Du temps de Guy Mollet et des dictées souvent signées Guy de
Maupassant, mes camarades de classe s’amusaient de notre prénom commun, alors
il serait temps que sur ce blog à la dénomination désuète figure une chronique consacrée à celui qui était né pile un siècle avant moi (1850).
Je me souviens que son récit fulgurant : « La
ficelle » m’avait servi pour introduire une leçon de morale sur « la
médisance» lors de mon C.A.P. d’instituteur.
Onze nouvelles parmi trois cents accompagnent «Boule de suif» dont Flaubert avait dit que c’était un
chef d’œuvre. Elles sont d’une efficacité souveraine, d’une densité
remarquable.
Pas étonnant que les adaptations se soient multipliées, tant
la structure des tableaux est charpentée avec des dialogues d’une grande
authenticité et des portraits vivement brossés.
« La femme, une
de celles appelées galantes, était célèbre par son embonpoint précoce qui lui
avait valu le surnom de Boule de Suif. Petite, ronde de partout, grasse à lard,
avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareils à des chapelets de
saucisses ; avec une peau luisante et tendue, une gorge énorme qui saillait
sous sa robe, elle restait cependant appétissante et courue, tant sa fraîcheur
faisait plaisir à voir. »
Les descriptions fines et profondes vont au cœur du réel,
sans s’attarder : nous sommes pendant la guerre de 70 en Normandie où la
tragédie est familière.
« Un calme
profond, une attente épouvantée et silencieuse avait plané sur la cité ; la vie
semblait arrêtée, les boutiques étaient closes, la rue muette ; l'angoisse de
l'attente faisait désirer la venue de l'ennemi… »
Le style virtuose passe de la légèreté la plus heureuse à la
noirceur la plus incurable.
« Le capitaine se
tut. Je ne répondis rien. Je songeais à l’étrange pays où l’on pouvait voir de
pareilles choses ; et je regardais dans le ciel noir le troupeau
innombrable et luisant des étoiles. »
Les conclusions sont à l’image de sa propre vie dont il prédisait
la fin dramatique:
« Je
suis entré dans la littérature comme un météore, j’en sortirai comme un coup de
foudre. »
Je viens d’emprunter à la bibliothèque une BD de Battaglia adaptateur d’autres géants
et ce volume consacré aux «Contes et
nouvelles de guerre» est vraiment en accord avec l’écriture de Maupassant :
« un style
concis, époustouflant de précision, dissèque l’âme humaine jusqu’aux tréfonds,
dans ses faiblesses insignes et ses surprenants courages… »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire