze très pratiquante dont le père était ravaudeur. La religion juive interdisant toute figuration,
il est roué de coups quand il représente un rabbin. « L’homme au chapeau » n’est pas le portrait en question, car
il ne reste aucune trace de ses travaux de jeunesse, mais ce témoin d’une
religion exigeante, aux mains puissantes, garde aussi en fond les dorures des
icônes orthodoxes.
Sa vie est aussi difficile à Vilnius (Lituanie), où ses
parents lui fournissent un pain par semaine, qu’à ses débuts à Paris. Les
fourchettes se tendent avidement vers les poissons dans « Nature morte aux harengs ». Il arrive en terre promise, dans le quartier du Montparnasse
qui vient de supplanter Montmartre, soutenu par Chagall et celui qui deviendra
son ami, Modigliani.
Il fréquente les musées, « Le bœuf
écorché » de Rembrandt
le fascine.
Sous le même nom il produit une série, elle le fâche avec ceux qui
l’hébergent, quand il entrepose des carcasses impropres à la consommation arrosées
de sang frais.
Ses natures mortes insistent sur l’issue de la vie et reflètent
sa pauvreté.« Les
Perdrix au volet vert »Les « Glaïeuls » finissent
fanés.
Il détruit de nombreuses toiles. Il signe parfois mais ne
date pas ses portraits qu’il nomme « figurines ». Il est en
phase avec Picasso
, tous deux considèrent Cézanne comme leur père à tous et pense que l’art n’est pas fait pour
décorer.Il ne se ménage pas dans un autre « Autoportrait »pas plus qu'il ne ménage un de ses hôtes « Portrait
du sculpteur Oscar Miestchaninoff » bien
calé dans son fauteuil. « La femme folle » entrevoit un monde au-delà
de notre vie quotidienne.Au bord de la Méditerranée, il multiplie les
paysages : « La maison blanche ».L’« Arbre au vent » possède
des racines solides et des branches énergiques.Les maisons sont fragiles prises dans le mouvement
circulaire de la nature
« Paysage avec maison et arbre ».Devant « Le petit pâtissier » (1922/23)
le collectionneur Barnes a un coup de foudre.
A partir de ce moment là,
« le peintre maudit » voit le prix de ses œuvres multiplié par dix.Le « Portrait de Madeleine Castaing »
(1929) une de ses mécènes, parait presque sage en regard de «
La déchéance » (1920/21),alors que l’ « « La colline à Céret »
se cabre, la terre est houleuse.
Des historiens de l’art discernent chez l’ « emmuré
vivant dans la peinture » un précurseur de l’expressionnisme.
« Le marchand
Sborowski rapporte de Soutine : « Savez-vous comment il peint ?
Il s’en va par la campagne où il vit comme un misérable, dans une sorte
d’étable à cochons. Il se lève à trois heures du matin, fait vingt kilomètres à
pied chargé de toiles et de couleurs pour trouver un site qui lui plaise et
rentre se coucher en oubliant de manger… C’est la lumière d’avant l’aube que
cherche Soutine. L’instant où la nuit bascule dans le jour comme basculent les
éléments de ses tableaux. Il ne trouve le regard juste, la juste maîtrise de sa
main, de son pinceau, qu’au terme d’une immense fatigue physique, comme
certains mystiques ne trouvent la révélation et la jouissance qu’au terme d’une
souffrance extrême »
Tout compte fait, c'est bien qu'il y ait des musées de la nation pour l'oeuvre de Soutine. Je n'aimerais pas l'avoir dans mon salon. Je ne la vois pas dans une église non plus (encore que... le rétable de Grünewald est pas mal dans son genre, hmmm).
RépondreSupprimerBien pour les musées.
C'est le moment de dire que je lis les mémoires de jeunesse d'Arthur Rubenstein qui était vraiment à dix milles lieux de Soutine...
Heureusement que les coups de foudre existent, n'est-ce pas ? (Existent-ils toujours ? probablement.)